Elites intellectuelles en panne
Maîtres censeurs contre maîtres penseurs
Devant les fréquentes atteintes à la dignité des Algériens, devant les moments de crises politiques successives, devant les tentatives de soumettre la société aux archaïsmes en tout genre, combien de fois n’avons-nous pas entendu ces interrogations : «Mais où sont nos élites ? Que font nos intellectuels ? Pourquoi ne s’impliquent-ils pas ?» Des questions légitimes auxquelles des réponses objectives sont à trouver dans la nature du système autoritaire qui corrompt les plus dociles et écrase du poids de la répression et de la marginalisation les plus téméraires opposants au diktat de la régression.
«Notre politique se traînait misérablement dans des questions de personnes. On se divisait sur le point de savoir qui devait avoir le pouvoir. Mais il n’y avait pas de grande cause impersonnelle à laquelle on put se consacrer, point de but élevé auquel les volontés pussent se prendre. On suivait donc, plus ou moins distraitement, les menus incidents de la politique quotidienne, sans éprouver le besoin d’y intervenir.»
Cette déclaration n’est pas celle d’un homme politique ou personnalité publique algérienne réagissant à la situation qui prévaut dans le pays, mais celle d’Emile Durkheim, dans sa lettre aux intellectuels datant de 1904, dans laquelle il appelait ses contemporains parmi les écrivains, savants et artistes, à être à l’écoute de leur société. C’était pour lui un devoir que l’intellectuel entreprenne d’accompagner toutes les craintes, tous les soubresauts et mouvements de la société en les orientant et leur donnant du sens, de la consistance et un objectif. Dans l’Algérie de 2014, la problématique de «la non-participation de l’élite intellectuelle» à la vie publique et politique est entièrement posée.
L’élite pensante voit passer le temps et les conjonctures sans réagir ; spectatrice aphone, elle se complaît dans l’inaction face à une situation de perpétuation du statu quo autoritaire. Le système rejetant toute forme de réflexion en dehors de ses sphères, occupe la société par une quotidienneté étouffante aux préoccupations exclusivement liées à la survie, et plonge les élites intellectuelles dans le seul pouvoir de l’attente. L’intellectuel perd le contact avec sa matière sociétale, c’est-à-dire le sens même de sa condition d’élite ; il n’est plus qu’un citoyen lambda, vaquant comme ses concitoyens aux besognes de la vie. Un témoin sans témoignage, un acteur sans rôle, un regard et une parole confisqués, l’intellectuel algérien cède à l’usure, au temps et à la solitude.
Combien de fois l’apport de l’intelligentsia algérienne a fait défaut à des moments où une voix pouvait apporter du sens dans un brouhaha strident occupant une arène politique souvent dévoyée.
Le droit à la transgression cède devant l’obligation de survivre, imposée par un système qui construit sa pérennité sur le silence et l’oubli. De la résistance, l’intelligentsia autonome du pouvoir est-elle en phase de résilience communautaire pour ne pas céder à la résignation ? Un politologue et une journaliste nous livrent leurs analyses qui se rejoignent en bien des termes sur la question de la démission des élites. Ils s’accordent à ne pas perdre de vue le système politique qui est l’inhibiteur principal, le frein à toute forme de remise en cause de l’ordre établi, le garant du statu quo autoritaire.
«Le coût de la prise de parole est très élevé»
«Les intellectuels se tiennent, pour reprendre l’analyse canonique du sociologue Edward Shils, à deux extrêmes : ceux, d’une part, qui se tiennent contre les normes en vigueur et ceux, de l’autre, qui se positionnent du côté de l’ordre et de la continuité. Dans les systèmes autoritaires, comme celui en place en Algérie dès avant l’indépendance, le coût de la prise de parole est très élevé : il se paie, comme a pu l’éprouver un intellectuel comme Mohammed Harbi, par la répression, l’arbitraire, la calomnie, l’isolement, etc. Cet arsenal est si robuste qu’il en dissuade plus d’un…La coercition, à elle seule, ne suffit pas. Des répertoires visant à adoucir l’ordre autoritaire sont mis en place tels la cooptation, le clientélisme, la corruption», estime le politologue Mohammed Hachemaoui pour qui les élites intellectuelles sont prises dans une matrice qui structure les rapports entre gouvernants et gouvernés. L’analyste politique considère qu’une telle situation, où se mêlent «alignement, enrôlement, esquive ou désertion», favorise «l’émergence de ce que l’immense Edward Saïd a appelé «l’intellectuel de service». «Celui qui loue ou vend sa compétence technique au service du statu quo autoritaire ; celui qui est fondamentalement occupé à gagner les faveurs des tenants du régime autoritaire. L’intériorisation de ce type de pratiques dénature quand il ne tue pas une vie intellectuelle» dit-il en notant, qu’un intellectuel doit être, toujours selon Edward Saïd, auteur de Culture et impérialisme, «une force obstinée engagée sous les traits d’une voix reconnaissable impliquée dans la société. Une voix obstinée à éclairer et à soulever les questions liées aux enjeux de l’émancipation et de la liberté».
Un défi ou un devoir pour cet intellectuel souvent dépourvu comme dans le cas de l’Algérie, de tous les outils de prise d’appui sur la société. Mohammed Hachemaoui reconnaît que la «tâche n’est pas de tout repos». Elle exige, dit-il, «le détachement des intérêts et des passions. Conquérir un tel détachement intellectuel à l’égard tant des pouvoirs que des conventions culturelles de la société est, pour paraphraser Michaël Walzer, un exploit qui se paie de la perte de confort et de la solidarité d’autrui».
La journaliste et récipiendaire du prestigieux prix Sakarov en 1998, Salima Ghezali, estime pour sa part que la problématique de la démission des intellectuels algériens repose d’abord sur la question de savoir qu’est-ce que nous avons fait (pouvoirs publics et société), de leur apport ?
«Le pays s’est contracté… au plan des idées, des visions et des rêves»
«Il manque la visibilité et les instances nécessaires à une évaluation objective pour juger de la façon dont les intellectuels s’insèrent dans le cadre de la crise nationale. Pour rappel, avant la guerre des années 1990, la complainte sur la démission des intellectuels revenait régulièrement hanter les discours, pourtant quand le terrorisme a commencé à les faucher par dizaines, on s’est souvenu que des Boukhobza, Liabès, Boucebci, pour ne citer que quelques uns des plus connus, avaient mis leur vie au service de la compréhension et de l’explicitation des problèmes qui se posaient à leur société» dit-elle. Salima Ghezali estime que «si le pouvoir n’exprime le besoin que de panégyristes et la société que celui d’illusionnistes, que l’intellectuel s’exprime ou pas ne se remarque même pas». Il suffit, poursuit notre interlocutrice, «de se rappeler dans quelle solitude ont œuvré jusqu’à leur mort des hommes comme Kateb Yacine ou Mouloud Mammeri. Sans compter tous ceux dont on n’aura même pas retenu les noms».
Nous avons l’élite et la société qu’un contexte politique a fini par produire à raison de coups de force, de répression et de corruption. «Dans le seul cadre politique que l’Algérie contemporaine ait expérimenté, celui d’une conception autoritaire et clientéliste du pouvoir et d’une société traumatisée et déstructurée, on a l’intellectuel, l’homme d’affaires, le gestionnaire, le juriste, l’artiste, le militaire, l’imam, le haut fonctionnaire ou le sportif qu’un tel cadre peut produire. C’est-à-dire quelqu’un qui soit au service du pouvoir dans les limites qu’un tel exercice impose de lui-même, soit directement confronté aux multiples impasses qui peuplent l’univers hors-institutionnel», analyse Mme Ghezali, en notant que cette situation, déjà peu reluisante, a connu une détérioration majeure durant la guerre des années 1990 dont les conséquences continueront longtemps de peser sur le devenir des Algériens. «On ne perd pas impunément des milliers de cadres et d’universitaires de premier rang.
C’est l’investissement en ressource humaine qualifiée des trente premières années de l’indépendance qui a été presque entièrement perdu durant les vingt années qui ont suivi. La navrante médiocrité qui écrase aujourd’hui de tout son poids le pays est directement liée à cette saignée opérée conjointement par le meurtre, par l’exil, par l’exclusion ou par le retrait volontaire. On peut, sans trop forcer le trait, dire que le pays s’est contracté au point que s’il est, de par ses dimensions physiques, le plus grand d’Afrique, il n’a plus au plan des idées, des visions et des rêves qu’il porte publiquement que l’envergure d’une de ces petites îles du Pacifique que chaque jour l’océan englouti un peu plus», regrette la journaliste et intellectuelle qui se demande : «Qui a envie d’entendre cela ? Qui a le courage, l’ambition, le savoir-faire et la volonté de redonner au pays un esprit à la mesure de son corps ? La trahison des élites repose dans le fait de continuer à s’illusionner ou à mentir à ce propos.»
Des interrogations bien légitimes et qui appellent à réfléchir à ce que nous voulons faire de ce pays. Il ne fait aucun doute que le projet d’une société libre et démocratique est à construire et, pour ce faire, l’apport de l’intelligence est plus que nécessaire. C’est même le moteur du vrai débat de société, celui qui apporte les idées et porte l’étendard de leur exécution.
«Ecrivains et savants sont des citoyens, il est donc évident qu’ils ont le devoir strict de participer à la vie publique», disait Durkheim. Nous avons aussi à méditer cette autre de ses phrases qui trouve tout son sens dans la situation actuelle : «On a dit pourtant que la foule n’était pas faite pour comprendre les intellectuels et c’est la démocratie et son soi-disant esprit béotien que l’on a rendus responsable de l’espèce d’indifférence politique dont savants et artistes ont fait preuve… Mais ce qui montre combien cette explication est dénuée de fondement, c’est que cette indifférence a pris fin dès qu’un grand problème moral et social a été posé devant le pays. La longue abstention qui avait précédé venait donc tout simplement de ce que toute question, de nature à passionner faisait défaut.» La question qui passionnera foules et intellectuels sera-t-elle au rendez-vous ?
Maîtres censeurs contre maîtres penseurs
Devant les fréquentes atteintes à la dignité des Algériens, devant les moments de crises politiques successives, devant les tentatives de soumettre la société aux archaïsmes en tout genre, combien de fois n’avons-nous pas entendu ces interrogations : «Mais où sont nos élites ? Que font nos intellectuels ? Pourquoi ne s’impliquent-ils pas ?» Des questions légitimes auxquelles des réponses objectives sont à trouver dans la nature du système autoritaire qui corrompt les plus dociles et écrase du poids de la répression et de la marginalisation les plus téméraires opposants au diktat de la régression.
«Notre politique se traînait misérablement dans des questions de personnes. On se divisait sur le point de savoir qui devait avoir le pouvoir. Mais il n’y avait pas de grande cause impersonnelle à laquelle on put se consacrer, point de but élevé auquel les volontés pussent se prendre. On suivait donc, plus ou moins distraitement, les menus incidents de la politique quotidienne, sans éprouver le besoin d’y intervenir.»
Cette déclaration n’est pas celle d’un homme politique ou personnalité publique algérienne réagissant à la situation qui prévaut dans le pays, mais celle d’Emile Durkheim, dans sa lettre aux intellectuels datant de 1904, dans laquelle il appelait ses contemporains parmi les écrivains, savants et artistes, à être à l’écoute de leur société. C’était pour lui un devoir que l’intellectuel entreprenne d’accompagner toutes les craintes, tous les soubresauts et mouvements de la société en les orientant et leur donnant du sens, de la consistance et un objectif. Dans l’Algérie de 2014, la problématique de «la non-participation de l’élite intellectuelle» à la vie publique et politique est entièrement posée.
L’élite pensante voit passer le temps et les conjonctures sans réagir ; spectatrice aphone, elle se complaît dans l’inaction face à une situation de perpétuation du statu quo autoritaire. Le système rejetant toute forme de réflexion en dehors de ses sphères, occupe la société par une quotidienneté étouffante aux préoccupations exclusivement liées à la survie, et plonge les élites intellectuelles dans le seul pouvoir de l’attente. L’intellectuel perd le contact avec sa matière sociétale, c’est-à-dire le sens même de sa condition d’élite ; il n’est plus qu’un citoyen lambda, vaquant comme ses concitoyens aux besognes de la vie. Un témoin sans témoignage, un acteur sans rôle, un regard et une parole confisqués, l’intellectuel algérien cède à l’usure, au temps et à la solitude.
Combien de fois l’apport de l’intelligentsia algérienne a fait défaut à des moments où une voix pouvait apporter du sens dans un brouhaha strident occupant une arène politique souvent dévoyée.
Le droit à la transgression cède devant l’obligation de survivre, imposée par un système qui construit sa pérennité sur le silence et l’oubli. De la résistance, l’intelligentsia autonome du pouvoir est-elle en phase de résilience communautaire pour ne pas céder à la résignation ? Un politologue et une journaliste nous livrent leurs analyses qui se rejoignent en bien des termes sur la question de la démission des élites. Ils s’accordent à ne pas perdre de vue le système politique qui est l’inhibiteur principal, le frein à toute forme de remise en cause de l’ordre établi, le garant du statu quo autoritaire.
«Le coût de la prise de parole est très élevé»
«Les intellectuels se tiennent, pour reprendre l’analyse canonique du sociologue Edward Shils, à deux extrêmes : ceux, d’une part, qui se tiennent contre les normes en vigueur et ceux, de l’autre, qui se positionnent du côté de l’ordre et de la continuité. Dans les systèmes autoritaires, comme celui en place en Algérie dès avant l’indépendance, le coût de la prise de parole est très élevé : il se paie, comme a pu l’éprouver un intellectuel comme Mohammed Harbi, par la répression, l’arbitraire, la calomnie, l’isolement, etc. Cet arsenal est si robuste qu’il en dissuade plus d’un…La coercition, à elle seule, ne suffit pas. Des répertoires visant à adoucir l’ordre autoritaire sont mis en place tels la cooptation, le clientélisme, la corruption», estime le politologue Mohammed Hachemaoui pour qui les élites intellectuelles sont prises dans une matrice qui structure les rapports entre gouvernants et gouvernés. L’analyste politique considère qu’une telle situation, où se mêlent «alignement, enrôlement, esquive ou désertion», favorise «l’émergence de ce que l’immense Edward Saïd a appelé «l’intellectuel de service». «Celui qui loue ou vend sa compétence technique au service du statu quo autoritaire ; celui qui est fondamentalement occupé à gagner les faveurs des tenants du régime autoritaire. L’intériorisation de ce type de pratiques dénature quand il ne tue pas une vie intellectuelle» dit-il en notant, qu’un intellectuel doit être, toujours selon Edward Saïd, auteur de Culture et impérialisme, «une force obstinée engagée sous les traits d’une voix reconnaissable impliquée dans la société. Une voix obstinée à éclairer et à soulever les questions liées aux enjeux de l’émancipation et de la liberté».
Un défi ou un devoir pour cet intellectuel souvent dépourvu comme dans le cas de l’Algérie, de tous les outils de prise d’appui sur la société. Mohammed Hachemaoui reconnaît que la «tâche n’est pas de tout repos». Elle exige, dit-il, «le détachement des intérêts et des passions. Conquérir un tel détachement intellectuel à l’égard tant des pouvoirs que des conventions culturelles de la société est, pour paraphraser Michaël Walzer, un exploit qui se paie de la perte de confort et de la solidarité d’autrui».
La journaliste et récipiendaire du prestigieux prix Sakarov en 1998, Salima Ghezali, estime pour sa part que la problématique de la démission des intellectuels algériens repose d’abord sur la question de savoir qu’est-ce que nous avons fait (pouvoirs publics et société), de leur apport ?
«Le pays s’est contracté… au plan des idées, des visions et des rêves»
«Il manque la visibilité et les instances nécessaires à une évaluation objective pour juger de la façon dont les intellectuels s’insèrent dans le cadre de la crise nationale. Pour rappel, avant la guerre des années 1990, la complainte sur la démission des intellectuels revenait régulièrement hanter les discours, pourtant quand le terrorisme a commencé à les faucher par dizaines, on s’est souvenu que des Boukhobza, Liabès, Boucebci, pour ne citer que quelques uns des plus connus, avaient mis leur vie au service de la compréhension et de l’explicitation des problèmes qui se posaient à leur société» dit-elle. Salima Ghezali estime que «si le pouvoir n’exprime le besoin que de panégyristes et la société que celui d’illusionnistes, que l’intellectuel s’exprime ou pas ne se remarque même pas». Il suffit, poursuit notre interlocutrice, «de se rappeler dans quelle solitude ont œuvré jusqu’à leur mort des hommes comme Kateb Yacine ou Mouloud Mammeri. Sans compter tous ceux dont on n’aura même pas retenu les noms».
Nous avons l’élite et la société qu’un contexte politique a fini par produire à raison de coups de force, de répression et de corruption. «Dans le seul cadre politique que l’Algérie contemporaine ait expérimenté, celui d’une conception autoritaire et clientéliste du pouvoir et d’une société traumatisée et déstructurée, on a l’intellectuel, l’homme d’affaires, le gestionnaire, le juriste, l’artiste, le militaire, l’imam, le haut fonctionnaire ou le sportif qu’un tel cadre peut produire. C’est-à-dire quelqu’un qui soit au service du pouvoir dans les limites qu’un tel exercice impose de lui-même, soit directement confronté aux multiples impasses qui peuplent l’univers hors-institutionnel», analyse Mme Ghezali, en notant que cette situation, déjà peu reluisante, a connu une détérioration majeure durant la guerre des années 1990 dont les conséquences continueront longtemps de peser sur le devenir des Algériens. «On ne perd pas impunément des milliers de cadres et d’universitaires de premier rang.
C’est l’investissement en ressource humaine qualifiée des trente premières années de l’indépendance qui a été presque entièrement perdu durant les vingt années qui ont suivi. La navrante médiocrité qui écrase aujourd’hui de tout son poids le pays est directement liée à cette saignée opérée conjointement par le meurtre, par l’exil, par l’exclusion ou par le retrait volontaire. On peut, sans trop forcer le trait, dire que le pays s’est contracté au point que s’il est, de par ses dimensions physiques, le plus grand d’Afrique, il n’a plus au plan des idées, des visions et des rêves qu’il porte publiquement que l’envergure d’une de ces petites îles du Pacifique que chaque jour l’océan englouti un peu plus», regrette la journaliste et intellectuelle qui se demande : «Qui a envie d’entendre cela ? Qui a le courage, l’ambition, le savoir-faire et la volonté de redonner au pays un esprit à la mesure de son corps ? La trahison des élites repose dans le fait de continuer à s’illusionner ou à mentir à ce propos.»
Des interrogations bien légitimes et qui appellent à réfléchir à ce que nous voulons faire de ce pays. Il ne fait aucun doute que le projet d’une société libre et démocratique est à construire et, pour ce faire, l’apport de l’intelligence est plus que nécessaire. C’est même le moteur du vrai débat de société, celui qui apporte les idées et porte l’étendard de leur exécution.
«Ecrivains et savants sont des citoyens, il est donc évident qu’ils ont le devoir strict de participer à la vie publique», disait Durkheim. Nous avons aussi à méditer cette autre de ses phrases qui trouve tout son sens dans la situation actuelle : «On a dit pourtant que la foule n’était pas faite pour comprendre les intellectuels et c’est la démocratie et son soi-disant esprit béotien que l’on a rendus responsable de l’espèce d’indifférence politique dont savants et artistes ont fait preuve… Mais ce qui montre combien cette explication est dénuée de fondement, c’est que cette indifférence a pris fin dès qu’un grand problème moral et social a été posé devant le pays. La longue abstention qui avait précédé venait donc tout simplement de ce que toute question, de nature à passionner faisait défaut.» La question qui passionnera foules et intellectuels sera-t-elle au rendez-vous ?
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