Un an auparavant, Si Kaddour Ben Ghabrit est promu ministre plénipotentiaire et officier de la Légion d’Honneur. « Cet Algérien était devenu, non seulement le plus Parisien des Marocains mais une des figures les plus en vue du Tout-Paris, (…) ses relations étaient étendues dans tous les cercles diplomatiques, politiques, journalistiques, mondains », rapporte le Docteur Henri Dubois-Roquebert, qui fit sa connaissance dans un salon. «Il recevait beaucoup dans sa résidence, située à proximité de la mosquée et initiait les Parisiens aux joies gastronomiques, nouvelles pour eux, de la pastilla et du méchoui », poursuit-il. A cette époque, la Mosquée de Paris elle-même devient un centre de la vie parisienne, avec son hammam, son restaurant, son centre culturel.
Pour l’organisation de Messali Hadj, le nouvel édifice n’est que « mosquée-réclame... un cabaret oriental... bâti avec l’argent des ouvriers qui en sont exclus... une insulte à l’esprit de l’islam. »
Et si ces appels à la révolte n’ont finalement que peu d’échos et ne parviennent pas à perturber le faste des cérémonies d’inauguration, ils n’en sont pas pour autant négligeables. Alors que Si Kaddour prend en main ce qu’il considère comme le couronnement de sa carrière, mais aussi l’amorce d’une politique d’entente et de réconciliation, les nationalistes maghrébins, formés à l’école du réformisme musulman et du bolchevisme, lui disputent déjà cette opinion qu’il souhaite subjuguer. Face à cet islam bon enfant et sous contrôle qu’il incarne, un autre islam, l’islam des faubourgs, comme titre un grand hebdomadaire de l’époque, est déjà en train de naître et le nouveau recteur le sait, lui qui dénonce dans chacun de ses discours ceux qu’il nomme les agitateurs et les ambitieux :
« de ce lieu de recueillement, de travail ou de prière, les agitations de la politique seront rigoureusement exclues : car notre pensée est de rapprocher et non de diviser. »
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