« Nous sommes les porteurs de la mémoire de ceux qui ont dignement et courageusement affronté la mort »
« Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires ». Cet appel d’un des artisans de la Révolution de Novembre, Didouche Mourad, qui sonne comme un testament, rappelle à tous le devoir de mémoire. Et par devoir de mémoire, l’Association Machaal Echahid et notre quotidien ont organisé, hier, un hommage aux chouhada Said Touati, Radhi H’mida, Belamine Ahmed et Boualem Rahal, guillotinés à l’aube du 20 juin 1957.
Condamnés à la peine de mort par le tribunal permanent des forces armées d'Alger les 18 et 19 mars 1957, les quatre fidayine ont été guillotinés en même temps et à une minute d'intervalle, le 20 juin 1957. Le premier, Belamine Ahmed, à trois heures vingt-cinq du matin, le second Radhi H'mida à trois heures vingt-six minutes, le troisième Rahal Boualem à trois heures vingt-sept et Touati Saïd à trois heures vingt-huit. L’exécution de ces moudjahidine s’inscrivait dans la politique de terreur pratiquée par la France coloniale pour dissuader «tous ceux qui voulaient rejoindre les moudjahidine», comme l’a si bien expliqué Me Fatma- Zohra Benbraham qui a décortiqué le dossier des condamnés à mort dont 199 (68 à Alger, 58 à Constantine, 51 à Oran et 22 en France) ont été exécutés par la guillotine. Me Benbraham, élève de Me Zertal, avocat du chahid Ahmed Zabana, connaît sur le bout des doigts le dossier. Et en premier, elle a tenu à attirer l’attention sur le fait qu’il n’y a jamais eu de décisions d’exécution. Et les dossiers des condamnés ont été transférés en France et sont inaccessibles. La célèbre femme de loi est longuement revenue sur le statut des moudjahidine prisonniers, considérés par la justice coloniale comme des hors-la-loi. Et n’hésitait pas à faire sortir la guillotine pour les exécuter alors que celle- ci est réservée aux criminels.
« Il n’y a pas une guerre, mais une révolution »
La conférence de Maître Benbraham ressemblait plus à un cours magistral. Aussi elle démontrera que la France qui a commis en Algérie les pires crimes contre l’humanité a voulu se prémunir des poursuites. En 1999, la France fera un geste. Dans un élan de générosité suspicieux, une loi est promulguée. A partir de cette date on ne parlera plus d’événements d’Algérie mais de guerre d’Algérie. Mais la conférencière s’arrêtera pour apporter une mise au point de taille. «La notion de guerre d’Algérie n’existe pas, car c’est la France qui a mené une guerre contre le peuple algérien». Mais ce revirement, expliquera Maître Benbraham, trouve son origine dans le fait que la France voulait échapper aux lois de la guerre. Mais, dira-t-elle, le peuple algérien a choisi de mener une révolution pour libérer le pays. Ce soulèvement populaire sera réprimé de la manière la plus atroce. Alors que la France parle aujourd’hui de guerre, elle n’a jamais reconnu le statut de militaires aux moudjahidine exécutés par la guillotine. Même le choix de la date a un sens. En exécutant Ahmed Zabana le 19 juin 1956, la France a fait coïncider cette date avec la bataille de Staouéli (19 juin 1830). Maitre Benbraham dira que les exécutions étaient toujours précédées par une torture morale sans limite. C’est le cas du jeune Abdelkader Ferradj qui à quelques minutes de son exécution a perdu la raison après avoir vu la lame tranchante descendre trois fois sur la tête de Ahmed Zabana. Alors que ce dernier restait stoïque devant ses bourreaux. Ferradj qui avait assisté à l’exécution d’Ahmed Zabana, avait littéralement basculé dans la folie, refusant d’aller à l’échafaud. Il fut traîné alors par plusieurs hommes. On lui refusa la séance de la prière qui doit dire ses dernières volontés. Son sang se mêla dans le panier à celui de Zabana, encore chaud. Le sang de Ferradj n’a pas coulé de la même façon que celui de Zabana. L’assistance a été littéralement inondée par le sang de Ferradj. A travers le sang des deux suppliciés. C’est toute l’Algérie qui a été inondée.
C’est cela le message qui est relevé par les observateurs face à l’ignominie et à la sauvagerie dont a fait montre l’administration française.
Pleins pouvoirs à l’armée pour réprimer les Algériens
«Le gouvernement disposera en Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures exceptionnelles commandées par les circonstances, en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire»: voilà ce que précisait le texte qui fut adopté à l'Assemblée nationale, le 12 mars 1956, par 455 voix, contre 76. Le gouvernement du socialiste Guy Mollet avait ,ainsi sollicité et obtenu des «pouvoirs spéciaux» afin de disposer en Algérie des moyens d'intervention qui lui sembleraient bons, sans même en référer à l'Assemblée nationale. A partir de là, tout était permis en Algérie, aux pouvoirs spéciaux. Ainsi les juges d’instruction, dira Maître Benbraham, se permettaient de torturer dans leurs bureaux. Au tribunal, le procureur était un militaire, à cela s’ajoute l’aggravation des pei- nes à travers le régime militaro-judiciaire. Tout cela sous couvert de l’application de la justice militaire en Algérie. Pour rappel, le 17 mars 1956, Guy Mollet signait avec son ministre de la Défense, Bourgès-Maunoury, celui de la Justice, François Mitterrand, et Robert Lacoste (gouverneur général de l'Algérie) un décret relatif à l'application de la justice militaire en Algérie. Ce décret donnait les pleins pouvoirs à l'armée, qui utilisa la torture à large échelle contre tous ceux qu'elle soupçonnait d'aider le FLN. Même les avocats des détenus sont internés. Leur crime ? Défendre les moudjahidine. Les dépassements ne se comptent plus. Même la dernière volonté du condamné n’est pas respectée. Rahal Boualem n’avait que 18 ans et pourtant il a été guillotiné pour servir d’exemple. C’est pour lui que Mohamed El Badji, lui aussi condamné a mort, qui partageait avec le jeune Rahal la même cellule, a fabrique une 'guitare' de fortune d'où sortira la musique de Ya Maqnine Ezzine.
Nora Chergui
Yamina Touati, Fille du Chahid Saïd Touati
“Mon père est mort pour l’Algérie”
Les moudjahidine et témoins de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954, étaient présents hier lors d’une conférence animée pour rendre hommage aux chouhada guillotinés, au centre de presse d’El Moudjahid.
Ils se sont rappelés avec beaucoup d'émotion les moments pénibles vécus dans les geôles de la France coloniale et ont rendu de vibrants hommages à leurs compagnons d’armes.
La fille de Saïd Touati, chahid et ancien condamné à mort, Yamina Touat,i était très émue par cette cérémonie. En effet, «je suis très contente d’avoir participé à cet hommage». Et d’ajouter: «C’est un honneur pour moi de participer à l’hommage rendu à mon père, qui a sacrifié tout ce qu’il avait de précieux pour l’Algérie, son pays, et pour nous les jeunes générations», a-t-elle déclaré.
Toutefois, la fille du glorieux chahid nous a rappelé que son père est tombé au Champ d'honneur, à la prison Serkadji, en compagnie de plusieurs militants nationalistes, pour la libération de l’Algérie du joug colonial.
N. KRIBEL
Ali Mezaourou, ancien condamné à mort
“C’est un devoir de transmettre le message des chouhada”
Un témoignage vivant du Moudjahid et ancien condamné à mort Ali Mezaourou, plus connu sous le nom de guerre Ali Palestro.
Ali Mezaourou nous a confié qu’un livre ne suffirait pas pour raconter les dures épreuves vécues par les moudjahidine dans les prisons coloniales. Cette commémoration lui a rappelé ainsi qu’à ses compagnons d’armes «les forts moments vécus durant la guerre de Libération nationale».
Ali Palestro a témoigné qu’il a vécu 24 mois dans la cellule réservée aux condamnés à mort. Le moudjahid a en effet estimé que les anciens condamnés à mort, qui sont d’authentiques militants nationalistes, doivent d’abord rendre hommage aux glorieux martyrs, sans oublier d’apporter leurs témoignages vivants sur les hauts-faits de leurs compagnons d’armes pour l’histoire, au profit des générations présentes et futures. C’est un devoir de leur transmettre le message des chouhada. «Nous sommes les porteurs de la mémoire de ceux qui ont dignement et courageusement affronté la mort », a souligné le moudjahid.
N. K.
« Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires ». Cet appel d’un des artisans de la Révolution de Novembre, Didouche Mourad, qui sonne comme un testament, rappelle à tous le devoir de mémoire. Et par devoir de mémoire, l’Association Machaal Echahid et notre quotidien ont organisé, hier, un hommage aux chouhada Said Touati, Radhi H’mida, Belamine Ahmed et Boualem Rahal, guillotinés à l’aube du 20 juin 1957.
Condamnés à la peine de mort par le tribunal permanent des forces armées d'Alger les 18 et 19 mars 1957, les quatre fidayine ont été guillotinés en même temps et à une minute d'intervalle, le 20 juin 1957. Le premier, Belamine Ahmed, à trois heures vingt-cinq du matin, le second Radhi H'mida à trois heures vingt-six minutes, le troisième Rahal Boualem à trois heures vingt-sept et Touati Saïd à trois heures vingt-huit. L’exécution de ces moudjahidine s’inscrivait dans la politique de terreur pratiquée par la France coloniale pour dissuader «tous ceux qui voulaient rejoindre les moudjahidine», comme l’a si bien expliqué Me Fatma- Zohra Benbraham qui a décortiqué le dossier des condamnés à mort dont 199 (68 à Alger, 58 à Constantine, 51 à Oran et 22 en France) ont été exécutés par la guillotine. Me Benbraham, élève de Me Zertal, avocat du chahid Ahmed Zabana, connaît sur le bout des doigts le dossier. Et en premier, elle a tenu à attirer l’attention sur le fait qu’il n’y a jamais eu de décisions d’exécution. Et les dossiers des condamnés ont été transférés en France et sont inaccessibles. La célèbre femme de loi est longuement revenue sur le statut des moudjahidine prisonniers, considérés par la justice coloniale comme des hors-la-loi. Et n’hésitait pas à faire sortir la guillotine pour les exécuter alors que celle- ci est réservée aux criminels.
« Il n’y a pas une guerre, mais une révolution »
La conférence de Maître Benbraham ressemblait plus à un cours magistral. Aussi elle démontrera que la France qui a commis en Algérie les pires crimes contre l’humanité a voulu se prémunir des poursuites. En 1999, la France fera un geste. Dans un élan de générosité suspicieux, une loi est promulguée. A partir de cette date on ne parlera plus d’événements d’Algérie mais de guerre d’Algérie. Mais la conférencière s’arrêtera pour apporter une mise au point de taille. «La notion de guerre d’Algérie n’existe pas, car c’est la France qui a mené une guerre contre le peuple algérien». Mais ce revirement, expliquera Maître Benbraham, trouve son origine dans le fait que la France voulait échapper aux lois de la guerre. Mais, dira-t-elle, le peuple algérien a choisi de mener une révolution pour libérer le pays. Ce soulèvement populaire sera réprimé de la manière la plus atroce. Alors que la France parle aujourd’hui de guerre, elle n’a jamais reconnu le statut de militaires aux moudjahidine exécutés par la guillotine. Même le choix de la date a un sens. En exécutant Ahmed Zabana le 19 juin 1956, la France a fait coïncider cette date avec la bataille de Staouéli (19 juin 1830). Maitre Benbraham dira que les exécutions étaient toujours précédées par une torture morale sans limite. C’est le cas du jeune Abdelkader Ferradj qui à quelques minutes de son exécution a perdu la raison après avoir vu la lame tranchante descendre trois fois sur la tête de Ahmed Zabana. Alors que ce dernier restait stoïque devant ses bourreaux. Ferradj qui avait assisté à l’exécution d’Ahmed Zabana, avait littéralement basculé dans la folie, refusant d’aller à l’échafaud. Il fut traîné alors par plusieurs hommes. On lui refusa la séance de la prière qui doit dire ses dernières volontés. Son sang se mêla dans le panier à celui de Zabana, encore chaud. Le sang de Ferradj n’a pas coulé de la même façon que celui de Zabana. L’assistance a été littéralement inondée par le sang de Ferradj. A travers le sang des deux suppliciés. C’est toute l’Algérie qui a été inondée.
C’est cela le message qui est relevé par les observateurs face à l’ignominie et à la sauvagerie dont a fait montre l’administration française.
Pleins pouvoirs à l’armée pour réprimer les Algériens
«Le gouvernement disposera en Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures exceptionnelles commandées par les circonstances, en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire»: voilà ce que précisait le texte qui fut adopté à l'Assemblée nationale, le 12 mars 1956, par 455 voix, contre 76. Le gouvernement du socialiste Guy Mollet avait ,ainsi sollicité et obtenu des «pouvoirs spéciaux» afin de disposer en Algérie des moyens d'intervention qui lui sembleraient bons, sans même en référer à l'Assemblée nationale. A partir de là, tout était permis en Algérie, aux pouvoirs spéciaux. Ainsi les juges d’instruction, dira Maître Benbraham, se permettaient de torturer dans leurs bureaux. Au tribunal, le procureur était un militaire, à cela s’ajoute l’aggravation des pei- nes à travers le régime militaro-judiciaire. Tout cela sous couvert de l’application de la justice militaire en Algérie. Pour rappel, le 17 mars 1956, Guy Mollet signait avec son ministre de la Défense, Bourgès-Maunoury, celui de la Justice, François Mitterrand, et Robert Lacoste (gouverneur général de l'Algérie) un décret relatif à l'application de la justice militaire en Algérie. Ce décret donnait les pleins pouvoirs à l'armée, qui utilisa la torture à large échelle contre tous ceux qu'elle soupçonnait d'aider le FLN. Même les avocats des détenus sont internés. Leur crime ? Défendre les moudjahidine. Les dépassements ne se comptent plus. Même la dernière volonté du condamné n’est pas respectée. Rahal Boualem n’avait que 18 ans et pourtant il a été guillotiné pour servir d’exemple. C’est pour lui que Mohamed El Badji, lui aussi condamné a mort, qui partageait avec le jeune Rahal la même cellule, a fabrique une 'guitare' de fortune d'où sortira la musique de Ya Maqnine Ezzine.
Nora Chergui
Yamina Touati, Fille du Chahid Saïd Touati
“Mon père est mort pour l’Algérie”
Les moudjahidine et témoins de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954, étaient présents hier lors d’une conférence animée pour rendre hommage aux chouhada guillotinés, au centre de presse d’El Moudjahid.
Ils se sont rappelés avec beaucoup d'émotion les moments pénibles vécus dans les geôles de la France coloniale et ont rendu de vibrants hommages à leurs compagnons d’armes.
La fille de Saïd Touati, chahid et ancien condamné à mort, Yamina Touat,i était très émue par cette cérémonie. En effet, «je suis très contente d’avoir participé à cet hommage». Et d’ajouter: «C’est un honneur pour moi de participer à l’hommage rendu à mon père, qui a sacrifié tout ce qu’il avait de précieux pour l’Algérie, son pays, et pour nous les jeunes générations», a-t-elle déclaré.
Toutefois, la fille du glorieux chahid nous a rappelé que son père est tombé au Champ d'honneur, à la prison Serkadji, en compagnie de plusieurs militants nationalistes, pour la libération de l’Algérie du joug colonial.
N. KRIBEL
Ali Mezaourou, ancien condamné à mort
“C’est un devoir de transmettre le message des chouhada”
Un témoignage vivant du Moudjahid et ancien condamné à mort Ali Mezaourou, plus connu sous le nom de guerre Ali Palestro.
Ali Mezaourou nous a confié qu’un livre ne suffirait pas pour raconter les dures épreuves vécues par les moudjahidine dans les prisons coloniales. Cette commémoration lui a rappelé ainsi qu’à ses compagnons d’armes «les forts moments vécus durant la guerre de Libération nationale».
Ali Palestro a témoigné qu’il a vécu 24 mois dans la cellule réservée aux condamnés à mort. Le moudjahid a en effet estimé que les anciens condamnés à mort, qui sont d’authentiques militants nationalistes, doivent d’abord rendre hommage aux glorieux martyrs, sans oublier d’apporter leurs témoignages vivants sur les hauts-faits de leurs compagnons d’armes pour l’histoire, au profit des générations présentes et futures. C’est un devoir de leur transmettre le message des chouhada. «Nous sommes les porteurs de la mémoire de ceux qui ont dignement et courageusement affronté la mort », a souligné le moudjahid.
N. K.

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