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Lettres à Lucette 1965-1966 de Bachir Hadj Ali

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  • Lettres à Lucette 1965-1966 de Bachir Hadj Ali

    Lettres à Lucette (*) 1965-1966 est un roman épistolaire de Bachir Hadj Ali, musicologue, poète et dirigeant communiste algérien mort en 1991. Une correspondance que nous dévoile sa femme Lucette, en hommage et surtout par amour. Lettre solennelle, cartes postales de vacances, biais enfiévré d’amour… Ecrit-on encore des lettres, ou est-ce une pratique désuète ? Courriel, texto… s’imposent comme les nouveaux modes de communication, plus rapides, plus instantanés.

    On est en plein siècle de digestion rapide. La distance temporelle et spatiale se contracte en milliards de pixels. Durant des siècles, la correspondance s’est imposée comme une coutume sociale, puis, au fil du temps, elle a intercepté l’artistique littéraire pour devenir un genre à part entière.

    Des écrivains en ont fait des œuvres littéraires. Madame de Sévigné, Balzac, Diderot, Flaubert, Sartre… Plus proche de nous, Lettres à Lucette 1965-1966 de Bachir Hadj Ali, raconte l’hallucinante promenade de deux ombres lumineuses dans les dédales de l’obscur, dans la clameur de l’absurde ; des êtres de lumières qui s’éclairaient mutuellement.

    L’œuvre transpire la ferveur d’un épistolaire profondément amoureux, loin des clichés au format sentimental disproportionné. Dans les lettres qu’adressait Bachir Hadj Ali (emprisonné à Lambèse) à son épouse Lucette, alias Safia (son pseudonyme pendant la guerre de libération), il lui décrivait ses journées carcérales, loin d’elle et de leurs enfants, les livres qu’il lisait, etc.

    Rien n’était omis, même pas les habits qu’il portait, ou l’exactitude de son positionnement dans l’espace «je suis à 25 centimètres de ta photo…». Leur destinée les a fait naître le même jour, le même mois et la même année. Une sensation vertigineuse des prémices d’une légende, d’un amour idéal.

    «Sans cette singularité, j’aurais l’impression de me parler si j’entendais ta voix, et l’illusion de me mirer dans une glace, à la vue de ton visage», disait Gibran Khalil Gibran. L’absence de Lucette le consumait plus fort que son ulcère, ou la frustration d’être claustré injustement.

    Lucette est son âme jumelle, son autre moi, un être qui se confond dans les éléments, toujours entre la mouvance et la pause, un autre moi, l’autre c’est moi, alors qui suis-je ? Toujours un entre-deux, un entre-être, ni tout à fait moi, ni un autre.

    Leur couple est une vision de l’entre-être à hauteur idéale. Cette création épistolaire a plusieurs angles de lecture. Le lecteur n’est plus tenu à une lecture lascive. Il est convié à s’élever à un autre stade plus observateur. Le roman offre un angle historique, psychologique et puissamment humain.

    D’autre part, le procédé rigoureux de l’écriture démontre une énergie simple et authentique, permettant au lecteur de chasser toute copie ou imitation du couple dit moderne, imposée par la société actuelle. Tout cela au profit d’une histoire véridique, puisant l’ordinaire dans son essence extraordinaire.

    L’admiration, la fougue et la passion animent ce roman épistolaire. Mais il traduit fortement la douleur, la frustration et l’anxiété, confusément mélangées, hantant Bachir Hadj Ali du fond délabré de sa cellule. Malgré cela, ni son arrestation en 1965 ni la succession de tortures sous le régime de Boumediene n’ont eu raison de sa résistance, de l’espoir et du désir de mettre de l’amour dans le cœur de Lucette, de la beauté dans les yeux des autres : «La beauté est un objectif vers lequel les hommes, depuis qu’ils existent, ont tendu.

    En ce sens, la recherche de la beauté est liée en permanence à l’effort pour la libération des hommes de toutes les exploitations, de toutes les mutilations. Ainsi, la beauté est un objectif révolutionnaire.» L’œuvre semble parler et dire que l’homme restera ce bâtisseur de mémoire, ce conteur de légendes, qui aime évoquer sa vie, celle de ses semblables, prouvant ainsi que le tumulte sentimental est résistance, qu’il est vécu universel.

    Rien ne perdure, les êtres, les destins, les actions… Tout s’altère, sauf le souvenir. Y a-t-il une chose plus lancinante que le souvenir ? C’est ce dernier qui survit quand la vie nous échappe.

    (*) Lettres à Lucette 1965-1966, de Bachir Hadj Ali Edition RSM.

    Par le Jeune indépendant
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