Mardi 14 janvier, l’association évangélique internationale Portes Ouvertes alertait sur la fermeture de toutes les églises protestantes évangéliques, à l’exception d’une seule, en Algérie. Ces 47 lieux de culte ont officiellement été jugés « non conformes à la réglementation » par les autorités, au grand dam des fidèles obligés de prier chez eux.
Comme un peu partout en Algérie, l’Église protestante d’Akbou, en Kabylie, où elle avait ses habitudes, a été fermée par les autorités algériennes depuis plusieurs années pour « non-conformité avec la loi ». En conséquence, Dalila et sa famille préfèrent prier à la maison. « Tous les coreligionnaires de la région se retrouvent chez une famille et prient ensemble ; ce qui compte, c’est de communiquer avec Dieu », dit-elle sereinement.
Si ces familles se réunissent dans des endroits privés pour prier, c’est qu’en dehors du siège principal de l’Église protestante d’Algérie (EPA) – la principale organisation protestante, historiquement « reconnue » par le gouvernement en 2011 et fédérant des communautés de différentes tendances –, situé au cœur d’Alger et comprenant une église où peuvent encore se tenir des prières les vendredis et dimanche, il n’existe plus de lieu de culte protestant légalement ouvert dans le pays.
Sur 48 églises affiliées directement à l’association EPA et une dizaine d’autres qui étaient ouvertes sans attache, toutes sont désormais fermées. Jugés non conformes à la loi portant sur l’« exercice de culte non-musulman », ces lieux de culte ont été interdits d’accès par les autorités.
Création d’une commission spéciale
Selon des sources proches de l’EPA, cette décision a été justifiée par « l’absence d’autorisation » accordée aux associations censées gérer ces églises, une exigence prévue dans la loi de 2006 sur « l’exercice de culte non musulman ». Or des sources judiciaires soulèvent aujourd’hui le problème que « la loi ne précise pas qui doit délivrer ces autorisations ». Par conséquent, les fidèles basculent de fait dans une situation d’illégalité.
Devant la recrudescence des demandes, les autorités ont mis sur pied une commission chargée des « cultes non musulmans », affiliée au ministère des affaires religieuses, dans le but de statuer aujourd’hui sur les demandes d’ouverture d’églises. Mais « cette commission ne répond jamais » aux doléances des protestants, confie un avocat qui a suivi des dossiers de certains de ces prévenus.
Aujourd’hui, une source proche du président de l’EPA confirme toutefois que les contacts ne sont jamais rompus avec le ministère de l’intérieur. « Nous sommes en train de remplir toutes les exigences des autorités pour nous permettre d’ouvrir nos églises », assure cette source. En attendant une réponse de l’administration, certains fidèles tentent de trouver des alternatives en organisant par exemple des prières dans des garages ou des maisons isolées.
Mais les autorités ne laissent rien passer, et de nombreux protestants se retrouvent poursuivis en justice. Président depuis 2020 de l’EPA, le pasteur Salah Chalah a lui-même été condamné en appel à six mois de prison avec sursis. Il a introduit un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême, plus haute juridiction algérienne, qui devra statuer sur son cas dans les prochaines semaines.
Son vice-président, Youssef Ourahmane, rattaché à l’église d’Oran (Ouest) a écopé, lui, d’une peine d’un an de prison ferme. Ces restrictions touchent même les administrateurs de pages sur les réseaux sociaux dont certains ont été condamnés. Le gouvernement algérien a souvent invoqué là encore un « non-respect de la réglementation » pour justifier ces fermetures.
Problème de conformité ?
L’Église protestante d’Algérie (EPA) existe depuis 1974 et n’a cessé de voir le nombre de ses fidèles augmenter ces dernières décennies. Ses locaux, situés dans le centre-ville d’Alger, existent toujours et elle s’est conformée à la loi algérienne, selon ses responsables. Mais son statut reste flou depuis la loi de 2006.
Malgré un « relâchement de la répression ces derniers mois » comme l’atteste une source très proche du pasteur Salah Chalah, beaucoup de protestants se cachent pour prier ou n’affichent plus leur identité religieuse. Au-delà de la répression des autorités, ils sont exposés à l’intolérance croissante de la société algérienne dans certaines régions où ces nouveaux convertis – la majorité étant d’anciens musulmans – sont très mal vus, atteste Dalila qui se réjouit que dans son village, « les gens [les] acceptent désormais » après des débuts difficiles.
Ailleurs dans le pays, les autorités semblent afficher une plus grande tolérance vis-à-vis de l’Église catholique. Le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, a ainsi été récemment reçu par le président Abdelmadjid Tebboune et certaines messes, célébrées lors de fêtes religieuses importantes comme la Pentecôte au sein de la Basilique Notre-Dame d’Afrique ou celle du Sacré-Cœur au centre de la capitale algérienne, sont retransmises en direct par la chaîne francophone de la radio publique algérienne.
Ses basiliques et centres diocésains continuent sur le territoire de travailler normalement, même si certains responsables de l’institution religieuse regrettent notamment de ne pas pouvoir s’étendre au-delà des lieux de culte « historiques ».
(1) le prénom a été changé

Un homme marche parmi les débris d’une église incendiée, le mardi 12 janvier 2010, dans la ville de Tizi Ouzou, à environ 100 kilomètres à l’est d’Alger.OUAHAB HEBBAT / AP
- Akli Ouali, correspondant à Alger (Algérie
Comme un peu partout en Algérie, l’Église protestante d’Akbou, en Kabylie, où elle avait ses habitudes, a été fermée par les autorités algériennes depuis plusieurs années pour « non-conformité avec la loi ». En conséquence, Dalila et sa famille préfèrent prier à la maison. « Tous les coreligionnaires de la région se retrouvent chez une famille et prient ensemble ; ce qui compte, c’est de communiquer avec Dieu », dit-elle sereinement.
Si ces familles se réunissent dans des endroits privés pour prier, c’est qu’en dehors du siège principal de l’Église protestante d’Algérie (EPA) – la principale organisation protestante, historiquement « reconnue » par le gouvernement en 2011 et fédérant des communautés de différentes tendances –, situé au cœur d’Alger et comprenant une église où peuvent encore se tenir des prières les vendredis et dimanche, il n’existe plus de lieu de culte protestant légalement ouvert dans le pays.
Sur 48 églises affiliées directement à l’association EPA et une dizaine d’autres qui étaient ouvertes sans attache, toutes sont désormais fermées. Jugés non conformes à la loi portant sur l’« exercice de culte non-musulman », ces lieux de culte ont été interdits d’accès par les autorités.
Création d’une commission spéciale
Selon des sources proches de l’EPA, cette décision a été justifiée par « l’absence d’autorisation » accordée aux associations censées gérer ces églises, une exigence prévue dans la loi de 2006 sur « l’exercice de culte non musulman ». Or des sources judiciaires soulèvent aujourd’hui le problème que « la loi ne précise pas qui doit délivrer ces autorisations ». Par conséquent, les fidèles basculent de fait dans une situation d’illégalité.
Devant la recrudescence des demandes, les autorités ont mis sur pied une commission chargée des « cultes non musulmans », affiliée au ministère des affaires religieuses, dans le but de statuer aujourd’hui sur les demandes d’ouverture d’églises. Mais « cette commission ne répond jamais » aux doléances des protestants, confie un avocat qui a suivi des dossiers de certains de ces prévenus.
Aujourd’hui, une source proche du président de l’EPA confirme toutefois que les contacts ne sont jamais rompus avec le ministère de l’intérieur. « Nous sommes en train de remplir toutes les exigences des autorités pour nous permettre d’ouvrir nos églises », assure cette source. En attendant une réponse de l’administration, certains fidèles tentent de trouver des alternatives en organisant par exemple des prières dans des garages ou des maisons isolées.
Mais les autorités ne laissent rien passer, et de nombreux protestants se retrouvent poursuivis en justice. Président depuis 2020 de l’EPA, le pasteur Salah Chalah a lui-même été condamné en appel à six mois de prison avec sursis. Il a introduit un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême, plus haute juridiction algérienne, qui devra statuer sur son cas dans les prochaines semaines.
Son vice-président, Youssef Ourahmane, rattaché à l’église d’Oran (Ouest) a écopé, lui, d’une peine d’un an de prison ferme. Ces restrictions touchent même les administrateurs de pages sur les réseaux sociaux dont certains ont été condamnés. Le gouvernement algérien a souvent invoqué là encore un « non-respect de la réglementation » pour justifier ces fermetures.
Problème de conformité ?
L’Église protestante d’Algérie (EPA) existe depuis 1974 et n’a cessé de voir le nombre de ses fidèles augmenter ces dernières décennies. Ses locaux, situés dans le centre-ville d’Alger, existent toujours et elle s’est conformée à la loi algérienne, selon ses responsables. Mais son statut reste flou depuis la loi de 2006.
Malgré un « relâchement de la répression ces derniers mois » comme l’atteste une source très proche du pasteur Salah Chalah, beaucoup de protestants se cachent pour prier ou n’affichent plus leur identité religieuse. Au-delà de la répression des autorités, ils sont exposés à l’intolérance croissante de la société algérienne dans certaines régions où ces nouveaux convertis – la majorité étant d’anciens musulmans – sont très mal vus, atteste Dalila qui se réjouit que dans son village, « les gens [les] acceptent désormais » après des débuts difficiles.
Ailleurs dans le pays, les autorités semblent afficher une plus grande tolérance vis-à-vis de l’Église catholique. Le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, a ainsi été récemment reçu par le président Abdelmadjid Tebboune et certaines messes, célébrées lors de fêtes religieuses importantes comme la Pentecôte au sein de la Basilique Notre-Dame d’Afrique ou celle du Sacré-Cœur au centre de la capitale algérienne, sont retransmises en direct par la chaîne francophone de la radio publique algérienne.
Ses basiliques et centres diocésains continuent sur le territoire de travailler normalement, même si certains responsables de l’institution religieuse regrettent notamment de ne pas pouvoir s’étendre au-delà des lieux de culte « historiques ».
(1) le prénom a été changé

Un homme marche parmi les débris d’une église incendiée, le mardi 12 janvier 2010, dans la ville de Tizi Ouzou, à environ 100 kilomètres à l’est d’Alger.OUAHAB HEBBAT / AP
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