La bonne question en Algérie n'est pas celle du « Pourquoi il y a du terrorisme ? » mais celle « Comment se fait-il qu'il existe des terroristes ? », c'est-à-dire des gens qui ont moins peur de la mort que de la vie. Des Algériens qui croient que le Paradis les attend avec femmes gratuites, vins à flot et fruits sans saisons rien qu'en se tuant et en tuant les autres. Pour expliquer le cas du kamikaze, il y a eu débat : de la faute au chômage à la faute au temps et à l'Etat, tout a été dit, en insistant, comme de coutume au pays sur le concept du butin et du partage inégal de la rente, sur la piste économiste, celle de la pauvreté, du manque d'emploi ou de la misère. Cela arrange l'Etat que l'on pense qu'il s'agit d'un problème d'argent et pas un problème d'idée et de matrice monstrueuse. Dans le tas, on évite avec un consensus grossier, de dire que s'il existe des terroristes en Algérie c'est parce qu'on les fabrique : à l'école, dans la mosquée, avec l'ENTV, avec les discours de la Présidence et dans les cafés maures. En Algérie, l'islamisme horizontal, celui de la rokia et de brigades des moeurs (« celui qui censure les films de l'inspecteur Tahar comme ils ne l'ont pas été durant les années 70 » notera un malin) ne peut qu'aboutir à la fabrication de gens qui pensent que l'Occident est un vivier d'impies, le Mal est dans l'autre, Dieu encourage l'assassinat, le Paradis est pour nous, la mort rapide est un orgasme rapide, et qui ont grandi avec l'idée de restaurer l'âge d'or, libérer la Palestine, convertir les Algériens à un Islam plus pur et refuser la vie parce qu'elle est une débauche. On apprend ce genre d'idées à l'école, dès l'enfance, on le confirme en regardant l'ENTV ou en écoutant la matrice sociale locale vous encourager à la vertu capillaire de la barbe, et à l'intolérance pour « défendre l'Islam, sauver la pureté, défendre l'identité et encourager l'authenticité».
A la fin, vous vous retrouvez, à vingt ans, convaincu par l'histoire officielle que rien ne change qu'avec les armes et la force, que l'Islam, le vôtre, peut gagner en tuant, que votre arabité peut se vanter de son désert et de son verbe, que « la vie ici bas est pour eux et la vie de l'au-delà est pour nous » et que le meilleur moyen de plaire à Dieu, c'est de mettre en miette ses créatures. En Algérie, comme dans le monde arabe, le terrorisme a été fabriqué par un islamisme et une idéologie conservatrice religieuse elle-même fabriquée dès les premières années des indépendances. De la Nahda (Renaissance) à la Katibat (terroriste), le chemin est tortueux mais il a été encouragé par tous: de l'Etat au manuel scolaire. Des décennies après, avec des régimes encore bâtis sur un compromis entre le nationalisme et la courtisanerie des foyers les plus conservateurs, Zaouia, repentis, clergés religieux, etc, on ne peut obtenir au bout de la branche sur lequel on est assis que des kamikazes, pressés de plaire à Dieu avec des boucheries et d'obtenir le plus de femmes et d'éternité avec une ceinture d'explosifs. Ce que nous n'avons pas compris, ou que nous ne voulons pas comprendre, c'est que tout fabrique du «kamikaze» chez nous, sous nos yeux et sous nos oreillers. Cela met vingt ans à croître mais cela n'attire l'attention et l'interrogation que le jour de l'explosion.
Ce n'est pas le terrorisme qui est dans l'impasse, c'est nous : le kamikaze a son but qui n'est pas absurde à ses yeux. Ce sont les régimes et les victimes qui n'arrivent pas à comprendre de quel ventre est né le suicidaire. Certains le savent : si on fabrique une bombe en trois jours, il faut cependant un bon cursus scolaire dévoyé pour fabriquer un kamikaze. Il existe des dizaines d'autres pays pauvres, en crise, sous dictatures ou en mal de vie, mais on ne s'y explose pas dans les rues des villes. La raison est qu'on n'y apprend nulle part qu'on peut aller au paradis avec des armes et plaire à Dieu avec des explosifs. Cela s'apprend chez nous et la conséquence des intolérances premières, celle des conservatismes malheureux, de la chasse à la jupe courte et du remplacement du devoir de la terre par la construction de mosquées, ne peut qu'aboutir aux attentats et aux meurtres.
par Kamel Daoud
Quotidien d'Oran
A la fin, vous vous retrouvez, à vingt ans, convaincu par l'histoire officielle que rien ne change qu'avec les armes et la force, que l'Islam, le vôtre, peut gagner en tuant, que votre arabité peut se vanter de son désert et de son verbe, que « la vie ici bas est pour eux et la vie de l'au-delà est pour nous » et que le meilleur moyen de plaire à Dieu, c'est de mettre en miette ses créatures. En Algérie, comme dans le monde arabe, le terrorisme a été fabriqué par un islamisme et une idéologie conservatrice religieuse elle-même fabriquée dès les premières années des indépendances. De la Nahda (Renaissance) à la Katibat (terroriste), le chemin est tortueux mais il a été encouragé par tous: de l'Etat au manuel scolaire. Des décennies après, avec des régimes encore bâtis sur un compromis entre le nationalisme et la courtisanerie des foyers les plus conservateurs, Zaouia, repentis, clergés religieux, etc, on ne peut obtenir au bout de la branche sur lequel on est assis que des kamikazes, pressés de plaire à Dieu avec des boucheries et d'obtenir le plus de femmes et d'éternité avec une ceinture d'explosifs. Ce que nous n'avons pas compris, ou que nous ne voulons pas comprendre, c'est que tout fabrique du «kamikaze» chez nous, sous nos yeux et sous nos oreillers. Cela met vingt ans à croître mais cela n'attire l'attention et l'interrogation que le jour de l'explosion.
Ce n'est pas le terrorisme qui est dans l'impasse, c'est nous : le kamikaze a son but qui n'est pas absurde à ses yeux. Ce sont les régimes et les victimes qui n'arrivent pas à comprendre de quel ventre est né le suicidaire. Certains le savent : si on fabrique une bombe en trois jours, il faut cependant un bon cursus scolaire dévoyé pour fabriquer un kamikaze. Il existe des dizaines d'autres pays pauvres, en crise, sous dictatures ou en mal de vie, mais on ne s'y explose pas dans les rues des villes. La raison est qu'on n'y apprend nulle part qu'on peut aller au paradis avec des armes et plaire à Dieu avec des explosifs. Cela s'apprend chez nous et la conséquence des intolérances premières, celle des conservatismes malheureux, de la chasse à la jupe courte et du remplacement du devoir de la terre par la construction de mosquées, ne peut qu'aboutir aux attentats et aux meurtres.
par Kamel Daoud
Quotidien d'Oran
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