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Chebbah Mekki de Biskra à Alger, sa seule arme : le théâtre ...

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  • Chebbah Mekki de Biskra à Alger, sa seule arme : le théâtre ...

    Chebbah Mekki était originaire de Khenchela, issu d’une famille de la tribu Ait Abderrahmane dans la mechta Akbache au douar Tajmout. Né à Sidi Okba, il émigre en France en 1924. A Paris il rencontre Messali El Hadj et adhère à l’Etoile Nord-Africaine à sa création. Les rencontres avec les militants avaient lieu dans les locaux du parti communiste français, place du colonel Fabien.

    En 1929, il rentre en Algérie et crée un club théâtral avec Redha Houhou. A Sidi Okba, il ouvre un café maure, lieu de création du premier «théâtre indigène». Avec sa société culturelle musulmane, il crée plusieurs pièces de théâtre, dont Hannibal et Tarek Ibn Ziad. Son café fut le lieu où se jouent ces créations théâtrales contenant des messages indépendantistes. Ils furent surveillés et intimidés quotidiennement par l'armée française. En 1934, ils sont dénoncés par le Bachagha Bouaziz BenGana aux autorités coloniales pour leur théâtre subversif. Malgré les brimades et les humiliations, ils continuent et créeront en en 1936, la troupe des Jeunes Okbis.

    Chebbah Mekki utilisait le théâtre comme une arme pour dénoncer les abus des autorités coloniales et la cruauté infligée aux autochtones qui voulaient simplement vivre libre sur leurs terres ancestrales .
    Il a écrit plus de 18 textes dramatiques :
    • Tarik ibn Zayed
    • Le jeune ivrogne ignorant
    • Le héros du désert
    • L’espoir
    • Le destin des espions...

    A Batna, il fit connaître les communistes algériens en montrant qu’ils accomplissaient leur devoir envers le peuple travailleur et paysan. Les dissensions entre partis politiques existaient déjà mais Chebbah Mekki, proche du peuple, soutenait ceux qui apportaient une aide réelle et quotidienne à la misère de ses compatriotes. Le commissaire de police de Biskra, qui observait attentivement la situation avec l'aide de ses supplétifs, s’inquiètait d’une implantation communiste . « Leur activité s’exercera surtout et presque exclusivement sur la masse indigène, qu’ils auraient déjà sondée, écrit-il au Préfet. Leurs chances de succès actuelles sont réelles. Ils paraissent avoir de nombreux atouts dans leur jeu : crise économique, misère du fellah, pro*pagande subversive à laquelle les milieux indigènes de Biskra sont sou*mis. Les indigènes retrouveront dans la doctrine communiste de nombreux points communs avec l’enseignement qu’ils reçoivent de cer*tains agitateurs : émancipation, conditions de vie meilleures, misère diminuée, propagande antifrançaise ou tout au moins anti-administra*tive [...] Enfin, pour tout envisager et tout prévoir, on est en droit de se demander si les communistes de Biskra ne seront pas aidés, non seule*ment d’une manière fortuite, mais d’une façon personnelle et efficace par le Docteur Saâdane [...] Étant donné l’état d’esprit des indigènes il est à craindre que les idées communistes soient bien accueillies parmi eux et qu’elles rallient très rapidement de nombreux adhérents [...] »

    Déterminé, Chebbah Mekki avait adhéré à son retour en Algérie au PCA au sein duquel il mena un combat ininterrompu pour la libération nationale. C’est en septembre 1936 que Maurice Laban adhère au PC à Biskra qui va cesser d’être une Région du PCF pour devenir le Parti communiste algérien. « J’ai adhéré au parti lors de sa formation chez moi, en septembre 1936 » « J’ai adhéré au parti parce que j’ai gardé l’esprit de classe de mes parents, surtout de ma mère, issus tous deux de familles pay*sannes très pauvres et travailleuses ; j’y ai adhéré parce que, ayant vécu plus en contact avec les indigènes des campagnes qu’avec les Européens, je suis anticolonialiste acharné et pro-arabe, parce que je sens la nécessité de la formation d’une Nation algérienne délivrée de l’esclavage économique où elle se trouve vis-à-vis des capitaux et de l’industrie français ; parce que je suis pour le progrès et la libre expansion de l’individualité de chacun, parce que je ne veux plus d’une société où l’on étouffe et où peu à peu l’immense majorité de la population se trouve rejetée dans la misère et l’esclavage. »

    En janvier 1937, le secrétaire général du PCA, Benali Boukortt, a tenu à Biskra un mee*ting devant plusieurs centaines d’auditeurs. Benali Boukortt écrit dans "Enfumades : Mazouna résiste dans la nuit coloniale" : « au lieu d'être flétris et cloués au pilori de l'opprobre et du déshonneur national, les criminels de guerre, en la personne de Bugeaud, Pélissier, de Cavaignac, de Saint Arnaud, ou de tant d'autres, ont, au contraire, été les gloires nationales françaises et ont grimpé dans leurs promotions en grades et en décorations ». Autre livre instructif de Benali Boukortt que je vous recommande "Le souffle du Dahra" , avec l'amicale autorisation de sa fille Lila :


    Un jour, en 1936, le président de l’association des Oulémas, le cheikh Ben Badis, demanda à Chebba Mekki : « Comment peux-tu concilier la religion avec ton appartenance au Parti communiste alors que l’idéologie communiste n’est pas pour la religion ? » Chebbah Mekki lui répondit : « Montre-moi un verset du Coran qui condamne le communisme. Quand tu me le montreras je quitterai le Parti communiste. Je suis avec les communistes parcequ'ils défendent les pauvres. L’islam défend les pauvres. Je sais que certains dans l’association des Oulémas sont des exploiteurs des paysans. Même si on prie le même Dieu, je n’ai rien à faire avec eux ». Chebbah Mekki était l’une des rares personnes à tenir tête à celui que les autochtones surnommaient "le tyran de Biskra", le Caïd Bengana. Chebbah Mekki lui avait attribué un sobriquet « le pharaon arabe ». Il le dénonçait publiquement ce qui à l’époque constituait un acte passible de mort . Le caïd BenGana avait su se maintenir sous tous les gouverne*ments français des dernières années. En 1937, il fondait à Alger la société « Les Amis de la France » regroupant bachaghas, cadis et notables au service de l’administration française. En 1939, il conduisait une délégation de « notables » qui fut reçue par le pré*sident Herriot. Lors de la déclaration de guerre, il proclamait : « Les musulmans se reconnaissent français, se font un titre de fierté de leur qualité de français; se sentent profondément attachés à cette Franco maternelle et libérale pour tous et acceptent d’un cœur joyeux de vivre et de mourir à l’ombre de son drapeau. » Et sous Pétain, il fut reçu à Vichy et Darlan put compter sur le soutien du caïd Bengana...

    « Chebbah El-Mekki, dit Abdelhamid Rabia, s’est distingué par l’ingéniosité de sa pensée et la volonté inébranlable de son militantisme à être proche d’Abdelhamid Ibn Badis, d’Ahmed Rédha Houhou et de l’élite du mouvement nationaliste intellectuel à l’aube du mouvement nationaliste algérien à partir de 1924. Défendant l’idée que le communisme et l’islam pourraient cohabiter dans la même pensée, l’interlocuteur indique que Chebbah El-Mekki était un fervent anticolonialiste et un militant coriace, ce qui lui vaut plusieurs peines d’emprisonnements dont la plus célèbre en compagnie d’autres militants communistes lorsqu’il a défié et insulté le féodal Bengana. L’armée française le punit en le ligotant d’une corde et en le traînant à cheval de Biskra à Ouled Djellal, sur une distance de 100 km. »

    [IMG]https://3.bp.********.com/-e9fB6197dKY/WDF0IHbEHNI/AAAAAAAABUg/shzZqhmxzc4WrI1wz8GXnT2m86O8Bt0iACLcB/s1600/chebbah_mekki_.png[/IMG]
    Timbre réalisé par le Secours populaire en soutien à Chebbah Mekki

    En mai 1939, Albert Camus prend la défense de Larbi Bouhali et Maurice Priaud, responsables du Secours populaire algérien, poursuivis en vertu du décret Régnier de 1935 pour avoir dénoncé, en éditant le timbre ci dessus, le traitement infligé par les autorités coloniales à Chebbah Mekki. Il qualifie le régime institutionnel comme moyenâgeux et féodal. Dans une série d'articles publiés d'octobre 1938 à juin 1939, Alger Républicain fait le procès de ce qu'il qualifie "le régime du sabre" et dénonce les impositions frauduleuses, les corvées imposées aux autochtones et le régime répressif qui y règne. Grâce à ces articles dénonçant la tyrannie et la cruauté des caïds, les inculpés recevront une peine de principe d'un mois de prison de sursis et une amende.

    Dans ses mémoires, Chebbah Mekki raconte son arrestation :

    ... C’est au cours de l’année 1936 que j’ai été trainé poings liés attachés à une corde tirée par une jument sur un parcours de 130 m km entre Biskra et Ouled -Djellal.
    Mon arrestation a eu lieu « un certain jour de 1936 » après une réunion de l’association des Oulémas qui s’était déroulée à Biskra pour fêter la libération du Cheikh El Okbi et de Abbas Turqui qui avaient été accusés à tort de l’assassinat du muphti Kahoul.
    A la suite de cette réunion je fus arrêté par le représentant du Bachaga Bengana qui m’avais accusé « d’avoir tenu des propos hostiles à ce dernier et à la France ». Le représentant de Bengana m’a informé que je serai conduit à la prison de Ouled-Djellal où je serai mis aux arrêts durant un mois.

    J’ai rejeté ces accusations mensongères et j’ai refusé de me laisser mener à la prison de Ouled-Djellal sans qu’il y ait un jugement en bonne et due forme. C’est donc par la force et en usant de moyens violents que les serviteurs zélés du féodalisme et du colonialisme ont pu me mener à Ouled Djellal.

    A sa sortie de prison, il se réfugie à Alger où il est reçu par Cheikh Tayeb El Okbi. Son emprisonnement et la torture ne l’ont pas dissuadé de continuer son combat contre le colonialisme. Chebbah El Mekki continu à produire et militer pour l’indépendance nationale. Artiste engagé, il devient membre des Oulémas Algériens.

    A Alger, en 1937, Chebbah Mekki poursuit son combat contre le colonialisme avec pour seule arme, le théâtre ; il crée une nouvelle troupe théâtrale "El Kaoukeb et Temlili El Djezairi" avec l'appui de la Maison de la culture, rue Koechlin, juste à côté des locaux d'Alger Républicain. Il s'adapte ainsi à la nouvelle demande émanant de la sphère associative très impliquée dans la lutte contre la répression. Il côtoie Mohamed Touri, Mustapha Kateb et la grande Kheltoum. Malgré les nombreux soutiens, son aventure théâtrale sera un échec, la haine et la rancune du "serpent du désert" le poursuivant toujours. Il parviendra malgré tout à rester en contact avec ceux qui deviendront les principaux chefs du FLN.
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

  • #2
    En décembre 1943, devant la Commission des affaires musulmanes, Amar Ouzegane exprimera nettement la « conception dominante : « Demain lorsque le peuple de France sera maître de ses destinées dans la France nouvelle qu’il forge dans sa lutte contre Hitler et Vichy, il assurera aux populations algérienne l’égalité totale ! »

    « Nous vivons ces jours-ci une vie effrénée, écrit Maurice Laban à Odette le 1er mai 1944 : manifestation du 1er mai ; distribution de tracts. L’effet de ces tracts a été instantané ; la population en a été secouée : oser atta*quer le Cheikh El Arab !... une vague de sympathie dans tout le pays pour nous. Des cellules se forment ; des tribus entières demandent à adhérer en bloc [...] les bobards circulent. Là-dessus se greffe la ques*tion de la municipalité sur le point d’être réglée. Il se produit à ce sujet des manœuvres extrêmement compliquées, des luttes épuisantes, en particulier entre Saâdane et nous. Quelqu’un avait appelé Biskra la petite Shanghaï, il n’avait pas tort.

    Ben Boulaid proposa à Chebbah Mekki la direction des opérations à Sidi Okba mais celui ci refusa se sachant surveillé par les sbires du caîd Bengana qui lui vouait une haine féroce. Ben Boulaid demanda aussi à Maurice Laban d'être son adjoint militaire alors qu'une interdiction du PC de s'engager dans le combat avait été décrétée. C'était "Sagh El Tani" Colonel Bachir Chibani qui faisait le tour des douars pour recruter des volontaires. Ben Boulaid était un bon organisateur, avant même la création du FLN et de l'ALN, il créa une armée de la Révolution dans les Aurès au nez et à la barbe du caïd Bengana qui restait fidèle aux autorités coloniales.

    Cheikh Tayeb El Okbi, fidèle soutien de Chebbah Mekki, subira la répression des autorités coloniales par des accusations gratuites qui seront démontées dans un procès retentissant. Il fit sa dernière apparition publique le 12 janvier 1956 sur demande d'Albert Camus et d'Emmanuel Robles (conférence sur la trêve civile). La conférence fut donnée au Cercle du progrès, en présence de ses amis Chebbah Mekki, Ferhat Abbas et Amar Ouzegane. Le service d'ordre était assuré par des militants du FLN. Le Cercle du progrès fut occupé en 1957 par les parachutistes de Massu et le domicile de Cheikh El Okbi, à Bologhine, fut fouillé de fond en comble.

    Le 6 juin 1956, une rencontre se tenait à Alger entre les repré*sentants du FLN et ceux du PC A, chez Jean-Baptiste Cervetti, derrière le siège du Gouvernement Général. Ils organisaient l’intégration des membres des Combattants de la libération dans le FLN-ALN. Ce même 6 juin 1956, L’Agence France-Presse annonçait que « deux Algériens d’origine française qui faisaient partie d’un maquis avaient été tués hier près des Beni-Rached dans la région d’Orléansville. L’un d’eux serait un instituteur de Biskra, Henri (sic !) Laban, expulsé de Constantine en 1955 et qui avait disparu depuis. Selon l’AFP Henri (sic !) Laban était membre du Parti communiste algérien. » L'écho d'Alger relatait « L’agha Boualem, un notable des Béni Boudouane, très connu pour son glorieux passé militaire (lieutenant de tirailleurs) et pour son attachement à la France, mobilise 200 de ses montagnards. La consigne était formelle : surveiller le moindre mouvement pour étouffer la rébellion dans l’œuf.»

    Le 12 juillet 1956, la direction communiste d'Alger adressait une lettre au FLN : « Notre parti est le seul en tant que tel à rassembler dans ses rangs des Algériens de toutes origines, musulmans, européens, Israélites. Il éprouve une légitime fierté d’avoir formé des patriotes conséquents, non seulement parmi les Musulmans qui subissent directement l’oppression natio*nale, mais aussi les Européens, comme en témoignent l’action et le sacrifice d’Henri Maillot, Maurice Laban et tant d’autres héros qui lut*tent et meurent pour que vive l’Algérie libre et indépendante. »

    A la fin de l’année 1956, il y a contact entre Ali Boumendjel et Mustapha Kateb pour constituer une troupe artistique suite à l'appel du FLN. Les artistes furent invités à Tunis, afin de parler des dernières retouches de l'organisation de la nouvelle alliance artistique. Le FLN avait fait appel à tous les artistes algériens au pays ou en exil pour devenir, en 1958, des éléments de la résistance.

    Chebbah Mekki est enterré dans sa région natale, à Sidi Okba dans la wilaya de Biskra. Son œuvre artistique et son parcours de révolutionnaire restent encore inconnus de la génération actuelle alors qu'il fait parti de ces Hommes qui ont contribué à faire entendre la voix des opprimés lors de la Révolution algérienne.

    Chebbah Mekki s’est battu au lendemain de l’indépendance contre les manipulateurs de l’Islam pour servir les intérêts des exploiteurs capitalistes et impérialistes. Il allait dans les mosquées lorsqu’il apprenait qu’un imam obscurantiste et réactionnaire allait présenter un sermon afin de le contredire sur la base des textes religieux. Chebbah Mekki accordait une grande importance à cette bataille. Il la menait parce qu’il était profondément religieux mais ouvert aux idées de progrès de notre siècle.
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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    • #3
      Colonel Bachir Chibani
      Le Colonel Chihani Bachir

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