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Quand les européens se disputaient le Maroc

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  • #16
    Agadir : l’ultime crise

    En 1911, l'affaire rebondit. Depuis la conférence d'Algésiras, le Maroc est agité par une vague de xénophobie, attisée discrètement par le sultan Abd el Aziz et encouragée par l'Allemagne.

    Dans les villes, les Européens sont molestés. En mars 1907, 1e docteur Mauchamp est assassiné dans le dispensaire qu'il a créé à Marrakech. En juillet, neuf ouvriers européens sont massacrés sur les chantiers du port de Casablanca. Les voyageurs sont détroussés jusqu'aux abords de Tanger par un « roi des montagnes », Raisouli, dont les exploits sont relatés par la presse internationale.

    La France réagit par l’envoi d’un corps expéditionnaire qui débarque à Casablanca, tandis que des unités d'Algérie franchissent la frontière, occupant Oujda. Mais Paris craint les complications diplomatiques et bride ses troupes, évitant ce qui pourrait ressembler à une occupation définitive.

    Bientôt l'anarchie se complique d'une guerre civile. Moulay Hafid, frère d'Abd el Aziz, se fait proclamer sultan à Marrakech, en août 1907, avec l'aide des tribus du Sud. Après une année de conflit, il parvient à s’imposer.

    La crise dynastique réglée, financiers et industriels français et allemands semblent d’accord pour exploiter ensemble les ressources du pays. En 1909, le groupe allemand Krupp et le français Schneider sont associés dans l’Union des mines marocaines. Mais l'apaisement est de courte durée. Le nouveau sultan, qui a imposé de lourds impôts pour rembourser les dettes d'Abd el Aziz, doit faire face au soulèvement des tribus du nord. Il est assiégé dans Fès et les Européens de la ville sont menacés.

    Le consul de France, Henri Gaillard, est chargé de convaincre le monarque marocain de faire appel à la France. Il obtient, le 4 mai 1911, la signature d'un texte antidaté. Car le vrai débat a eu lieu le 22 avril, en conseil des ministres. Delcassé, de retour au gouvernement comme ministre de la marine, se porte au premier rang des interventionnistes, demandant une action « prompte et énergique ».

    Le général Moinier part de Rabat, à la tête de 15 000 hommes, pour dégager le sultan et juguler la rébellion – assez rapidement pour ne pas réveiller les problèmes avec l'Allemagne. L'ordre est rétabli dès le début juillet. Dans le même temps, l'Espagne déploie sans incident ses troupes dans la zone qui lui a été reconnue en 1904.

    Le gouvernement français invoque la force majeure et promet d'évacuer Fès dès que l'ordre sera rétabli. Mais il est évident que le « mandat » défini à Algésiras a été dépassé. La presse allemande réagit avec vigueur, évoquant la « tunisification » du Maroc.

    L'Allemagne est décidée à rouvrir le dossier marocain. Le secrétaire d'État Kiderlen propose au Kaiser de « saisir un gage ». Le gouvernement français s'attend à une réédition du « coup de Tanger ».

    A suivre ...

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    • #17
      Un long marchandage

      Au même moment, un fait divers tragique – que reprendra Jules Romains dans Les Hommes de bonne volonté – frappe le gouvernement français. Le 21 mai 1911, un avion explose sur le terrain d'Issy-les-Moulineaux, au départ du raid aérien Paris-Madrid. Le ministre de la guerre, Berteaux, est tué. Le président du Conseil Monis, handicapé par ses blessures, est bientôt contraint à la démission.

      Caillaux prend sa succession le 1er juillet 1911. Il maintient Delcassé au ministère de la marine. Or, le même jour, la canonnière « Panther » arrive devant Agadir. L'Allemagne intervient, selon la note remise par son ambassadeur à Paris, pour protéger les ressortissants allemands menacés dans leur vie et leurs biens. Le cabinet français, à peine constitué, semble désarçonné par l'événement. Delcassé conseille la prudence : « Ne fournissons aucun prétexte à l'Allemagne ; attendons qu'elle découvre son jeu ».

      Surtout, Delcassé fait adopter le principe de décisions concertées avec Londres et Saint-Pétersbourg. L'Allemagne, qui pensait n'avoir affaire qu'à la France, se heurte aux avertissements du secrétaire au Foreign office, Edward Grey, et du chancelier de l'Échiquier, Lloyd George. L'ambassadeur d'Allemagne indique, le 7 juillet, que son gouvernement n'a aucune prétention sur le Maroc, mais qu'il entend obtenir des avantages appréciables dans le bassin du Congo.

      Un long et difficile marchandage commence, entrecoupé d'interpellations parlementaires et de campagnes de presse. Caillaux, malgré l'opposition de de Selves, son ministre des affaires étrangères, est décidé à traiter. Côté allemand, le secrétaire d'État Kiderlen, après avoir exigé la totalité du Congo, finit par se contenter d'un « gros morceau » de la colonie française, une bande de territoire en bordure du Cameroun, entre Sangha, Oubangui et Congo.

      La transaction prend forme dans l'accord du 4 novembre 1911. En outre, l'Allemagne s'engage à ne pas « entraver » l'action de la France au Maroc. Elle consent par avance à toutes les mesures de réorganisation – le mot « protectorat » est mentionné dans des lettres interprétatives.

      La convention de Fès du 30 mars 1912 établit au Maroc un régime de protectorat analogue à celui de la Tunisie. L'Espagne se voit confirmer la possession de la zone du Rif, soit 28 000 kilomètres carrés, de l'Atlantique à l'embouchure de la Moulouya.

      Ainsi, le dénouement de la crise d'Agadir donne-t-il les mains libres à la France au Maroc pour quatre décennies. À la veille de la première guerre mondiale, le heurt des impérialismes coloniaux semble apaisé. Après 1945, le combat victorieux de Mohammed V pour la restitution de sa pleine souveraineté au Maroc renverra les intrigues du « Concert européen » à son passé obscur et lointain.

      FIN ...

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