LA MORT SILENCIEUSE
Qui se soucie de la faim?
«Dieu a dit: il faut partager; les riches auront la nourriture, les pauvres auront l’appétit.»
Coluche
Un, deux, trois, quatre, cinq: un enfant vient de mourir de la faim. C’est par ce compte macabre que Jacques Diouf, directeur général de la FAO, nous appelle au secours sur un ton suppliant. Près de 200 millions d’enfants vivant dans des pays en développement souffrent de problèmes de croissance et de santé en raison d’une mauvaise alimentation dans leur petite enfance, a fait savoir mercredi l’Unicef.
En Asie, le pourcentage d’enfants souffrant d’un retard de croissance est cependant tombé de 44% en 1990, à 30% l’an dernier et en Afrique, il est passé de 38 à 34% pour la même période, indique un rapport de l’Unicef. Alors que la malnutrition touche 1 milliard de personnes dans le monde, personne n’attend grand-chose d’autre de ce sommet que de fortes paroles et des constats tragiques. Aucun représentant du G8 n’est présent à cette réunion, à l’exception de Silvio Berlusconi, qui échappe ainsi à la réouverture d’un procès prévue le même jour à Milan.
Snobé par les dirigeants du G8, le sommet de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, voudrait bien relever le challenge de l’éradication de la faim dans le monde, oui. Mais, vraiment quand? Dans un délai inconnu? Les chiffres à eux seuls sont bien éloquents quant à la tragédie silencieuse qui se déroule sur notre planète Terre. «Aujourd’hui, plus de 17.000 enfants vont mourir de faim. Un toutes les cinq secondes. Six millions par an. Ceci n’est pas acceptable. Nous devons agir.» Dès l’ouverture du sommet de la FAO, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a voulu frapper les esprits en égrenant un chapelet de chiffres dramatiques. Selon lui, il faudra accroître la production alimentaire de 70% pour nourrir plus de 9 milliards d’humains en 2050. «Il nous faut effectuer des changements significatifs pour pouvoir nous nourrir et en particulier protéger les plus pauvres et les plus vulnérables», a ajouté Ban Ki-moon. C’est dans ce but que les chefs d’Etat et de gouvernement (sauf ceux du G8) étaient réunis, hier, à Rome. Dans une déclaration finale, ils se sont engagés à «éradiquer la faim dans le monde», mais la date butoir pour y parvenir, 2025, a été supprimée du projet initial.
Seul objectif daté: «Réduire de moitié le pourcentage et le nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition d’ici à 2015.»
Les pays membres de la FAO avaient déjà réitéré cet objectif du Millénaire en juin 2008. Depuis, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 850 millions à 1,02 milliard. Aucun chiffre ne figure non plus sur les investissements nécessaires pour accroître la production agricole, notamment pas les 44 milliards de dollars annuels pour l’agriculture, jugés nécessaires par le directeur général de la FAO, Jacques Diouf. La déclaration finale prévoit seulement «d’inverser la tendance à la diminution des financements nationaux et internationaux consacrés à l’agriculture, à la sécurité alimentaire et au développement rural des pays en développement».
Devant le siège de la FAO, des militants d’ONG altermondialistes avaient dressé une tente pour protester contre les multinationales qui «utilisent la nourriture comme moyen de spéculation». De son côté, Oxfam France a relevé que «sans financement, il n’y a aucun espoir de nourrir un milliard de personnes souffrant de la faim».(1)
La faim touche tous les continents à des degrés divers, même dans lesdits développés la fracture est importante. Aux Etats-Unis, près de 15% des foyers américains, soit 17 millions d’entre eux et trois millions de plus que l’année précédente, ont eu du mal à remplir leurs assiettes à un moment donné en 2008, faute d’argent, indique un rapport gouvernemental publié lundi 17 novembre 2009. C’est un record depuis 1995, quand le ministère de l’Agriculture a commencé à mesurer «l’insécurité alimentaire», c’est-à-dire l’incapacité des foyers à assurer toute l’année à tous leurs membres une alimentation suffisante pour mener une vie saine.
Pendant ce temps, le lobby des armes est plus florissant que jamais. Le budget militaire du Pentagone est égal à deux fois le budget de toutes les autres nations. Même les pays arabes ne sont pas en reste, ils s’arment jusqu’aux dents pour un hypothétique adversaire extérieur à la Oumma, mais bien réel quand il s’agit de se menacer mutuellement.
Nous l’avons vu hier à la télé égyptienne avec les rodomontades du zaïm qui menace ceux qui attentent à la dignité des Egyptiens - visant l’Algérie- et qui menace plus directement l’Iran se voulant et s’intronisant le défenseur du Monde arabe. Aujourd’hui, il reçoit Shimon Peres pour parler avec lui, on l’aura compris, de paix. Il y a bien longtemps que le zaïm a mis un genou à terre concernant Israël. Il est vrai que cela lui permet de drainer une aumône de 3 milliards de dollars des Américains qui lui permet de calmer temporairement les émeutes de la faim autrement que par sa police.
Rouler ou conduire, il faut choisir
Pour rappel. Au printemps 2008, des «émeutes de la faim» secouaient 35 pays à travers le monde... Une crise qui n’avait rien de conjoncturelle et dont la menace reste en embuscade dans un monde en proie aux crises financières, économiques et climatiques. Avril 2008, l’Egypte, le Maroc, l’Indonésie, les Philippines, Haïti, le Burkina Faso, la Mauritanie connaissent des manifestations populaires d’une rare violence. En un an, le prix des denrées alimentaires a en effet connu des hausses vertigineuses, 42% pour les céréales, 80% pour les produits laitiers, selon la FAO.
Une flambée des prix de 40% en moyenne pour le blé, le maïs et le riz, ce dernier ayant atteint 1000$ la T, un record! Dans le même temps, le soja, le colza et l’huile de palme, tous produits de base essentiels dans le Tiers-Monde, subissaient les mêmes envolées...En résumé, une situation catastrophique pour les plus pauvres, ceux-ci consacrant quelque 70% de leurs revenus par foyer à l’alimentation contre 15% dans les pays industrialisés...Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, n’hésitait pas alors à évoquer un possible «tsunami» alimentaire.(2)
En Amazonie par exemple, où se pose avec acuité non seulement la question de la préservation d’une biodiversité déjà très menacée, mais plus encore celle des effets de la déforestation et de l’extension du désert agricole sur le changement climatique global...Surtout quand l’on tient compte de la place qu’occupent les grandes forêts tropicales dans le régime des pluies et de leur rôle essentiel comme puits de carbone. Les grandes forêts sont en effet les poumons verts de la planète, produisant l’oxygène que nous respirons et absorbant le CO2 que nos activités et nos transports produisent aujourd’hui en excès. Cependant, les agrocarburants qui détournent d’immenses surfaces agricoles de leur vocation alimentaire - resterait d’ailleurs à savoir si la transformation de céréales en carburant est quelque chose de vraiment rationnel, voire de moral - ne sont que l’un des aspects d’une crise aux visages multiples.
Les agrocarburants représentent une production de 40 millions de tonnes annuels dont 4 millions de biodiesel et 36 d’éthanol, à comparer aux 2 milliards de tonnes de pétrole consommés chaque année par les transports routiers. On voit que l’impact en tant que carburant est négligeable (2%). Par contre, la catastrophe humanitaire se compte en millions de vies humaines(2)
On apprend au passage que ce sommet a vu la première dame d’Iran, l’épouse du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, Azam al-Sadat Farahi, qui s’exprime rarement en public, se rendre hier au forum des épouses des chefs d’Etat, avant l’ouverture, lundi pour trois jours, du sommet mondial sur la sécurité alimentaire. Elle s’est exprimée parmi les épouses des quelque 60 chefs d’Etat qui doivent participer au sommet, a déclaré un porte-parole de la FAO, Christopher Matthews.
L’agence de presse italienne Ansa précise qu’elle a décrit l’Iran comme un exemple de la lutte contre la faim, expliquant que le système iranien, suivant les enseignements religieux, garantissait la sécurité alimentaire pour l’ensemble des familles iraniennes. Azam al-Sadat Farahi a également dénoncé, à l’occasion de ce forum présidé par Suzanne Moubarak, l’épouse du président égyptien Hosni Moubarak le sort des enfants souffrant de faim dans la Bande de Ghaza.
à suivre...
Qui se soucie de la faim?
«Dieu a dit: il faut partager; les riches auront la nourriture, les pauvres auront l’appétit.»
Coluche
Un, deux, trois, quatre, cinq: un enfant vient de mourir de la faim. C’est par ce compte macabre que Jacques Diouf, directeur général de la FAO, nous appelle au secours sur un ton suppliant. Près de 200 millions d’enfants vivant dans des pays en développement souffrent de problèmes de croissance et de santé en raison d’une mauvaise alimentation dans leur petite enfance, a fait savoir mercredi l’Unicef.
En Asie, le pourcentage d’enfants souffrant d’un retard de croissance est cependant tombé de 44% en 1990, à 30% l’an dernier et en Afrique, il est passé de 38 à 34% pour la même période, indique un rapport de l’Unicef. Alors que la malnutrition touche 1 milliard de personnes dans le monde, personne n’attend grand-chose d’autre de ce sommet que de fortes paroles et des constats tragiques. Aucun représentant du G8 n’est présent à cette réunion, à l’exception de Silvio Berlusconi, qui échappe ainsi à la réouverture d’un procès prévue le même jour à Milan.
Snobé par les dirigeants du G8, le sommet de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, voudrait bien relever le challenge de l’éradication de la faim dans le monde, oui. Mais, vraiment quand? Dans un délai inconnu? Les chiffres à eux seuls sont bien éloquents quant à la tragédie silencieuse qui se déroule sur notre planète Terre. «Aujourd’hui, plus de 17.000 enfants vont mourir de faim. Un toutes les cinq secondes. Six millions par an. Ceci n’est pas acceptable. Nous devons agir.» Dès l’ouverture du sommet de la FAO, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a voulu frapper les esprits en égrenant un chapelet de chiffres dramatiques. Selon lui, il faudra accroître la production alimentaire de 70% pour nourrir plus de 9 milliards d’humains en 2050. «Il nous faut effectuer des changements significatifs pour pouvoir nous nourrir et en particulier protéger les plus pauvres et les plus vulnérables», a ajouté Ban Ki-moon. C’est dans ce but que les chefs d’Etat et de gouvernement (sauf ceux du G8) étaient réunis, hier, à Rome. Dans une déclaration finale, ils se sont engagés à «éradiquer la faim dans le monde», mais la date butoir pour y parvenir, 2025, a été supprimée du projet initial.
Seul objectif daté: «Réduire de moitié le pourcentage et le nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition d’ici à 2015.»
Les pays membres de la FAO avaient déjà réitéré cet objectif du Millénaire en juin 2008. Depuis, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 850 millions à 1,02 milliard. Aucun chiffre ne figure non plus sur les investissements nécessaires pour accroître la production agricole, notamment pas les 44 milliards de dollars annuels pour l’agriculture, jugés nécessaires par le directeur général de la FAO, Jacques Diouf. La déclaration finale prévoit seulement «d’inverser la tendance à la diminution des financements nationaux et internationaux consacrés à l’agriculture, à la sécurité alimentaire et au développement rural des pays en développement».
Devant le siège de la FAO, des militants d’ONG altermondialistes avaient dressé une tente pour protester contre les multinationales qui «utilisent la nourriture comme moyen de spéculation». De son côté, Oxfam France a relevé que «sans financement, il n’y a aucun espoir de nourrir un milliard de personnes souffrant de la faim».(1)
La faim touche tous les continents à des degrés divers, même dans lesdits développés la fracture est importante. Aux Etats-Unis, près de 15% des foyers américains, soit 17 millions d’entre eux et trois millions de plus que l’année précédente, ont eu du mal à remplir leurs assiettes à un moment donné en 2008, faute d’argent, indique un rapport gouvernemental publié lundi 17 novembre 2009. C’est un record depuis 1995, quand le ministère de l’Agriculture a commencé à mesurer «l’insécurité alimentaire», c’est-à-dire l’incapacité des foyers à assurer toute l’année à tous leurs membres une alimentation suffisante pour mener une vie saine.
Pendant ce temps, le lobby des armes est plus florissant que jamais. Le budget militaire du Pentagone est égal à deux fois le budget de toutes les autres nations. Même les pays arabes ne sont pas en reste, ils s’arment jusqu’aux dents pour un hypothétique adversaire extérieur à la Oumma, mais bien réel quand il s’agit de se menacer mutuellement.
Nous l’avons vu hier à la télé égyptienne avec les rodomontades du zaïm qui menace ceux qui attentent à la dignité des Egyptiens - visant l’Algérie- et qui menace plus directement l’Iran se voulant et s’intronisant le défenseur du Monde arabe. Aujourd’hui, il reçoit Shimon Peres pour parler avec lui, on l’aura compris, de paix. Il y a bien longtemps que le zaïm a mis un genou à terre concernant Israël. Il est vrai que cela lui permet de drainer une aumône de 3 milliards de dollars des Américains qui lui permet de calmer temporairement les émeutes de la faim autrement que par sa police.
Rouler ou conduire, il faut choisir
Pour rappel. Au printemps 2008, des «émeutes de la faim» secouaient 35 pays à travers le monde... Une crise qui n’avait rien de conjoncturelle et dont la menace reste en embuscade dans un monde en proie aux crises financières, économiques et climatiques. Avril 2008, l’Egypte, le Maroc, l’Indonésie, les Philippines, Haïti, le Burkina Faso, la Mauritanie connaissent des manifestations populaires d’une rare violence. En un an, le prix des denrées alimentaires a en effet connu des hausses vertigineuses, 42% pour les céréales, 80% pour les produits laitiers, selon la FAO.
Une flambée des prix de 40% en moyenne pour le blé, le maïs et le riz, ce dernier ayant atteint 1000$ la T, un record! Dans le même temps, le soja, le colza et l’huile de palme, tous produits de base essentiels dans le Tiers-Monde, subissaient les mêmes envolées...En résumé, une situation catastrophique pour les plus pauvres, ceux-ci consacrant quelque 70% de leurs revenus par foyer à l’alimentation contre 15% dans les pays industrialisés...Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, n’hésitait pas alors à évoquer un possible «tsunami» alimentaire.(2)
En Amazonie par exemple, où se pose avec acuité non seulement la question de la préservation d’une biodiversité déjà très menacée, mais plus encore celle des effets de la déforestation et de l’extension du désert agricole sur le changement climatique global...Surtout quand l’on tient compte de la place qu’occupent les grandes forêts tropicales dans le régime des pluies et de leur rôle essentiel comme puits de carbone. Les grandes forêts sont en effet les poumons verts de la planète, produisant l’oxygène que nous respirons et absorbant le CO2 que nos activités et nos transports produisent aujourd’hui en excès. Cependant, les agrocarburants qui détournent d’immenses surfaces agricoles de leur vocation alimentaire - resterait d’ailleurs à savoir si la transformation de céréales en carburant est quelque chose de vraiment rationnel, voire de moral - ne sont que l’un des aspects d’une crise aux visages multiples.
Les agrocarburants représentent une production de 40 millions de tonnes annuels dont 4 millions de biodiesel et 36 d’éthanol, à comparer aux 2 milliards de tonnes de pétrole consommés chaque année par les transports routiers. On voit que l’impact en tant que carburant est négligeable (2%). Par contre, la catastrophe humanitaire se compte en millions de vies humaines(2)
On apprend au passage que ce sommet a vu la première dame d’Iran, l’épouse du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, Azam al-Sadat Farahi, qui s’exprime rarement en public, se rendre hier au forum des épouses des chefs d’Etat, avant l’ouverture, lundi pour trois jours, du sommet mondial sur la sécurité alimentaire. Elle s’est exprimée parmi les épouses des quelque 60 chefs d’Etat qui doivent participer au sommet, a déclaré un porte-parole de la FAO, Christopher Matthews.
L’agence de presse italienne Ansa précise qu’elle a décrit l’Iran comme un exemple de la lutte contre la faim, expliquant que le système iranien, suivant les enseignements religieux, garantissait la sécurité alimentaire pour l’ensemble des familles iraniennes. Azam al-Sadat Farahi a également dénoncé, à l’occasion de ce forum présidé par Suzanne Moubarak, l’épouse du président égyptien Hosni Moubarak le sort des enfants souffrant de faim dans la Bande de Ghaza.
à suivre...

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