ou Comment un agent triple a organisé en 2003 en Turquie des attentats terroristes imputés à Al Qaïda
par Jürgen Elsässer, Traduit par Michèle Mialane, révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Source : Unter falscher Flagge: Wer ist Louai Sakra?
Ce texte est une adaptation par la revue autrichienne International Nr. 1/2009 de Terrorziel Europa. Das gefährliche Doppelspiel derGeheimdienste, par Jürgen Elsässer, Residenz Verlag, St. Pölten 2008, 344 S., 21,90 €
Sur l’auteur
Le fondamentalisme islamique est certes une réalité, mais son potentiel terroriste est avant tout une invention des services secrets usaméricains et britanniques, destinée à impliquer l’Europe de plus en plus profondément dans la guerre qu’ils mènent à l’échelon mondial.
La menace que représente Al Qaïda sert à justifier de attaques de plus en plus marquées contre les droits démocratiques. Un État entièrement sous surveillance, comme celui que décrit George Orwell dans « 1984 » n’est plus un cauchemar de science-fiction, mais un programme de gouvernement - au moins en Grande-Bretagne et en Allemagne.
Beyoglu est peut-être le quartier le plus européen d’Istanbul ; sur la promenade Istiklal Caddesi (Rue de l’Indépendance), les femmes en talons hauts et jupes courtes flânent dans les boutiques de luxe et les passages commerçants, nulle part de foulard, sans parler de voile. Des agences bancaires internationales et de compagnies aériennes, des hôtels select, des agences et des galeries d’art moderne donnent le ton : ici on est cosmopolite. Le quartier offre nombre d’attractions touristiques, dont la place Taksim avec l’opéra, la Tour Galata avec son panorama époustouflant, le palais Dolmabahce de l’époque du sultanat. À l’époque de l’Empire ottoman les minorités non-musulmanes et les résidents étrangers habitaient déjà ce quartier, et ce n’est guère étonnant qu’aujourd’hui encore presque toutes les représentations diplomatiques occidentales y soient concentrées. La banque HSBC après l'attentat
Les bombes d’Aladin
C’est non loin de là que les auteurs de l’attentat du 20 novembre ont frappé : une camionnette a pénétré à 11 heures (heure locale) dans le bâtiment du consulat britannique, puis une très forte détonation a retenti. Une partie de l’énorme bâtiment n’était plus que décombres. Les murs extérieurs se sont renversés sur la route et des masses de décombres ont endommagé les autos. Même le portail d’entrée, lourd de plusieurs tonnes, n’a pas résisté à l’explosion. Dans les rues environnantes les vitres ont volé en éclats. « J’ai cru que c’était un tremblement de terre, tout le bâtiment vacillait », raconte un membre du personnel turc qui se trouvait alors à l’office(1). Cet attentat a fait au moins 27 morts, dont le consul général britannique, Roger Short.
L’agence centrale de la banque britannique HSBC en Turquie, un bâtiment de 20 étages situé sur une artère principale à plusieurs voies, était au même moment victime d’un autre attentat. Un spectacle terrifiant: « Devant le bâtiment gisaient trois personnes, une autre devant l’entrée latérale, une cinquième sur le trottoir, tous méconnaissables, le visage noirci », raconte un passant au Stern. « Des bras et des mains arrachés parsemaient le sol » (2). Cinq jours plus tôt une auto transportant une bombe avait déjà explosé devant Neve Shalom, la plus grande synagogue d’Istanbul, et une autre devant celle de Beth Israel, dans le quartier de Bebiktab. Le 15 novembre était jour de sabbat, les édifices religieux étaient emplis de fidèles. 24 personnes ont été déchiquetées, en majorité des musulmans qui se trouvaient dans les mosquées voisines ou au travail dans les commerces des alentours. Ce furent les premiers attentats imputés à Al Qaïda en Turquie. Par la suite la justice devait inculper 173 islamistes. Le premier procès se solda par 7 condamnations à la perpétuité. Le plus connu des condamnés était un certain Louai Sakra.
La synagogue Neve Shalom après l’attentat
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