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Djalâl ad-Dîn Rûmî : Les oiseaux

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  • #31
    Djalâl ad-Dîn Rûmî : La souris

    La souris

    Une souris s’empara un jour de la bride d’un chameau et ordonna à ce dernier de se mettre en marche. Le chameau était de nature docile et il se mit à marcher. La souris en fut remplie d‘orgueil.
    Ils arrivèrent soudain devant un petit ruisseau et la souris s’arrêta.
    « O mon amie ! dit le chameau, pourquoi t’arrêtes tu ? Marche, toi qui es mon guide ! »
    La souris dit :
    « Ce ruisseau me semble profond et je crains de me noyer. »
    Le chameau :
    « Je vais essayer ! »
    Et il s’avança dans l’eau.
    « L‘eau n’est pas profonde. Elle ne dépasse pas mes jarrets. »
    La souris lui dit :
    « Ce qui t’apparaît comme une fourmi est pour moi un dragon. Si l’eau t’arrive aux jarrets, elle doit dépasser ma tête de plusieurs centaines de mètres. »
    Alors le chameau lui dit :
    « Dans ce cas, cesse d’être orgueilleuse et de te prendre pour un guide. Exerce ta fierté sur les autres souris, mais pas sur moi !
    - Je me repens ! dit la souris, au nom de Dieu, fais-moi traverser ce ruisseau ! »

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    • #32
      Djalâl ad-Dîn Rûmî : La gazelle

      La gazelle

      Un chasseur captura un jour une gazelle et l’enferma dans l’enclos où il parquait ses ânes et ses vaches. La pauvre gazelle courait, égarée, de-ci de-là. La nuit venue, le chasseur apporta du foin pour les ânes. Ceux-ci avaient si grand-faim que cette vile nourriture leur était douce comme le sucre. La gazelle, étourdie par la poussière, vaguait en tous sens. Etre uni à son contraire est une torture pire que la mort.
      Toi aussi, tu subis cette torture sans même t’en apercevoir. L‘oiseau de ton âme est enfermé dans la même cage que son contraire. L‘esprit est comme un faucon mais ta nature est celle du corbeau.
      Pendant longtemps, cette gazelle au parfum de musc se languit dans l’enclos des ânes. Elle se trouvait là comme un poisson échoué sur le rivage. Le musc et les excréments se trouvaient réunis en un même lieu. Les ânes commencèrent alors à se moquer d’elle. L‘un disait :
      « Oh ! Oh ! Elle a le caractère d’un sultan ! »
      Un autre :
      « Sans doute possède-t-elle des perles ! »
      Quand ils furent rassasiés, ils l’invitèrent cependant à satisfaire sa faim, mais la gazelle leur dit :
      « Je suis bien lasse et n’ai guère d’appétit !
      - Ah oui ? Firent les ânes. Nous comprenons parfaitement. Tu as envie de faire des caprices. Tu as peur de déroger !
      - C’est votre nourriture, dit la gazelle. Elle vous convient, mais moi, je suis l’amie de l’herbe fraîche. J’ai l’habitude de me désaltérer à l’eau pure des rivières. Sans doute ce qui m’arrive était écrit dans mon destin. Hélas, ma nature n’a pas changé et me voici dans la situation d’un pauvre dont le regard n’est même pas avide ! Mes vêtements sont peut-être défraîchis mais moi-même, je suis encore toute fraîche ! Quand je pense qu’autrefois je mangeais à mon gré des lilas, des tulipes et des iris !
      - La nostalgie t’égare ! Répliquèrent les ânes.
      - Mon musc est mon témoin ! répondit la gazelle.
      Même l’ambre et l’encens lui portent le respect. Ceux qui sentent font seuls la différence. Mon musc n’est certes pas destiné aux amateurs de fange ! Oh ! Comme il est vain de proposer du musc à qui apprécie l’odeur du crottin ! »

      Dans ce bas monde, le salut est dans la nostalgie et la solitude.

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      • #33
        Djalâl ad-Dîn Rûmî : Tambours

        Tambours

        Un enfant était chargé de jouer du tambour afin d‘effrayer les corbeaux qui venaient picorer les graines. Et c’était par le son de son tambour que les graines étaient protégées des oiseaux. Or, un jour, le sultan Mahmoud arriva avec toute son armée et des milliers de soldats envahirent le village. Le sultan lui-même marchait en tête, juché sur un chameau qui portait deux grandes caisses de tambour. Quand il vit que ce chameau pénétrait dans son champ, l’enfant joua de son tambour pour le chasser. Un homme raisonnable vint à passer qui lui dit :
        « Que ton tambourin est ridicule comparé aux énormes tambours que porte le chameau. Tu perds ton temps à faire du bruit car ce chameau est habitué à d’autres sons ! »

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        • #34
          Djalâl ad-Dîn Rûmî : Convaincu

          Convaincu

          Un musulman exhortait un chrétien à se convertir :
          « O ! Viens embrasser l’islam et sa foi !
          -Si Dieu le veut, fit le chrétien, il me fera embrasser la foi. C’est lui qui procure la connaissance et Lui seul peut m’ôter tout doute ! »
          Le musulman insistait :
          « Dieu veut que tu embrasses la foi afin d’échapper à l’enfer, mais ton maudit égoïsme et la compagnie de Satan te dirigent vers le blasphème et vers l’Eglise !
          -L’Eglise m’a convaincu ! fit le chrétien, et j’en fais partie car il est plus agréable de se lier avec qui t’a convaincu. Dieu me demande de faire preuve de fidélité. Aussi dois-je être constant. Si mon ego et Satan peuvent agir à leur guise, alors la clémence divine n’a pas de sens. Toi, tu veux construire une mosquée, imposante et pleine d’ornementation. Mais celui qui te suivra en fera un monastère. Tu as tissé avec beaucoup d’amour une pièce de drap pour t »en faire un manteau, mais quelqu’un est venu, te l’a dérobée et s’en est fait un pantalon ! Si on gaspille le drap, celui-ci peut-il en être tenu pour responsable ? Si je suis ainsi déshonoré, c’est que Dieu l’a voulu. A quoi bon prétendre que la volonté divine se réalise toujours si la volonté de l’ego règne en maître ? Sans la volonté de Dieu, personne ici-bas n’aurait de volonté, ne serait-ce que pour un instant. Si tu penses que je suis le plus vil des infidèles, sache-le, j’en suis moi-même convaincu ! Si le destin accomplit ses volontés en contradiction avec la volonté divine, alors il vaut mieux se soumettre à Satan car c’est lui qui sortira vainqueur. Mais si un jour Satan devient mon ennemi, qui me protégera de lui ? Crois-moi, c’est bel et bien la volonté de Dieu qui se réalise. Ce monde lui appartient et l’autre aussi. Sans un ordre, nul ne saurait bouger un doigt. C’est à lui qu’appartiennent les biens, les décisions et l’ordre universel. Et Satan n’est qu’un maudit chien qui lui appartient !

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          • #35
            Djalâl ad-Dîn Rûmî : Le feu de la nostalgie

            Le feu de la nostalgie

            Medjnoun (Leila), séparé de sa bien-aimée, était tombé malade et le feu de la nostalgie faisait bouillir son sang. Un médecin vint pour le soigner mais, lorsqu’il mit le doigt sur le siège de sa douleur, l’amoureux poussa un cri :
            - Laisse-moi ! Si je dois mourir, ce sera tant pis !
            Le médecin répliqua, étonné :
            « Toi qui ne crains pas le lion et qui es chaque soir entouré d’animaux sauvages, les effrayant par la seule force de ton amour ! Que signifie cette peur subite ? »
            Medjnoun répondit :
            « Je n’ai pas peur de la maladie car je suis plus patient que la montagne. Mon corps est content de la maladie. Le chagrin est mon lot quotidien et mon corps est plein de Leila. Aussi ai-je craint qu’en me faisant une saignée, tu ne blesses ma bien-aimée ! »

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            • #36
              Djalâl ad-Dîn Rûmî : Le chasseur et l'oiseau

              Le chasseur et l'oiseau

              Un oiseau survolait une prairie. Là, un chasseur, caché dans les feuillages, avait tendu un piège avec quelques graines comme appât. L'oiseau se posa tout près et dit au chasseur sans le voir :
              "Qui es-tu ? Que fais-tu, couvert de feuillages, dans cette prairie remplie de bêtes sauvages ?»
              Le chasseur répondit :
              "Je suis un homme pieux qui a abandonné le monde et se satisfait des quelques plantes qui l'entourent. La mort de mes voisins a été une leçon pour moi. J'ai abandonné tous mes biens. Puisqu'au dernier jour, je serai seul et que je suis promis au tombeau, j'ai pensé qu'il valait mieux se consacrer à se rapprocher du Dieu unique. (...)
              - C'est une erreur que de se retirer dans la solitude, dit l'oiseau. Il est préférable de prendre en patience les tourments que vous infligent les gens de mauvais caractère. Il faut se rendre utile à autrui, ainsi qu'un nuage !
              - Ton discours n'a pas de sens ! dit le chasseur, car la solitude vaut mieux qu'une mauvaise compagnie. Celui qui ne pense qu'à sa subsistance ne vaut pas mieux qu'un cadavre et sa compagnie est la véritable solitude."
              L’oiseau :
              "Il ne peut y avoir de combat que si on te barre le chemin. Et le courage se manifeste lorsqu'on croise ses ennemis."
              Le chasseur répondit :
              "C'est vrai si l'on est assez fort pour éviter la méchanceté. Sinon, mieux vaut se retirer !
              - Il te manque la fidélité du cœur ! dit l'oiseau. Si tu es amical, nombreux seront tes amis. Si la brebis s'éloigne du troupeau, c'est une occasion pour le loup. Même si tu t'es gardé du loup, ne te crois pas en sécurité si tu n'es pas entouré d'amis. Si les murs n'étaient pas amis les uns des autres, aucune maison n'aurait de toit. Si la plume n'était pas l'amie du papier, aucune parole ne serait transmise."
              Des milliers de secrets furent ainsi échangés entre l'oiseau et le chasseur. Finalement l'oiseau demanda :
              "A qui sont ces grains de blé ?
              - Un orphelin me les a confiés, dit le chasseur. En effet, je suis le protecteur des orphelins.
              - Je suis dans une passe difficile, dit l'oiseau. J'ai si faim que je mangerais un cadavre. Ô homme vertueux ! Permets-moi de manger quelques-unes de ces graines !
              - Si tu les mangeais sans besoin ce serait alors un péché ! dit le chasseur. Si vraiment tu es dans un état de besoin suprême alors tu dois donner un gage."
              L'oiseau, plein de désir, se rua sur les graines et fut à l'instant capturé par le piège. Rendu à l'impuissance, il se mit à pleurer.
              Ô toi qui pleures ! Pleure avant ta mort et non pas après !
              L'oiseau s’écria :
              "Voilà la récompense de ceux qui se laissent séduire par les sortilèges des ascètes !»
              Le chasseur lui répliqua :
              "Que non pas ! Voilà plutôt ce qui advient à ceux qui mangent le pain des orphelins !»
              L'oiseau se lamenta et ses lamentations firent trembler le chasseur et son piège.
              "Ô bien-aimé ! disait-il, mon cœur est brisé par tous ces paradoxes. Caresse-moi la tête. Même si j'en suis indigne, daigne venir t'enquérir de mon état !»

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              • #37
                Djalâl ad-Dîn Rûmî : La jument

                La jument

                Une jument et son poulain buvaient ensemble dans l'abreuvoir. Soudain, le palefrenier se mit à siffler pour les en empêcher. Le poulain, effrayé par ce bruit, s'arrêta instantanément de boire. Mais sa mère lui dit :
                « O mon poulain ! Pourquoi t'arrêtes-tu de boire ?»
                Le poulain répondit :
                « Je suis effrayé par le bruit de ces gens qui sifflent. Mon cœur tremble de peur à l'idée qu'ils se mettent à crier tous ensemble. »
                La jument lui dit :
                « La monde est ainsi fait. Chacun fait quelque chose. O mon enfant, fais ce que tu as à faire ! Tresse ta barbe avant que l'on ne te la couple ! Le temps est limité et l'eau coule. Nourris ton âme avant d'en être séparé ! »
                Les paroles des hommes de Dieu sont une source de vie. O assoiffé ignorant ! Viens ! Même si tu ne vois pas le ruisseau, fais au moins comme ces aveugles qui jettent leur cruche à la rivière.

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                • #38
                  Djalâl ad-Dîn Rûmî : Sous la touche de ta main

                  Ton amour me fait résonner comme un orgue
                  Et tous mes secrets se révèlent sous la touche de ta main.
                  Tout mon être exténué ressemble à une harpe
                  A chaque fibre que tu touches, je gémis.

                  Du néant est parti notre caravane porteuse d'amour,
                  Le vin de l'union illumine éternellement notre nuit;
                  De ce vin que n'interdit point la religion d'amour,
                  Nos lèvres seront humectées jusqu'à l'aube du néant.

                  En vérité, nous sommes une seule âme, moi et toi,
                  Nous apparaissons et nous cachons toi dans moi, et moi dans toi.
                  Voilà le sens profond de mon rapport avec toi,
                  Car il existe entre moi et toi, ni moi, ni toi...

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                  • #39
                    Djalâl ad-Dîn Rûmî : Élie

                    Élie

                    I1 y avait un homme qui, chaque nuit, mangeait des friandises en invoquant le nom de Dieu. Un jour, Satan lui dit :
                    « O homme sans dignité, tais-toi! Jusqu’à quand répéteras-tu le nom de Dieu ? Tu vois bien qu’il ne te répond pas ! »
                    L‘homme eut le cœur brisé par ces paroles et ce fut dans cet état d’esprit qu’il tomba dans le sommeil. I1 fit alors un rêve et vit Elie qui lui disait :
                    « Pourquoi as-tu cessé de répéter le nom de Dieu ? »
                    L‘homme répondit :
                    « C’est parce que je n’ai eu aucune réponse et j’ai craint qu’il ne m’ait chassé de sa porte ! »
                    Elie dit alors :
                    « Dieu nous dit : “ C’est parce que j’ai accepté ta prière que je continue à t’entretenir dans cette préoccupation. »

                    Ta crainte et ton amour sont des prétextes pour entretenir ton intimité avec Dieu. Le seul fait que tu continues à prier t’annonce que tes prières sont acceptées.

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