L’agriculture biologique est en expansion et elle est sujette à un soutien militant en même temps qu’à un scepticisme ironique. Les contours de cette pratique agricole et alimentaire sont flous car stricts mais fluctuants selon les régions. Les réponses aux questions qu’elle pose visent à clarifier la situation.
1. L’agriculture biologique est-elle une innovation ?
La révolution verte qui repose en partie sur l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides divers a permis depuis un demi siècle, à des centaines de millions de personnes, de disposer de plus de nourriture. La France elle-même est ainsi passée du statut d’importatrice de nourriture à celui d’exportatrice. Selon un schéma classique qui voulait que toute innovation technique soit un progrès pour l’humanité, les hommes se sont contentés de leur nouveau succès jusqu’à constater progressivement que ces procédés appliqués sans finesse comportaient divers effets secondaires environnementaux indésirables. La nécessité de repenser les pratiques de la révolution verte a été perçue par les instances responsables, et des mesures sont, depuis, en cours pour tenter de trouver un compromis entre les avantages de la révolution verte et les exigences de préserver l’environnement au sens le plus large. L’approche biologique propose, pour simplifier, de revenir au statu quo ante, ce qui ne peut être considéré, au sens strict, comme une innovation, mais au pire comme une régression.
2. Les produits biologiques sont-ils plus sains pour les consommateurs ?
De multiples rapports, dont un publié par l’AFSSA [1] en 2003 à la suite d’un congrès international sur le sujet, et un autre par les instances britanniques [2] en 2009, montrent que la composition chimique et biochimique des produits biologiques ne diffèrent que très légèrement de leurs homologues conventionnels. Rien n’indique, selon ces critères, que la consommation des produits biologiques est un gage de meilleure santé pour les consommateurs.
Un nombre significatif d’intoxications, parfois mortelles, dues à la consommation de produits biologiques a été relevé dans le passé. Elles étaient dues à des contaminations par des salmonelles, des bactéries et des champignons divers. Ces accidents deviennent plus rares avec les contrôles qui éliminent les lots de nourriture dangereuse.
Un point particulier est celui des mycotoxines cancérigènes. Ces toxines s’accumulent dans les plantes à la faveur du développement de champignons microscopiques. Il a ainsi été observé que le maïs biologique contient nettement plus souvent de fumonisine que le maïs conventionnel qui lui-même en contient plus que le maïs Bt génétiquement modifié pour résister à certains insectes nuisibles [3]. Il est établi qu’une plante non protégée est attaquée par les insectes qui perforent les parois des feuilles et des tiges, ce qui permet à des champignons de s’implanter et de sécréter des toxines qui sont transmises à l’homme directement, ou via les produits animaux.
3. Les produits biologiques contiennent-ils moins de pesticides ?
Ceci est logiquement une réalité, en tout cas en ce qui concerne les pesticides chimiques non autorisés en agriculture biologique. La question est de savoir quel est l’effet sur la santé humaine. Les Grecs anciens avaient déjà énoncé l’idée que tout, y compris ce qui est avéré comme bénéfique pour nous, est toxique si on dépasse une certaine dose. À l’inverse, des doses très faibles de substances toxiques n’ont pas d’effets néfastes sur l’organisme qui a des mécanismes puissants de détoxification. Nous mangeons quotidiennement de telles substances, ne serait-ce qu’en mangeant des pommes de terre qui contiennent de faibles quantités de toxines mortelles, les solanines.
Dans son rapport annuel [4] publié le 9 juillet 2009, l’AESA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) indique que les limites autorisées de produits phytosanitaires sont dépassées dans 4 % des échantillons de fruits, légumes et céréales testés. Ceci ne signifie pas que les risques sont élevés, car la marge de sécurité est plantureuse. La situation n’est donc pas catastrophique dans l’UE, mais surtout elle s’améliore.
Un rapport commun [5] de l’Académie d’agriculture et de l’Académie de médecine conclut que les risques liés aux pesticides pour la santé sont globalement surestimés et que leurs avantages sont sous-estimés (les pesticides permettent en effet des productions de nourriture nettement plus élevées contenant souvent moins de toxines diverses). La quantité de pesticides utilisés en France est passée de 120 500 tonnes par an à 71 600 entre 1999 et 2006, ce qui ne peut être attribué à l’agriculture biologique. Le nombre de substances pesticides utilisées dans l’UE était il y a quelques années de 984 dont 611 ont été interdites avec pour objectif de n’en conserver que 250 en 2010. Parmi les 53 substances préoccupantes, 30 devaient être éliminées en 2008. Dans les pays de l’UE, un pesticide n’est accepté que s’il est dégradé à un taux de 90 % au moins en un an. Le programme REACH de l’UE ne peut que contribuer à la diminution de ces risques. Le gouvernement français s’est par ailleurs donné comme objectif de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides avant 2018. Certaines substances chimiques acceptées en agriculture biologique comme le sulfate de cuivre (le composé de la bouillie bordelaise) et le soufre sont loin d’être inoffensives. Les pesticides naturels présents dans certaines plantes comme les pyrèthres et la roténone ne sont pas forcément moins toxiques que les substances obtenues par synthèse chimique, qui sont par ailleurs plus strictement surveillées. La roténone a été interdite sur la base de travaux démontrant son effet neurodégénératif (susceptible de déclencher la maladie de Parkinson notamment). Le choix des pesticides en agriculture doit donc reposer sur des évaluations objectives de leurs avantages et leurs inconvénients et non sur leur origine.
Une question qui n’a pas reçu de réponse est celle de savoir s’il est possible de se procurer des quantités massives de pesticides naturels sans devoir y consacrer des surfaces arables importantes au détriment des cultures vivrières.
Les agriculteurs sont parfois exposés à des concentrations dangereuses de pesticides. Certains d’entre eux, non prévenus des risques, ont payé le prix de cette négligence. Dans leur rapport, les académiciens, comme diverses commissions de biosécurité, recommandent vivement aux agriculteurs de se protéger, comme cela est le cas pour bon nombre d’autres activités humaines.
4. Les produits biologiques sont-ils moins à l’origine de cancers ?
Un rapport commun de l’Académie des sciences, de l’Académie de médecine et du Centre international de recherche sur le cancer de Lyon [6] publié en 2007 révèle que la pollution de l’environnement dans sa globalité, naturelle et produite par les activités humaines, est responsable tout au plus de 0,1 % des cancers. Le fait que certains cancers sont en recrudescence ne signifie nullement, contrairement à ce que certains clament comme si c’était une évidence, qu’ils sont dus à l’agriculture conventionnelle. Une corrélation entre deux événements ne démontre pas que l’un est la cause de l’autre. La corrélation entre la présence d’un briquet dans la poche et la fréquence des cancers du poumon est excellente et il serait pourtant hasardeux d’en conclure que les briquets sont cancérigènes. C’est évidemment un autre facteur, le tabac, qui est en cause.
Le fait que la vie humaine s’allonge de trois mois par an dans les pays développés signifie que notre mode de vie est loin d’être une catastrophe, et c’est pour cela qu’il est envié par ceux qui ne peuvent en bénéficier. Le plaisir évident que prend la majorité des gens à manger notre bonne cuisine ramène le mythe de la malbouffe à sa juste valeur.
Il est important de prendre en compte le fait que le nombre de cancers de l’estomac a beaucoup diminué depuis 50 ans. Il est probable que cela soit dû à l’abaissement très notable des mycotoxines dans notre alimentation. Le retour vers les pratiques d’autrefois et vers la vente libre de produits artisanaux non contrôlés pourrait réserver quelques très mauvaises surprises dans les années à venir.
1. L’agriculture biologique est-elle une innovation ?
La révolution verte qui repose en partie sur l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides divers a permis depuis un demi siècle, à des centaines de millions de personnes, de disposer de plus de nourriture. La France elle-même est ainsi passée du statut d’importatrice de nourriture à celui d’exportatrice. Selon un schéma classique qui voulait que toute innovation technique soit un progrès pour l’humanité, les hommes se sont contentés de leur nouveau succès jusqu’à constater progressivement que ces procédés appliqués sans finesse comportaient divers effets secondaires environnementaux indésirables. La nécessité de repenser les pratiques de la révolution verte a été perçue par les instances responsables, et des mesures sont, depuis, en cours pour tenter de trouver un compromis entre les avantages de la révolution verte et les exigences de préserver l’environnement au sens le plus large. L’approche biologique propose, pour simplifier, de revenir au statu quo ante, ce qui ne peut être considéré, au sens strict, comme une innovation, mais au pire comme une régression.
2. Les produits biologiques sont-ils plus sains pour les consommateurs ?
De multiples rapports, dont un publié par l’AFSSA [1] en 2003 à la suite d’un congrès international sur le sujet, et un autre par les instances britanniques [2] en 2009, montrent que la composition chimique et biochimique des produits biologiques ne diffèrent que très légèrement de leurs homologues conventionnels. Rien n’indique, selon ces critères, que la consommation des produits biologiques est un gage de meilleure santé pour les consommateurs.
Un nombre significatif d’intoxications, parfois mortelles, dues à la consommation de produits biologiques a été relevé dans le passé. Elles étaient dues à des contaminations par des salmonelles, des bactéries et des champignons divers. Ces accidents deviennent plus rares avec les contrôles qui éliminent les lots de nourriture dangereuse.
Un point particulier est celui des mycotoxines cancérigènes. Ces toxines s’accumulent dans les plantes à la faveur du développement de champignons microscopiques. Il a ainsi été observé que le maïs biologique contient nettement plus souvent de fumonisine que le maïs conventionnel qui lui-même en contient plus que le maïs Bt génétiquement modifié pour résister à certains insectes nuisibles [3]. Il est établi qu’une plante non protégée est attaquée par les insectes qui perforent les parois des feuilles et des tiges, ce qui permet à des champignons de s’implanter et de sécréter des toxines qui sont transmises à l’homme directement, ou via les produits animaux.
3. Les produits biologiques contiennent-ils moins de pesticides ?
Ceci est logiquement une réalité, en tout cas en ce qui concerne les pesticides chimiques non autorisés en agriculture biologique. La question est de savoir quel est l’effet sur la santé humaine. Les Grecs anciens avaient déjà énoncé l’idée que tout, y compris ce qui est avéré comme bénéfique pour nous, est toxique si on dépasse une certaine dose. À l’inverse, des doses très faibles de substances toxiques n’ont pas d’effets néfastes sur l’organisme qui a des mécanismes puissants de détoxification. Nous mangeons quotidiennement de telles substances, ne serait-ce qu’en mangeant des pommes de terre qui contiennent de faibles quantités de toxines mortelles, les solanines.
Dans son rapport annuel [4] publié le 9 juillet 2009, l’AESA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) indique que les limites autorisées de produits phytosanitaires sont dépassées dans 4 % des échantillons de fruits, légumes et céréales testés. Ceci ne signifie pas que les risques sont élevés, car la marge de sécurité est plantureuse. La situation n’est donc pas catastrophique dans l’UE, mais surtout elle s’améliore.
Un rapport commun [5] de l’Académie d’agriculture et de l’Académie de médecine conclut que les risques liés aux pesticides pour la santé sont globalement surestimés et que leurs avantages sont sous-estimés (les pesticides permettent en effet des productions de nourriture nettement plus élevées contenant souvent moins de toxines diverses). La quantité de pesticides utilisés en France est passée de 120 500 tonnes par an à 71 600 entre 1999 et 2006, ce qui ne peut être attribué à l’agriculture biologique. Le nombre de substances pesticides utilisées dans l’UE était il y a quelques années de 984 dont 611 ont été interdites avec pour objectif de n’en conserver que 250 en 2010. Parmi les 53 substances préoccupantes, 30 devaient être éliminées en 2008. Dans les pays de l’UE, un pesticide n’est accepté que s’il est dégradé à un taux de 90 % au moins en un an. Le programme REACH de l’UE ne peut que contribuer à la diminution de ces risques. Le gouvernement français s’est par ailleurs donné comme objectif de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides avant 2018. Certaines substances chimiques acceptées en agriculture biologique comme le sulfate de cuivre (le composé de la bouillie bordelaise) et le soufre sont loin d’être inoffensives. Les pesticides naturels présents dans certaines plantes comme les pyrèthres et la roténone ne sont pas forcément moins toxiques que les substances obtenues par synthèse chimique, qui sont par ailleurs plus strictement surveillées. La roténone a été interdite sur la base de travaux démontrant son effet neurodégénératif (susceptible de déclencher la maladie de Parkinson notamment). Le choix des pesticides en agriculture doit donc reposer sur des évaluations objectives de leurs avantages et leurs inconvénients et non sur leur origine.
Une question qui n’a pas reçu de réponse est celle de savoir s’il est possible de se procurer des quantités massives de pesticides naturels sans devoir y consacrer des surfaces arables importantes au détriment des cultures vivrières.
Les agriculteurs sont parfois exposés à des concentrations dangereuses de pesticides. Certains d’entre eux, non prévenus des risques, ont payé le prix de cette négligence. Dans leur rapport, les académiciens, comme diverses commissions de biosécurité, recommandent vivement aux agriculteurs de se protéger, comme cela est le cas pour bon nombre d’autres activités humaines.
4. Les produits biologiques sont-ils moins à l’origine de cancers ?
Un rapport commun de l’Académie des sciences, de l’Académie de médecine et du Centre international de recherche sur le cancer de Lyon [6] publié en 2007 révèle que la pollution de l’environnement dans sa globalité, naturelle et produite par les activités humaines, est responsable tout au plus de 0,1 % des cancers. Le fait que certains cancers sont en recrudescence ne signifie nullement, contrairement à ce que certains clament comme si c’était une évidence, qu’ils sont dus à l’agriculture conventionnelle. Une corrélation entre deux événements ne démontre pas que l’un est la cause de l’autre. La corrélation entre la présence d’un briquet dans la poche et la fréquence des cancers du poumon est excellente et il serait pourtant hasardeux d’en conclure que les briquets sont cancérigènes. C’est évidemment un autre facteur, le tabac, qui est en cause.
Le fait que la vie humaine s’allonge de trois mois par an dans les pays développés signifie que notre mode de vie est loin d’être une catastrophe, et c’est pour cela qu’il est envié par ceux qui ne peuvent en bénéficier. Le plaisir évident que prend la majorité des gens à manger notre bonne cuisine ramène le mythe de la malbouffe à sa juste valeur.
Il est important de prendre en compte le fait que le nombre de cancers de l’estomac a beaucoup diminué depuis 50 ans. Il est probable que cela soit dû à l’abaissement très notable des mycotoxines dans notre alimentation. Le retour vers les pratiques d’autrefois et vers la vente libre de produits artisanaux non contrôlés pourrait réserver quelques très mauvaises surprises dans les années à venir.
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