Je voudrais, par cette discussion, rendre hommage aux victimes turques de l'attaque meurtrière des commandos israéliens contre la flottille qui voulait briser l'embargo sur Ghaza.
L'une des manières de le faire est de parler de l'un des plus grands poètes turcs du XXème siècle : Nazim Hikmet.
L’écrivain britannique John Berger parle de lui ainsi :
Quelques uns de ces poèmes :
Un poème écrit en prison :
L'un des plus connus :
Enfin, l'un des poèmes les plus célèbres de Nazim Hikmet : Kerem, déclamé en turc. C'est celui où il dit :
Dès que je retrouve la traduction en français, je posterai ce merveilleux poème.
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L'une des manières de le faire est de parler de l'un des plus grands poètes turcs du XXème siècle : Nazim Hikmet.
L’écrivain britannique John Berger parle de lui ainsi :
Il y a dix ans [en 1992], je me trouvais à Istanbul, près de la gare Haydar-Pacha, devant un bâtiment où la police soumettait les suspects à des interrogatoires. C'est au dernier étage de ce bâtiment que les prisonniers politiques étaient détenus et soumis à des contre-interrogatoires qui duraient des semaines. En 1938, ce fut le tour de Hikmet.
Ce bâtiment n'était pas destiné à être une prison, mais une imposante forteresse administrative. Il paraît indestructible, construit comme il l'est de briques et de silence. Les prisons, prévues à cet effet, ont souvent un air sinistre, mais aussi l'allure d'une construction de fortune, mal à l'aise, comme la prison de Bursa, où Hikmet passa dix ans et qu'on surnommait « l'aéroplane de pierre » à cause de son plan irrégulier. La forteresse bien assise que je regardais près de la gare d'Istanbul avait, par opposition à celle-ci, la confiance en soi et le calme d'un monument construit au silence.
C'est alors que j'ai saisi la stratégie poétique de Nâzim Hikmet en ce qu'elle a d'unique et d'inévitable : il lui faut continuellement dépasser son propre enfermement ! Les prisonniers ont partout rêvé de Grande Evasion, pas la poésie de Nâzim. Avant même de commencer, sa poésie a placé la prison comme un petit point sur la carte du monde.
Ce bâtiment n'était pas destiné à être une prison, mais une imposante forteresse administrative. Il paraît indestructible, construit comme il l'est de briques et de silence. Les prisons, prévues à cet effet, ont souvent un air sinistre, mais aussi l'allure d'une construction de fortune, mal à l'aise, comme la prison de Bursa, où Hikmet passa dix ans et qu'on surnommait « l'aéroplane de pierre » à cause de son plan irrégulier. La forteresse bien assise que je regardais près de la gare d'Istanbul avait, par opposition à celle-ci, la confiance en soi et le calme d'un monument construit au silence.
« Tous les gens qui sont ici, à l'intérieur, tout ce qui s'y passe - c'est ce qu'annonce le bâtiment d'un ton posé - sera oublié, effacé des registres, enseveli dans une crevasse entre l'Europe et l'Asie. »
C'est alors que j'ai saisi la stratégie poétique de Nâzim Hikmet en ce qu'elle a d'unique et d'inévitable : il lui faut continuellement dépasser son propre enfermement ! Les prisonniers ont partout rêvé de Grande Evasion, pas la poésie de Nâzim. Avant même de commencer, sa poésie a placé la prison comme un petit point sur la carte du monde.
Le plus beau des océans
est celui qu'on n'a pas encore traversé
Le plus beau des enfants
n'a pas encore grandi.
Les plus beaux de nos jours
sont ceux que nous n'avons pas encore vécus.
Et les plus beaux des poèmes que je veux te dire
sont ceux que je ne t'ai pas encore dits
est celui qu'on n'a pas encore traversé
Le plus beau des enfants
n'a pas encore grandi.
Les plus beaux de nos jours
sont ceux que nous n'avons pas encore vécus.
Et les plus beaux des poèmes que je veux te dire
sont ceux que je ne t'ai pas encore dits
La petite fille
C’est moi qui frappe aux portes,
Aux portes, l’une après l’autre.
Je suis invisible à vos yeux.
Les morts sont invisibles.
Morte à Hiroshima
Il y a plus de dix ans,
Je suis une petite fille de sept ans.
Les enfants morts ne grandissent pas.
Mes cheveux tout d’abord ont pris feu,
Mes yeux ont brûlé, se sont calcinés.
Soudain je fus réduite en une poignée de cendres,
Mes cendres se sont éparpillées au vent.
Pour ce qui est de moi,
Je ne vous demande rien :
Il ne saurait manger, même des bonbons,
L’enfant qui comme du papier a brûlé.
Je frappe à votre porte, oncle, tante :
Une signature. Que l’on ne tue pas les enfants
Et qu’ils puissent aussi manger des bonbons.
C’est moi qui frappe aux portes,
Aux portes, l’une après l’autre.
Je suis invisible à vos yeux.
Les morts sont invisibles.
Morte à Hiroshima
Il y a plus de dix ans,
Je suis une petite fille de sept ans.
Les enfants morts ne grandissent pas.
Mes cheveux tout d’abord ont pris feu,
Mes yeux ont brûlé, se sont calcinés.
Soudain je fus réduite en une poignée de cendres,
Mes cendres se sont éparpillées au vent.
Pour ce qui est de moi,
Je ne vous demande rien :
Il ne saurait manger, même des bonbons,
L’enfant qui comme du papier a brûlé.
Je frappe à votre porte, oncle, tante :
Une signature. Que l’on ne tue pas les enfants
Et qu’ils puissent aussi manger des bonbons.
Un poème écrit en prison :
DIMANCHE
Aujourd'hui c’est dimanche.
Pour la première fois aujourd’hui
ils m’ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m’étonnant qu’il soit si loin de moi
qu’il soit si bleu
qu’il soit si vaste
j’ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux.
Aujourd'hui c’est dimanche.
Pour la première fois aujourd’hui
ils m’ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m’étonnant qu’il soit si loin de moi
qu’il soit si bleu
qu’il soit si vaste
j’ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux.
L'un des plus connus :
La grande humanité
La grande humanité voyage sur le pont des navires
Dans les trains en troisième classe
Sur les routes à pied
La grande humanité
La grande humanité va au travail à huit ans
Elle se marie à vingt
Meurt à quarante
La grande humanité
Le pain suffit à tous sauf à la grande humanité
Le riz aussi
Le sucre aussi
Le tissu aussi
Le livre aussi
Cela suffit à tous sauf à la grande humanité
Il n’y a pas d’ombre sur la terre de la grande humanité
Pas de lanternes dans ses rues
Pas de vitres à ses fenêtres
Mais elle a son espoir la grande humanité
On ne peut vivre sans espoir.
La grande humanité voyage sur le pont des navires
Dans les trains en troisième classe
Sur les routes à pied
La grande humanité
La grande humanité va au travail à huit ans
Elle se marie à vingt
Meurt à quarante
La grande humanité
Le pain suffit à tous sauf à la grande humanité
Le riz aussi
Le sucre aussi
Le tissu aussi
Le livre aussi
Cela suffit à tous sauf à la grande humanité
Il n’y a pas d’ombre sur la terre de la grande humanité
Pas de lanternes dans ses rues
Pas de vitres à ses fenêtres
Mais elle a son espoir la grande humanité
On ne peut vivre sans espoir.
Enfin, l'un des poèmes les plus célèbres de Nazim Hikmet : Kerem, déclamé en turc. C'est celui où il dit :
Si je ne brûle pas,
si tu ne brûles pas,
si nous ne brûlons pas,
comment les ténèbres deviendront-elles clarté
si tu ne brûles pas,
si nous ne brûlons pas,
comment les ténèbres deviendront-elles clarté
Dès que je retrouve la traduction en français, je posterai ce merveilleux poème.
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