Juriste, grand militant de la cause nationale, Ali Yahia Abdennour revient dans cette contribution sur le cas Abane Ramdane, Bennaï Ouali et Ben Khedda.
De par le rôle qu'il exerça au sein du Mouvement national, comme dans l'organisation du Congrès de la Soummam et l'influence qu'il eut dans la direction de la guerre de Libération nationale, Abane Ramdane demeure un personnage exceptionnel de cette période charnière de la formation du concept d'algériannité. Abane Ramdane continue de susciter des interrogations et d'alimenter le débat sur sa disparition. L'Expression, qui a ouvert le débat autour de Abane Ramdane - les deux entretiens que nous ont accordés Mohamed Méchati et Mohamed Chafik Mesbah, suivis d'un additif de Abane Belaïd - a reçu une très intéressante contribution de Me Ali Yahia Abdennour qui apporte de précieux témoignages sur Abane Ramdane. Yahia Abdennour, voix autorisée s'il en fût, revient jusqu'aux sources de la crise dite «berbériste», qui avait secoué le PPA-Mtld en 1949 avec une onde de choc qui a perduré jusqu'après le 1er Novembre 1954. Ce nouveau témoignage lève le voile sur des aspects méconnus de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Il faut espérer que ce soit le prélude à une reconstitution objective de ces pans obscurs d'histoire que le peuple algérien a le droit de connaître pour en tirer les enseignements.
«Les dirigeants qui assassinent leurs pairs risquent eux-mêmes d'être assassinés»
Je vais d'abord essayer de retracer l'affaire dite «Berbériste», avec clarté et simplicité. Ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire. Et on peut appeler cela la dignité du silence. La crise «anti-berbériste» de 1949, qui a privé les Algériens de leur algériannité, a été provoquée par le bureau politique du PPA-MTLD, qui avait écrit fin 1948 dans un mémorandum d'une cinquantaine de pages adressé aux Nations unies: «L'Algérie est une nation arabe et musulmane depuis le VIIe siècle». Tandis que la nation algérienne n'est pas née au VIIe siècle, mais existe depuis des millénaires.
L'anti-berbérisme séculaire a fait partie de la culture de la direction PPA-MTLD, pour qui les Berbères, dont les racines plongent dans les entrailles de la nation, doivent abandonner leur culture et leur langue, s'intégrer et s'assimiler dans l'arabité, devenir arabes. Le recours aux racines du peuple permit de s'attaquer aux racines du mal. Détruire par intention et par omission Tamazight, véhicule et témoin de la culture et de la pensée de millions d'Algériens, relève d'une injustice, qui a pour nom ethnocide.
L'ethnocide est une politique volontaire de destruction d'une culture, souvent un schéma de domination qui aboutit à l'étouffement d'une politique donnée, ou à son absorption, intégration ou assimilation. Les Amazighs ne sont pas arrivés par les voies maritimes ou terrestres comme des envahisseurs. Ils sont habitants de ce pays depuis des millénaires. L'important, l'essentiel n'est pas de savoir qui est Berbère de longue date dont les ancêtres n'ont jamais eu un ailleurs que l'Algérie, mais qui se revendique Algérien, seulement Algérien. L'Algérie n'est ni romaine, ni arabe, ni française, mais algérienne, seulement algérienne. Nous sommes donc tous Algériens d'une Algérie algérienne de tous les Algériens et Algériennes. Nos ancêtres ont fait l'Algérie, il nous reste à faire les Algériens. Il faut cependant donner sa place, toute sa place à l'amazighité niée, sacrifiée, blessée, meurtrie, qui a son sens, son originalité et sa nécessité. Le croisement de l'histoire, de la géographie, de la politique et de la culture reflètent l'identité nationale. L'important, ce n'est pas d'où l'on vient mais où l'on va ensemble, vers une communauté de destin. Le peuple algérien est comme un rivière tranquille fidèle à sa source et ses racines, suit son cours, s'élargit, grossit, s'enrichit de nouveaux apports qu'elle intègre et fait siens, ne porte pas le nom d'un de ses affluents si important soit-il, mais celui de sa source.
La mort de Amar Ould Hammouda
Qui est-il? Il a délaissé une vie confortable pour adhérer au PPA clandestin et demander au peuple algérien de prendre en main son destin. Sa mission, consacrer une bonne partie de son activité à créer et former des groupes de l'Organisation spéciale (OS), d'abord en Oranie en sa qualité de membre de l'état-major de l'OS, puis en Kabylie, comporte un seuil élevé de risques qu'il sait évaluer avec intelligence, obstination et courage. Amar Ould Hammouda est très proche de Bennaï Ouali. Il est son ami, son frère, son bras droit, son conseiller et son confident. Il incarne à ses yeux, par sa stature, sa compétence, son élégance, son expérience, mais surtout par sa maturité politique, l'homme qui constituera son oeuvre et assurera la relève. L'islam est universel, n'a rien à voir avec l'appartenance ethnique et personne n'est obligé d'être un Arabe pour être musulman. Dans le monde un musulman sur cinq est un Arabe et les Arabes ne sont pas tous des musulmans, il y a des chrétiens. Début janvier 1956, je recevais un message de Kabylie m'informant qu'Ahmed Zaïda, compagnon de la crise dite berbériste 1949, avait besoin de mon aide. Il arrive avec Tahar Achir, passe la nuit chez moi, et m'informe qu'il est responsable d'une opération appelée «Oiseau bleu».
Il est convoqué au nouveau commandement militaire français pour qu'il informe sur ses actions. Mon aide consistait à lui poser toutes les questions possibles, afin qu'il ne soit pas pris au piège dans ses réponses. Au début d'avril 1956, il part d'Alger un lundi matin sur Azazga où il habite, mais il est revenu le lendemain matin pour une urgence. Il m'apprend que Amar Ould Hammouda et Embarek Aït Menguelet, qui avaient contacté Amar Cheikh pour rejoindre le maquis, leur a donné rendez-vous pour vendredi au moulin, à Agouni, au Marché hebdomadaire de Djemaâ Ouffela et qu'il va les exécuter. Cette nouvelle déconcertante est incompréhensible, et le vieux maquisard Amar Cheikh, chef important, ne peut que rejoindre et se plier à un ordre. Et Ahmed Zaïda m'apprend que tous les responsables militaires lui ont demandé de contacter Amar Ould Hammouda afin qu'il n'aille pas au rendez-vous. Et il a ajouté comme reponse à ma question que ses responsables ont essayé de contacter Amar Cheikh, néanmoins ils ne savaient pas où il se trouvait. Nous avons toutefois essayé de prendre contact avec le frère de Amar Ould Hammouda, Salah, sans succès car le délai est très court.
Nous avons également informé sa famille à «Tassaft», persuadés qu'il va leur rendre visite avant son départ au maquis. Car, il est marié et père de trois enfants et une épouse attendant un quatrième. Un mois après, Ahmed Zaïda m'informait que Amar Ould Hammouda n'a pas été chez lui, mais il avait passé une nuit chez son ami à lui à Beni Yenni et qu'il s'est présenté au rendez-vous. Est-ce la vérité? Bien plus tard, nous avons appris que Amar Ould Hammouda et Embarek Aït Menguelet ont été condamnés au village «Aït Ouabane» par un tribunal composé de Krim Belkacem, Mohammedi Saïd, Amar Ouamrane et Amar Cheikh. Krim a fait retarder leur exécution de 15 jours. Est-ce pour informer Abane Ramdane? Ahmed Zaïda reçoit après le Congrès de la Soummam l'ordre de Krim Belkacem de rejoindre le maquis, car l'affaire «Oiseau bleu», s'est ébruitée. Il a eu un accident de voiture près de Réghaïa et il a été hospitalisé à El Harrach. Il est blessé au dos, mais il s'est levé pour me remettre une petite valise rouge pleine de billets de banque neufs. Deux jours après, Ahmed Zaïda me rappelle pour lui remettre la valise, car il devait quitter l'hôpital à minuit pour rejoindre ensuite le maquis avec mille hommes.
De par le rôle qu'il exerça au sein du Mouvement national, comme dans l'organisation du Congrès de la Soummam et l'influence qu'il eut dans la direction de la guerre de Libération nationale, Abane Ramdane demeure un personnage exceptionnel de cette période charnière de la formation du concept d'algériannité. Abane Ramdane continue de susciter des interrogations et d'alimenter le débat sur sa disparition. L'Expression, qui a ouvert le débat autour de Abane Ramdane - les deux entretiens que nous ont accordés Mohamed Méchati et Mohamed Chafik Mesbah, suivis d'un additif de Abane Belaïd - a reçu une très intéressante contribution de Me Ali Yahia Abdennour qui apporte de précieux témoignages sur Abane Ramdane. Yahia Abdennour, voix autorisée s'il en fût, revient jusqu'aux sources de la crise dite «berbériste», qui avait secoué le PPA-Mtld en 1949 avec une onde de choc qui a perduré jusqu'après le 1er Novembre 1954. Ce nouveau témoignage lève le voile sur des aspects méconnus de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Il faut espérer que ce soit le prélude à une reconstitution objective de ces pans obscurs d'histoire que le peuple algérien a le droit de connaître pour en tirer les enseignements.
«Les dirigeants qui assassinent leurs pairs risquent eux-mêmes d'être assassinés»
Je vais d'abord essayer de retracer l'affaire dite «Berbériste», avec clarté et simplicité. Ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire. Et on peut appeler cela la dignité du silence. La crise «anti-berbériste» de 1949, qui a privé les Algériens de leur algériannité, a été provoquée par le bureau politique du PPA-MTLD, qui avait écrit fin 1948 dans un mémorandum d'une cinquantaine de pages adressé aux Nations unies: «L'Algérie est une nation arabe et musulmane depuis le VIIe siècle». Tandis que la nation algérienne n'est pas née au VIIe siècle, mais existe depuis des millénaires.
L'anti-berbérisme séculaire a fait partie de la culture de la direction PPA-MTLD, pour qui les Berbères, dont les racines plongent dans les entrailles de la nation, doivent abandonner leur culture et leur langue, s'intégrer et s'assimiler dans l'arabité, devenir arabes. Le recours aux racines du peuple permit de s'attaquer aux racines du mal. Détruire par intention et par omission Tamazight, véhicule et témoin de la culture et de la pensée de millions d'Algériens, relève d'une injustice, qui a pour nom ethnocide.
L'ethnocide est une politique volontaire de destruction d'une culture, souvent un schéma de domination qui aboutit à l'étouffement d'une politique donnée, ou à son absorption, intégration ou assimilation. Les Amazighs ne sont pas arrivés par les voies maritimes ou terrestres comme des envahisseurs. Ils sont habitants de ce pays depuis des millénaires. L'important, l'essentiel n'est pas de savoir qui est Berbère de longue date dont les ancêtres n'ont jamais eu un ailleurs que l'Algérie, mais qui se revendique Algérien, seulement Algérien. L'Algérie n'est ni romaine, ni arabe, ni française, mais algérienne, seulement algérienne. Nous sommes donc tous Algériens d'une Algérie algérienne de tous les Algériens et Algériennes. Nos ancêtres ont fait l'Algérie, il nous reste à faire les Algériens. Il faut cependant donner sa place, toute sa place à l'amazighité niée, sacrifiée, blessée, meurtrie, qui a son sens, son originalité et sa nécessité. Le croisement de l'histoire, de la géographie, de la politique et de la culture reflètent l'identité nationale. L'important, ce n'est pas d'où l'on vient mais où l'on va ensemble, vers une communauté de destin. Le peuple algérien est comme un rivière tranquille fidèle à sa source et ses racines, suit son cours, s'élargit, grossit, s'enrichit de nouveaux apports qu'elle intègre et fait siens, ne porte pas le nom d'un de ses affluents si important soit-il, mais celui de sa source.
La mort de Amar Ould Hammouda
Qui est-il? Il a délaissé une vie confortable pour adhérer au PPA clandestin et demander au peuple algérien de prendre en main son destin. Sa mission, consacrer une bonne partie de son activité à créer et former des groupes de l'Organisation spéciale (OS), d'abord en Oranie en sa qualité de membre de l'état-major de l'OS, puis en Kabylie, comporte un seuil élevé de risques qu'il sait évaluer avec intelligence, obstination et courage. Amar Ould Hammouda est très proche de Bennaï Ouali. Il est son ami, son frère, son bras droit, son conseiller et son confident. Il incarne à ses yeux, par sa stature, sa compétence, son élégance, son expérience, mais surtout par sa maturité politique, l'homme qui constituera son oeuvre et assurera la relève. L'islam est universel, n'a rien à voir avec l'appartenance ethnique et personne n'est obligé d'être un Arabe pour être musulman. Dans le monde un musulman sur cinq est un Arabe et les Arabes ne sont pas tous des musulmans, il y a des chrétiens. Début janvier 1956, je recevais un message de Kabylie m'informant qu'Ahmed Zaïda, compagnon de la crise dite berbériste 1949, avait besoin de mon aide. Il arrive avec Tahar Achir, passe la nuit chez moi, et m'informe qu'il est responsable d'une opération appelée «Oiseau bleu».
Il est convoqué au nouveau commandement militaire français pour qu'il informe sur ses actions. Mon aide consistait à lui poser toutes les questions possibles, afin qu'il ne soit pas pris au piège dans ses réponses. Au début d'avril 1956, il part d'Alger un lundi matin sur Azazga où il habite, mais il est revenu le lendemain matin pour une urgence. Il m'apprend que Amar Ould Hammouda et Embarek Aït Menguelet, qui avaient contacté Amar Cheikh pour rejoindre le maquis, leur a donné rendez-vous pour vendredi au moulin, à Agouni, au Marché hebdomadaire de Djemaâ Ouffela et qu'il va les exécuter. Cette nouvelle déconcertante est incompréhensible, et le vieux maquisard Amar Cheikh, chef important, ne peut que rejoindre et se plier à un ordre. Et Ahmed Zaïda m'apprend que tous les responsables militaires lui ont demandé de contacter Amar Ould Hammouda afin qu'il n'aille pas au rendez-vous. Et il a ajouté comme reponse à ma question que ses responsables ont essayé de contacter Amar Cheikh, néanmoins ils ne savaient pas où il se trouvait. Nous avons toutefois essayé de prendre contact avec le frère de Amar Ould Hammouda, Salah, sans succès car le délai est très court.
Nous avons également informé sa famille à «Tassaft», persuadés qu'il va leur rendre visite avant son départ au maquis. Car, il est marié et père de trois enfants et une épouse attendant un quatrième. Un mois après, Ahmed Zaïda m'informait que Amar Ould Hammouda n'a pas été chez lui, mais il avait passé une nuit chez son ami à lui à Beni Yenni et qu'il s'est présenté au rendez-vous. Est-ce la vérité? Bien plus tard, nous avons appris que Amar Ould Hammouda et Embarek Aït Menguelet ont été condamnés au village «Aït Ouabane» par un tribunal composé de Krim Belkacem, Mohammedi Saïd, Amar Ouamrane et Amar Cheikh. Krim a fait retarder leur exécution de 15 jours. Est-ce pour informer Abane Ramdane? Ahmed Zaïda reçoit après le Congrès de la Soummam l'ordre de Krim Belkacem de rejoindre le maquis, car l'affaire «Oiseau bleu», s'est ébruitée. Il a eu un accident de voiture près de Réghaïa et il a été hospitalisé à El Harrach. Il est blessé au dos, mais il s'est levé pour me remettre une petite valise rouge pleine de billets de banque neufs. Deux jours après, Ahmed Zaïda me rappelle pour lui remettre la valise, car il devait quitter l'hôpital à minuit pour rejoindre ensuite le maquis avec mille hommes.

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