Sur l’une des parties les plus ouvertes de la haute vallée de la Soummam et des deux côtés de la route, se dresse le village de Raffour, une agglomération de presque douze mille habitants, faisant partie de la commune de M’chedallah. Un village aux trois noms- Raffour, L’Étoile et Iwaqurène- mais à la beauté et à l’harmonie uniques. La vivacité et l’hospitalité de sa population ont fortement déteint sur le cadre de vie, l’activité commerciale et la solidarité agissante entre les habitants. Elle est citée comme agglomération modèle au niveau de toute la wilaya de Bouira.
Raffour est nourrie par un mythe généalogique qui, dans la pratique quotidienne, prend les dimensions d’une réalité palpable. Il s’agit bien entendu de l’histoire du aârch d’Iwaqurène qui trouve toute son _expression et son prolongement dans cette plaine de l’Oued Sahel.
A l’origine, il y avait les deux villages de la montagne : Ighzer et Taddart Lejdid, situés tous les deux sur le versant sud du Djurdjura et distants l’un de l’autre d’environ deux kilomètres. Avant la guerre de Libération nationale, la vie des populations de ces deux villages était d’une harmonie et d’une organisation exemplaires. A Raffour, tous les vieux s’en souviennent, et tous les jeunes le rappellent dès qu’une occasion se présente. Mieux, ces jeunes qui n’ont pas connu la guerre ont tout fait pour perpétuer la tradition dans les quartiers de la ville de Raffour. Le déplacement des populations des Iwaqurène sur la plaine de Raffour a eu lieu dans la douleur et le drame des bombardements de l’armée française. C’était en 1957. L’un après l’autre, les deux villages se vidèrent de leurs habitants. Ces derniers rejoignirent l’actuel site de Raffour où était implanté un camp de toile de l’armée française. Et c’est pour cette raison que, par un glissement phonétique, la future ville prit le nom d’ ‘’Étoile’’ (Camp de toile).
Les deux associations Ighzer et Taddart qui animent la vie locale tiennent à perpétuer la mémoire et les précieuses traditions des anciens Iwaqurène. Solidarité, actions tendant à améliorer le cadre de vie et célébrations grandioses de certaines fêtes dans la pure communion d’antan sont les quelques traits qui caractérisent ces deux organisations de la vie civile de la ville de Rafour. Nous eûmes à le vérifier sur place lors de la célébration de la fête de l’Achoura qui revêt ici un caractère particulier. Sacrifice de plusieurs veaux acquis par un système de cotisation et par des dons venant d’âmes charitables, distribution de viande pour les foyers selon le nombre de membres qu’ils comptent, circoncisions collectives, animations festives et cérémonies d’invocations et de prières publiques.
Ici, la vie associative n’est pas un vain mot. Les organisations de ce genre servent aussi d’interface entre la population et les pouvoirs publics dans plusieurs secteurs d’activité et les différents programmes de développement.
Le destin singulier d’Ighzer
L’un des plus élevés hameaux de ce versant de Lalla Khedidja, 1 000m d’altitude, et l’un des plus retirés de la daïra de M’chedellah, Ighzer Uwaqur se love dans un cône de déjection d’Assif n’Taghzout, ramassé autour de petites parcelles de montagne. Assif n’Taghzout descend directement du point culminant de l’Algérie du nord, le sommet de Lalla Khedidja(2 307 m). Situé à 8 km du chef-lieu de commune de Saharidj, Ighzer occupe le coude le plus aigu du CW 9 au niveau du pont sous lequel coule l'eau limpide d'Ighzer Uwaqur.
A l’approche d’un grand virage en fer à cheval, au-dessous duquel passe Ighzer n’Taghzout qui prend naissance du sommet de Lalla Khedidja et se prolonge par Ighzer Ouakkour, apparaît le petit village d’Ighzer engoncé dans des bosquets et des vergers. De ce fait, les maisons, abandonnés au cours de la ‘’décennie rouge’’, se devinent plus qu’elles ne s’exhibent au visiteur. Les pans de murs sont à peine aperçus au travers des vastes frondaisons de frênes et de chênes. Un contraste fort remarquable par rapport à la plaine de M’chedellah : ici, l’eau coule de partout ; elle suinte des talus et des petits escarpements dressés au-dessus des fossés pour imbiber de son humidité une litière épaissie par la chute des feuilles. Comme son nom l’indique, Ighzer (rivière) est situé sur les deux berges de la rivière torrentielle descendant de Lalla Khedidja. Ses habitants, qui sont une autre fraction du aârch Iwaqurène, ont fondé, avec ceux de Taddart Lejdid, la nouvelle ville de Raffour, dans la plaine de l’Oued Sahel. Cela s’est passé en 1957 après le bombardement des deux villages par l’armée française à six mois d’intervalle.
Ces pâtés de maisons auxquels on n’accède que par les chemins qui montent sont subrepticement dissimulés sous les denses frondaisons de chênes verts, figuiers et cèdres.
Le visiteur qui se destine vers cette contrée ne peut vraisemblablement pas imaginer la vie, l’humeur et l’allure qui étaient celles d’Ighzer il y a un peu plus d’une dizaine d’années.
La matrice de la tribu des Iwaquren était un village bien accordé aux harmonies de la nature, à la musique de l’eau qui glougloute sur les chutes herbeuses, à la verdure tapissant terre et toitures et aux bruissements discrets de la brise sifflotant entre les aiguilles des cèdres. Les sentiers pédestres tracés entre les arbres et les carrés de légumes portaient les traces des troupeaux et des plantes des pieds de femmes marchant pieds nus pour se rendre à leurs jardins potagers ou à la cueillette d’olives en hiver. Des grappes de raisins Hmar Bou Ammar pendaient sur les lisières des sentiers dans un bel élan dessinant un geste d’offrande.
En été, une lumière tamisée par les frondaisons enchevêtrées pleut doucement sur le sol généreux d’Ighzer. Même le son des cigales qui craquettent se trouve adouci par les musiques diaprées de l’eau qui coule et de la brise qui souffle. En hiver, le froid et la neige qui deviennent maîtres des lieux trouvent en face d’eux des chaumières fumantes et des hommes défiant les éléments de la nature pour se rendre à la chasse sur les façades de Tizimis et d’Ighil Arkegoum. Certes, le village ancestral était plus important et plus peuplé, cela avant qu’une partie de la population n’aille fonder, dans la plaine est de l’ex-Maillot, l’agglomération de Raffour. Cependant, jusqu’au début des années 90, la vie et l’activité avaient un rythme soutenu et un charme discret propre aux patries de labeur et d’authenticité.
Ighzer se réveille en 2000 avec une population expatriée, le plus souvent vers Raffour, et une gueule de bois caractérisant les lendemains d’un vertige inattendu. Les années de terreur intégriste qui ont marqué la RN 30 (M’chedallah -Tizi Ouzou par Tizi n’Kouilal) ont instauré de nouveaux comportements, fait fuir des habitants de leurs foyers et dégarni ainsi des contrées entières de ce qui était la sève et la substance de la montagne.
Aujourd’hui, Ighzer Uwaqur voit ses anciens habitants le visiter pour les travaux des champs ou pour une tâche particulière. Une grande partie d’entre eux se sont installés ailleurs. Les sentiers s’obstruent peu à peu avec des rideaux de ronces ou d’asparagus. Les arbres fruitiers non entretenus crient leur détresse de ne pas être regardés comme jadis. Les demeures sont fragilisées. Il faut dire qu’avec le déplacement des populations, de nouveaux besoins surgissent (services, école, santé, transport,…). Ce qui rend la réinstallation des foyers plus délicate.
Au silence hébété du visiteur scrutant de tous côtés une présence humaine, répond une sensation de vacuité solennelle, de vide cosmique au pied de Lalla Khedidja.
Raffour est nourrie par un mythe généalogique qui, dans la pratique quotidienne, prend les dimensions d’une réalité palpable. Il s’agit bien entendu de l’histoire du aârch d’Iwaqurène qui trouve toute son _expression et son prolongement dans cette plaine de l’Oued Sahel.
A l’origine, il y avait les deux villages de la montagne : Ighzer et Taddart Lejdid, situés tous les deux sur le versant sud du Djurdjura et distants l’un de l’autre d’environ deux kilomètres. Avant la guerre de Libération nationale, la vie des populations de ces deux villages était d’une harmonie et d’une organisation exemplaires. A Raffour, tous les vieux s’en souviennent, et tous les jeunes le rappellent dès qu’une occasion se présente. Mieux, ces jeunes qui n’ont pas connu la guerre ont tout fait pour perpétuer la tradition dans les quartiers de la ville de Raffour. Le déplacement des populations des Iwaqurène sur la plaine de Raffour a eu lieu dans la douleur et le drame des bombardements de l’armée française. C’était en 1957. L’un après l’autre, les deux villages se vidèrent de leurs habitants. Ces derniers rejoignirent l’actuel site de Raffour où était implanté un camp de toile de l’armée française. Et c’est pour cette raison que, par un glissement phonétique, la future ville prit le nom d’ ‘’Étoile’’ (Camp de toile).
Les deux associations Ighzer et Taddart qui animent la vie locale tiennent à perpétuer la mémoire et les précieuses traditions des anciens Iwaqurène. Solidarité, actions tendant à améliorer le cadre de vie et célébrations grandioses de certaines fêtes dans la pure communion d’antan sont les quelques traits qui caractérisent ces deux organisations de la vie civile de la ville de Rafour. Nous eûmes à le vérifier sur place lors de la célébration de la fête de l’Achoura qui revêt ici un caractère particulier. Sacrifice de plusieurs veaux acquis par un système de cotisation et par des dons venant d’âmes charitables, distribution de viande pour les foyers selon le nombre de membres qu’ils comptent, circoncisions collectives, animations festives et cérémonies d’invocations et de prières publiques.
Ici, la vie associative n’est pas un vain mot. Les organisations de ce genre servent aussi d’interface entre la population et les pouvoirs publics dans plusieurs secteurs d’activité et les différents programmes de développement.
Le destin singulier d’Ighzer
L’un des plus élevés hameaux de ce versant de Lalla Khedidja, 1 000m d’altitude, et l’un des plus retirés de la daïra de M’chedellah, Ighzer Uwaqur se love dans un cône de déjection d’Assif n’Taghzout, ramassé autour de petites parcelles de montagne. Assif n’Taghzout descend directement du point culminant de l’Algérie du nord, le sommet de Lalla Khedidja(2 307 m). Situé à 8 km du chef-lieu de commune de Saharidj, Ighzer occupe le coude le plus aigu du CW 9 au niveau du pont sous lequel coule l'eau limpide d'Ighzer Uwaqur.
A l’approche d’un grand virage en fer à cheval, au-dessous duquel passe Ighzer n’Taghzout qui prend naissance du sommet de Lalla Khedidja et se prolonge par Ighzer Ouakkour, apparaît le petit village d’Ighzer engoncé dans des bosquets et des vergers. De ce fait, les maisons, abandonnés au cours de la ‘’décennie rouge’’, se devinent plus qu’elles ne s’exhibent au visiteur. Les pans de murs sont à peine aperçus au travers des vastes frondaisons de frênes et de chênes. Un contraste fort remarquable par rapport à la plaine de M’chedellah : ici, l’eau coule de partout ; elle suinte des talus et des petits escarpements dressés au-dessus des fossés pour imbiber de son humidité une litière épaissie par la chute des feuilles. Comme son nom l’indique, Ighzer (rivière) est situé sur les deux berges de la rivière torrentielle descendant de Lalla Khedidja. Ses habitants, qui sont une autre fraction du aârch Iwaqurène, ont fondé, avec ceux de Taddart Lejdid, la nouvelle ville de Raffour, dans la plaine de l’Oued Sahel. Cela s’est passé en 1957 après le bombardement des deux villages par l’armée française à six mois d’intervalle.
Ces pâtés de maisons auxquels on n’accède que par les chemins qui montent sont subrepticement dissimulés sous les denses frondaisons de chênes verts, figuiers et cèdres.
Le visiteur qui se destine vers cette contrée ne peut vraisemblablement pas imaginer la vie, l’humeur et l’allure qui étaient celles d’Ighzer il y a un peu plus d’une dizaine d’années.
La matrice de la tribu des Iwaquren était un village bien accordé aux harmonies de la nature, à la musique de l’eau qui glougloute sur les chutes herbeuses, à la verdure tapissant terre et toitures et aux bruissements discrets de la brise sifflotant entre les aiguilles des cèdres. Les sentiers pédestres tracés entre les arbres et les carrés de légumes portaient les traces des troupeaux et des plantes des pieds de femmes marchant pieds nus pour se rendre à leurs jardins potagers ou à la cueillette d’olives en hiver. Des grappes de raisins Hmar Bou Ammar pendaient sur les lisières des sentiers dans un bel élan dessinant un geste d’offrande.
En été, une lumière tamisée par les frondaisons enchevêtrées pleut doucement sur le sol généreux d’Ighzer. Même le son des cigales qui craquettent se trouve adouci par les musiques diaprées de l’eau qui coule et de la brise qui souffle. En hiver, le froid et la neige qui deviennent maîtres des lieux trouvent en face d’eux des chaumières fumantes et des hommes défiant les éléments de la nature pour se rendre à la chasse sur les façades de Tizimis et d’Ighil Arkegoum. Certes, le village ancestral était plus important et plus peuplé, cela avant qu’une partie de la population n’aille fonder, dans la plaine est de l’ex-Maillot, l’agglomération de Raffour. Cependant, jusqu’au début des années 90, la vie et l’activité avaient un rythme soutenu et un charme discret propre aux patries de labeur et d’authenticité.
Ighzer se réveille en 2000 avec une population expatriée, le plus souvent vers Raffour, et une gueule de bois caractérisant les lendemains d’un vertige inattendu. Les années de terreur intégriste qui ont marqué la RN 30 (M’chedallah -Tizi Ouzou par Tizi n’Kouilal) ont instauré de nouveaux comportements, fait fuir des habitants de leurs foyers et dégarni ainsi des contrées entières de ce qui était la sève et la substance de la montagne.
Aujourd’hui, Ighzer Uwaqur voit ses anciens habitants le visiter pour les travaux des champs ou pour une tâche particulière. Une grande partie d’entre eux se sont installés ailleurs. Les sentiers s’obstruent peu à peu avec des rideaux de ronces ou d’asparagus. Les arbres fruitiers non entretenus crient leur détresse de ne pas être regardés comme jadis. Les demeures sont fragilisées. Il faut dire qu’avec le déplacement des populations, de nouveaux besoins surgissent (services, école, santé, transport,…). Ce qui rend la réinstallation des foyers plus délicate.
Au silence hébété du visiteur scrutant de tous côtés une présence humaine, répond une sensation de vacuité solennelle, de vide cosmique au pied de Lalla Khedidja.
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