
Il était une fois, tout là- bas, entre les montagnes de l’Atlas et l’immense Sahara, une ravissante oasis appelée le royaume de Tafaska, c’est à dire le « don de Dieu », car il y faisait tellement bon vivre dans les villages et les sept cités, où les habitants étaient comblés de richesses et de paix.
Amuqran, un roi bienveillant mais très âgé régnait depuis très longtemps déjà sur ce petit royaume de verdure, perdu dans les sables et l’aridité qui l’environnaient. Rien ne lui faisait tant plaisir que le bonheur de sa famille et de ses sujets, aussi croyait – il toujours leur faire du bien en les honorant de cadeaux fastueux, en érigeant des temples et des monuments splendides, pour être estimé des siens, étendre sa renommée bien au delà de ses frontières et ainsi rivaliser de faste et de grandeur avec les pays voisins, qui étaient bien plus grands et plus puissants que le sien. Jamais il ne lésinait sur les dépenses et si ce n’était la reine, une femme douée de sagesse et de bonté, le petit royaume aurait été ruiné depuis bien longtemps, endetté et annexé par ses voisins qui le convoitaient .
Un beau jour, profitant d’une promenade en compagnie de son fils Amray, il lui confia en contemplant des oiseaux construire leur nid :
_ Amray, te voilà devenu un homme, maintenant, et je suis las du pouvoir et très âgé. Bientôt je partirai rejoindre nos ancêtres et tu es appelé à me succéder. Je sais que tu es valeureux, intelligent et que tu seras un grand roi. Mais il me manque, pour savourer mes derniers jours, de voir mes petits enfants ; ainsi je considère qu’il est temps pour toi de te marier. Qu’en penses- tu ? »
Le jeune homme, qui vénérait son père plus que tout et avait horreur de le contrarier lui répondit tout simplement :
_ Père, qu’il en soit fait selon ton désir. »
Le roi, réjoui de l’obéissance de son fils convoqua le soir même ses plus proches conseillers et il leur parla ainsi :
_ Voilà, comme il est d’usage chez nous, un roi qui accède au trône doit être marié. Désirant préparer ma succession dans la sérénité je veux marier Amray mon héritier au printemps prochain. Je vous charge donc d’une mission spéciale, vous qui connaissez si bien notre pays et nos voisins, de lui trouver la jeune fille la plus sublime qui soit. Veuillez donc vous mettre à la recherche de cette Perle rare dès maintenant, c’est un ordre ! »
Et aussitôt ses serviteurs partirent partout dans le royaume de Tafaska et bien au- delà, en quête d’une fiancée pour Amray. Au bout d’un mois d’investigations chaque responsable de région revint au palais avec les plus belles filles qui soient dignes d’un grand prince. En tout elles étaient quarante, toutes désireuses de gagner les faveurs du jeune homme, aussi le choix de l’élue s’avéra fort difficile, car elles étaient très belles. Une journée entière fut consacrée à cette sélection. On fit attendre les belles dans une cour ombragée attenante à la salle de réception et un chambellan, sur un geste de la main du roi devait les faire entrer les unes après les autres.
_ Mon fils, celles que tu auras choisies, tu leur donneras l’un des dix foulards rouges ; aux autres tu donneras les foulards bleus, pour qu’on puisse les récompenser de leur venue et les consoler de ne pas avoir été choisies. »
Malgré les protestations de la reine qui trouvait cette façon de procéder ridicule, humiliante pour les filles et bien étrange, il en fut ainsi : sur un geste du roi, confortablement assis sur un trône surélevé, entouré de ses proches et de ses conseillers, le chambellan appelait les jeunes filles que l’on faisait entrer dans leurs plus beaux atours, elles marchaient avec grâce, en souriant devant l’assemblée qui les regardait et on entendait des « oh ! » et des « ah ! » remplis d’admiration. Puis l’on observait le prince qui prenait un foulard dans une corbeille comme son père lui avait dit de faire, le mettait sur les épaules de la jeune fille choisie, qu’une servante accompagnait ensuite soit vers la porte de droite, soit vers celle de gauche, selon la couleur qu’elle obtenait.
Cette cérémonie se poursuivit ainsi jusqu’à la fin de l’après midi ; alors il y eut une fête, un grand repas où tous les convives étaient réunis autour des tables garnies de mets les plus succulents ; en attendant les résultats ils conversaient des qualités et des défauts des candidates, pendant que les musiciens et les danseurs animaient la soirée. Autour d’une table isolée le vieux roi était assis sur des coussins moelleux, fort amusé par l’originalité de l’événement et impatient comme un enfant de connaître l’issue de la sélection. Il était entouré de sa femme qui ne semblait pas du tout convaincue par ce procédé, de son fils qui avait l’air de s’ennuyer et de quelques uns de ses plus proches ministres.
_ Oh ! Amray ! Elles sont plus ravissantes et plus parfaites les unes que les autres, et je dois reconnaître que tu as bon goût ! Il te sera bien difficile de n’en choisir qu’une seule, comme le veut la tradition ! »
_ Comme si une épouse ne peut se réduire qu’à son apparence physique ! Mon pauvre ami, on ne choisit pas la femme de sa vie comme on achèterait un beau meuble ou un joli vêtement ! Je dois te dire que tu ne fais pas preuve de beaucoup de sagesse… » Lui fit remarquer sa femme.
_ Mais moi je te dis que la future épouse d’un prince doit être la plus belle femme du royaume, une merveille de perfection qui ferait chavirer les cœurs et rendre jaloux les autres monarques ! Et puis c’est moi le roi et je ne désire que le meilleur pour mon fils. »

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