Les fêtes organisées par les gens, dans leur propre domicile, gardent et garderont toujours leur charme. Les fêtes d’antan se rappellent à nos mémoires et la nostalgie fait le reste. Peut-on oublier les anecdotes en rapport avec telle ou telle période quand la simplicité et la sagesse régnaient sur les esprits et régissaient les relations entre les individus et les familles ?
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Les traditions en matière de mariage en Kabylie
La saison estivale a toujours été l’occasion des grandes festivités familiales avec les fiançailles, les mariages et les circoncisions. C’est à qui fera résonner les tambours plus fort et plus longtemps. Certaines fêtes durent autant de nuits que peut assumer la famille, surtout quand il s’agit de mariages.
Il est vrai que, dans certaines régions, les moyens financiers permettent de célébrer la fête dans une salle des fêtes, ce qui commence à devenir une habitude et même une coutume, les aléas de l’organisation, de la gestion et de la finalisation des festivités devenant un problème et un handicap pour les petites bourses et les gens qui n’ont pas l’espace adéquat pour organiser une cérémonie comme ils la désirent. La salle des fêtes est si vaste que tout le monde peut y être invité, sans contrainte.
Mais il n’en demeure pas moins que les fêtes organisées par les gens, dans leur propre domicile, gardent et garderont toujours leur charme. Les fêtes d’antan se rappellent à nos mémoires et la nostalgie fait le reste. Peut-on oublier les anecdotes en rapport avec telle ou telle période quand la simplicité et la sagesse régnaient sur les esprits et régissaient les relations entre les individus et les familles ?
C’est une période durant laquelle l’élément féminin est prédominant. C’est la fête et c’est le domaine de prédilection de la femme, période durant laquelle la mère de famille trône impérialement. C’est la période durant laquelle elle devient le centre et l’âme, le pouvoir de décision se retrouvant, comme par enchantement, entre ses mains, ses prérogatives prenant toutes leurs mesures.
Les femmes donnent la mesure de leurs compétences en matière de pourparlers et d’organisation durant ces journées où aucune information ne circule. Tout est secret. L’on ne tient pas à divulguer une quelconque information, les femmes faisant en sorte qu’en cas de refus, la dignité soit préservée. Les discussions tournent, entre femmes – le consentement marital étant assuré et garanti à l’avance – autour des conditions de chacune des deux familles appelées sur le nombre de personnes qui assisteront et accompagneront la mariée, sur le nombre de sacs, de valises, de paquets, d’habits et de couvertures. Les objets d’ornement sont aussi ciblés. Le meilleur mathématicien donnerait sa langue au chat ! Rien ne doit être oublié et rien ne sera oublié. Il y va de leur respectabilité et de la réussite de leur mission découlera leur valeur d’intermédiaire. Elle en sera auréolée à jamais et fera partie, plus tard, des dames qui seront chargées d’organiser les mariages à l’échelle du village et même au-delà.
Durant les jours de festivités, ce n’est pas le marié qui est le centre et le point de jonction des regards. Ce n’est pas le père du marié qui est prépondérant. Ce n’est personne d’autre que la mère, et rien qu’elle, celle qui dirige, oriente, décide, active, surveille, veille et observe. Elle voit tout et rien ne lui échappe. Des invités qui arrivent, des cadeaux que chacun ramène et dépose entre ses mains avec les salutations d’usage, des personnes qui entrent et qui sortent, des «youyous» qui doivent impérativement retentir dès qu’elle en donne le signal, voilà pour ses prérogatives. Rien ne doit échapper à son regard.
Il ne faut pas oublier aussi qu’elle porte, aujourd’hui, l’habillement de rigueur, la «tenue règlementaire» en quelques sortes. Elle est chamarrée des cheveux aux orteils. Ses mains reluisent d’un «henné» rouge et brillant. Sa robe est des plus agréables à regarder, la «fouta», brodée de rubans de couleurs chatoyantes, qui orne ses hanches et provoque la jalousie des autres femmes. Ses bras croulent sous le poids des bijoux et son front s’orne d’un diadème en argent qui scintille et fait briller son regard. C’est la tradition et elle est fière d’être là, aujourd’hui, même si ses tempes la font souffrir, même si ses jambes n’arrivent plus à la porter, même si elle arrive difficilement à garder les yeux ouverts. Elle est heureuse et fière et, de temps en temps, comme pour se revigorer, elle lance des «youyous» stridents, accompagnée par toute l’assistance. Elle est bien obligée, en accueillant les nouvelles arrivantes, de les présenter fièrement, citant des noms, des relations et tout en entraînant l’une ou l’autre au milieu du cercle des présentes – le bal des femmes (Ourar el Khalath) -, de faire un pas de danse, aussitôt rejointe par une proche, pour tourbillonner, un bref instant, en lançant à l’entourage «Afous ! Afous !» Personne ne se fait prier pour animer l’assistance et le tambour, habilement manié par des mains expertes, résonne, égayant l’entourage, dans une cacophonie charmante et attrayante où personne ne se plaint du bruit.
Et bien sûr, c’est l’occasion ou jamais pour les regards concentrés et impersonnels, comme fortuits, les choix des jeunes se faisant et se défaisant à la recherche de la future âme sœur. Beaucoup de futurs couples se sont remarqués à ces occasions-là, quand l’élément féminin est à son apogée et que l’élément masculin est en phase de stabilisation. L’on ne peut pas dire que ces jeunes font connaissance : c’est beaucoup plus la découverte de l’autre (les uns et les unes ayant vécu dans deux mondes complémentaires, parallèles et les uns et les unes s’ignorant mutuellement et jouant l’indifférence). C’est aussi l’ouverture du chemin sinueux des hypothèses et des éventualités : les «si» commencent à s’insinuer dans les esprits et rares sont les «peut-être» qui ne se transforment pas en réalité.
Quand les anciens parlent de leur propre mariage, quand ils disent qu’ils n’avaient fait la connaissance de leur épouse que la nuit de noces, quand on apprend que les décisions de nouer les liens sacrés du mariage se réglaient au préalable en l’absence des principaux concernés, on ne doute plus que les raisons familiales et socio familiales ont primé sur celles du cœur et/ou des sentiments. En général, ces liens créés deviennent indéfectibles et les couples se sont acceptés réciproquement et ont résolu le problème des comptabilités d’humeur, quand cela n’a pas généré des conflits familiaux dont personne n’a trouvé le moyen de concilier les raisons : d’ailleurs, dans les cérémonies, on évite par tous les moyens d’être dans les parages quand on ne veut pas assister. Mais, et c’est à l’honneur de nos anciens, les invitations s’adressent à tous les parents, proches, alliés, voisins et amis, sans discrimination. Celui qui ne veut pas venir n’est pas tenu de le faire, mais par respect pour soi-même et pour la communauté, on se fait oublier, ces jours-là.
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Les traditions en matière de mariage en Kabylie
La saison estivale a toujours été l’occasion des grandes festivités familiales avec les fiançailles, les mariages et les circoncisions. C’est à qui fera résonner les tambours plus fort et plus longtemps. Certaines fêtes durent autant de nuits que peut assumer la famille, surtout quand il s’agit de mariages.
Il est vrai que, dans certaines régions, les moyens financiers permettent de célébrer la fête dans une salle des fêtes, ce qui commence à devenir une habitude et même une coutume, les aléas de l’organisation, de la gestion et de la finalisation des festivités devenant un problème et un handicap pour les petites bourses et les gens qui n’ont pas l’espace adéquat pour organiser une cérémonie comme ils la désirent. La salle des fêtes est si vaste que tout le monde peut y être invité, sans contrainte.
Mais il n’en demeure pas moins que les fêtes organisées par les gens, dans leur propre domicile, gardent et garderont toujours leur charme. Les fêtes d’antan se rappellent à nos mémoires et la nostalgie fait le reste. Peut-on oublier les anecdotes en rapport avec telle ou telle période quand la simplicité et la sagesse régnaient sur les esprits et régissaient les relations entre les individus et les familles ?
C’est une période durant laquelle l’élément féminin est prédominant. C’est la fête et c’est le domaine de prédilection de la femme, période durant laquelle la mère de famille trône impérialement. C’est la période durant laquelle elle devient le centre et l’âme, le pouvoir de décision se retrouvant, comme par enchantement, entre ses mains, ses prérogatives prenant toutes leurs mesures.
Les femmes donnent la mesure de leurs compétences en matière de pourparlers et d’organisation durant ces journées où aucune information ne circule. Tout est secret. L’on ne tient pas à divulguer une quelconque information, les femmes faisant en sorte qu’en cas de refus, la dignité soit préservée. Les discussions tournent, entre femmes – le consentement marital étant assuré et garanti à l’avance – autour des conditions de chacune des deux familles appelées sur le nombre de personnes qui assisteront et accompagneront la mariée, sur le nombre de sacs, de valises, de paquets, d’habits et de couvertures. Les objets d’ornement sont aussi ciblés. Le meilleur mathématicien donnerait sa langue au chat ! Rien ne doit être oublié et rien ne sera oublié. Il y va de leur respectabilité et de la réussite de leur mission découlera leur valeur d’intermédiaire. Elle en sera auréolée à jamais et fera partie, plus tard, des dames qui seront chargées d’organiser les mariages à l’échelle du village et même au-delà.
Durant les jours de festivités, ce n’est pas le marié qui est le centre et le point de jonction des regards. Ce n’est pas le père du marié qui est prépondérant. Ce n’est personne d’autre que la mère, et rien qu’elle, celle qui dirige, oriente, décide, active, surveille, veille et observe. Elle voit tout et rien ne lui échappe. Des invités qui arrivent, des cadeaux que chacun ramène et dépose entre ses mains avec les salutations d’usage, des personnes qui entrent et qui sortent, des «youyous» qui doivent impérativement retentir dès qu’elle en donne le signal, voilà pour ses prérogatives. Rien ne doit échapper à son regard.
Il ne faut pas oublier aussi qu’elle porte, aujourd’hui, l’habillement de rigueur, la «tenue règlementaire» en quelques sortes. Elle est chamarrée des cheveux aux orteils. Ses mains reluisent d’un «henné» rouge et brillant. Sa robe est des plus agréables à regarder, la «fouta», brodée de rubans de couleurs chatoyantes, qui orne ses hanches et provoque la jalousie des autres femmes. Ses bras croulent sous le poids des bijoux et son front s’orne d’un diadème en argent qui scintille et fait briller son regard. C’est la tradition et elle est fière d’être là, aujourd’hui, même si ses tempes la font souffrir, même si ses jambes n’arrivent plus à la porter, même si elle arrive difficilement à garder les yeux ouverts. Elle est heureuse et fière et, de temps en temps, comme pour se revigorer, elle lance des «youyous» stridents, accompagnée par toute l’assistance. Elle est bien obligée, en accueillant les nouvelles arrivantes, de les présenter fièrement, citant des noms, des relations et tout en entraînant l’une ou l’autre au milieu du cercle des présentes – le bal des femmes (Ourar el Khalath) -, de faire un pas de danse, aussitôt rejointe par une proche, pour tourbillonner, un bref instant, en lançant à l’entourage «Afous ! Afous !» Personne ne se fait prier pour animer l’assistance et le tambour, habilement manié par des mains expertes, résonne, égayant l’entourage, dans une cacophonie charmante et attrayante où personne ne se plaint du bruit.
Et bien sûr, c’est l’occasion ou jamais pour les regards concentrés et impersonnels, comme fortuits, les choix des jeunes se faisant et se défaisant à la recherche de la future âme sœur. Beaucoup de futurs couples se sont remarqués à ces occasions-là, quand l’élément féminin est à son apogée et que l’élément masculin est en phase de stabilisation. L’on ne peut pas dire que ces jeunes font connaissance : c’est beaucoup plus la découverte de l’autre (les uns et les unes ayant vécu dans deux mondes complémentaires, parallèles et les uns et les unes s’ignorant mutuellement et jouant l’indifférence). C’est aussi l’ouverture du chemin sinueux des hypothèses et des éventualités : les «si» commencent à s’insinuer dans les esprits et rares sont les «peut-être» qui ne se transforment pas en réalité.
Quand les anciens parlent de leur propre mariage, quand ils disent qu’ils n’avaient fait la connaissance de leur épouse que la nuit de noces, quand on apprend que les décisions de nouer les liens sacrés du mariage se réglaient au préalable en l’absence des principaux concernés, on ne doute plus que les raisons familiales et socio familiales ont primé sur celles du cœur et/ou des sentiments. En général, ces liens créés deviennent indéfectibles et les couples se sont acceptés réciproquement et ont résolu le problème des comptabilités d’humeur, quand cela n’a pas généré des conflits familiaux dont personne n’a trouvé le moyen de concilier les raisons : d’ailleurs, dans les cérémonies, on évite par tous les moyens d’être dans les parages quand on ne veut pas assister. Mais, et c’est à l’honneur de nos anciens, les invitations s’adressent à tous les parents, proches, alliés, voisins et amis, sans discrimination. Celui qui ne veut pas venir n’est pas tenu de le faire, mais par respect pour soi-même et pour la communauté, on se fait oublier, ces jours-là.
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