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L’ÉCLAIRCIE D’ALI HAROUN Quand les droits de l’homme revisitent l’histoire

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  • L’ÉCLAIRCIE D’ALI HAROUN Quand les droits de l’homme revisitent l’histoire

    Le 18 juin 1991, juste après la grève insurrectionnelle du FIS, est annoncée la constitution du nouveau gouvernement Ghozali. Il est chargé de préparer des élections législatives anticipée pour fin décembre.
    Dans ce gouvernement figure un ministère délégué aux droits de l’homme, une première en Algérie et dans le monde arabe. Ali Haroun, figure historique de la Révolution algérienne et cependant retiré de toute activité politique depuis 1963 (il s’est toujours consacré à son cabinet d’avocat), est alors appelé à diriger ce ministère. Une mission qu’il assumera de juin à décembre 1991, dans une conjoncture particulièrement difficile. Vingt ans après, Ali Haroun revient sur cette période avant le séisme du premier tour des élections législatives. Son dernier livre L’éclaircie vient justement apporter un certain nombre d’éclairages sur les droits de l’homme dans notre pays, de rappels historiques et de convictions personnelles quant à la pratique de la démocratie. Dans ce contexte, avertit l’auteur, «la lutte pour la promotion des droits fondamentaux de l’être humain » s’avère un exercice périlleux d’équilibriste. A fortiori lorsqu'un régime politique «atteint du vice congénital de violence» se voit déborder par un mouvement islamiste «négateur déclaré de la démocratie». Toute la problématique au cœur de l’ouvrage est là, en toile de fond, en même temps que Ali Haroun retrace le parcours (bref mais si riche d’expérience) du ministère des Droits de l’homme. Cruel dilemme, en effet, lorsqu’on sait que «le décret du 4 juin 1991 sur l’état de siège prévoit, pour sauvegarder l’ordre public, des mesures d’internement administratif et d’assignation à résidence en elles-mêmes attentatoires aux libertés ». Et de se poser la question fondamentale que tout intellectuel honnête ne peut occulter : «Etait-il alors crédible de créer un tel ministère, précisément sous un état d’exception? Et n’était-ce pas alors prendre le risque d’y voir un «ministère-alibi» chargé d’occulter la nature réelle d’un gouvernement hostile aux libertés »? Car les violations des droits de l’homme par les pouvoirs successifs depuis 1962, Ali Haroun est bien placé pour en connaître les détails et les mécanismes, son passé historique et sa longue pratique du barreau lui ayant énormément appris. Dans son livre, il consacre d’ailleurs certains chapitres à de telles violations et à la «pratique algérienne» en général, pour y faire défiler certaines affaires (notamment politiques) qui avaient choqué sa conception du droit au cours de sa carrière d’avocat. Les autres chapitres de l’ouvrage évoquent évidemment l’action du ministère des Droits de l’homme sur le terrain, dont ce qui a été fait concrètement dans les «camps de sûreté», en plus des missions en Europe pour rétablir l’image dégradée de l’Algérie. Vu la conjoncture politique de l’époque (l’avènement du FIS, les élections du 26 décembre 1991 puis l’interruption du second tour), Ali Haroun ne manque pas de décortiquer le phénomène de l’intégrisme, ses sources, son idéologie et la situation qui en a suivi. De même qu’il s’attarde sur l’avant et l’après séisme du 26 décembre puis l’appel à Boudiaf. Dès lors, les événements se précipitent jusqu’à cette date historique du 14 janvier 1992 où le Haut-Conseil de sécurité proclame l’institution du Haut-Comité d’Etat (HCE). «Deux jours plus tard, le jeudi 16 au matin, nous allons accueillir officiellement le Président Boudiaf qui rentre dans son pays après son long exil», écrit Ali Haroun à la fin du onzième et dernier chapitre de L’éclaircie. On l’aura compris, Ali Haroun a été, durant ce parcours, témoin et acteur de l’histoire. En son âme et conscience, il estime avoir agi honnêtement, pour le seul bien de l’Algérie, lui qui a contribué personnellement au retour de Mohamed Boudiaf. C’est pourquoi il conclut, à la manière d’une brillante plaidoirie : «L’histoire rapporte qu’on est allé chercher Cincinnatus à sa charrue pour sauver Rome. Elle retiendra qu’en répondant spontanément à l’appel du pays, “l’exilé de Kénitra“ l’aura préservé du désastre par le sacrifice de sa vie». Quant au bilan de l’éphémère ministère des Droits de l’homme, Ali Haroun le résume en ces termes dans l’épilogue de son livre : «Que sa contribution ait un tant soi peu participé au sauvetage du pays lui suffirait pour croire sa mission accomplie... Même s’il reste encore un chemin difficile à faire.» Nul doute que l’ouvrage d’Ali Haroun reste une contribution remarquable et surtout inédite (vue sous l’angle des droits de l’homme) pour l’écriture de l’histoire récente de l’Algérie. Un livre qui nous donne aussi certaines clés de lecture pour mieux comprendre les temps présents où s’entrechoquent espoirs et incertitudes. Les documents en annexe à cette rétrospective des droits de l’homme dans l’Algérie contemporaine permettront au lecteur de satisfaire encore mieux sa soif d’information et son désir de vivre dans la dignité. N’est-ce pas là un noble objectif pour Ali Haroun, en commettant cet ouvrage, que d’«amener les gouvernés à consentir les efforts indispensables à la reconnaissance de leurs droits, et ancrer dans l’esprit des gouvernants le respect des droits de l’homme» ?
    Hocine T.
    Ali Haroun, L’éclaircie. Promotion des droits de l’homme et inquiétudes (1991-1992)», Casbah Editions, 2011, 270 pages
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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