De Boualem Sansal — condamné jeudi à cinq de prison — à la coopération judiciaire et migratoire, un dialogue discret a été renoué.
Les faits -
Jeudi, le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger, a condamné Boualem Sansal — en détention depuis novembre — à cinq ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars (environ 3 500 euros). Une lourde peine pour l'écrivain algéro-français. Tous les regards se portent dorénavant sur le président Tebboune, qui peut exercer son droit de grâce.
Abdelmadjid Tebboune travaille à un scénario de désescalade avec la France. Les appels du pied lancés à Emmanuel Macron pour renouer le dialogue en sont un signe palpable. Ce dernier a aussi appelé à la reprise du travail entre la France et l’Algérie et à une issue rapide permettant de libérer Boualem Sansal.
La célérité de la justice algérienne pour tenir le procès de l’écrivain franco-algérien puis le condamner jeudi, moins d’une semaine plus tard, sont aussi un indice de la volonté de refermer ce dossier judiciaire. Les proches de l’écrivain sont plutôt optimistes à l’image de ses amis Eric Fottorino et Kamel Bencheikh. « Pour qu’il y ait une grâce présidentielle, il faut une condamnation », a confié le poète algérien à Radio France. Celle-ci est lourde — cinq ans d’emprisonnement — mais deux fois moins que la réquisition du procureur. « La justice a fait son travail, assure-t-on dans l’entourage de la présidence algérienne. Le président Tebboune peut dorénavant s’exprimer à n’importe quel moment et exercer ou non son droit de grâce, mais ce n’est pas à l’extrême droite française de lui fixer un agenda et une conduite. »
Ecrivain et journaliste franco-algérien, Slimane Zeghidour, l’a expliqué en d’autres termes dans l’émission « C ce soir » : « Le meilleur moyen de ne pas faire libérer quelqu’un est d’en faire une injonction politique aux Algériens car toute l’anthropologie politique est faite sur la fierté d’avoir dit non à la France. »
Un temps, l’Italie s’est proposée comme intermédiaire pour obtenir la libération de Sansal. Le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a tâté le terrain lorsqu’il a été reçu par le président Tebboune, le 3 mars, et a essuyé un refus poli.
L’octroi d’une grâce dès dimanche à l’occasion de la fin l’Aïd, date à laquelle le chef de l’Etat fait chaque année des gestes à l’égard des prisonniers, paraît un peu prématuré
Propos calibrés. L’octroi d’une grâce dès dimanche à l’occasion de la fin l’Aïd, date à laquelle le chef de l’Etat fait chaque année des gestes à l’égard des prisonniers, paraît un peu prématuré. D’autres occasions se présenteront dans les prochains mois, notamment lors de « l’anniversaire de l’indépendance algérienne », le 5 juillet.
La condamnation de Boualem Sansal vise à dissuader d’autres personnalités qui voudraient remettre en cause la « réalité des frontières » algériennes. « Je n’ai pas mesuré l’impact que pouvaient avoir certaines de mes déclarations sur les institutions nationales et je n’avais nulle intention de nuire à l’Algérie », a affirmé l'écrivain lors de son procès, expliquant qu’il n’exprimait qu’une opinion personnelle comme il en a le droit. Des propos calibrés visant à s’attirer une certaine clémence.
Dorénavant, l’Algérie et la France peuvent s’atteler à reprendre le fil d’une relation quasi à l’arrêt depuis la reconnaissance par Emmanuel Macron de la marocanité du Sahara Occidental, en octobre. Anne-Claire Legendre, sa conseillère pour l’Afrique du Nord, a récemment effectué un déplacement discret à Alger. Et Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères, y est attendu autour du 11 avril pour rencontrer son homologue, Ahmed Attaf, et peut-être le chef de l’Etat. Une visite officielle, cette fois, qui permettra de discuter des nombreux dossiers comme la coopération judiciaire et migratoire, le partenariat sécuritaire et évoquer le sort de Boualem Sansal.
Pascal Airault
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