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L'islamisme en Algérie, quelles origines ?

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  • #76
    Le courant salafo-wahabbiste considere les zaouias et sufis comme une heresie.
    Meme des tombes(alors qu'elles etaient intactes pendant des siecles avant l'eclosion des wahabbites)de sahabas ont ete rases a terre en KSA.
    يا ناس حبّوا الناس الله موصّي بالحبْ ما جاع فقير إلا لتخمة غني¡No Pasarán! NO to Fascism Ne olursan ol yine gel

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    • #77
      sandaryo

      Je vois a quoi tu fais allusion, mais on ne peut pas dire que les pratiques de la revolution algerienne des années 50 était fondé sur une théorisation de l'islam.
      Quelles étaient ces pratiques ?
      Interdire aux revolutionnaires et aux membres combattants, de boire de l'alcol, mager dans la meme assiète et frequenter l'ennemis d'alors, car on ne pouvaient combattre un ennemi et adopter ses moeurs en meme temps était somme toute une vision logique.
      D'autant plus que le peuple algerien est predisposer à adopter ces interdits sans aucune difficulté puisque faisant partie integrante de lui meme et de sa culture ancestrale. Et cela tombait bien puisque cela avait une forte valeur d'une symbollique, qui ne pouvait que renforcer la barrière entre lui et l'ennemi d'alors. Mais ne peut etre considerer comme une pratique issue d'un islamisme théorique à l'echelle generale du pays.
      D'ailleur dans les differends compte rendu de la révolution algerienne et meme au congres de la sumam, il n'est nulle part fait allusion à une hypothetique republique musulmane d'Algerie, meme la devise "republique algerienne democratique et populaire" ne s'en inspire pas.
      Cette abscence de symbollique faisant reference à l'islam n'est pas propre à l'Algerie, aucun pays arabomusulman ne l'adopte, hormis l'Arabie Saoudite dont les raisons sont evidentes et le Maroc qui prends le soin d'inscrir dans sa devise "Dieu" sans pour autant etre un pays islamiste.
      Je pense meme que à cette epoque, dans les hautes spheres de la politique des dirigents d'alors (au lendemain des indépendances) faire reference à l'islam pour gouverner devait etre considerer comme ringard et dépassé jusque à l'avenement de Khomeiny. L'islam auquel ils fesaient allusion pendant la guerre n'etait qu'un moyen de legitimer la lutte au regard du petit peuple, le temps de prendre le pouvoir.
      Je ne dis pas que c'était calculé, mais ca ne pouvait pas leurs traverser l'esprit de gouverner avec la charia.
      .

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      • #78
        @btp

        Je peux comprendre que à l'epoque dont tu parle, qu'il était tout a fait logique et meme souhaitable d'eriger une politique sur des principes religieux, et d'eriger une force pour se defendre contre des incursions externes et non musulmanes, c'était crédible parceque on se battaient à armes egales.
        Mais comment expliquer que à l'air de la technologie ou il y a une disproportion de force qui crevent les yeux, les gens entrent en religion en masse pour se premunir contre une force qu'ils savent superieure.
        Vois-tu, certaines choses sont régies par des mécanismes directement en rapport avec le background culturel que peuvent avoir les individus et les sociétés dans lesquelles ils évoluent, et ça n'a absolument rien a voir avec la technologie ou un quelconque rapport de force.

        Ce qui est dit "islamisme" a notre époque est surtout une attitude, une vision des choses qui a pour base des facteurs internes aux sociétés musulmanes. L'aspect que tu évoque (celui de l'opposition a une influence externe) ne vient a vrai dire que comme un débouché et une suite, ce n'est pas l'essentiel même si ça en a l'air a notre époque car les médias (occidentaux bien entendu) s'intéressent essentiellement cet aspect la, car c'est celui qui les touchent directement.

        Dans ce cadre, il faut se dire que cette distinction séculier (donc politique) / religieux est totalement inconnue dans la culture islamique traditionnelle :œuvrer pour le bien de la société et pour la légalité et la légitimité politique c'est aussi œuvrer pour Dieu, et vice-versa.
        Dernière modification par Harrachi78, 07 juin 2009, 19h45.
        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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        • #79
          Concernant les Zaouias

          Il n'est pas faux de croire qu'elles aient été une des sources de l'islamisme moderne, ne serait-ce que par le fait qu'elle fasse partie des relais qui ont traditionnellement transmis et préservé l'Islam (ou une certaine forme de l'Islam) dans nos société au Maghreb.

          Certains individus qui en sont issus peuvent bien faire partie du courant rigoriste traditionnellement présent dans une société musulmane, et a travers lui et selon les circonstances de telle ou telle époque, une partie du courant en question peux se muer en un groupe plus compacte, plus activiste et parfois plus violent que ne le tolère l'équilibre habituel de ces mêmes sociétés.

          Ceci peut aussi arriver par réaction a une orientation contraire apparue dans dans la société, jugée trop peu conforme aux idéaux islamiques habituels aussi, et il va de soit que les Zaouias peuvent constituer un vivier pour de tels mouvements reactionnaires. Les Almoravides peuvent etre un exemple parfait d'un tel cas a mon avis.
          "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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          • #80
            voyez dans ces clips (Guerre de Tchetchénie), comment ces vieux peuples du Caucase utilisent la religion comme élement de résistance et d'identification civilisationelle face aux Gadjins ( Gadjins :Jap. "étrangers envahisseurs"), ici bien évidement les Gadjins sont les Russes, tandisque les tchetchenes sont un très vieux peuple caucasien, proche des tcherkesses, parents egalement des cultures Perses et turques :

            çeçen marşı



            La İlahe İllallah - Çeçen Klibi



            Eh bien l'Islam est utilisé comme fondement culturelle et surtout de résistance, ce n'est pas que les Tchetchenes sont des fondamentalistes ou des intégristes, c'est tout simplement naturel, face aux invasions étrangères, les peuples ont besoin d'éléments de cohesion, l'islam joue le rôle de ciment historique, identitaire, civilisationnel !

            On voyant ces clips Turco-tchetchenes (la tchetchenie avait été fortement soutenue par la turquie contre l'agression russe), vous pouvez tout simplement remonter le temps sur ce qui s'est passé en Algérie, autrefois, la religion a été le ciment et l'élément de cohesion et au nom de quoi la résistance s'est fait face aux envahisseurs Gadjins qui prennaient pieds sur le sol Algérien (Ottomano-Berbere) ! L'Islamisme politique bien évidement sort sacralisé par la guerre et les faits, la dynamique peut être utilisé à des fins politiques pour appuiyer des projets personnels ou communs...

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            • #81
              Quelques idées en vrac que je verse dans la discussion avec l’espoir de susciter des réactions instructives :

              Il est vrai que, quand on jette un regard rapide sur l'histoire du Maghreb, on constate que la religion a souvent (je n'ose pas dire toujours, ma culture historique étant limitée) servi comme couverture idéologique pour légitimer ou contester les pouvoirs en place, pour justifier l'action politique et militaire...

              Il est aussi arrivé que des oppositions politiques ou des conflits donnent naissance à des chiismes religieux. L’illustration la plus connue est l’issue de la bataille de Siffin (657 — 37 de l'Hégire) entre les troupes de Ali Ibn Abi Talib et de Mouawiya Ibn Abi Soufiane, avec la scission des partisans de Ali en Chiites et Kharidjites.

              Au Maghreb, les sécessions, les velléités d’autonomie par rapport aux pouvoirs khalifiens, les contre-pouvoirs et la succession des dynasties, se sont toutes appuyées sur la nécessité de revenir aux principes originels de l’Islam, la réinstauration du strict respect des préceptes religieux au plan moral notamment, la lutte contre les hérésies… A ce propos, l’illustration la plus significative c’est le mouvement lancé par Ibn Toummert et continué par son successeur Abdelmoumen Ibn Ali pour abattre la dynastie des Almoravides. Ce mouvement s’est appuyé sur la doctrine religieuse élaborée par Ibn Toummert pour dénoncer l’hérésie des Almoravides (pour Ibn Toummert, les Almoravides étaient des polythéistes en raison de leur anthropomorphisme « Tajsid al Khaliq »), l’incompatibilité des mœurs en vigueur avec l’Islam dans sa pureté originelle…

              On est alors tenté de voir l’islamisme contemporain comme la continuation de cette « traditionnelle » légitimation/déligitimation du pouvoir en place par le recours à l’argumentation religieuse. En effet, les islamistes contemporains ne répètent-ils pas à tout bout de champ qu’ils combattent le « Taghout », un pouvoir, selon eux, foncièrement anti-islamique, et n'appellent-ils au retour à l’Islam idéal et immaculé des origines ?

              Mais cette similitude n’est qu’apparente.
              Avant, on s’appuyait sur la religion soit pour combattre des adversaires politiques de l’intérieur de « Dar el Islam », soit dans des conflits avec des ennemis « extérieurs » (aux frontières avec « Dar el Harb »)… Au cours des deux à trois derniers siècles, cette séparation, territorialement parlant, entre les deux espaces tend à s’estomper. L’«adversaire intérieur» n'apparaît plus comme un simple hérétique mais comme l’allié (objectif) de «l’ennemi extérieur». Ce dernier est même puissamment présent à «l’intérieur».

              L’islamisme contemporain est né et s’est développé en réaction à un contexte particulier marqué par l’hégémonie de l’Occident dans tous les domaines : économique, politique, militaire, scientifique, technologique, culturel…
              Cette hégémonie s’est longtemps exprimée sous forme de colonialisme et de mise, des pays et des peuples musulmans, sous la tutelle des puissances occidentales.
              Le contexte est aussi marqué par l’incapacité des musulmans à contrer cette hégémonie parce que, selon les islamistes, dispersés entre une multitude d’Etats-nations. Pour eux, la solution passe d’abord par l’unification de la Oumma (avec liquidation préalable des Etats-nations sous quelque forme qu’ils se présentent) et l’éradication systématique de toute marque de l’occidentalisation dans les sociétés musulmanes.
              Cela suppose, au préalable, la liquidation des Etats-nations déclarés impies, une relecture littérale du Coran et de la Sunna et la réislamisation des sociétés musulmanes.

              Les principaux inspirateurs des islamistes sont Abou al A'la Mawdûdî (1903-1979) et Sayid Qotb (1906-1966).
              Quelques idées fondatrices de l'islamisme (Années 1950-60) :
              — Les sociétés musulmanes sont revenues à l'époque de la Jahilya d'où la nécessité de les réislamiser
              — Dieu est la source unique de l'autorité politique (Tawhid al Hakimiya ou Al Hakimya li Allah)
              — Il existe un devoir religieux (du même niveau que les 5 piliers de l'Islam) à réhabiliter : le Djihad (le devoir absent - Al Fardh al Ghaïb)


              __________________
              Dernière modification par benam, 24 juin 2009, 00h28.
              "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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              • #82
                Voici de larges extraits de l'introduction de l'ouvrage de Gilles Kepel "Jihad. Expansion et déclin de l’islamisme" (Ed. Gallimard – avril 2000)

                Partie 1
                ________________

                Le dernier quart du vingtième siècle a été marqué par l'émergence, l'ascension puis le déclin des mouvements islamistes — un phénomène aussi spectaculaire qu'inattendu. Alors que le reflux de la religion dans la sphère privée semblait un acquis définitif du monde moderne, l'expansion soudaine de groupes politiques qui voulaient proclamer l'État islamique, ne juraient que par le Coran, se réclamaient du jihad, combat sacré pour la cause de Dieu, et recrutaient leurs militants dans la population des villes, remit en cause bien des certitudes. Dans un premier temps, ils ont suscité un rejet horrifié : pour les intellectuels de gauche, dans le monde musulman comme en Occident, ils représentaient une variante religieuse du fascisme; pour les libéraux, la résurgence d'un fanatisme médiéval. Puis, à mesure que ces mouvements gagnèrent en importance, le désarroi toucha bon nombre de leurs critiques. À gauche, on se mit à découvrir qu'ils avaient une base populaire. Des marxistes, anciens ou récents, espérant trouver là l'implantation de masse qui leur avait fait défaut, parèrent les islamistes de vertus sociales, recherchèrent le dialogue politique, parfois se convertirent. À. droite, on notait qu'ils prêchaient l'ordre moral, l'obéissance à Dieu, l'hostilité aux impies — et donc aux matérialistes communistes et socialistes. On les encouragea, les finança généreusement quand il le fallut. Même si le regard du monde extérieur demeurait en majorité hostile, des voix en nombre croissant firent l'éloge d'un courant censé incarner désormais l'authenticité des musulmans d'aujourd'hui, la vérité ultime de leur civilisation, dans l'univers multiculturel de l'an 2000.

                […]L'analyse sociale, en repérant l'épaisseur et la complexité des phénomènes, rend caduque d'emblée l'opinion commune qui, se fondant sur des jugements de valeur, projette sur un mouvement idéalisé ou diabolisé, mais réduit à un fantasme sans véritable matière, des représentations préconçues et mal établies.

                Il y a vingt ans, pareille démarche était impossible. Aujourd'hui, elle est impérieuse. On arrive en effet au terme d'un cycle historique : les mouvements islamistes sont entrés, comme nous le verrons, dans une phase de déclin qui s'accélère depuis le milieu des années 1990. […] A posteriori, l'ère islamiste, entre le début des années 1970 et la fin du vingtième siècle, s'est avérée un révélateur des bouleversements considérables et dramatiques qu'a connus l'univers où elle est advenue, une génération après les indépendances. Elle a constitué, dans une large mesure, la phase de négation de l'époque antérieure, celle du nationalisme. Aujourd'hui, en l'an 2000, l'épuisement de l'idéologie et de la mobilisation islamistes ouvre la voie à un troisième moment, de dépassement. Cette phase qui débute avec le vingt et unième siècle verra sans doute le monde musulman entrer de plain-pied dans la modernité, selon des modes de fusion inédits avec l'univers occidental — notamment par le biais des émigrations et de leurs effets, de la révolution des télécommunications et de l'information […]

                Théorisé dès la fin des années 1960 par quelques idéologues (le Pakistanais Mawdoudi, l'Égyptien Qotb et l'Iranien Khomeini), le mouvement ne s'implante dans les sociétés que pendant la décennie suivante. L'ère islamiste débute véritablement dans les lendemains de la guerre israélo-arabe d'octobre 1973, remportée par l'Arabie Saoudite et les autres États exportateurs de pétrole — dont le prix bondit dans des proportions inouïes. Sa première phase, celle du basculement, est scellée par la révolution islamique de 1979. Autant l'Iran de Khomeini incarnera le pôle radical, galvanisant les masses et mobilisant les déshérités contre l'ordre injuste, autant la dynastie saoudienne, gardienne des Lieux Saints de La Mecque et de Médine, mettra sa fabuleuse richesse au service d'une conception conservatrice des rapports sociaux. Elle exalte le rigorisme moral et finance en son nom la diffusion à travers le monde de tous les groupes ou partis qui pourront s'en réclamer. D'emblée, le mouvement islamiste est double — et ce sera toute la difficulté de son interprétation. On y trouvera la jeunesse urbaine pauvre, issue de l'explosion démographique du tiers-monde, de l'exode rural massif et qui a accès, pour la première fois dans l'histoire, à l'alphabétisation. On y verra aussi la bourgeoisie et les classes moyennes pieuses. Celles-ci sont pour partie les héritières de familles marchandes du bazar et du souk marginalisées au moment de la décolonisation par les militaires ou les dynasties qui s'emparent alors du pouvoir. Elles sont également faites des médecins, ingénieurs ou hommes d'affaires partis travailler dans les pays pétroliers conservateurs. Rapidement enrichis, ils ont été tenus écartés du jeu politique. Tous ces groupes sociaux, que leurs ambitions et leurs visions du monde séparent, vont trouver, le temps d'une génération, dans le langage politique islamiste la traduction commune de leurs frustrations distinctes et la projection transcendante de leurs espoirs divers. Le discours en sera tenu par de jeunes intellectuels, frais émoulus, pour la plupart, des facultés scientifiques et techniques, inspirés par les idéologues des années 1960.

                Ainsi, dès la fin des années 1970, les principaux acteurs de la mouvance islamiste sont en place sur la scène politique de la majorité des pays musulmans. Ils apparaissent aussi dans l'espace régional où l'Arabie Saoudite d'un côté, l'Iran révolutionnaire de l'autre, vont se livrer une bataille féroce pour contrôler le sens à donner à l'islamisme même. Entre ces deux pôles, en Égypte, au Pakistan, en Malaisie, les gouvernements encouragent les militants en qui ils voient des alliés contre le socialisme, encore vivace, mais ne parviennent pas toujours à bridge la dynamique populaire qu'ils enclenchent — en témoigne l'assassinat du président Sadate au Caire, en 1981, par le groupe Al Jihad.

                Au début de la décennie 1980, l'islamisme se répand partout dans le monde musulman, où il devient la référence majeure débats sur l'avenir de la société : le caractère équivoque de son message, dans lequel peuvent se reconnaître aussi bien le capitaliste barbu que l’habitant des bidonvilles, facilite sa propagation. Cette seconde phase est celle de l’expansion fulgurante, mais aussi de l'aiguisement des contradictions. Sa référence religieuse, qui ne le rend comptable en définitive que dans l'au-delà, lui assure un délai de grâce par rapport à ses réalisations concrètes. En promettant de rétablir la société de justice des premiers temps de l'islam, l'État instauré par le Prophète à Médine, l'islamisme incarne une utopie d'autant plus attirante qu'elle s'oppose à des régimes précocement usés par la corruption, la faillite économique et morale, l'autoritarisme, la suppression des libertés publiques — l'ordinaire du monde musulman à cette époque.

                Le contrôle de cette force de mobilisation considérable ne laisse indifférente aucune des puissances régionales : certaines s'efforceront de la brider, d'autres de l'encourager, toutes d'intervenir en son sein. La révolution iranienne a en effet donné à songer aux gouvernants : en s'aliénant en bloc les religieux, le chah était isolé, privé de tout point d'appui dans la société. Khomeini a vaincu parce qu'il a su unifier, dans une dynamique irrépressible, le bazar, les pauvres, et même les classes moyennes laïques qui croyaient pouvoir disposer à leur gré de celui qu'elles prenaient pour un vieillard charismatique mais impotent. Tout l'effort des régimes au pouvoir dans les années 1980 consistera à dissocier les diverses composantes du mouvement islamiste. Ils donneront des gages à la bourgeoisie pieuse pour la détacher des couches populaires, redoutant que les émeutes récurrentes mais sans lendemain ne se transforment désormais en de nouvelles révolutions islamiques. En multipliant les concessions dans le domaine culturel et moral, les pouvoirs établis favoriseront dans l'ensemble le climat de la réislamisation dans une acception réactionnaire. Ils livreront en pâture les intellectuels laïques, les écrivains et autres « élites occidentalisées » à la vindicte des clercs religieux les plus rétrogrades, dans l'espoir que ces derniers donneront l'onction à leur mainmise sur l'État. L'Arabie Saoudite jouera un rôle central dans ce processus, distribuant ses largesses, suscitant vocations et allégeances, et « fidélisant » les classes moyennes pieuses grâce aux produits financiers offerts par le système bancaire islamique qui se structure à cette époque.
                Dernière modification par benam, 26 juin 2009, 18h45.
                "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

                Commentaire


                • #83
                  Partie 2 et fin

                  Extraits de l'introduction de l'ouvrage de Gilles Kepel "Jihad. Expansion et déclin de l’islamisme"


                  Partie 2 et fin
                  ________________

                  À l'échelle internationale, cette décennie est dominée par la lutte acharnée que se livrent la monarchie saoudienne et l'Iran de Khomeini. À l'exportation de la révolution que Téhéran pense sur le modèle des révolutions française et russe s'oppose la politique d'endiguement de Riyad — inspirée par le containment américain contre les Soviétiques durant la guerre froide. La guerre déclenchée contre l’Iran révolutionnaire en 1980 par Saddam Hussein avec la bénédiction des monarchies du Golfe et la bienveillance de l'Occident voit le maître de Bagdad, chef d'un parti laïque, mobiliser à ses côtés la religion pour en ôter le monopole à son adversaire. Téhéran à son tour utilise terrorisme et prise d'otages occidentaux, à travers le Hizballah libanais, pour faire basculer en sa faveur le rapport des forces, et perturbe le pèlerinage à La Mecque. Mais le principal terrain de ce conflit se déroule en Afghanistan. Le jihad que financent dans ce pays les pétromonarchies de la péninsule Arabique et la CIA a pour but explicite d'infliger à l'Union soviétique entrée à Kaboul en décembre 1979 un « Vietnam » qui précipitera sa chute. À l'échelle de l'islam, il a aussi pour fonction de détourner les militants radicaux du monde entier de la lutte contre le Grand Satan américain — à laquelle les incite Khomeini — et de les canaliser contre l'URSS. Le jihad afghan a une importance cardinale dans l'évolution de la mouvance islamiste à travers le monde. Il en devient la cause par excellence, à quoi s'identifient tous les militants, modérés comme radicaux. Il supplante, dans l'imaginaire arabe, la cause palestinienne et symbolise le passage du nationalisme à l'islamisme. Combattent en Afghanistan, outre les moujahidines originaires de ce pays, des « jihadistes » venus d'Egypte, d'Algérie, de la péninsule Arabique, d'Asie du Sud et du Sud-Est, qui constituent des « brigades internationales ». Surentraînés à la guérilla, vivant en milieu clos, ils élaborent une variante de l'idéologie islamiste axée sur la lutte armée, couplée à un rigorisme religieux extrême. Jusqu'en 1989, les services spéciaux saoudiens, pakistanais et américains sont convaincus de tenir sous contrôle ces « Freedom Fighters » barbus qui participent au grand combat contre l'Empire du Mal soviétique, et fournissent à la cause islamiste la plus exaltée une alternative par rapport à la révolution iranienne. Cette année-là, l'expansion du mouvement connaît son apogée : dans le soulèvement palestinien, l'Intifada, l'hégémonie de l'OLP est bousculée par Hamas; en Algérie, pionnier du tiers-mondisme, naît le Front Islamique du Salut — qui remportera sans appel les premières élections libres depuis l'indépendance; au Soudan, un coup d'État militaire fait de l'idéologue islamiste Hassan el Tourabi le maître du pays. En Afghanistan, l'Armée rouge se retire — consacrant la victoire du jihad et de son parrain saoudien — tandis que Khomeini, qui a dû signer l'armistice avec l'Irak, compense l'échec à exporter la révolution iranienne par la célèbre fatwa appelant à tuer Salman Rushdie. Par ce geste, il projette symboliquement l'espace de l'islam, l'Oumma, dans le monde occidental, en commençant par l'Europe de l'Ouest : le citoyen britannique Rushdie est décrété passible d’une peine de mort prononcée contre lui par un ayatollah iranien. La même année le port du voile par des collégiennes musulmanes en France déclenche un débat national qui exprime la percée de mouvements islamistes dans la jeune génération des enfants d'immigrés. Au même moment, la chute du mur de Berlin, prélude à l'effondrement du système communiste, permet à l'Oumma de se déployer politiquement au-delà du Rideau de Fer, incluant graduellement les nouveaux États musulmans d'Asie centrale, du Caucase, puis la Bosnie — au centre même de l'Europe. Enfin, la disparition du messianisme socialiste semble libérer un espace d'utopie où l'islamisme doit pouvoir s'engouffrer. Mais le sentiment d'expansion irrésistible qui caractérise alors cette idéologie et les mouvements qui s'en réclament repose sur des fondements sociaux extrêmement fragiles. L'alliance entre la jeunesse urbaine pauvre et les classes moyennes pieuses, scellée par les intellectuels qui élaborent la doctrine islamiste, résiste mal à des affrontements de longue haleine contre les pouvoirs établis. Ceux-ci s'emploient avec une efficacité croissante à dresser les deux composantes du mouvement l'une contre l'autre, en exposant l'antagonisme entre leurs aspirations concrètes, par-delà leur volonté commune mais floue d'instaurer l'État islamique et d'appliquer la chari'a.

                  Contrairement aux attentes des uns et aux appréhensions des autres, la dernière décennie du siècle n'a pas tenu les promesses des années 1980. Une actualité brûlante a propulsé sur le devant de la scène internationale des groupes aussi extrémistes que le GIA algérien et les Talibans afghans, ou l'improbable Oussama ben Laden. Paris comme New York ont subi des attentats spectaculaires perpétrés par des militants se réclamant de cette mouvance. Pourtant l'islamisme — comme amalgame de groupes sociaux différents soudés dans une idéologie commune — va commencer à se défaire, précipitant le déclin de l'ensemble. Les violences et la désagrégation marquent de la sorte les années 1990.

                  Le détonateur de ce processus a été l'invasion du Koweït par l'armée de Saddam Hussein en août 1990. En déclenchant la guerre pour faire main basse sur le coffre-fort koweïtien, le maître de l'Irak, ruiné par huit ans d'affrontement contre l'Iran, savait incarner une cause dans laquelle beaucoup d'Arabes comme de musulmans, notamment les démunis, se reconnaîtraient, face à l'égoïsme et aux habitudes somptuaires des pétromonarchies. En menaçant l'Arabie Saoudite, contrainte d'appeler à la rescousse une coalition internationale menée par les États-Unis, il révoquait la légitimité religieuse de la dynastie. Celle-ci avait dû inviter des militaires « infidèles » à souiller le sol prétendument sacré de ce pays. Elle ruinait sa prétention à garder le contrôle des Lieux Saints de l'islam. Ce faisant, l'offensive irakienne fit exploser le consensus islamiste qu'avait laborieusement bâti le système saoudien, et qu'il avait réussi à préserver face au maelström de la révolution iranienne. Toute la frange radicale du mouvement ainsi que la jeunesse urbaine pauvre qui s'identifiait à elle, se retournèrent contre le royaume et les réseaux internationaux qu'il contrôlait — dans lesquels étaient généralement impliquées les classes moyennes pieuses des divers pays musulmans. Outre la dissidence au nom d'Allah apparue sur le territoire saoudien même dès 1991, la désagrégation du conglomérat islamiste se manifesta dans toute son ampleur avec la dérive des « jihadistes » partis pour l'Afghanistan, et qui, depuis leur base de Peshawar, échappèrent désormais à tout contrôle, mordant les mains américaines et arabes qui les avaient nourris. Ivres du jihad, ces groupes, convaincus d'avoir, seuls, fait tomber l'Union soviétique, transposèrent l'expérience afghane à l'ensemble du monde, et imaginèrent pouvoir précipiter la chute des régimes « impies » de la planète, en commençant par les pays musulmans, Arabie comprise. Dès la chute de Kaboul aux mains de certains partis de moujahidines, en avril 1992, ils se disséminèrent, avec pour destination principale trois pays : la Bosnie, l'Algérie et l'Égypte. Dans chacun, ils tentèrent de transformer le conflit en un jihad dont ils assureraient le commandement. En Bosnie, ils ne parvinrent pas à « réislamiser » le sens de la guerre civile, et les accords de Dayton de décembre 1995 signèrent leur échec. En Algérie, grâce à leur participation aux maquis, ils apportèrent aux combattants islamistes une plus-value considérable en matière de technique guerrière, mais propagèrent une idéologie ultra-extrémiste, aboutissant à des exactions qui finirent par les couper des milieux sociaux qui leur avaient été les plus favorables. […]

                  À partir du printemps 1997 … un certain nombre de signes indiquent que plusieurs des acteurs sociaux de la coalition islamiste cherchent à sortir de l'impasse dans laquelle ils ont le sentiment que celle-ci les a conduits On en trouve [des] illustrations dans la plupart des pays où les mouvements islamistes ont été puissants, et où, partout, à leur idéologie déclinante commence à se substituer la recherche d'un pacte social nouveau, contracté avec les classes moyennes laïques, autrefois diabolisées. Il s'articule autour du respect des droits de l'homme ainsi que de l'aspiration à une forme musulmane de démocratie — un terme « occidental » encore voué à l'imprécation il y a peu dans les cercles islamistes. […] Il reste à voir comment ce mouvement évoluera, et, surtout, si les élites au pouvoir, qui bénéficient d'une opportunité historique pour promouvoir la démocratie dans les pays qu’elles contrôlent, sauront en saisir l’occasion, accomplir les sacrifices nécessaires pour élargir leur base sociale, ou persisteront dans une logique d'appropriation patrimoniale de l'État, annonciatrice de nouvelles tempêtes et de nouveaux désastres.
                  Dernière modification par benam, 26 juin 2009, 18h46.
                  "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                  • #84
                    Je n'ai pas les participations à ce fil. Mais la réponse est assez simple, l'islamisme n'a pu apparaître que quand l'Islam était menacé, cad pendant la colonisation. Avant l'arrivé des français l'Algérie était gouvernée par sharî`a l islâmiya. L'islamisme est une preuve que nos contrées ne sont plus islamiques. Si elles l'étaient il n'y auarait pas une frange d'intellectuels, de politiciens et de gens de la masse qui militerait pour le retour global de l'Islam dans les affaires spirituelles mais également temporelles.
                    Ceux qui ont mécru, n'ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte? Ensuite Nous les avons séparés et fait de l'eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas? S21 V30

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                    • #85
                      L'islamisme en Algérie, quelles origines ?


                      la réponse est simple: le vide culturelle hériter par la colonisation et la corruption héritier par l'ère socialiste.
                      Issen Rebbi

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                      • #86
                        Je n'ai pas les participations à ce fil.
                        C'est assez difficile tellement les opinions different.
                        A travers son histoire et depuis sa naissance l'islam fut attaquer et l'est toujours aussi bien de l'interieur que de l'exterieur. Je dirais meme que c'est sa raison d'etrer au regard des arguments qui sont les siens. D'ou une certaine islamisation active des sociétés qui l'adoptère d'une manière passive à des epoques differentes.
                        Il n'en reste pas moins que l'islamisation du 21 eme siecle est l'oeuvre de Khomeiny, d'autres l'ont evidement preceder dans le meme siecle, toutefois sans le retentissement que lui donna Khomeiny.
                        .

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                        • #87
                          L'Islam politique

                          "L'Islam politique" de Muhammad Saïd Al-Ashmawy est un livre qui a suscité des débats passionnés au Moyen Orient à la fin des années 1980.
                          Voici l'introduction de l'auteur à l'ouvrage :
                          _______________________
                          Partie 1

                          Introduction

                          Dieu voulait que l'islam fût une religion, mais les hommes ont voulu en faire une politique.

                          La religion est générale, universelle, totalisante. La politique est partielle, tribale, limitée dans l'espace et dans le temps. Restreindre la religion à la politique, c'est la confiner à un domaine étroit, à une collectivité, une région et un moment déterminés. La religion tend à élever l'homme vers ce qu'il peut donner de meilleur. La politique tend à éveiller en lui les instincts les plus vils. Faire de la politique au nom de la religion, c'est transformer cette dernière en guerres interminables, en divisions partisanes sans fin, c'est réduire les finalités aux positions recherchées et aux gains escomptés.

                          Pour ces raisons, la politisation du religieux ou la sacralisation du politique ne peuvent être que le fait d'esprits malveillants et pervers, à moins qu'ils ne soient ignorants. L'une et l'autre reviennent à fonder dans la religion l'opportunisme et la cupidité, à trouver des justifications coraniques à l'injustice, à entourer la délinquance d'une aura de foi, et à faire passer pour un acte de jihâd le sang injustement versé.

                          Lorsque le Prophète - que la prière et le salut de Dieu soient sur lui - dirigeait les affaires des croyants, chacun de ses faits et gestes, chacune de ses paroles étaient placés sous la direction et le contrôle de la Révélation divine. C'est ce qu'exprime la conviction musulmane selon laquelle c'était alors la Révélation divine qui gouvernait les croyants. Cependant en diverses occasions Muhammad démentit cette croyance : il affirma une fois que son action lui avait été dictée par la guerre et par sa propre réflexion tactique, et une autre, alors qu'il avait commis une erreur de jugement : «Vous connaissez mieux les affaires de votre monde». Et il est sans doute bien d'autres occasions à propos desquelles, si la question lui avait été posée, il eût répondu sans équivoque que sa décision ne lui était pas dictée par la Révélation, mais était le fruit de sa réflexion.

                          Il reste que le gouvernement du Prophète - si l'on peut dire, car le terme coranique est "émirat" (imâra) - est d'un genre bien particulier : c'est le gouvernement de Dieu, conformément à la Révélation divine. Ce gouvernant - cet "émir" - a été choisi par Dieu, sans que les gouvernés - les "croyants" - puissent remettre en cause ce choix. En prononçant la profession de foi islamique, ils remettent au Prophète la direction de leurs affaires. En outre, c'est un gouvernement d'arbitrage, auquel les hommes ont recours librement, et dont ils exécutent les sentences de leur plein gré, et non un gouvernement d'autorité qui, au nom de la loi, impose aux citoyens de recourir à ses représentants, d'obéir à leurs ordres et d'exécuter leurs prescriptions, fût-ce à leur corps défendant.

                          Le gouvernement du Prophète est donc le gouvernement de Dieu, fondé sur les valeurs religieuses et sur les principes moraux, et qui ne dévie jamais du côté des règles du comportement politique. Il ne peut exister que dans la mesure où existe un prophète, et il n'est point de prophète après Muhammad.

                          Le gouvernement (ou "l'émirat") de 'Umar b. al-Khattâb (634–644), le second des quatre premiers califes, les bien-dirigés, semble se situer hors des lois naturelles. Il apparaît comme une période idéale, rendue possible par un être et des circonstances exceptionnels, qui ne peuvent se reproduire, et de fait ne se sont jamais reproduits. Le Prophète disait de 'Umar qu'il était muhaddath ("celui qui reçoit une parole", c'est-à-dire inspiré, quasiment comme un prophète), que la vérité se trouvait dans son cœur et sur sa langue, et que s'il y avait eu un prophète après lui, c’eût été 'Umar : c'est dire à quel point ce fut un être d'exception, une sorte de visionnaire. Et de fait, il parvint à s'opposer, dans ses paroles et dans ses actes, à cette loi de la vie terrestre qui veut que lorsque le religieux se confond avec le politique ou se rapproche de lui, ce soit ce dernier qui l'emporte. Sous son autorité, les valeurs et principes religieux continuèrent de dominer, quoiqu'en eussent tous ceux qui, laissant le naturel l'emporter, paraient des vertus de la foi leurs appétits terrestres.

                          Mieux, 'Umar comprit comment l'islam devait être mis à jour pour suivre le cours des événements et préparer l'avenir, au besoin en allant à l'encontre de règles coraniques : ainsi lorsqu'il abrogea le mariage temporaire, et lorsqu'il supprima les droits à l'aumône des tribus tardivement ralliées à l'islam, quoique ces institutions fussent fondées sur des versets explicites. De même, il sut interdire aux conquérants l'appropriation des terres conquises, contre l'avis de la majorité des croyants, fondé sur le Coran et sur la tradition établie par le Prophète lors du partage des terres conquises dans l'oasis de Khaybar.

                          Après son assassinat, les choses devaient retrouver leur cours naturel. Car de même qu'en économie, selon la loi de Gresham, la mauvaise monnaie tend à chasser la bonne du marché, en politique les comportements bas tendent à supplanter les valeurs et les principes moraux élevés. Il peut arriver, en économie, qu'une autorité parvienne à arrêter pour un temps le jeu de cette loi, et fixe un prix imposé à la marchandise en cas de déséquilibre de l'offre et de la demande ; mais les lois économiques reprennent toujours le dessus, par le marché noir au besoin. De même en politique, il peut arriver qu'une autorité impose avec succès les valeurs religieuses ; mais dès lors que celles-ci sont mêlées à la politique, les lois de la vie terrestre reprennent inévitablement le dessus, le politique exploitant pour son propre compte tout ce qui relève du religieux.

                          On vit ainsi le successeur de 'Umar, `Uthmân b. 'Affân (644¬656), doubler les pensions versées aux combattants, puis autoriser les croyants les plus en vue à s'établir hors de Médine, ce que 'Umar avait toujours interdit, par crainte qu'ils ne se taillent des zones d'influence où ils se comporteraient en vice-rois, convoitant un butin toujours plus grand et rivalisant entre eux autour d'objectifs purement .politiques - ce qui ne manqua pas d'advenir. De plus, `Uthmân favorisa son clan, les Omeyyades, qui dominait La Mecque avant l'islam, et lui ouvrit les caisses du trésor public, suscitant l'opposition des Hashémites, menés par `Ali b. Abî Tâlib, à qui échut naturellement le califat (656-661) après l'assassinat de `Uthman. Depuis lors, l'histoire islamique est dominée par des conflits politiques de caractère tribal dissimulés sous le manteau de la religion. Ainsi en fut-il du conflit entre Omeyyades et Hashémites, puis du conflit entre Andes et Abbassides après qu'ils eurent ensemble renversé la dynastie omeyyade, et ainsi de suite.

                          En limitant le conflit politique au seul champ politique et en lui donnant son véritable nom, nous pouvons situer les choses en termes de vérité et d'erreur : le gouvernant, ou l'opposant, est soit dans le vrai, soit dans l'erreur. Mais dès que l'on introduit la dimension religieuse dans ce débat, il se déplace vers le terrain extrêmement sensible du licite (halât) et de l'illicite (harâm). Tout ce que dit et fait le détenteur du pouvoir devient licite et légitime, fondé sur le Coran et dans la sharî'a ; inversement., tout ce que dit et fait son adversaire est déclaré illicite et illégitime, et l'on emprunte au Coran et à la sharî'a les moyens de le réfuter.

                          C'est ainsi que tous les grands conflits politiques de l'histoire islamique ont reçu une formulation religieuse qui occulte leur caractère essentiellement politique. Chaque secte prétendait au monopole de la vérité et de la foi sincère, accusant les autres d'être dans l'erreur et de renier Dieu et la religion. Dans les divisions qui s'ensuivirent, les valeurs et les idéaux du Coran s'éclipsèrent sous le discrédit et la falsification, et les musulmans en revinrent aux mœurs antéislamiques : vaines gloires tirées de l'appartenance tribale et du lignage, querelles de mots ou de personnes, luttes acharnées pour l'appropriation des biens terrestres, et étourdissement dans les plaisirs des sens. Même les interdits les plus sacrés furent violés, comme celui qui entoure les morts : refusant qu'il soit enterré avec les musulmans, les meurtriers de 'Uthmfin b. 'Affan profanèrent sa dépouille mortelle puis l'inhumèrent dans le cimetière juif - il fallut attendre le califat de Mulwiya (661-680) pour que les deux cimetières soient réunis. La dépouille du petit-fils du Prophète, Husayn b. 'Ali fut exposée pour servir d'exemple. Celle de Zayd b. 'Ali Zayn al-‘Abidin fut exhumée et clouée à un gibet jusqu'à décomposition. Après leur victoire, les Abbassides exhumèrent les corps des califes omeyyades et les firent flageller. Abul-‘Abbâs al-Saffâh, le premier Abbasside, invita à son palais ceux des Omeyyades qui avaient survécu et les fit exécuter de la plus atroce façon ; puis il fit étendre sure leurs corps encore chauds tapis et nappes, mangea avec ses lieutenants, et après s'être repu, déclara n'avoir jamais fait repas plus exquis.

                          Ces comportements païens, totalement étrangers à l'islam, sont malheureusement une caractéristique constante de son histoire politique depuis la mort de 'Umar, à l'exception du règne de `Ali b. Abi Tâlib (656-661), qui se déroula dans la confusion, et de celui, trop court, de 'Umar b. 'Abd-al-4Aziz (717-720). Or pour toutes sortes de raisons, beaucoup de musulmans et de non-musulmans vivent avec la conviction que ce système politique fait partie intégrante de l'islam, voire qu'il est un des piliers de la foi. Cette confusion entre l'islam et sa manifestation politique peut bien s'étendre sur quatorze siècles, elle n'en repose pas moins sur une erreur. A cause d'elle, l'histoire islamique est devenue l'histoire des luttes entre tribus, entre principautés — à l'exemple des taifas de l'Espagne musulmane —, entre sectes et entre nationalités. Et comme tous ces conflits puisaient dans la religion une forte charge émotive, ils n'en étaient que plus violents.
                          "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                          • #88
                            Islam politique 2

                            Islam politique - Partie 2

                            ___________________________

                            A la faveur de cette confusion, le calife, au lieu d'accéder au pouvoir par le serment d'allégeance, l'élection ou une procédure similaire, se transforma, de jure ou de facto, en représentant de Dieu, infaillible et despotique, détenteur du droit de vie et de mort sur ses sujets et propriétaire patrimonial de l'Etat. Cela eut une influence considérable sur la jurisprudence islamique (fiqh). Des juristes, se faisant les serviteurs des gouvernants, faisaient passer leurs fautes pour des bonnes œuvres, fermaient les yeux sur leurs vices et prononçaient contre leurs ennemis et adversaires des fatawi-s les qualifiant d'infidèles, d'athées, et de corrupteurs, afin que leur sang puisse être légalement versé. En outre, pour défendre et justifier les agissements du calife, ils lui appliquaient les versets coraniques adressés au Prophète, d'où cette confusion désastreuse établie par la pensée islamique entre la dignité de Prophète et la fonction de calife. D'autres juristes, préférant rester à l'écart du pouvoir, évitèrent de réfléchir sur tout ce qui touche de près ou de loin à l'autorité et se détournèrent du droit public pour se consacrer à des questions futiles comme les cas d'impureté de nature à interdire la prière, etc.

                            Ainsi, tandis que d'un côté le fiq’h se tenait à distance de tout ce qui touche au pouvoir, de l'autre, il l'organisait en fonction du seul souci de plaire à son titulaire : au bout du compte, il devait rester sans théorie politique claire, sans système politique élaboré. Cette attitude marque encore de nos jours la raison islamique, qui préfère s'intéresser à la personne du dirigeant, à ses qualités morales - fussent-elles contestables - sans comprendre la nécessité d'élaborer un système politique clair et juste, fonctionnant selon des procédures précises et bien définies, dans lequel le dirigeant, ne soit que la façade, la partie visible du système, active et influente certes, mais qui ne saurait en tenir lieu.

                            Au niveau de la société civile, la politisation du religieux ou la sacralisation du politique a divisé les musulmans en factions et en sectes, chacune se prévalant de tel verset coranique et de tel hadith et s'abritant derrière les opinions de ses chefs et les fatwâ-s de ses juristes. De violents conflits les ont opposées, dont les enjeux apparemment religieux - on s'accusait couramment d'infidélité, d'athéisme et de corruption - étaient en réalité politiques. Ces injustices politiques sanglantes, toujours fondées dans la sharî'a et justifiées par les fatwâ-s, ont amené les musulmans à se retirer de la vie publique pour se consacrer à leurs affaires privées. Ainsi s'est perdu l'intérêt pour l'action publique, le sens du sacrifice pour la collectivité, l'esprit d'initiative et de solidarité. Chacun s'est renfermé sur ses intérêts particuliers, sur sa famille et son entourage, d'où l'égoïsme, la lâcheté, la corruption, la délation, la flatterie, l'opportunisme, et surtout l'absence de tout projet, de toute vision d'avenir. D'où encore le déchirement de la personnalité islamique entre le dire et le faire, l'être et le paraître, ce qui est tenu secret et ce qui se dit en public.

                            Telle fut la condition de l'islam et des musulmans jusqu'au 3 mars 1924, date à laquelle Mustafa Kemal Ataturk abolit le califat, cette institution dans laquelle s'étaient cristallisées toutes les catégories de la politique religieuse. A partir de là, les mouvements visant à politiser la religion et à sacraliser la politique prirent une autre forme, plus dangereuse encore. En effet, le califat aboli, tout le monde s'en disputa l'héritage : des maisons régnantes y aspiraient, et certains groupes apparurent qui demandèrent son rétablissement au profit de telle ou telle maison, ou de tel ou tel de leurs chefs. Dans la fièvre de la compétition, on vit des forces s'unir et s'opposer, des alliances se faire et se défaire... Tout, dans la vie politique, semblait trouble et confus : on ne distinguait plus qui était loyal ou déloyal, intéressé ou désintéressé, savant ou ignorant. Comme tous n'avaient qu'un seul objectif, hériter du califat à tout prix, de facto ou de jure, l'action islamique se concentra sur le mouvement politique, éteignant par là même la flamme de la religion et brisant son élan, au point d'étouffer le travail intellectuel et spirituel d'aggiornamento naissant dans la pensée islamique. Car un courant fondamentaliste rationaliste et spiritualiste à la fois, refusant les falsifications et les compromissions existait bien, mais la tendance politique, imprégnée des mœurs politiciennes et plongée dans le tumulte des divisions partisanes, paraissait occuper à elle seule tout le terrain et faisait tout pour empêcher son émergence.

                            Les slogans de la politique religieuse ont pris diverses formes : la souveraineté n'appartient qu'à Dieu (al- hakimyyiah lillâh), à l'exclusion des hommes – il faut un gouvernement religieux pour instaurer le régime islamique – il faut rétablir le jihad, "obligation absente", pour lutter contre les gouvernants et les intellectuels hostiles au mouvement et annexer le dâr al-harb au dâr al-salâm (ou dâr al-islam) – la société doit appliquer la sharî'a islamique, sinon la guerre lui sera déclarée – elle doit imposer le tribut aux non-musulmans, faute de quoi elle est païenne et impie – la solution islamique permettra de résoudre tous les problèmes de la société, nationale et internationale –l'islam est religion et Etat (d'in wa–dawla) – le musulman ne doit avoir d'autre nationalité que l'islam, d'autre allégeance qu'envers la communauté islamique (umma), à l'exclusion de sa patrie.

                            Toutes ces formules à l'emporte-pièce fonctionnent selon les règles de la propagande, à savoir la répétition et le martèlement jusqu'à l'endoctrinement, sans considération aucune pour les valeurs morales authentiques. Aussi nous a-t-il paru nécessaire de les discuter sur des bases scientifiques, pour montrer la distance qui sépare le fondamentalisme islamique politique et activiste du véritable fondamentalisme, qui sera rationaliste et spiritualiste.


                            Le cadre limité de cet essai ne nous permettant pas de traiter de certaines questions, il nous a semblé nécessaire, pour être complet, de les évoquer rapidement dans cette introduction.

                            1. La pensée musulmane a longtemps confondu, délibérément ou non, entre la nécessité pour la communauté des croyants d'être dotée • d'un gouvernement, et ce qu'elle a appelé tantôt le califat, l'imamat, ou le gouvernement islamique. Il va de soi que toute société a besoin d'un gouvernement. Tout groupe humain, même formé de trois personnes seulement, a besoin d'un chef, d'un émir, d'un commandant, pour des raisons que la philosophie politique moderne a longuement expliquées. De la même manière, l'éthologie a démontré l nécessité du commandement dans le règne animal.

                            Par le jeu de cet argument de nécessité, on occulte l'indispensable débat sur la nature et la forme que doit prendre ce gouvernement : sera-ce le gouvernement d'un seul, doté de la puissance absolue, ou un gouvernement établi sur des institutions déterminées, dans lequel le dirigeant n'est que la partie visible, la façade du système ? Qui est qualifié pour gouverner aujourd'hui, quand les institutions de l'Etat moderne se sont diversifiées et les sciences, y compris religieuses, se sont spécialisées au point que personne ne peut plus les posséder toutes ? Les seuls oulémas, ou bien tout bon musulman ? Les gouvernants doivent-ils être considérés, de jure ou de facto, comme infaillibles et sacrés, ou bien sont-ils de simples mortels ? Le gouvernement est-il responsable devant le peuple, ou bien seulement devant Dieu ? S'ils veulent établir la nécessité d'un gouvernement religieux qui soit l'apanage de quelques-uns, les musulmans ne peuvent plus faire l'économie de ces questions en recourant à l'argument de la nécessité du gouvernement dans toute société.

                            2. Il est d'une importance vitale, pour l'islam et les musulmans comme pour le reste de l'humanité, que se produise une renaissance islamique. Mais elle devra reposer sur le renouvellement et la modernisation, assimilant en profondeur le passé, le présent et l'avenir, les lois de la science et la logique de l'histoire. Il serait extrêmement grave, pour les musulmans et pour toute l'humanité, que l'islam soit vidé de sa dimension religieuse et se réduise à l'islam politique, car comme nous l'avons déjà vu, cela revient à transposer dans le champ religieux les procédés politiciens. De plus, le primat donné à l'action politique sur l'effort spirituel et intellectuel fait que ce qui aurait dû être une renaissance islamique n'est plus qu'une vague d'expansion, c'est-à-dire un mouvement purement matériel, aveugle et incontrôlable. Le moins étonnant n'est pas de voir que les leaders de la politique religieuse en sont conscients, puisqu'ils parlent eux-mêmes de "vague religieuse".

                            3 Il va de soi que tout Etat doit nécessairement reposer sur les principes et les valeurs religieuses de la majorité de son peuple. En ce sens, on peut interpréter la formule "l'islam est religion et Etat" comme signifiant simplement que l'Etat et la société doivent communier dans les mêmes valeurs religieuses et humaines. Ce qui impose à la société et à chacun de ses membres d'œuvrer avec sérieux et sincérité à asseoir ces valeurs, en actes et en paroles. Car ces valeurs et règles morales découlent des formes et des pratiques sociales, et ne peuvent être imposées d'en haut : les gouvernants sont à l'image des peuples, et "les hommes ont les chefs qu'ils méritent".

                            En distinguant politique et religion, nous voulons poser que l'action politique est le fait de simples mortels, ni sacrés ni infaillibles, et que les gouvernements sont les élus du peuple et non de Dieu. Qualifier cette distinction de tendance laïciste, c'est-à-dire athée, ne peut être que le fait d'un fanatisme partisan qui brouille les cartes et pratique l'amalgame. Car seule cette distinction peut servir et élever l'islam, empêcher son exploitation à des fins politiques et éviter les nombreuses erreurs qui jalonnent son histoire.
                            "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                            • #89
                              Islam politique - 3 et fin

                              Islam politique - Partie 3 et fin

                              ______________________

                              4. Il doit, être entendu que l'islam est autre chose que ses manifestations historiques, bonnes ou mauvaises. Ceci compris, on pourra correctement évaluer les problèmes : ainsi, le califat en particulier et le régime politique en général ne sont que des formes sociales concrètes apparues à côté de la religion et qui en ont revêtu les habits. Qu'elles soient totalement ou partiellement corrompues n'invalide pas pour autant l'islam en tant que religion. Au contraire, c'est la confusion entre ces deux niveaux qui, en permettant de mettre les méfaits des premiers au compte du second, corrompt et invalide l'islam. Dès lors que l'on aura bien séparé le fond de la forme, la religion de sa manifestation dans l'histoire, on pourra reconnaître les erreurs historiques et les formes corrompues, les séparer de l'islam, et envisager une pratique plus sage et plus saine.

                              Une étrange tendance est apparue, qui affirme que l'histoire islamique aurait été falsifiée : les Abbassides auraient déformé l'œuvre des Omeyyades, les shî'ites celle des sunnites, et ainsi de suite. On pourrait croire que cette idée émane de non-musulmans ou de la tendance musulmane dite laïciste, mais il n'en est rien : ce sont les partisans de la politisation de la religion qui, tels Œdipe qui s'était crevé les yeux pour ne pas voir la réalité, la défendent pour récuser certains faits témoignant des injustices commises par les successeurs des califes bien-dirigés ou par leurs lieutenants.

                              Or en prétendant dissimuler ces faits soi-disant défavorables à l'islam, on accroît les risques de les voir se reproduire, quand il faudrait au contraire les dénoncer et affirmer qu'ils sont contraires à l'islam. Pis, on ouvre la voie au rejet de tout le patrimoine islamique, car quand on accuse telle dynastie ou tel calife d'avoir falsifié l'histoire, cette accusation rejaillit sur l'institution califale et sur la umma toute entière, dans la mesure où elle implique que les califes n'ont pas vécu dans la crainte de Dieu et que la umma, au lieu de réfuter les calomnies, a bâti son histoire sur des illusions et des mensonges. Si cette accusation est fondée, faudra-t-il jeter au rebut l'Histoire de Tabarî (839-923) et celle de Ibn al-Athîr (1163-1239) au motif que leurs auteurs étaient à la solde du pouvoir et falsifiaient l'histoire ? Et qu'adviendra-t-il alors du Tafsîr de Tabarî, ce chef-d’œuvre de l'exégèse coranique ? A quelle œuvre musulmane pourra-t-on continuer de se référer ? Nos modernes Oedipe peuvent bien se crever les yeux, cette accusation est dénuée de tout fondement. Le musulman authentique dans sa foi doit refuser tout ce qui est contraire à l'islam et à la sharîa, même si cela émane de dignitaires, même si cela semble vrai à force d'avoir été ressassé.

                              5. Le Tiers-monde, dont font partie l'Egypte et tout le Moyen-Orient, traverse de graves crises économiques et sociales, dues largement au dérèglement du pouvoir politique et de l'administration dans ces pays depuis les années cinquante et à l'absence de cohésion sociale et de nouvelles valeurs. Par manque de sérieux ou de maturité, par irréalisme ou par ignorance, le pouvoir politique a trop souvent dilapidé les richesses et épuisé les forces vives de la nation, sans se soucier de développement véritable. Pis, il a corrompu le peuple pour ne pas avoir de compte à lui rendre - à court terme au moins, c'est-à-dire du vivant du gouvernant -, laissant les masses donner libre cours à leurs aspirations au lieu de les mesurer aux capacités du pays. Chacun s'est lancé dans la course à la consommation, sans se soucier de l'adéquation entre ses revenus et son travail, ou ses aspirations et ses moyens. L'accumulation des biens est devenue la marque du statut social, aux dépens de l'ordre social, économique et politique. Or rien ne peut étancher cette soif de consommation : l'individu se découvre sans cesse de nouveaux besoins, découvre toujours chez autrui un privilège social dont il est exclu, d'où un sentiment de frustration permanent.

                              Les tenants de l'islam politique exploitent cette crise et ces frustrations pour arriver à leurs fins. Ainsi, ils proclament que l'application de la Loi divine - qu'eux seuls peuvent garantir - résoudra la crise et exaucera les espoirs de tous, ignorant cette autre règle divine de la vie terrestre selon laquelle «à chacun selon ses œuvres». A l'appui de leurs promesses politiques, ils invoquent ce verset : «Si les habitants de cette cité avaient cru, s'ils avaient craint Dieu, nous leur aurions certainement accordé les bénédictions du ciel et de la terre» (VII, 96). Mais ils se gardent de dire, faute de le comprendre peut-être, que la bénédiction divine est inséparable du travail, dont elle ne dispense jamais et auquel elle ne saurait se substituer. L'islam ennoblit le travail : il associe la foi aux œuvres pics, et par œuvres pics il faut entendre certes les obligations rituelles, mais avant elles toute œuvre utile à la vie et à l'homme. On rapporte ces mots de 'Umar b. al¬Khatab : «Je préfère mourir parmi les miens, en cherchant ici et là mon pain quotidien à la grâce de Dieu, plutôt que de mourir au combat». Autrement dit, le travail est plus méritoire que le jihad.

                              Le véritable fondamentalisme islamique devra ranimer l'esprit humaniste et renouveler la pensée religieuse, notamment en affirmant les points suivants :

                              a. Prôner, dans la situation actuelle, l'accroissement démographique de la umma i islamique, et du peuple égyptien en particulier, contribue à saper la société et menace l'islam, quand c'est la qualité qui devrait primer, quand chaque individu devrait se donne sans compter à la communauté tout en ne consommant pas au delà de ses besoins. La démographie actuelle, en l'absence de planification, entrave le développement et menace d'ébranler tout l'édifice social.

                              b. Le travail est un devoir pour tous. Les œuvres pies ne sont pas seulement les obligations rituelles, mais surtout toute occupation utile et honnête, quelle qu'elle soit. Le véritable croyant est celui qui règle ses aspirations sur ses capacités, qui ne court pas après l'accumulation matérielle comme signe de statut social, qui n'envie pas les biens d'autrui et ne suscite pas son envie par les siens.

                              c. La prière défend toute action immorale ou blâmable" : c'est-à-dire que l'obligation rituelle a pour fin une morale saine. Car la morale est le ciment de la société ; c'est elle qui soude chaque individu au groupe et chaque sous-groupe à l'ensemble, qui facilite le travail et décuple les énergies. Le véritable croyant non seulement s'abstient de faire du mal à autrui, mais encore agit efficacement pour prévenir le mal, être utile à tous et édifier la société de demain.

                              d. Chaque action doit s'imbriquer dans toutes les autres, au niveau de la société et de l'humanité entière, pour réaliser une très haute civilisation tournée vers le Tout-Puissant, et dont chaque homme de par le monde sera le centre et le pivot.

                              6. Certains, parmi les tenants de la politique religieuse, en appellent à substituer l'allégeance à la umma islamique à l'allégeance à la nation, qu'ils qualifient de païenne. Il s'agit d'une allégation nihiliste et anarchiste, parce qu'elle sape le patriotisme égyptien et mène le pays à la discorde : plus d'obéissance au gouvernement, plus d'impôts, de conscription, de services sociaux, etc. Quand bien même la communauté musulmane constituerait une entité visible, stable et unifiée, le passage de l'allégeance nationale à cette allégeance islamique ne pourrait avoir lieu sans un long travail préalable. Ce n'est pas en détruisant ce qui existe pour sauter dans l'inconnu que l'on construira l'Etat islamique attendu. Au contraire, c'est l'anarchie et le l’ordre qui régresseront dans cette période de transition, et aucune entité viable ne pourra en sortir. D'ailleurs, il suffit d'un regard sur l'histoire islamique pour constater que les particularismes y ont toujours existé, que l'allégeance à la patrie y a toujours été admise, et que l'Etat islamique a toujours été un agrégat d'entités dispersées et de gouvernements quasi-indépendants.

                              Cet essai ne se veut en rien une prise de position pour telle ou telle politique, tel ou tel gouvernement. Tous les systèmes politiques et économiques,- en Egypte et au Moyen-Orient comme partout ailleurs - sont à un titre ou à un autre déficients et corrompus, et auraient besoin de changements radicaux, mais à condition que ce soit sur des bases sérieuses, réfléchies et saines, sur un fond humaniste et avec une vision élevée, et qu'enfin on y prépare la société internationale.

                              Enfin, cet essai voudrait, avec d'autres, contribuer à éclairer la raison islamique, à renouveler la pensée religieuse sur la base d'un fondamentalisme islamique rationaliste et spiritualiste, et à élaborer des doctrines politiques et juridiques claires et définies.

                              Dieu le Très-Haut est le maître du succès,

                              Le Caire, le 15 octobre 1986,
                              Muhammad Saïd Al-Ashmawy.
                              "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                              • #90
                                Dieu voulait que l'islam fût une religion, mais les hommes ont voulu en faire une politique.
                                .
                                Je ne suis pas convaincu par l'analyse que fait l'auteur de la religion et de la politique. D'une part l'auteur, dénonce la politique et ses travers, d'autre part il dénonce l'islamisme et ses exces, en tous cas tel qu'il nous dépeint le tableau appuyez par des arguments, qui meme s'ils sont vrais, n'ont pas lieu d'etres, surtout pour faire une symetrie avec le 20 eme siecle.
                                Que préconise l'auteur ?
                                Que la société fonctionne avec la politique et qu'on y ajoute un zest d'islamisme. En d'autres termes que la politique fonctionne avec ses propres lois, des lois qu'elle s'est erigée pour son fonctionnement, et un islamisme superficiel dépuillé de ses lois, or, le monde musulman, depuis son indépendance, fonctionne déjà comme cela.
                                Il y a dans le cheminement de la pensée de l'auteur quelques contradictions qu'il convient d'evoquer, j'en cite une, il nous vante les vertues de l'islam dont il dénonce les preceptes, entre temps il diabolise la politique tout en lui livrant un combat à l'aide d'elle meme. Il veut combattre le diable par le diable, beh oui, puisqu'il dit que le religion n'a rien à faire dans la politique. je ne vois pas comment peut il soutenir une chose et son contraire ?
                                Pour appuyer son argumentation l'auteur décrit deux ou trois iniquités survenuent à une epoque lointaine de l'islam politique, son exemple c'est; d'acuser quelqun d'apostat pour s'accaparer de ses biens. L'auteur nous dépeint cela, comme si de telles iniquités pouvaient etre transposées au 20 eme siecle.
                                Je ne connais pas la totalité de la teneur de son livre, mais il subsiste quelques lacunes, les exemples des guerres de religions, et celle des démocraties et de la politique en générale.
                                Je sais bien qu'il est de mode de sortir de temps à autres, l'apostasie et la lapidation ainsi que quelques meurtres isolés au nom de l'islam par les pourfendeur de la religion. Mais si on y regarde de plus pres, on s'appercevrait tres vite que le nombres des victimes duent aux démocraties est sans commune mesure par celui executer par la religion.
                                Les effets nefaste de la politique sont nombreux, la famine, les maladies, les guerres, inutile d'enumerer les victimes de la politique, directe ou indirecte, pour cela il suffit d'allumer son poste de TV.
                                On peut aussi opposer les guerres de religions du passé (meme si cela ne regarde pas l'islam), meme dans ce cas le nombres des victimes du à la religion, qui je le rappelle s'etale sur 2000 ans, sera loin d'atteindre le nombre de victimes du à la politique en seuleument 50 ans.
                                .

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