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Asqif N’Tmana ou l’errance de deux amoureux en Kabylie

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  • Asqif N’Tmana ou l’errance de deux amoureux en Kabylie

    A l’occasion du centenaire du grand poète Si Mohand U M’hand, et pour marquer ce centenaire à sa manière (comme il le dit), Ali Maameri écrit un livre, une histoire portant le titre «Asqif N Tmana» en hommage surtout aux femmes.

    Je pense qu’avant de passer a l’ouvre, une petite explication sur Asqif N’Tmana soit exigee :

    Le poète, Si Mohand u M’hand décida un jour d’aller rendre visite au cheikh. On annonça au saint de la zaouïa l’arrivée du poete, on disant : "le meddah"

    “Cet homme n’est pas un meddah, c’est un sellah (bienfaiteur)”, rétorqua le vénéré cheikh.
    Cette réponse lourde de sens se veut en fait un signe fort du grand respect et l’esprit fraternel qui lient les deux personnages.
    Si Mohand cachait même sa pipe de kif dans le buisson avant de venir à la rencontre du vertueux homme. Cela signifie la parfaite considération qu’exprime le poète pour le cheikh.
    Le premier échange de mots est une déclamation de poèmes exécutée excellemment par Si Mohand :
    Pour le départ, prépare le viatique.
    Malade est mon cœur.
    Ce pays va changer d’homme…”, lança-t-il.
    Cheikh Mohand Oulhocine était surpris par des poèmes aussi sublimes. Il demanda alors au poète de lui répéter les vers. Mais Si Mohand u M’hand lui fera comprendre qu’il ne répète jamais les vers qu’il a déjà déclamés. Devant le refus du poète, la discussion a pris une autre allure.
    La rencontre des deux bardes s’est terminée par une sorte de propos qui présageaient à Si Mohand u M’hand un exil loin des siens. Et comme l’avait prédit cheikh Mohand Oulocine, Si Mohand u M’hand sera enterré dans une terre d’asile “Asequif n’tmana”, un 28 décembre 1905.

    Si Mohand mourrut en 1906 à l'hôpital des Soeurs Blanches de Michelet et fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.

    ====
    Votre première nouvelle trouve racine dans l’oeuvre de Si Mhand ou Mhand (1845-1906). Son titre significatif "Asqif N Tmana", évoque le "carré aux exilés" où est enterré le poète, vers Michelet. Sa sépulture est devenue l’un des sanctuaires de la patrie kabyle, un lieu qui scellera le destin des deux amoureux, Mustapha et Nadia, les protagonistes de la courte et poignante histoire que vous nous racontez ...
    Ali Mammeri : C’est tout d’abord une volonté avant d’être un hommage. J’ai voulu marquer ce centenaire à ma manière, par une contribution personnelle. D’ailleurs, cette modeste nouvelle se veut être un hommage aux Femmes. J’ai voulu par celle-ci accomplir un devoir de mémoire.


    Il m’arrive très souvent de discuter avec des jeunes de 17-20 ans. Je suis sidéré de constater combien leur ignorance est grande sur le Printemps Berbère. L’événement historique évoque parfois en eux de vagues images de manifestations, mais guère plus. Je me suis senti interpellé, avec une volonté d’aller au bout des choses, de suivre les événements de près.

    J’ai pu constater cette montée en force de l’intégrisme en Kabylie. Comment rester silencieux ? Mon combat est celui la diversité culturelle. Je tiens à rappeler les sacrifices consentis des Kabyles pour l’Algérie. Car à mes yeux c’est bien la Kabylie qui a payé le plus lourd tribut pour la réhabiliation de l’Algérie.

    De même, je pense que nous ne détenons pas le monopole de l’amazighité. L’Algérie entière est berbère. Si je n’entretiens aucune rancoeur envers les pays arabes, quand on me dit que je ne dois plus être berbère mais arabe, là je me sens révolté et ce depuis mon plus jeune âge.

    Votre fonction de conseiller culturel au sein d’un pouvoir arabo-baathiste n’a-t’elle pas était trop lourde à porter, pour l’un des descendants de la grande famille de Mouloud Mammeri ?
    J’aurais pu être ce kabyle de service. On a essayé de m’acheter par des insinuations. On me disait de mettre de l’eau dans mon vin. Mais comment voulaient-ils que je renonce à mes certitudes et mes convictions. Je n’ai pu accéder à certains postes pour ces raisons, me retrouvant limité au culturel.


    Pourquoi autant de réticences à publier ce livre ?
    J’ai écrit au départ ce livre pour des amis, éventuellement des associations. Il est possible qu’il soit re-édité sous un autre titre en France, sans doute "Le Portique de la sereinité". On le trouve dans certaines librairies à Tizi-Ouzou, ou encore à la Librairie des Beaux Arts à Alger, Tiers Monde Alger, l’Espace Noun ou la Librairie Dominique. J’ai fait confiance à une jeune équipe qui se lance dans l’édition en Kabylie pour le faire connaître à Bgayet.


    On sent votre désir de faire partager au public la dimension de l’Histoire kabyle, les sommets spirituels qu’il nous reste à gravir pour atteindre la dimension et la vision de nos sages, les chemins à empreinter au creux de nos montagnes pour commencer à comprendre quelques-uns de ses destins
    Ce livre, indépendamment du 100 anniversaire de la disparition de Si Mohand, remonte un journal que je noircissais de ses poèmes à l’âge de quinze ans. J’ai volontairement disposé une photographie de classe de l’école Verdy de Taourirt-Mimoun. Il faut bien comprendre qu’à cette période, les Ath Yenni était une sorte d’Eldorado, un échappatoire à la misère. Je pense à ces enfants des Aït bouadou (Ouadhias), les Aït Koufi qui venaient travailler comme journaliers. C’est justement par l’un de ses jeunes qui était notre hôte que j’ai été sensibilisé à l’oeuvre de Si Mhand. Je me souviendrai toute ma vie de ce jour où il me dit "- Comme vous avez de la chance. Vous avez une école. Apprends-moi à lire et à écrire. Moi je t’apprendrai les poèmes de Si Mhand". Il connaissait des dizaines de poèmes par coeur. Je les transcrivais dans un carnet rouge que je déterrerai un jour...


    Malgré une fin tragique et pessimiste, vous imaginez une Kabylie avec des hommes et des femmes qui auront retrouvés la paix intérieure et des Algériens compréhensifs de la cause kabyle, qui est aussi fatalement la leur...On sent que vous essayez de faire un lien entre les arabophones et les kabylophones. Une vraie démarche pédagogique s’instaure au fil de la lecture. Quand vous énumérez la musique qu’écoute Mustapha par exemple, vous prenez soin de détailler avec minutie sa musique francophone et arabophone, où se côtoient Baaziz, Souad Massi, Matoub, Slimane Azem avec tant d’autres artistes. C’est une certaine réalité de la jeunesse kabyle aimant sans frontière, sans cloisonnement que vous traduisez ici ?
    Mouloud Mammeri disait que le ghetto sécurise tout autant qu’il stérilise. L’héroïne est arabophone. Moustapha quant à lui est un Kabyle imprégné de sa langue. Il lit beaucoup. Il s’est senti un devoir de transmission. J’ai voulu exprimer par là que si l’Algérie veut mieux se porter, nous devons nous ouvrir à la discussion. L’Algérie plurielle n’est possible que par le dialogue. L’école n’a pas joué son rôle. Comme disait feu Boudiaf, l’école est sinistrée. Aujourd’hui nous en sommes au point où l’on inculque à un jeune écolier comment purifier et laver les morts au lieu de lui donner de quoi s’évader. Beaucoup de parents n’ont pas eu la capacité de leur transmettre ni savoirs ni valeurs. Ils ont été comme dépassés par les événements. Des efforts doivent être fait pour aller vers l’autre et plus encore vers ceux qui montrent des signes de prédisposition à pencher vers l’intégrisme religieux. Les démocrates n’ont pas su occuper le terrain, nos "partis politiques de salon", non plus.

  • #2
    Entrevoyez-vous malgré tout une évolution positive du mouvement identitaire berbère en Kabylie ? Vous faites dire à Moustapha qu’il existe de vrais progrès en matière de liberté d’expression et de création, pour la reconnaissance de Tamazight aussi. Est-ce vraiment votre point de vue ou l’une des nombreuses contradictions du personnage ?
    Au sein de notre communauté on a cessé de dialoguer : on s’invective. Il faut absolument que l’on réapprenne à se respecter, à nous écouter les uns avec les autres. Je considère que tout à chacun, nous avons l’obligation du devoir de mémoire vis à vis des jeunes pour leur avenir.
    Je ne suis pas optimiste. Il faudra beaucoup de travail. Quand j’observe, que je discute, que je veux aller au devant des gens, l’espoir est permis mais je constate un renversement dans l’échelle des valeurs. La corruption et le matérialisme ont pris des proportions dramatiques en Kabylie. Avec 25 000 DA (25euros) on vous délivre un permis de conduire qui s’avère être un vrai permis de chasse. Il ne faut pas perdre espoir pour autant. Des jeunes travaillent, militent, luttent mais ils restent encore minoritaires.


    Ne craignez-vous pas d’avoir été un peu trop lapidaire, superciel sur certains points notamment sur la vie de Si Mhand ou Mhand ? Son oncle a par exemple été déporté en Nouvelle Calédonie après que leur village soit rasé par les colons. Voilà le sujet essentiel d’un film qui pourrait boulerverser la France tout autant qu’"Indigènes" ?
    C’est juste une question de synthèse. Je n’ai pas voulu m’enfermer dans un roman. Le roman se profile. Je l’ai déjà brodé dans ses grandes lignes à partir de celui-ci. La réalité et la fiction se mêlent ici avec des flashs, des clins d’oeil à ceux qui ont fait la Kabylie.


    Il n’est pas fortuit que Mustapha et Nadia sillonent la Kabylie en "Clio", aillent au devant de son Histoire, que vous vous attachiez à dépeindre des cartes postales éternelles et inoubliables de nos paysages. Dans ce voyage initiatique à la culture kabyle, vous ne cessez de faire allusion à la Plate-forme d’El Kseur, à la JSK. Sous votre plume des noms de villes algériennes retrouvent leur noms berbères Tihert et Ihrane ? Pouvons-nous revenir sur le passé ? Est-on la cas présent dans ce fameux devoir de mémoire que vous sous-entendiez ?
    Il faut en effet décortiquer. Irhan c’est en effet Oran en berbère, Tihert Tiaret d’où est originaire la jeune fille. J’ai donné à décoder énormément de choses. Ce trajet emprunté par les deux tourtereaux, en effet Si Mhand le faisait très souvent. C’est aussi un peu tout son trajet durant ses 35 ans d’errance. Un siècle après, deux jeunes algériens vont se rendre jusqu’au cimetière des Aït Sidi Saïd au lieu-dit Asqif Netmana où est enterré Si Mhand ou Mhand. Je me suis juste inspiré de son voyage de Tunis jusqu’à Michelet, de ses poèmes qui font partie de ma vie que je pourrais vous déclamer à tout moment.

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