L’économie est une entité bizarre qui, si elle est réellement une science serait la seule discipline scientifique où deux personnes peuvent en même temps obtenir la reconnaissance suprême en soutenant des thèses fondamentalement opposées.
Ainsi Gunnar Myrdal démontra que nulle force équilibrante ne vient corriger les déséquilibres sociaux et qu’il ne faut pas compter sur le marché pour y parvenir.
Friedrich Hayek devint le fondateur de la doctrine libérale qui prétend que le marché s’autorégule et que toute intervention de régulation, étatique ou non, génère les crises…
Ils partagèrent le prix Nobel d’économie en 1974 !!!
Pourtant, nous vivons dans un monde surdéterminé par l’économisme. Notre compréhension globale du monde est dominée par la représentation économique. Et la religion de l’économisme enseigne, propage, maintient et défend un dogme : celui du développement et de la croissance.
Cette croissance serait même liée à l’emploi par des rapports mathématiques : au dessus de 2 % de croissance ; nous dit on, l’économie crée de l’emploi, au dessous elle en détruit.
Nous sommes donc appelé à nous réjouir lorsque les prévisions de croissance sont bonnes et notre moral de consommateur devrait s’effondrer lorsque la sacro sainte croissance bat de l’aile.
Lesdites prévisions de croissance seront élaborées dans les cuisines de Bercy et sont toujours surévaluées, puis revues à la baisse régulièrement. Nos technocrates commentent ces chiffres et nous expliquent leur imprécision avec une mauvaise foi qui force l’admiration….
Mais il serait bon de définir ce qu’est la croissance…
La croissance économique désigne la variation de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, généralement une période longue.
L’indicateur qui mesure cette production est le Produit Intérieur Brut ou PIB. Il est mesuré « en volume » ou « à prix constants » pour corriger les effets de l’inflation. Il peut même être exprimé « à monnaie constante » pour comparer deux pays utilisant des monnaies différentes…
Le taux de croissance, lui, est le taux de variation du PIB. On utilise souvent la croissance du PIB par habitant comme indication de l’amélioration de la richesse individuelle, assimilée au niveau de vie.
D’où le lien direct avec le moral des ménages : l’augmentation du taux de croissance marque l’augmentation du niveau de vie… En théorie et en moyenne… Un quasi indicateur de notre état de bonheur, s’il fallait en croire les thuriféraires de la croissance.
Mais le dogme de la croissance lié à la mesure de l’évolution du PIB est mal en point. Certes, il reste tenace dans ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de comptoir, ces explications popularisées par les journaux à grands tirages dont les journalistes ne font souvent que recopier des « notes de conjonctures » élaborées tout spécialement pour eux.
Mais si lesdits journalistes s’intéressaient tant soit peu à l’économie, celle qui disparaît aujourd’hui des livres scolaires tant son enseignement correct pourrait être subversif, ces journalistes découvriraient que l’indicateur du PIB reste cependant imparfait comme mesure de la croissance économique.
Il est pour cela l’objet de plusieurs critiques :
- Il ne mesure pas, ou mal, l’économie informelle. S’il prend en compte la production des services publics gratuits, il ne mesure pas l’activité de productions domestiques (ménage, potagers, etc.). Selon la boutade d’Alfred Saury, il suffit de se marier avec sa cuisinière pour faire baisser le PIB.
- L’indicateur du PIB ne prend en compte que les valeurs ajoutées, et non la richesse possédée, par un pays. Une catastrophe naturelle comme l’ouragan Katrina qui a touché la Nouvelle-Orléans, détruit de la richesse, mais va pourtant contribuer à l’augmentation du PIB à travers l’activité de reconstruction qu’elle va générer.
Cette contribution ne reflète pas la destruction antérieure, ni le coût du financement de la reconstruction. Cette contradiction était dénoncée dès 1850 par l’économiste français Frédéric Bastiat qui dans son « Sophisme de la vitre cassée » écrivait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits », ce qu’il résumait par : « destruction n’est pas profit. »
Le concept de croissance étant mis à mal, de nouveaux concepts sont apparus comme la croissance soutenable ou la croissance durable, tant il est vrai que ‘lorsque les hommes ne savent pas changer une chose ils en changent le nom… »
Mais ces tous ces concepts rencontrent un certain scepticisme : comment obtenir dans un monde fini une croissance qui ne le serait pas. Comment envisager une croissance en expansion continuelle dans un monde où les ressources ne sont pas infinies. Et dans ce monde fini, comment ne pas comprendre que la croissance des uns ne se fera nécessairement qu’au détriment des autres…
L’ensemble de ces éléments : doutes sur la pertinence économique, doutes sur la pérennisation du concept, doutes sur l’humanisme d’un système fonctionnant sur le non partage voire l’exploitation, ont permis l’émergence d’une nouvelle pensée.
Les économistes orthodoxes nous imposait deux choix : la croissance ou l’apocalypse. Comme souvent lorsqu’on ne nous donne que deux voies à suivre, la meilleure est la troisième…
Le concept de Décroissance.
La décroissance est un ensemble d’idées soutenues par certains mouvements anti-productivistes, anti-consuméristes et écologistes appelés objecteurs de croissance. Ils rejettent donc l’objectif, en tant que tel, d’une augmentation du taux de croissance économique, dont certains prônent même une réduction contrôlée.
Les objecteurs de croissance prônent au plan individuel la démarche dite de simplicité volontaire et, au plan global, une relocalisation des activités économiques afin de réduire l’empreinte écologique et les dépenses énergétiques.
Les mouvements en faveur de la décroissance peuvent trouver comme précurseurs le vieux courant de pensée anti-industriel du XIXe siècle, situé à la lisière du christianisme et de certaines tendances du socialisme, qui s’est notamment exprimé en Grande-Bretagne à travers John Ruskin et le mouvement Arts & Crafts (1819-1900), aux États-Unis à travers les écrits de Henry David Thoreau (1817-1862) et en Russie à travers Léon Tolstoï (1828-1911). On pourrait aussi citer comme autres précurseurs possibles, le luddisme qui était un mouvement de sabotage sélectif de certaines machines (1811), mais aussi les premières formes du syndicalisme ouvrier.
La critique de la société de consommation véhiculée par ces mouvements, et l’esprit du mouvement antipub souvent proches de la décroissance, pourraient permettre un parallèle avec les courants de pensée soixante-huitards, ainsi que certaines thèses de l’Internationale situationniste.
Ceci a permis l’apparition d’amalgames rejetant les objecteurs de croissance dans une mouvance passéiste et baba-cool bien loin de la réalité de notre société du XXI ème siècle. Pourtant l’influence des mouvement de mai 68 n’est cependant pas totale, car les décroissants adoptent généralement une vision plus réformiste que révolutionnaire.
En 1968 le Club de Rome commande à une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology un rapport pour préconiser des solutions pratiques aux problèmes planétaires. Ce rapport publié en 1972, intitulé « Limits to Growth ? » (Halte à la croissance ? dans son édition française), est la première étude importante soulignant les dangers économiques de la croissance de la consommation des matières premières et de la croissance démographique que connaît alors le monde.
Un second rapport intitulé « Sortir de l’ère du gaspillage : demain » fut publié en 1974.
Ces rapports, également connus sous le nom de rapports Meadows, ne sont pas stricto sensu des textes fondateurs de la décroissance, car ils défendent seulement la « croissance zéro ». Ils sont cependant considérés comme les premières études « officielles » présentant explicitement la croissance économique comme un facteur essentiel de l’aggravation des dérèglements planétaires (pollution, pénuries de matières premières, destruction des écosystèmes), et sont parmi les premiers écrits qui remettent en cause le modèle de croissance de l’après-guerre.
Les mentalités changent, mais n’évoluent pas nécessairement. L’audace de la remise en cause qui faisait écrire sur les mur en 68 « on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » n’a été qu’un feu de paille, qui s’est trop vite éteint.
La période des années 90 va laisser libre cours au conformisme idéologique de la croissance et on oubliera la percée visionnaire d’une compréhension de la croissance en dehors de toute identification ou de toute condamnation idéologique.
Par un juste retour des choses, le débat resurgit aujourd’hui, pour prendre un tour encore plus radical : nous avons de très sérieuses raisons d’envisager que notre futur exige non pas la croissance zéro, mais une croissance négative.
Ainsi Gunnar Myrdal démontra que nulle force équilibrante ne vient corriger les déséquilibres sociaux et qu’il ne faut pas compter sur le marché pour y parvenir.
Friedrich Hayek devint le fondateur de la doctrine libérale qui prétend que le marché s’autorégule et que toute intervention de régulation, étatique ou non, génère les crises…
Ils partagèrent le prix Nobel d’économie en 1974 !!!
Pourtant, nous vivons dans un monde surdéterminé par l’économisme. Notre compréhension globale du monde est dominée par la représentation économique. Et la religion de l’économisme enseigne, propage, maintient et défend un dogme : celui du développement et de la croissance.
Cette croissance serait même liée à l’emploi par des rapports mathématiques : au dessus de 2 % de croissance ; nous dit on, l’économie crée de l’emploi, au dessous elle en détruit.
Nous sommes donc appelé à nous réjouir lorsque les prévisions de croissance sont bonnes et notre moral de consommateur devrait s’effondrer lorsque la sacro sainte croissance bat de l’aile.
Lesdites prévisions de croissance seront élaborées dans les cuisines de Bercy et sont toujours surévaluées, puis revues à la baisse régulièrement. Nos technocrates commentent ces chiffres et nous expliquent leur imprécision avec une mauvaise foi qui force l’admiration….
Mais il serait bon de définir ce qu’est la croissance…
La croissance économique désigne la variation de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, généralement une période longue.
L’indicateur qui mesure cette production est le Produit Intérieur Brut ou PIB. Il est mesuré « en volume » ou « à prix constants » pour corriger les effets de l’inflation. Il peut même être exprimé « à monnaie constante » pour comparer deux pays utilisant des monnaies différentes…
Le taux de croissance, lui, est le taux de variation du PIB. On utilise souvent la croissance du PIB par habitant comme indication de l’amélioration de la richesse individuelle, assimilée au niveau de vie.
D’où le lien direct avec le moral des ménages : l’augmentation du taux de croissance marque l’augmentation du niveau de vie… En théorie et en moyenne… Un quasi indicateur de notre état de bonheur, s’il fallait en croire les thuriféraires de la croissance.
Mais le dogme de la croissance lié à la mesure de l’évolution du PIB est mal en point. Certes, il reste tenace dans ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de comptoir, ces explications popularisées par les journaux à grands tirages dont les journalistes ne font souvent que recopier des « notes de conjonctures » élaborées tout spécialement pour eux.
Mais si lesdits journalistes s’intéressaient tant soit peu à l’économie, celle qui disparaît aujourd’hui des livres scolaires tant son enseignement correct pourrait être subversif, ces journalistes découvriraient que l’indicateur du PIB reste cependant imparfait comme mesure de la croissance économique.
Il est pour cela l’objet de plusieurs critiques :
- Il ne mesure pas, ou mal, l’économie informelle. S’il prend en compte la production des services publics gratuits, il ne mesure pas l’activité de productions domestiques (ménage, potagers, etc.). Selon la boutade d’Alfred Saury, il suffit de se marier avec sa cuisinière pour faire baisser le PIB.
- L’indicateur du PIB ne prend en compte que les valeurs ajoutées, et non la richesse possédée, par un pays. Une catastrophe naturelle comme l’ouragan Katrina qui a touché la Nouvelle-Orléans, détruit de la richesse, mais va pourtant contribuer à l’augmentation du PIB à travers l’activité de reconstruction qu’elle va générer.
Cette contribution ne reflète pas la destruction antérieure, ni le coût du financement de la reconstruction. Cette contradiction était dénoncée dès 1850 par l’économiste français Frédéric Bastiat qui dans son « Sophisme de la vitre cassée » écrivait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits », ce qu’il résumait par : « destruction n’est pas profit. »
Le concept de croissance étant mis à mal, de nouveaux concepts sont apparus comme la croissance soutenable ou la croissance durable, tant il est vrai que ‘lorsque les hommes ne savent pas changer une chose ils en changent le nom… »
Mais ces tous ces concepts rencontrent un certain scepticisme : comment obtenir dans un monde fini une croissance qui ne le serait pas. Comment envisager une croissance en expansion continuelle dans un monde où les ressources ne sont pas infinies. Et dans ce monde fini, comment ne pas comprendre que la croissance des uns ne se fera nécessairement qu’au détriment des autres…
L’ensemble de ces éléments : doutes sur la pertinence économique, doutes sur la pérennisation du concept, doutes sur l’humanisme d’un système fonctionnant sur le non partage voire l’exploitation, ont permis l’émergence d’une nouvelle pensée.
Les économistes orthodoxes nous imposait deux choix : la croissance ou l’apocalypse. Comme souvent lorsqu’on ne nous donne que deux voies à suivre, la meilleure est la troisième…
Le concept de Décroissance.
La décroissance est un ensemble d’idées soutenues par certains mouvements anti-productivistes, anti-consuméristes et écologistes appelés objecteurs de croissance. Ils rejettent donc l’objectif, en tant que tel, d’une augmentation du taux de croissance économique, dont certains prônent même une réduction contrôlée.
Les objecteurs de croissance prônent au plan individuel la démarche dite de simplicité volontaire et, au plan global, une relocalisation des activités économiques afin de réduire l’empreinte écologique et les dépenses énergétiques.
Les mouvements en faveur de la décroissance peuvent trouver comme précurseurs le vieux courant de pensée anti-industriel du XIXe siècle, situé à la lisière du christianisme et de certaines tendances du socialisme, qui s’est notamment exprimé en Grande-Bretagne à travers John Ruskin et le mouvement Arts & Crafts (1819-1900), aux États-Unis à travers les écrits de Henry David Thoreau (1817-1862) et en Russie à travers Léon Tolstoï (1828-1911). On pourrait aussi citer comme autres précurseurs possibles, le luddisme qui était un mouvement de sabotage sélectif de certaines machines (1811), mais aussi les premières formes du syndicalisme ouvrier.
La critique de la société de consommation véhiculée par ces mouvements, et l’esprit du mouvement antipub souvent proches de la décroissance, pourraient permettre un parallèle avec les courants de pensée soixante-huitards, ainsi que certaines thèses de l’Internationale situationniste.
Ceci a permis l’apparition d’amalgames rejetant les objecteurs de croissance dans une mouvance passéiste et baba-cool bien loin de la réalité de notre société du XXI ème siècle. Pourtant l’influence des mouvement de mai 68 n’est cependant pas totale, car les décroissants adoptent généralement une vision plus réformiste que révolutionnaire.
En 1968 le Club de Rome commande à une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology un rapport pour préconiser des solutions pratiques aux problèmes planétaires. Ce rapport publié en 1972, intitulé « Limits to Growth ? » (Halte à la croissance ? dans son édition française), est la première étude importante soulignant les dangers économiques de la croissance de la consommation des matières premières et de la croissance démographique que connaît alors le monde.
Un second rapport intitulé « Sortir de l’ère du gaspillage : demain » fut publié en 1974.
Ces rapports, également connus sous le nom de rapports Meadows, ne sont pas stricto sensu des textes fondateurs de la décroissance, car ils défendent seulement la « croissance zéro ». Ils sont cependant considérés comme les premières études « officielles » présentant explicitement la croissance économique comme un facteur essentiel de l’aggravation des dérèglements planétaires (pollution, pénuries de matières premières, destruction des écosystèmes), et sont parmi les premiers écrits qui remettent en cause le modèle de croissance de l’après-guerre.
Les mentalités changent, mais n’évoluent pas nécessairement. L’audace de la remise en cause qui faisait écrire sur les mur en 68 « on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » n’a été qu’un feu de paille, qui s’est trop vite éteint.
La période des années 90 va laisser libre cours au conformisme idéologique de la croissance et on oubliera la percée visionnaire d’une compréhension de la croissance en dehors de toute identification ou de toute condamnation idéologique.
Par un juste retour des choses, le débat resurgit aujourd’hui, pour prendre un tour encore plus radical : nous avons de très sérieuses raisons d’envisager que notre futur exige non pas la croissance zéro, mais une croissance négative.

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