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Aurès : Révolte de 1916

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  • Aurès : Révolte de 1916

    L’insurrection des Aurès débuta effectivement le 11 novembre 1916 lorsque les populations de Aïn Touta et Barika serassemblèrent au village de Boumaza et s’accordèrent à déclarer la guerre sainte aux impies. Cette nouvelle se propagearapidement dans les villages et des centaines d’hommes répondirent à l’appel sacré. Ceci poussa les Français à couper toutes les communications entre la région et le monde extérieur en interdisant les déplacements et les voyages de etvers les Aurès

    Les insurgés réagirent en détruisant les câbles du téléphone, du télégraphe et les ponts. Par ailleurs, ils attaquèrent les domiciles et les biens des Européens, visant particulièrement les agents de l’administration coloniale dans tous lesvillages et hameaux.Les opérations des résistants contre les intérêts français s’intensifièrent, touchant le fort administratif «Mac Mahon», cequi se solda par la mort du sous-préfet de Batna et la destruction du fort après que la garde militaire française se fut enfuie en l’abandonnant.

    Devant l’aggravation de la situation et l’extension de l’insurrection, le gouverneur général d’Algérie demanda desrenforts militaires supplémentaires, en insistant sur la nécessité de recourir à l’aviation pour terroriser les populations,notamment après que 10 soldats français furent tués lors des accrochages du 5 décembre 1916 lorsque les troupesfrançaises avaient attaqué les rebelles qui s’étaient réfugiés dans les monts Mestaoua.A cet effet, la France retira le bataillon 250 du front en Europe pour l’envoyer en Algérie, le nombre de soldats françaisdans les Aurès ayant atteint ainsi 6000 hommes commandés par le général «Monnier». Le commandement militaire fitvenir les avions de guerre du type de ceux qui étaient en Tunisie pour les envoyer vers la région des Aurès.Au début de Janvier 1917, on dénombrait plus de 14000 soldats basés dans les Aurès, équipés d’armes des plusmodernes en vue de liquider définitivement l’insurrection et réprimer ses animateurs.Entre novembre 1916 et la fin du mois de mai 1917, les troupes coloniales ont commis les pires crimes contre les populations désarmées en représailles contre la poursuite de la résistance. La preuve la plus édifiante de ce qui futcommis par les Français durant cette période est le rapport établi par la commission parlementaire française qui s’est penchée sur la politique pratiquée par les Français, basée sur les assassinats par toutes sortes d’armes, la terre brûlée etla saisie des biens des populations. Ne se contentant pas de cela, la France emprisonna plus de 2904 révoltés, accusés derébellion et de provocation de troubles. 825 Algériens furent présentés devant les tribunaux et 805 d’entre eux furent condamnés à environ 715 ans de prison au total tandis que 165 furent dirigés vers les tribunaux arabes à Constantine et 45 vers le tribunal de Batna qui prononça à leur encontre 70 ans de prison.Les condamnés furent soumis à des amendes totalisant 706 656 francs français et l’administration coloniale saisit environ 3759 fusils de chasse anciens, 7.929 ovins, 4511 caprins et 266 bovins.

    Compte tenu de la gravité de la situation, le gouvernement français s’empressa de placer l’ensemble de la région sous administration militaire aux termes du décret du 22/11/1916.En dépit du fait que les espoirs fondés par les Algériens, à travers la résistance des Aurès en 1916, de se débarrasser du colonialisme et de sa tyrannie, ne se soient pas concrétisés, les conséquences de cette insurrection et les drames qu’elle engendra demeurèrent gravés dans les esprits des habitants de la région, dans les écrits des historiens et les œuvres des poètes jusqu’au déclenchement de la Révolution du premier novembre.
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

  • #2
    REVOLTE DES AURES DE 1916

    Rapport de Monsieur l’Inspecteur général des Communes Mixtes, Directeurintérimaire des Territoires du Sud, concernant les troubles insurrectionnels del’arrondissement de BATNA en 1916
    Par Octave Depont, en date du 1er septembre 1917

    Le pays et ses habitantsTribus ayant pris part en totalité ou en partie à l’insurrectionOrganisation administrative L’arrondissement de
    BATNA est la plus grande circonscription administrative du Département de CONSTANTINE Sa superficie est de 1.518.172 hectares. A part SETIF
    , celles des quatre autres arrondissements est à peu près le tiers de ce chiffrePar contre, sa population européenne est la plus faible. 7102 français et 1093 étrangers, contre 289.898 indigènes divisés eux-mêmes en 141.359 arabes et 99.209 berbères.L’arrondissement compte quatre communes de plein exercice et cinq communes mixtes.Communes de plein exercice :
    BATNA, BISKRA, LAMBESE, KHENCHELA.

    Communes mixtes : AURES, KHENCHELA, AIN TOUTA, BARIKA, BELEZMA, AIN-ELKSAR. Il y a peu de colonisation .Dans son enquête sur les résultats de la colonisation officielle de 1871 – 1895, Monsieur DE PEYERIMOFF, parlant les HAUTS-PLATEAUX, s’exprime ainsi : «Plus fâcheux encore (que pour le plateau de CONSTANTINE) apparaît à l’état de la colonisation dans la région de la BATNA où l’on a hasardé une douzaine de périmètres. Terres souvent maigres,climat sec, emplacements parfois médiocrement sains, peuplement faible, et, pour les lots de ferme, vente sansobligation de résidence ni limitation de la faculté d’achat, bien des causes ont agi, on le voit, pour préparer un échecqui, dans l’ensemble, est visible. Dans les groupes de fermes, la population française a pratiquement disparu. Au contact de cette population faible, les indigènes ne progressent pas non plus, et leur situation économique reste, elle aussi, médiocre»….

    Quelques nouveaux centres : BAGHAI (KHENCHELA) CORNEILLE et BERNELLE (BELEZMA) ont cependant mieuxréussi que les anciens. CORNEILLE compte 265 européens, BERNELLE , 254.La population indigène habite les massifs montagneux principaux de l’AURÈS, du BELEZMA, du METLILI, et les plaines environnants.L’ AURES est compris dans le quadrilatère BATNA, BISKRA, KHANGA SIDI NADJI, KHENCHELA. Sa longueur del’Est à l’Ouest, est d’environ 100 Kilomètres ; sa largeur est à peu près la même du Nord au Sud. Il renferme, on le sait,la plus haute cime de l’ ALGÉRIE , le CHELIA (2328m.)Comme l’ AURÈS , le BELEZMA qui s’étend à l’Ouest de la route de CONSTANTINE à BATNA jusqu’aux N’GAOUS et jusqu’aux plaines du Sud de SAINT-ARNAUD, est un massif difficile est compliqué, ses plus hauts sommets nedépassent pas 200 mètres. Dans le sens se la longueur, il a environ 80 kilomètres alors que sa plus grande largeur n’estque de 25 kilomètres.L’ AURES sera bientôt traversé par deux routes principaux : MENAA et ARRIS . Bientôt, les touristes pourront visiter, en pleine sécurité, les gorges de TIGHANIMINE, de BANIANE, de MCHOUNECHE , la curieuse DJEMINA, et d’autres sites également pittoresques et beaux.Le BELEZMA n’est guère percé que par des chemins muletiers. Seulement, une route en fait le circuit qui comporte plusde 200 kilomètres de développement.Il renferme le massif célèbre de la MESTAOUA, une grande forteresse naturelle, formé par des escarpement à pic qui,depuis des siècles, a été l’oppidum de tous les révoltés et de tous les mécontents du pays en 1771, contre SALAH Bey ;en 1974 contre MOSTEFA Bey BEN OUZNADJI, en 1811 contre HAMANE Bey ; en 1818, contre MOHAMMEDTCHAKER Bey ; en 1871, (1) et en 1816 contre nous.Dans son histoire des Beys de CONSTANTINE, Monsieur .VAYSETTES (2) parlant de l’expédition du Bey BENOUZNADJI, dit que celui-ci ne put forcer le repaire de la MESTAOUAqu’en y faisant mettre le feu et tuer tout ce qui s’y trouvait. «Son infanterie et ses goums furent décimés… on était obligé d’emporter chaque jour les morts avec des filets, pour ne pas livrer leurs cadavres à la férocité de l’ennemi.» Nous dirons plus loin, ce que furent notamment les résistances de 1871 et de 1916, dans la MESTAOUA.

    Le METLILI , massif isolé, s’élève au-dessus de la plaine de SEGGANA-SEFIANE au Nord- Ouest, de la plaine d’ELOUTAYA au Sud-Est et de L’oasisd’EL KANTARA au Nord Est. Il est constitué par une série de rides parallèles orientées Nord-Est et dont les plis ont serrés comme les fronces d’une étoffe.Sa longueur est de 45 Kilomètres environ, et sa largeur est, en moyenne, de 15 Kilomètres.Le point culminant est le DJEBEL-METLILI à 1495 mètres, où se trouve un poste optique communiquant avec AUMALE
    Dans la partie Nord du Massif et sur le versant d’EL KANTARA, on rencontre de nombreuses excavations naturelles dans les rochers. Les indigènes en ont aménagé quelques unes pour y habiter l’hiver.

    Tous ces groupes sont plus ou moins caractérisés, en ce sens qu’ils ont, plus au moins, été pénétrés par les Arabes, sauf
    pour ce qui est des Touaregs et des Mozabites.Cette pénétration favorisée par les invasions et les circonstances, n’a cependant guère atteint les Chaouis de l’AURÈS et du BELEZMA, race invinciblement rétive. Fermée, ou à peu près, par ses défenses naturelles, à toute invasion, race qui a vu passer tous les conquérants sans se laisser pénétrer par aucun. Constamment en guerre entre elles, comme toutes les tribus de L’AFRIQUE DU NORD, ces populations, à part les apports des vaincus auxquels elles accordaient asile, ont gardé, dans chaque canton, dans chaque village même,juxtaposés, mais non confondus, vivant sur un même sang, tous leurs caractères sociologiques spéciaux.

    Bien entendu, il faut faire exception pour les plaines où, plus abordables, les Chaouis sont plus ou moins arabisés. Des remaniements de territoires ayant, à diverses reprises, notamment depuis 1904, été opérés dans les communes mixtes d’AIN TOUTA, du BELEZMA et de BARIKA, du fait de la création du BELEZMA, de la suppression de l’ancienne commune mixte des OULED SOLTANE, et de la remise au territoire civil de l’annexe de BARIKA, il en est résulté que des tribus ont été disloquées pour passer, par parties, dans l’une ou dans l’autre des trois circonscriptions subsistantes.

    Nous les présenterons donc, au fur et à mesure que le récit nous y conduira, sans tenir compte des divisions administratives actuelles. Au surplus, le tableau ci-dessous nous indiquera le partage des tribus que nous avons à étudier comme ayant pris part,
    en totalité ou en partie, au soulèvement :

    Dernière modification par zwina, 11 décembre 2016, 09h44.
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    • #3
      Les indigènes de cette tribu proviennent, pour son noyau principal, qui a donné son nom à la confédération, des Lakhdar, arabes émigrés du Sud. La seconde qualification Halfaouia viendrait de la grande quantité d’alfa qu’on rencontre dans cette région.

      D’autres habitants sont issus d’émigrés partis de divers points de l’AFRIQUE, entre autres du MAROC, et de l’ALGÉRIE (BOU THALEB et SETIF). Les Briket, de race arabe, renferment une sous fraction (les Ouchechna) d’origine zénatienne. Ces Lakhdar Halfaouia (4) avaient reconnu l’autorité des Turcs ; ils payaient l’impôt entre les mains du cheikh de
      BELEZMA. Ils se soumirent à la FRANCE en 1844.

      Au moment du siège de ZAATCHA (1849), ils se jetèrent dans l’insurrection, et s’y firent remarquer par d’audacieuses attaques contre nos convois ; mais la prise de cette oasis les ramena promptement dans le devoir. Le vaste territoire détenu par les Lakhdar Halfaouia s’étend, du Nord Est au Sud Ouest, depuis BATNA jusqu’aux plaines du HODNA.

      Le douar BRIKET, le moins étendu de la tribu, a une superficie de 8897 hectares, dans lesquels sont englobées les terres de colonisation du centre de MAC MAHON. Les terres y sont melks. Ses habitants sont sédentaires ; ils se livrent à la culture de céréales et à l’élevage du mouton, lequel constitue leur principale ressource. Les céréales rapportent peu, en effet, excepté dans les terres avoisinant l’Oued El KSOUR, qui peuvent recevoir des irrigations.

      D’ailleurs, le douar BRIKET est soumis aux mêmes influences climatériques que MAC MAHON ; la sécheresse s’y fait durement sentir dans toute la zone située entre EL BIAR (LAMBIRIDI) au Nord, et les TAMARINS au Sud, et l’on ne peut guère compter sur une récolte moyenne que tous les dix ou douze ans. C’est dire que la population est loin d’être aisée. Aussi bien, chaque année, la société de prévoyance lui vient-elle en aide par des secours en grains.

      Des épidémies (typhus de misère et variole) y ont causé plusieurs fois des ravages et fait d’assez nombreuses victimes, notamment en 1900. Les gens de BRIKET passaient pour être dociles, encore que, depuis longtemps, ils aient eu comme cheikhs, des hommes de peu d’autorité et de prestige.

      Le dernier LOUCHENE Rahmani, s’est, nous l’avons vu, prudemment enfui de MAC MAHON dès les premiers coups de feu de la rébellion. Le douar limite le territoire de colonisation de MAC MAHON dans la partie Nord-Ouest. Pour arriver à MAC MAHON, les bandes armées de SEGGANA, SEFIANE, OULED AOUF et TILATOU ont été obligées de traverser le territoire de BRIKET. Il aurait donc été facile aux gens du douar de franchir les 4 ou 5 kilomètres qui les séparent du village pour y donner l’alarme. Or, non seulement ils ne l’ont point fait, mais encore ils se sont joints aux rebelles. Ce qui le prouve c’est la découverte dans plusieurs mechtas, d’étoffes volées à MAC MAHON, et celle du cadavre d’un indigène de ce douar, percé de balles Lebel, dans la nuit du 11 au 12 novembre. La compromission des indigènes de BRIKET est donc bien établie. Constamment au village, ils étaient au courant de la disposition des locaux, et même, dans l’incursion faite au bordj, on peut y voir la main de deux anciens cavaliers de la commune mixte, les sieurs «LOUCHENE» MOKHTAR et «LOUCHENE» HAFSI, devenus depuis l’abandon forcé de leur emploi, des religieux fanatiques.

      D’autre part, l’affaire des TAMARINS est presque exclusivement l’oeuvre des gens de BRIKET. Nous ne trouvons pas à BRIKET d’indigènes appartenant à de vieilles familles marquantes.

      Le personnage le plus influent est le nommé «SAHRAOUI « MOHAMMED BEN AMAR, moqaddem des RAHMANIA et serviteur du marabout de TOLGA. Si SAHRAOUI possède 150 khouanes. C’est lui on le sait qui a sauvé Mme MARSEILLE et ses fillettes. Son geste évidemment très beau, à premier vue, n’est peut être pas à la réflexion, une preuve convaincante de son loyalisme. Il a fait, à propos de sa présence à MAC MAHON dans la nuit du crime, une déposition si invraisemblable que nous sommes amenés à suspecter sa bonne foi. En ce qui concerne les troubles de novembre 1916, leur participation est nettement établie.

      Le 18 novembre, au cours d’une opération, on a retrouvé, dans la région de l’Oued BERRICHE, un des fusils modèle 1874 et 42 cartouches provenant du Bordj administratif. D’autre part, des perquisitions faites dans les mechtas GHASSEROU. BERRICHE et METLILI, amenèrent la découverte d’une partie des étoffes volées au village.

      L’opération militaire du 18 novembre, fut marquée par la résistance des habitants des mechtas précitées qui, réfugiés sur les hauteurs dominant leurs groupements, faisaient feu sur la troupe. Un tirailleur sénégalais fut tué. Une deuxième démonstration faite, fin janvier, dans le METLILI, ne donna lieu à aucun incident. Cependant, l’autorité militaire découvrit un réduit défensif solidement établi en un point si escarpé qu’il fallut l’aide du canon pour le détruire. En outre, des militaires ayant mis le feu à un gourbi isolé et abandonné, une très forte explosion se produisit, décelant un approvisionnement de poudre.

      C’est dans le METLILI, que le bandit «BENALI» MOHAMMED BEN NOUI, se réfugiait avec ses compagnons, déserteurs pour la plupart. Le réduit défensif est très vraisemblablement l’oeuvre de ceux-ci.

      A part deux moqaddems de RAHMANIA, n’ayant qu’une influence locale, il n’y a pas de personnages marquants dans le douar TILATOU.
      Au moment où les évènements se sont produits ; le cheikh du douar était le kabyle «BEN YOUCEF» SMAIL, ancien Khodja de commune mixte, qui n’avait aucune autorité dans son territoire où il ne se rendait qu’avec appréhension. Les propos tenus par lui suffisent à édifier sur sa valeur morale et professionnelle. «Où étiez-vous, lui demandait-on, quand les rebelles assassinaient le brigadier forestier des TAMARINS à proximité de votre bordj ? » Je me tirais des pieds, répondit-il»

      Douar OULED AOUF

      Les OULED AOUF (2859 habitants) appartiennent à la tribu des OULED SOLTANE, qui comprenait aussi les Douars OULED SI SLIMANE, SEFIANE, MARKOUNDA, N’GAOUS, et qui fut soumise à l’application du Sénatus-consulte en 1890.

      Les OULED SOLTANE dépendaient autrefois de la commune mixte du même nom dont le siège était N’GAOUZ. La suppression de cette unité administrative a entraîné le rattachement des OULED AOUF à la commune mixte d’AIN TOUTA. Les Douars MARKOUNDA et OULED FATMA entrèrent dans les composition de la commune mixte du BELEZMA (1904) et les OULED SI SLIMANE, ainsi que SEFIANE, furent plus tard, (1907) placés sous l’autorité de l’administrateur de BARIKA.

      Les OULED SOLTANE, à l’exception d’une partie de SEFIANE, sont berbères. Nous voyons mêlé aux grandes luttes qui marquèrent l’occupation arabe, un nommé AISSA BEN SOLTANE, originaire des OULED AOUF. Les habitants de la tribu et, notamment de la faction des OULED AOUF, ont toujours passé, pour être belliqueux. On les a trouvés dans la guerre contre BEN YAHIA BEN GHANIA, et ils prétendent n’avoir pas été soumis aux Romains ni aux Turcs. Il y a, sans doute, beaucoup de vantardise dans cette affirmation des OULED SOLTANE. En tous cas ils faisaient aux BENI-IFRENE (N’GAOUS) une guerre acharnée qui se terminait régulièrement par le pillage de N’GAOUS. Une nouvelle razzia était faite dès que les BENI-IFRENE avaient reconstitué leur fortune. Ces pillages systématiques cessèrent avec l’occupation française qui eut lieu sans combat. On procéda simplement à quelques razzias dans la tribu, et celle ci fit sa soumission, en 1844, au Général SILLEGUE. Pendant 27 ans, la paix n’a cessé de régner, mais en 1871, les instincts de brigandage de cette population de montagnards, la jetèrent activement dans l’insurrection.

      Dans le courant d’Avril, ils se joignaient aux contingents rebelles des OULED CHELIH et de TLET, et participaient aux assassinats de trois enfants et de douze européens de la scierie SALLERIN, à OULED HAMLA ; au pillage des fermes du RAVIN BLEU à l’affaire de la scierie PRUD’HOMME à OUED EL MA Le 22 Avril, ces contingents tentaient un coup de main sur BATNA, mais, dispersés à coups de canon, ils se portaient sur FESDIS et EL MADHER. Poursuivis par les colonnes MARIE ET ADLER, ils se réfugiaient dans les montagnes du BELEZMA où ils se faisaient remarquer par l’incendie du Bordj du Caïd SAID BEN CHERIF qui nous était resté fidèle.

      Le 8 juillet, les OULED SOLTANE attaquaient N’GAOUS. Après plusieurs tentatives infructueuses contre les BENI IFRENE, ils entreprenaient le siège du village. Ce siège dura 40 jours au bout desquels les habitants (BENI IFRENE) furent délivrés, le 7 septembre, par la colonne SAUSSIER Malheureusement, les rebelles les plus compromis réussissent à s’enfuir dans la MESTAOUA où ils continuèrent leurs exploit pendant quelques mois encore.
      Dernière modification par zwina, 11 décembre 2016, 10h07.
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      • #4
        En novembre 1916, les OULED AOUF, indépendamment de leur participation à l’affaire du village de MAC MAHON, se firent remarquer par leur ténacité à maintenir l’état de rébellion dans le douar. Seul, de toute la commune mixte,
        celui-ci fit complètement défaut aux opérations de la conscription. Une mechta, celle de KHENZARIA, fut particulièrement hostile.

        Après avoir éconduit, et même menacé de mort, dans la journée du 11 novembre, l’administrateur adjoint CARLI, qui s’était rendu chez eux pour tenter de les faire revenir sur leur refus de se conformer à la loi militaire, les gens de cette mechta se réfugièrent dans le Djebel RAFAA et demeurèrent réfractaires à l’autorité jusqu’au 18 décembre. A cette date, une opération militaire énergique amenait l’arrestation d’une cinquantaine de rebelles parmi lesquels l’instigateur de la révolte le sieur «RAHMANI» Mohammed ben SAID, moqaddem des RAHMANIA 7Cette dernière arrestation eut pour résultat sur l’intervention du même moquaddem la soumission immédiate de toute sa mechta y compris les inscrits d’office, insoumis et déserteurs.

        Les opérations militaires aux OULED AOUF furent marquées le 28 Décembre au «Chabet ENNEMEUR» par la mort de deux goumiers. S’étant imprudemment éloignés de la colonne, ces deux militaires furent assassinés par des gens de la mechta TAMAZRIT. Une enquête rapide permit d’obtenir les aveux de deux des coupables (?) qui restituèrent les deux Lebel enlevés aux goumiers des Ben Gana.

        Parmi les personnages marquants de la tribu dont le souvenir se rattache aux évènements présents, citons SI EL HADJ AHMED MAHFOUD, décédé en 1883, descendant direct de SI AHMED BEN AOUF, réputé comme ayant propagé l’islamisme chez les OULED SOLTANE. Si EL HADJ AHMED BEN MHFOUD fut cadi de N’GAOUS pendant 20 ans. On prétend qu’il a défendu ce village en 1871 contre les rebelles, mais cette attitude se concilie mal avec la mesure d’internement en Corse dont SI EL HADJ AHMED et son fils SEDDIK furent frappés ensuite, pendant huit mois. Quelques descendants de cette famille habitent encore N’GAOUS. Une des filles de SI EL HADJ AHMED est mariée au fils du marabout «AMIRA» ALI BEN AMOR BEN ATHMANE de la Zaouia de TOLGA, dont nous aurons occasion de parler en étudiant le rôle de la Khouannerie dans l’insurrection.

        Aux OULED AOUF, il n’y a actuellement aucun personnage marquant, en dehors de quelques moqaddems dont l’influence ne dépasse guère leurs mechtas respectives. Le sieur BOUHENTALLAH Mohammed, cheikh du douar s’est rendu complice des rebelles en conservant un mutisme absolu. Révoqué, puis arrêté, pour être traduit devant la commission disciplinaire, il est mort en prison. Les OULED AOUF cherchent, aujourd’hui qu’il n’est plus là pour se défendre, à faire retomber sur lui toute la responsabilité de l’affaire en prétendant qu’il est a poussé à la résistance dont il leur a donnée l’exemple en cachant chez lui, pendant plus de six mois, un de ses neveux, un déserteur. Tout en faisant, dans ces allégations, la part de l’exagération, il faut retenir que le cheikh des OULED AOUF ne nous a jamais prêté, avant comme après les événements, le concours qu’il nous devait. Il n’avait d’ailleurs ni capacités, ni énergie. Sans tempérament, il se laissait mener par son fils «BOUHENTALLAH» Ahmed, khodja du douar, individu sans moralité et dangereux C’est lui qui, en réalité, commandait les OULED AOUF.

        Dans les douars MARCOUNDA et OULED FATMA (BELEZMA) de la même tribu des OULED SOLTANE, nous trouverons un cheikh, le nommé BOURADI Mohammed, personnage religieux, employant son influence à la résistance contre la conscription, présidant à TAKSELENT une réunion de conjurés.

        Tribu des Ouled Bou AOUN C’est la plus importante des tribus de la commune mixte du BELEZMA. Elle comprend neuf Douars : BOUGHEZEL OULED MOHAMMED BEN FERROUDJ, ZANA, OULED MEHENNA, CHEDDI, EL SAR et les trois Douars plus hauts cités : OULED EL MA, MEROUANA et OULED FATHMA, population : 10 000 habitants.

        On raconte qu’à une époque reculée et assez difficile à préciser, un nommé AOUN originaire de SEGUIA EL HAMRA arriva à N’GAOUS où, grâce à son intelligence, il acquit rapidement une assez grande influence. Il exerçait la profession de gassab, joueur de flûte. Entreprenant et audacieux, il profita du mécontentement qui se manifestait contre la garnison turque, pour se mettre à la tête de ses partisans, massacrer la garnison, s’emparer de N’GAOUS et proclamer l’indépendance des tribus voisines qui avaient fait leur soumission aux turcs. Le Bey de CONSTANTINE ayant pris en personne la direction d’une colonne pour venir venger la mort de ses soldats, AOUN se réfugia chez les HIDOUSSA (MEROUANA) dans les montagnes du BELEZMA.

        Arrivée à N’GAOUS, la colonne turque châtia les rebelles et les frappa d’une forte amende, mais plusieurs fractions réussirent à aller rejoindre AOUN, et le Bey, reconnaissant la grande influence de celui-ci jugea plus politique de s’en faire un ami. Il lui donna le titre de cheikh du BELEZMA. A sa mort, AOUN laissa un fils, EL GUIDOUM, qui fut à son tour remplacé par son fils ALI. Celui-ci s’allia aux TELEGHMA, aux OULED ABDELNOUR et aux EULMAS, puis ils’insurgea contre le Bey de CONSTANTINE.

        Après une rencontre entre les contingents armés du Bey et les siens, rencontre dont les résultats ne sont pas connus, ALI BEN EL GUIDOUM fut confirmé et agrandi dans ses pouvoirs par le Bey. Le Bey (1736-1753) résolut de se débarrasser d’ALI BEN EL GUIDOUM dont l’influence grandissante gênait sa popularité. Après lui avoir demandé sa fille en mariage, il lui tendit un piège, le fit égorger, se saisit de ses deux fils FERHAT et HAMOU, et donna son commandement à un nommé BOU AOUN, des OULED BOU ZIAN.

        Celui ci fut à son tour trahi par le Bey au profit de FERHAT BEN ALI BEN GUIDOUM que BOU HANEK avait fait élever dans sa famille et pris en affection au point que, peu de temps après, le Bey lui avait confié l’administration de toute la région comprise entre AIN AZEL au Sud de SETIF, et le TARF au nord de KHENCHELA. En 1804, il fut tué à la tête de son goum dans les contingents du Bey OSMAN près de l’embouchure de l’OUED EL KEBIR (EL MILIA) selon les uns, chez les FLISSAS sous le règne D’AHMED BEY EL COLI(1756-1771) selon les autres.

        Dans tout cela, comme l’observe très bien M. J.D.LUCIANI deux points paraissent indiscutables : les hommes de valeur, entre autres FERHAT BEN ALI BEN GUIDOUM, fournis par les gens du BELEZMA ; en second lieu, le tempérament guerrier et pillard de ces indigènes qui ont toujours trouvé dans leurs montagnes, en particulier dans le Djebel MESTAOUA, un refuge difficile à atteindre.
        Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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        • #5
          Les indigènes du HODNA oriental forment six groupes qui font remonter leur arrivée dans le pays aux XVIe et XVIIe siècles.

          1 - Ouled Sanoune
          Les Ouled Sanoune disent avoir pour grand ancêtre SAHNOUNE BEN CHINOUNE, qui vint au commencement du XVII siècle, des environs de TOUGGOURT, se placer comme berger chez SI BARKAT, marabout du BOU TALEB ; il y prit deux femmes dont il eut neuf fils. Il s’installe alors au douar MAGRA, chez les Ouled Zemira.

          2 - Selalhas
          Les ancêtres de cette tribu s’établirent près du Djebel DJEZZAR, dès le XVII siècle.

          3 - Ouled Amor et Ouled Nedjaa
          Ce sont les descendants de DERRADJ qui vint se fixer dans le HODNA ORIENTAL vers la fin du XVIe siècle et fonda la puissante et redoutable tribu des Ouled Derradj, gens de sac et de corde, pillards et bandits, ayant conservé, depuis plus de trois siècles, la pire des réputations. (9) DERRADJ venait de MILIANA avec de nombreux compagnons qui donnèrent leur nom aux différentes fractions de la tribu. Les Ouled Amor prirent MAGRA, les Ouled Nadjaa, s’emparèrent des terrains arrosés par l’Oued BERHOUM, les Souamas s’installèrent dans la partie occidentale du HODNA.

          Vers la fin du XVIIe siècle, deux familles de marabouts vinrent se fixer : les Ouled Abdlekader à MAGRA et les Ouled Sidi Yahia, à BERHOUM

          4 - Ouled Sidi Ghanem
          Le marabout SIDI GHANEM quitta ORAN vers le milieu du XVIIe pour planter sa tente dans les environs d’AIN KELBA.

          Les Ouled Derradj qui étaient déjà dans le pays les laissèrent cultiver en paix les terres dont ils avaient besoin. Devenus plus nombreux, les descendantes de SIDI GHANEM firent le partage des terres : les fils de SIDI YAHIA et de
          SIDI GUENDOUZ, prirent celles arrosées par l’oued MENAIFA, tandis que les fils de BELKACEM : SEKKAI et KHADED s’installèrent près d’AIN NAKKAR.
          Les Ouled Sidi Ghanem ne prirent aucune part dans les luttes de leurs voisins. Actuellement ils sont disséminés chez les Ouled Nedjaa ou les Ouled Sahnoune.

          5 - Zoui
          Les Ouled Zoui sont d’origine maraboutique ; leurs descendants n’ont aucune souvenance des évènements qui se sont déroulés chez eux depuis l’arrivée de leurs ancêtres ; ils comprennent quatre fractions :
          Les Ouled Sidi Othmane,
          Les Ouled ben Dahoua,
          Les Ouled Khadra,
          Les Ouled Sidi Ahmed ben Kassem.

          Tels sont les cinq principaux groupes qui occupaient le HODNA ORIENTAL à l’arrivée des Français en ALGÉRIE. Ces différents groupes ne vivaient pas toujours en bonne intelligence, mais les Beys n’intervenaient que pour lever des impôts et les laissaient libres de vider leurs querelles comme ils l’entendaient.

          Le HODNA depuis la prise de CONSTANTINE jusqu’en 1849
          L’arrêté du 30 septembre 1838, qui institue les cinq khalifats, est le premier acte officiel qui consacre l’autorité de la FRANCE dans le HODNA. Le territoire qui forme actuellement la commune mixte de BARIKA, était partagé entre
          Ahmed BEN MOKRANI, khalifat de la MEDJANA, et Ferhat BENSAID BEN BOU AKKAZ, cheikh El Arab.

          Au mois de janvier 1840, BOUAZIZ BEN GANA succéda à Ferhat BENSAID comme khalifat du SAHARA, et il avait autorité sur la tribu du HODNA ORIENTAL comme sur tout le territoire de la commune mixte actuelle. Les khalifats ne purent maintenir la paix sur leur immense territoire. L’arrivée de nos troupes augmenta les dissensions et provoqua la formation des «çofs».

          Dans la région de BARIKA, les tribus n’avaient aucun lien commun.
          Elles formaient une sorte de confédération, plutôt de nom que de fait, comprenant différents groupes, toujours en lutte entre eux. En 1844, il parut opportun de diminuer l’autorité des Ben Ghana, ce Caïdat formé dans un but politique ne constituait ni une unité politique ni une unité géographique, puisque le bassin du HODNA était divisé ainsi en deux : la partie occidentale sous le commandement de khalifat MOKRANI, tandis que les vallées supérieures des Ouled Barika et BITAM formaient, en dehors du Caïdat, les Ouled Soltane, et les Lakhdar Halfaouia, de SEGGANA, qui dépendaient du Caïdat de BATNA.

          Cependant un mouvement d’accalmie se produisit en 1845 à la suite de la tournée de police effectuée par le Général LEVASSEUR dans le HODNA. Mais en 1849 toutes les tribus s’insurgèrent pour aller au secours de ZAATCHA. Les rassemblements se dispersèrent à la nouvelle de la défaite de SERIANA. Le Caïd SI MOKRAN fut renvoyé, et les tribus qu’il administrait prirent place dans le commandement de SI MOKHTAR BEN DAIKHA, Caïd des Ouled Soltane et des Ouled Sellem.

          A cette époque, l’administration n’est plus, comme au début de la conquête, confiée entièrement aux grands chefs indigènes. Déjà, nous nous sentons de force à gouverner nous mêmes et les bureaux arabes institués par le Maréchal BUGEAUD, le 1er mars 1844, commencent à administrer directement les indigènes, dont les chefs sont sous les ordres des commandants de Cercles, conformément à l’ordonnance du 15 Avril 1845.
          Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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          • #6
            SI MOHAMMED BEN EL HADJ BEN GANA, Caïd du HODNA oriental depuis 1901, avait demandé et obtenu que la jouissance des terrains que les djemaa lui avaient consentie dans les quatre Douars dont il gardait le commandement (DJEZZAR, METKOUAK, BARIKA et MAGRA) lui fut maintenue avec les autorisations d’irrigations utiles.

            Quelques temps après de vives réclamations surgirent : on accusait l’agha BEN GANA d’abuser des irrigations en prélevant plus que sa part. Un ancien cheikh révoqué par l’autorité militaire, KHELLAF BEN SAAD, prit la tête du mouvement d’hostilité contre l’agha. L’autorité locale, compromise à l’endroit de BEN GANA, persista à nier ce mouvement qui reprit avec plus de violence et se traduisit, en 1911, par une émigration nombreuse vers la SYRIE. La plupart des caravanes furent cependant arrêtées en TUNISIE. L’autorité locale nia encore cette émigration. Alors se produisit le serment du Matmor de SIDI ABDELKADER liant les conjurés pour une lutte à outrance devant aboutir à la déchéance de l’agha. L’administrateur eut la malencontreuse faiblesse de proposer aux perturbateurs une trêve de deuil, l’agha venait de perdre son frère le bachagha des Zibans.

            2000 indigènes, hurlant, trépignant, vinrent se masser devant le bordj administratif et deux brigades de gendarmerie durent charger pour dégager le bordj et ouvrir un passage à l’agha BEN GANA. L’agitation, par la suite, prit des allures encore plus graves : des rassemblements tumultueux eurent lieu à BARIKA. On y venait en armes et on y discutait publiquement le départ de l’agha ; puis on incendiait sa récolte. Les troubles tournaient à la rébellion ouverte et il fallut en arriver à l’envoi d’une force de gendarmerie et à l’internement de seize meneurs pour ramener dans le pays une tranquillité relative.

            Tout cela était, en grande partie, l’oeuvre des Ouled Sahnoune. En 1916, les mêmes Ouled Sahnoune et Ouled Derradj de MAGRA, refusèrent de présenter leurs conscrits, mettant ainsi en échec l’autorité locale Un autre échec plus grave encore fut celui de la colonne envoyé dans le HODNA qui reçut des coups de fusil sans les rendre, chez les Zoui, d’AIN KEBLA (10).
            Le 12 novembre, après le sac de la ferme GRANGIER, la veille, des bandes hostiles de SEGGANA, des Sahari et autres gens du HODNA entouraient BARIKA ainsi que nous l’avons relaté.

            Les Segnias étaient sans cesse en lutte avec leurs voisins et ils se mirent plus d’une fois en insurrection ouverte contre le Bey de CONSTANTINE. Après plusieurs exécutions sanglantes, nous les trouvâmes au moment de la prise ce CONSTANTINE rattachés au commandement du Caïd des Zemoul, qui les traitait comme une tribu Raïa, c’est-à-dire soumise. Cependant, leur naturel turbulent reprit bientôt le dessus, et nous fûmes obligés de les châtier en 1841. En 1844, ils furent séparés des Zemoul, leurs ennemis nés, mais il fallut les punir de nouveau, en 1846 et 1852, pour désordre commis ou refus d’obéissance. Depuis cette époque, leur moral n’a pas changé, au contraire, et qui dit Segni, dit bandit, valeur et pillard.

            En 1871, les Segnia eurent encore des velléités de révolte ; quelques partisans, toujours des Ouled Saci, fraction des Ouled Achour, vinrent jusqu’à FESGUIA ; mais arrêtés là par le goum des Zemoul, ils furent contraints de regagner leurs mechtas et ne firent plus parler d’eux que par leurs vols et leurs rapines, voire même leurs assassinats, jusqu’en décembre 1916, époque où le mouvement, sans l’arrivée des troupes, aurait pu prendre une certaine extension, et nous causer bien du mal.

            En effet, lors de l’appel des conscrits indigènes dans le centre d’AIN KERCHA, non seulement les enfants ne se présentèrent pas, mais ceux d’entre eux qui purent être appréhendés, cachés dans le village, furent enlevés à l’Administrateur- adjoint, le jour même des opérations. Les révoltés étaient venus en masse et armés dans le centre de KERCHA, défendu seulement à ce moment par quelques sénégalais, transis de froid et incapables, de l’avis même de leur chef, de pouvoir tenir contre la horde des rebelles. Ces derniers avaient une attitude tellement équivoque que l’Administrateur-adjoint, M. JOINT, préférait transiger avec eux, pour éviter une effusion de sang, et acceptait d’attendre les enfants jusqu’au soir. En quittant le village, les rebelles tirèrent des coups de fusil contre les maisons extérieures. Un autre groupe armé, composé d’une quinzaine d’individus, se portait sur la route, à un kilomètres de la ferme PESTEIL, et y attendait la voiture qui avait emmené M. JOINT, le matin ; Cette voiture était arrêtée par la bande vers
            trois heures de l’après-midi. Un des chevaux était tué, et le sous-brigadier AISSA, qui se trouvait dans la voiture, recevait au pied un coup de fusil qui le rendait infirme pour le restant de ses jours. Personne n’ignore aujourd’hui, dans tout le pays que c’était l’Administrateur-adjoint qu’on attendait et qui aurait certainement était tué, s’il se fut trouvé dans le véhicule.

            Dans le même temps, une autre bande détruisait la ligne télégraphique et téléphonique reliant AIN M’LILA à AIN FAKROUN, et se dirigeait sur ce dernier centre. Elle y arrivait dans la soirée, pillait les magasins, menaçant la population et tirant des coups de fusil contre la gendarmerie dans laquelle une partie des femmes européennes du centre s’étaient réfugiées. Les fils télégraphiques et téléphoniques, ainsi que les poteaux, étaient également coupés et brisés aussi bien près de la gare que dans le centre, sur la route de CONSTANTINE à AIN BEIDA, et la bande ne se dispersait qu’en apprenant l’arrivée de troupes d’AIN M’LILA. Ce sont les indigènes seuls, poussés par les nommés «ZITOUNI» SIDI BEN AMMAR ; des Ouled Saci, «MERZOUGUE» «CHÉRIF BEN SI AMMAR», des Ouled- Messaad, et tous les parents des conscrits, qui avaient décidé de s’opposer même par la force au départ des enfants.
            Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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            • #7
              Les Maadid

              On ne possède pas de données précises sur la tribu des Maadid où l’insurrection a jeté son dernier cri. Ce territoire faisait partie de la MAURÉTANIE SETIFIENNE. Il est très tourmenté et d’un accès difficile. Des ravins profonds et encaissés le sillonnent ; ils descendent du Djebel MAADID vers le HODNA.

              D’après la tradition, le pays aurait d’abord été habité par une tribu berbère issue de la grande confédération des Sanhadja.

              Vers le commencement du XIème siècle, le prince HAMMAD vint fonder dans les montagnes abruptes de KIANA, la ville forte d’EL KALAA, devenue la résidence des Rois Hammadites, et qui fut emportée d’assaut, après un siècle et demi d’existence, par les troupes d’ABDALLAH fils d’ABDELMOUMEN, fondateur de l’empire Almohade.

              Après l’arrivée des Hilaliens , ceux-ci fusionnèrent avec la population autochtone, et c’est de ce mélange qu’a été formée la tribu des MAADID, que l’on voit, du temps des Turcs, sous la suzeraineté des seigneurs de la MEDJANA, les Ouled Mokrane. En 1871, ils se laissèrent entraîner dans l’insurrection de MOKRANI et furent frappés de séquestre. Depuis, ils n’ont pas bougé. Mais leur réputation est mauvaise : turbulents et enclins au vol,
              ils sont divisés en çofs et le maintien de l’ordre et de la sécurité dans le douar exige une surveillance constante. La tribu a été divisée en deux Douars : OUED KSEB, et MAADID. Ce dernier renferme une population de 3074
              habitants.

              En 1917, plusieurs appelés du douar MAADID ont refusé de se présenter devant l’agent chargé des opérations préparatoires. Au commencement d’Octobre, l’administrateur avait signalé un état d’esprit inquiétant chez ces indigènes, à propos de recrutement de travailleurs. Le 12, près de cent individus du douar RABTA s’étaient rendus devant les bureaux de la commune mixte pour protester contre la réquisition éventuelle des ouvriers pour nos usines, qui allait, disaient-ils, réduire leurs familles à la misère.
              L’Administrateur leur ayant expliqué le fonctionnement de l’opération, et la possibilité, pour eux, d’éviter la réquisition, en fournissant des engagements volontaires, ils avaient quitté BORDJ-BOU-ARRÉRIDJ un peu plus tranquilles. Il n’en était rien au fond, car, le 19 octobre, il y eut, au même point, une nouvelle manifestation suivie, cette fois, d’actes de désordre. Grâce aux mesures énergiques immédiatement prises, cette échauffourée n’ont pas d’extension fâcheuse. Jusqu’en Janvier 1917, la situation politique demeura à peu près satisfaisante, sauf le douar MAADID, dont le Caïd avait signalé l’opposition à la conscription.

              Une première fois, l’Administrateur-adjoint ABADIE s’était transporté sur place afin de réunir les conscrits et se rendre un compte exact de la situation. Sept d’entre eux refusèrent de se présenter à lui, et l’un deux qui s’était enfui avec sa famille, n’hésita pas à tirer deux coups de feu sur le kébir qui était venu le chercher. L’envoi d’une petite colonne fut alors décidé pour mettre à la raison les dissidents. Le23, l’administrateur M. LOIZILLON, se rendait, en personne, au douar MAADID. Après avoir appréhendé un réfractaire, qui, quelques jours auparavant, avait fait feu sur un goumier chargé, avec le Caïd et des cavaliers, de l’arrêter, il était parvenu à ramener les récalcitrants, sauf deux, appartenant à la mechta SMAËR, où il n’avait trouvé que deux femmes et un jeune homme privé de raison. Il revenait à son campement, accompagné des femmes et de leurs parents, lorsque plusieurs coups de feu furent tirés sur son escorte. Une riposte vigoureuse mit en fuite les agresseurs. Cependant l’Administrateur qui aurait pu sans doute obtenir, tout de suite, satisfaction, par des mesures répressives,
              préféra réclamer l’envoi immédiat d’une colonne dont l’arrivée produisit les meilleurs effets et permit l’incorporation total des conscrits réfractaires.
              Ce simple aperçu historique des populations si diverses d’origine, qui ont pris, plus au moins, part au soulèvement, témoigne, tout d’abord, de la survivance de l’autochtone conditionné par la contrée et le climat, et perpétué à travers toutes les conquêtes, les révolutions et les invasions.

              Les chaouias se sont toujours montrés férocement jaloux de leur indépendance. On les a vus et en les verra mieux encore, dans le chapitre des insurrections, s’enflammer, de tous temps, pour la défense ou la délivrance de leur pays. Ils n’ont pas changé. Ils sont toujours, du moins depuis la conquête arabe, au même niveau social inférieur, et c’est
              notre tort d’avoir cru qu’ils avaient assez progressé pour bénéficier de système d’administration qui n’est pas fait à leur taille.

              Les montagnards des OULED FATMA de MEROUANA d’OUED-EL-MA et de MARKOUNDA, pour ne parler que d’eux sont demeurés réfractaires à tout progrès comme à tout bon sentiment. Un de leurs anciens administrateurs qui les connaît bien M.LAUSSEL, nous disait : «je n’ai jamais rencontré, pendant ma longue carrière de brutes pareilles aux habitants de ces Douars. Ils ont commis des crimes dont l’horreur dépasse l’imagination. Ils font redouter des soulèvements par des bruits qu’ils s’ingénient à mettre en circulation chaque fois que l’occasion s’en présente, c’est-à-dire chaque qu’ils croient à un affaiblissement de la France du fait des menaces de conflit avec une autre puissance : Fachoda par exemple, ou de campagne coloniales (le Maroc) réduisant nos effectifs.»

              En 1907, le bruit a courut, à BATNA, rapporté par le Sous-Préfet de l’époque M. Emile LUTAUD, d’une révolte des OULED FATMA. En 1914, pareil bruit fut mis en circulation. C’est périodique. Est-ce explosion de colère contre les abus terrifiants des hommes qui montent aux échelons du commandement ?
              Nous n’en savons pas grand-chose car le théâtre des appétits, des passions et des intérêts, demeure loin de nous. Un rideau ne se lève que rarement pour nous, si ce n’est par surprise. Et nous n’avons guère d’appuis chez ces chaouias, ni chez les nomades du HODNA, tout y ayant été nivelé socialement.

              Nous y avons brisé les grands commandements, ce qui est bien dans la note berbère, et bien conforme aussi à notre politique indigène.
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              • #8
                En 1914, au mois de Septembre, sur 27 appelés, 3 du douar Ouled Cheikh prennent la faite au moment où l’on conduisait le contingent de 40 inscrits au siège de la commune mixte. En Octobre, aussitôt après l’échauffourée du bordj de Corneille qui sera exposée plus loin, une colonne parcourait le Djebel BELEZMA. A Khenzaria, foyer de la résistance en 1916, (douar OULED AOUF) se trouvent réunies les djemaa des douars MEROUANA (BELEZMA) et OULED AOUF.

                Un ancien cheikh, «BENHAFIA», El hadj Ahmed ben Yahia, de MEROUANA, prend la parole et, d’un ton péremptoire, déclare au Capitaine CABON, chef du bureau des affaires indigènes de la division de CONSTANTINE, ce qui suit : «on peut augmenter les impôts, nous prendre nos bien, mais nous ne donnerons pas nos enfants, envoyez vos goumiers.» Aucun des membres de ladjemâa de MEROUANA ne proteste. La djemâa des OULED AOUF garde la même attitude.

                Dans le douar OULED AOUF, une seule fraction, celle de Khenzaria, comptant une douzaine de conscrits,refuse de se présenter à la convocation de l’autorité locale. Huit jours après, exactement le 17 Octobre, l’administrateur faisait savoir que, dans les OULED AOUF, «sur 55 conscrits, 20 s’étaient abstenus de répondre. Il est à remarquer, ajoutait-il, que tous sont de la fraction Khenzaria, sauf trois appartenant à la fraction Tizinzert». «Les jeunes gens s’enfuient dans la forêt dès qu’ils voient venir près de chez eux, ceux qu’ils croient chargées du recensement.»

                Le 24 Octobre, même note : un certain nombre de conscrits des OULED AOUF et des OULED CHELIH, sont réfractaires. «Leur geste écrit M. MARSEILLE nous paraît constituer un indice d’indiscipline inconnu jusqu’à ce jour». Fin Octobre, un complètement prenait la fuite. En Décembre, M. MARSEILLE relève une tendance marquée en faveur des engagements volontaires, tendance succédant à la méfiance du début de la guerre. Il l’attribue à l’élévation de la prime d’engagement, et, surtout, aux meilleurs nouvelles du front, dont témoignent les correspondances indigènes. Six mois après, en juin 1915, il déclare que l’annonce des opérations de la révision jette une légère émotion dans les milieux indigènes qui s’imaginaient que les engagements volontaires, relativement élevés, dispenseraient les douars de fournir un contingent en 1915.

                C’était là, une erreur assez répandue dans le département de CONSTANTINE et qui provenait en toute bonne foi de la part de l’autorité administrative départementale, soit d’une interprétation inexacte des instructions du Gouverneur Général,, soit d’échos mal rapportés dans l’intérieur, touchent la compagne d’engagements volontaires entreprise fin 1914.

                En tous cas, quatre indigènes des OULED AOUF, des mechtas Khenzaria et Tizinzert, étaient, en juillet, envoyés en détention administrative, à BATNA, sous l’accusation d’avoir fomenté la résistance des gens de ce douar lors du tirage au sort. Malgré tout, l’impression pessimiste signalée en juin, dure peu, puisque, en Septembre, l’administrateur annonce que les jeunes gens, sans exception, se sont présentés à l’appel de leur nom. La population indigène, ajoute-t-il, ne se préoccupe en aucune façon de ces opérations qui semblent passer inaperçues.

                Même note le 25 Septembre. Cependant, le 2 Octobre, M. MARSEILLE informe l’autorité supérieure que sur 23 appelés, 10 ne se sont pas présentés à la concentration. On en arrête 4, dont 2 OULED AOUF. Tous déclarent qu’ils
                s’étaient sauvés de peur d’être envoyés au front.

                Avril 1916. Sur les 46 recrues de la classe1916, 7 avaient déserté. «Il est à redouter, écrit l’administrateur, que ces déserteurs, se sentant traqués par nos goumiers, n’aillent encore grossir les rangs des nombreux autres déserteurs ou insoumis des classes précédentes qui se cachent dans les montagnes et deviennent un danger pour la sécurité publique». Dans le même rapport, on lit que les conscrits ne partent que contraints et forcés. Le 4 Octobre, le rapport hebdomadaire mentionne que les opérations de recensement de la classe 1917 se sont déroulées et terminées sans incidents.

                A signaler, cependant, les difficultés, que l’administrateur passe sous silence, des opérations toujours dans les OULED AOUF. Il avait envoyé dans ce douar son jeune adjoint, M.CARLI, dont le cheikh et les kebars s’étaient moqué en lui présentant des jeunes gens d’une quinzaine d’années. Et M. MARSEILLE avait dû intervenir personnellement pour la rédaction des listes. Il résulte de ce observations, qu’il y avait, dans la situation, des fluctuations, du malaise et des tiraillements sérieux, d’autant plus que la sécurité, ce grand pouls qui permet de diagnostiquer à coup sûr l’état de santé ou de maladie de la société indigène, laissait à désirer depuis longtemps.

                Des pillards des Ouled Derradj et des Saharis, de BARIKA, ainsi que d’autres étrangers de l’annexe de BISKRA, avaient organisé deux djiouchs et réussi, la deuxième fois, à s’emparer d’un convoi de 28 chameaux chargés de blé et mis en fuite les goumiers du caïd de la région.
                Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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                • #9
                  Le 24 Février, une caravane de 6 muletiers, apportant des marchandises de BISKRA, et arrêtée et dépouillée par des malfaiteurs armés, dans le douar Branis. Le caïd écrit que cet incident isolé, le premier qu’il relève depuis plus d’une année, ne saurait, à son avis, intéresser, d’une façon inquiétante, la sécurité publique. Appréciations au moins bien optimiste quand on la rapproche d’une première attaque de la diligence de MAC MAHON à BARIKA, attaque survenue quelques semaines auparavant, dans les premiers jours de février.

                  Cette affaire avait, d’ailleurs, amené le caïd à se transporter, le 9 février, à Seggana, il s’était rencontré avec son collègue de BARIKA, pour de concert avec les djemaas des douars intéressés, arrêter des mesures en vue de
                  découvrir les auteurs des méfait dont il s’agit, et assurer la sécurité de la route. Le 22 Mars, des Ouled Ziane, campés sur le territoire de Saharis, de BARIKA égorgent, après les avoir tués, deux goumiers, M.MARSEILLE relata qu’à son avis, il n’y a pas lieu de s’exagérer l’importance de ce crime au point de vue de la sécurité générale. Il s’agissait là évidemment d’une sorte de vendetta contre tribus, ainsi que nous l’avons exposé plus haut.

                  Mai 1916. Une certaine recrudescence de vols de bestiaux paraît se dessiner, depuis quelques temps, dans un rayon heureusement circonscrit aux deux seuls douars de TILATOU et d’El Kantara, qu limitent les Saharis de BARIKA.
                  Le caïd n’y voit encore aucun indice pouvant intéresser la sécurité générale, ainsi que, dit-elle, il lui plaît de le répéter. Il y a pourtant dans le Djebel METLILI (région de TILATOU Seggana) une bande de malfaiteurs qui, semble, déclare le caïd, avoir disparu de la région (juillet 1916). Information inexacte puisque quelque temps auparavant, fin juin ou commencement juillet (il est impossible de préciser à cause de l’incendie à peu près total des archives).

                  M. MARSEILLE faisait escortés par les goumiers, de TILATOU à MAC MAHON, où il l’installait, tout près du centre, la famille du chef de la bande en question, le nommé «BENALI» Mohammed Bennouni. Il espérait ainsi que le bandit e rendrait. Il n’en fut rien, « BENALI « essaya, au contraire, d’enlever sa femme et ses enfants. Au lieu de réagir l’administrateur, redoutant, disait-il, du scandale, dans le village, renvoya au bandit, qui passe pour l’avoir assassiné de sa main, toute sa famille. (V. Déclaration du Secrétaire de la commune mixte, M. LOVICHI pièces annexes MAC MAHON, déclaration européens).

                  Et le 2 Juillet, M.BOUSSARD, brigadier de la voie ferrée à El Kantara, était assassiné au cours d’une tournée de service………

                  L’ère les difficultés s’accentuait, non seulement dans le territoire d’AIN TOUTA, mais dans les communes voisines de BARIKA, du BELEZMA, de l’AURÈS et de KHENCHELA. Relations, depuis le début de la guerre, quelques incidents saillants que nous développerons au chapitre du Service
                  militaire. Le 18 septembre 1914, à Seggana (commune mixte de BARIKA) 27 engagés volontaires de Spahis, se voyaient contraints, par leurs parents, de descendre des voitures qui les conduisaient à MAC MAHON. Les parents qu avaient tiré des coups de feu en l’air pour effrayer les conducteurs des voitures, criaient : «Nous ne voulons plus que vous partiez.»
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                  • #10
                    La résistance sourde qu’avait fait naître dans l’arrondissement en 1914, le recensement anticipé de la classe 1915, va grandir de l’appel anticipé de la totalité de la classe 1917.

                    Cette fois, c’est la commune mixte de BARIKA que partiront les signes avant coureurs de la révolte. Fin septembre 1916, le caïd ayant éprouvé, dans plusieurs douars où il recensait les conscrits, les difficultés les plus sérieuses, voire une résistance complète et menaçante pour sa personne, une démonstration militaire avait lieu en Octobre dans la région.

                    Des groupes armés circulent autour de la colonne commandée par les chefs de bataillon BIGEAN. Le 18, vers 12 heures une patrouille de goumiers reçoit des coups de fusil : le premier acte clair d’hostilité venait d’être accompli. Il ne put malheureusement être réprimé et cet acte de faiblesse affirme, dans l’esprit des indigènes, la pensée qu’ils pouvaient, sans danger, s’insurger contre l’autorité française. Tous les yeux sont, dès ce moment, fixés sur BARIKA, toutes les oreilles sont aux écoutes pour percevoir les moindres
                    bruits venant du pays en rébellion ouverte.

                    Ce pays à déjà foulé aux pieds l’autorité administrative locale. Voici qu’à présent il peut, sans risque, résister à la force armée elle même. Décidément, les bruits qui courent sont bien vrais : les français sont impuissants à se défendre : ils n’ont plus qu’une poignée de soldats perdus dans les plaines De BARIKA ! Et des soldats incapables de faire parler la poudre ! Dans l’AURÈS, encore que le souvenir de l’insurrection de 1879, semblait réprimer bien des élans, un mauvais vent avait passé, en 1914, sur ce pays d’éternels insurgés. Il y avait eu des résistances marquées à l’occasion de la compagne des engagements volontaires, mais depuis, on
                    s’observait, et on attendait, pour prendre une attitude définitive, des nouvelles de BARIKA.

                    Dans la première quinzaine d’octobre 1916 des rumeurs singulières étaient rapportées : le caïd d’AIN TOUTA avait été tué dans son bureau, par des déserteurs de sa commune ; son collègue de BARIKA avait été également tué par un cheikh, au moment où il lui adressait des observations. Le 1er novembre, on annonçait de l’agitation chez les Beni Bou Slimane et des menaces contre les fermes de Médina.

                    Le territoire de la commune mixte de Khenchela était également agité. Au commencement d’octobre, le caïd surprenait des conversations inquiétantes : on racontait que des émissaires des régions de BATNA, de l’AURÈS, de
                    BARIKA, de BELEZMA, d’AIN BEIDA, de Canrobert, de Tébessa, faisaient, dans le pays, de la propagande contre l’appel anticipé de la classe 1917 et le recrutement des travailleurs pour les usines de la défense nationale, On rapportait leurs dire : «nous préférons mourir que de voir nos enfants s’en aller périr en France. Dans plusieurs territoires on n’a pas sévi contre nos coreligionnaires récalcitrants ; faisons comme eux, le gouvernement n’a presque pas de troupes en Algérie…». Quelques semaines après, plusieurs fractions se déclaraient nettement réfractaires.

                    Un esprit de révolte passait partout sur le pays chaouia : sans doute, il n’y avait pas au début, de tête pour diriger la résistance générale à la conscription, mais toutes les têtes savaient cette résistance : et il y eût, certain jour, quelqu’un qui pourrait bien être le cheikh de Seggana, qui fit passer un mot d’ordre ignoré de nous mais dont nous avons eu l’expression vivante par les attaques à peu près simultanées de la forme GRANGIER, du Bordj de Mahon, du centre de BARIKA et par les menaces conte le contre de Corneille.

                    Un peu partout, pendant la période de tension, c’est-à-dire depuis la deuxième quinzaine de septembre, des conciliabules commencent de se tenir.
                    Des chefs indigènes corrompus, cherchent à sauver leur tête et le fruit de leurs rapines odieuses, on encourageant sournoisement la rébellion contre les caïds que nous avons nommés. Quelques marabouts font de même, et l’un deux, à la fois cheikh administratif et moqaddem religieux de la confrérie des Rahmania, froid fanatique, mystique exalté enrobé sous le burnous du commandement, semble mener le train : c’est l’adjoint de Seggana SEFIANE, «BELOUDINI» Mohammed.

                    Dans son état-major, sont enrôlés les bandits du METLILI commandé par leur chef «BENALI» Bennoui. Comme troupes ; il aura les khouans rahmaniens de son obédience, tout un canton du BELEZMA et d’AIN TOUTA qui le reconnaissent pour leur maître spirituel et temporel, un petit maître de l’Heure, peut-être même un aspirant khalife du HODNA !

                    Ainsi, en 1916, comme en 1871, nous retrouvons dans la même région, frappante analogie l’alliance du maraboutisme et du banditisme. En 1871, AHMED BEN RAHMOUNE, évadé du pénitencier d’AIN en Boy, organisait, dans le BELEZMA, une bande qui dévalisait indistinctement les indigènes et les européens isolés. Un propriétaire de Moureka (douar OUED EL MA) SLIMANE BEN DROUHAI, menacé, par son caïd, d’une arrestation peut être arbitraire, sert d’intermédiaire à l’arrivée dans le BELEZMA, des roqqabs (courriers) rahmaniens de CHEIKH HADDAD, et, bientôt après, les moqaddems des OULED FATMA, des OULED SOLTANE, de TLET, et des Ouled cheikh, se ralliaient aux deus obscurs qbails BENRAHMOUNE et BEN DROUHAI, pour fomenter l’insurrection.

                    En 1916, le bandit BENNOUI attaque les diligences et rançonne les voyageurs, sauf quand ils sont montés dans les voitures du cheikh moqaddem «BELOIDINI» adjudicataire du courrier de MAC MAHON BARIKA N’GAOUS. Le bandit, nous savons pourquoi, nourrit de plus une haine profonde contre l’administrateur MARSEILLE. D’autres marabouts entrent en scène, sur la même scène que leurs ancêtres avaient occupée lors des insurrections de 1864 et 1871.
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                    • #11
                      A la suite de ces événements, on envoya d’urgence 200 goumiers et 250 Sénégalais à Mac Mahon. Mais le 14 novembre, un convoi de munitions envoyé à Barika fut attaqué : les tirailleurs tuèrent six de leurs agresseurs. Le 18 une petite colonne fut reçue à coups de feu dans le douar Tilatou et riposta faisant plusieurs morts et incendiant les quatre médinas, Le Gouverneur général se rendit aussitôt sur les lieux et, par défiance des militaires (6), minimisa les troubles. Il télégraphiait le 15 que l’accroissement des forces militaires ne s’imposait pas : il demandait seulement à lever un goum de cent cavaliers. Le 19 il annonçait qu’une détente générale était intervenue. Visiblement étonné, le ministre de l’Intérieur, Malvy, lui ordonna de collaborer avec les autorités militaires «en pleine confiance» de renoncer aux petites colonnes et d’agir avec plus d’énergie et de vigueur. Une dépêche ministérielle du 14 novembre et un décret du 16 novembre confirmaient la subordination du général Moinier au Gouverneur Lutaud.

                      Celui-ci délégua alors le 21 tous ses pouvoirs civils et militaires au nouveau sous-préfet de Batna, Morris, avec tous les droits d’un commandant de territoire militaire. Puis il accorda un délai aux rebelles jusqu’au 30 novembre. De son côté le commandement envoyait des troupes dans les principaux centres et rassemblait hâtivement 5 bataillons de Sénégalais
                      au repos à Biskra et huit bataillons de zouaves et d’Alsaciens-Lorrains. Il ne disposait cependant au 30 novembre que de 6.142 hommes et 106 officiers . Ce jour-là un détachement de 50 goumiers qui conduisaient 68 conscrits de la commune mixte du Belezma fut attaqué à 6 km à l’Est de Bernelle par une bande venue «mettre leurs frères en liberté» ; les recrues s’enfuirent et le détachement perdit 4 hommes. Le Gouverneur affolé réclama aussitôt des renforts et des avions pour « terrifier les Indigènes ».

                      La répression fut alors déclenchée. Elle fut, selon O. Depont, «ce qu’elle devait être, rapide, énergique, sans faiblesse», et le ministre de l’Intérieur put assurer le 23 décembre 1916 la commission de l’Armée que l’ordre était partout rétabli sauf dans quelques douars, que les meneurs et insoumis avaient été arrêtés et que «des manifestations en faveur de la France avaient été organisées par les conscrits indigènes eux-mêmes … «. La réalité fut un peu différente. Les rebelles se réfugièrent tout naturellement dans les oppida naturels de la région tels le Djebel Bosdân (1.583 m) et le Djebel Mestaoua (1.648 m). Leur nettoyage se révéla difficile : le 5 décembre la troupe française eut dix tués. A partir du 19 décembre, l’effort se porta sur le centre du gros massif du Belezma mais il fallut envoyer d’urgence des renforts à Arris car on redoutait une rébellion de l’Aurès qui ne se produisit pas. Seule la tribu du Djebel Chechar se montra dissidente et l’administrateur de Khenchela fit état de menaces sur l’oasis de Khanga Sidi Nadji.

                      En fait le mouvement d’insubordination se développait surtout dans la région située au nord de Batna : la commune mixte d’Ain el Ksar était largement contaminée et les Chaouïa de la commune mixte d’Aïn M’lila — et eux seuls dans la région selon le gouverneur — refusaient la conscription : toutefois le 18 décembre une bande venue des Ouled Sebah pillait le vieux village de Chemora, le 19 les recrues de la région étaient enlevés à Aïn Kercha et le 21 Aïn Fakroun (114 km au sud de Constantine) était pillé. Le général Moinier avait réclamé le 6 décembre l’envoi d’urgence d’une brigade mixte (deux régiments d’infanterie, deux escadrons de Chasseurs d’Afrique et deux batteries de montagne) ; le gouverneur en demanda alors deux de
                      manière, disait-il, à tenir en réserve un régiment à Alger et un à Oran. L’État-Major accepta seulement de retirer du front français la 250e brigade et d’envoyer de Tunisie une escadrille d’avions Farman.

                      Au 1er janvier 1917 le général de Bonneval disposait de 13.892 hommes et 217 officiers. Il les employait à déterminer le bouclage du Belezma, puis à ratisser le Mestaoua et le Djebel Bou Arif mais ne put pénétrer dans la commune d’Aïn M’lila (arrondissement de Constantine). Le Sous-Préfet s’y opposa, du moins jusqu’à l’arrêté du 24 janvier 1917 qui plaçait provisoirement la commune sous le régime des territoires de commandement. Simultanément du 31 janvier au 5 février les Sénégalais fouillèrent les grottes du Djebel Metlili, une autre colonne parcourut le Fedjouj (à l’est de Chemora) une troisième fut envoyée dans le Chechar et la région des Nementcha qui comptaient de nombreux insoumis.
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                      • #12
                        Partout les colonnes qui avaient surtout pour mission de «montrer la force militaire de la France» ravagèrent les pays sans grand discernement semble-t-il . Si l’on en croyait les députés de la commission d’enquête, le Gouverneur Lutaud aurait dû imposer la cessation des opérations de guerre et Marius Moutet assure que «le Gouverneur Lutaud s’efforça de limiter la répression». De son côté le général Moinier se plaignait des excès de zèle des goumiers du caïd de Biskra «qui au Bélezma ont provoqué des incidents». La mémoire collective des Algériens a surtout retenu l’action «des noirs Sénégalais qui incendièrent, violèrent et tuèrent ». Un député modéré, Aubry, décrivait ainsi devant la Chambre bleu horizon l’action de son régiment : «Nous avons fait des colonnes et nous avons brûlé des villages sans rime ni raison. Nous brûlions des mechta alors que nous savions que les habitants avaient leurs fils au front. J’ai entendu moi-même des pères arabes nous dire en pleurant : «II est malheureux que vous fassiez brûler nos demeures alors que nos fils se font tuer en France».

                        La répression judiciaire ne fut pas moins lourde. On tria parmi les 3.000 prisonniers ceux que l’on présuma coupables et ceux qui furent dénoncés. Accusés de complicité 825 Indigènes furent traduits devant une commission disciplinaire extraordinaire placée sous la présidence du sous-préfet de Batna, laquelle siégea entre le 22 septembre 1916 et le 1er mai 1917 : 805 furent condamnés dont trois «chefs». Le total des peines d’emprisonnement atteignait «715 ans, 2 mois, 9 jours» et celui des amendes 22.810 F 15. Par ailleurs, 165 «inculpés majeurs» furent traduits devant le Conseil de Guerre de Constantine dont nous ne connaissons pas les verdicts et 45 autres devant celui de Batna qui infligea «70 ans et 9 mois» d’emprisonnement au total.

                        Selon la tradition algérienne, la répression dite administrative devait s’y ajouter, en vue de réparer les dommages causés. En mars 1917 la section colon des Délégations financières demanda qui allait payer les frais des opérations et les indemnités. Le commissaire du gouvernement, tout en remarquant que les demandes d’indemnités avaient été gonflées, rassura les délégués. Non seulement les produits de la razzia, c’est-à-dire la vente des troupeaux «saisis au cours des opérations ou après celles-ci», mais encore une amende collective de 706.656 F furent affectés en principe à la réparation des dommages et au versement des indemnités. Cette lourde amende touchait 62.394 individus et était payable en dix annuités. Toutefois, une remise partielle fut prévue pour les collectivités qui fourniraient des «travailleurs volontaires».

                        Enfin par arrêtés des 22 novembre et 21 décembre 1916 certaines régions des communes mixtes d’Aïn Touta, Barika et Belezma, puis la totalité des communes mixtes d’Aïn el Ksar, de l’Aurès et de Khenchela furent placés sous le régime des Territoires militaires. Ces arrêtés, pris illégalement par le gouverneur général, devaient être, sur pourvoi du député socialiste Doizy, déclarés nuls par le Conseil d’État le 26 octobre 1917.

                        Une répression aussi violente et aussi générale avait peut-être bloqué l’extension du mouvement de refus de la conscription comme s’en flattait l’administration, encore que sur les 3.655 appelés de l’arrondissement de Batna, 1.366 seulement aient rejoint à la fin de 1917 mais on peut croire aussi avec V. Spielmann qu’»après cette répression, les Chaouïa aimèrent la France !». Ils le montrèrent «en se tenant éloignés de nous comme ils ne l’ont jamais été» (général de Bonneval). En Algérie, les causes de cette «révolte contre la conscription» paraissaient évidentes et beaucoup de hauts fonctionnaires proposèrent de surseoir à toute conscription par appel. Le ministre de l’Intérieur expliqua aux commissions parlementaires de l’Armée que les Indigènes s’étaient insurgés lors de l’appel de la classe 1917 et de l’enrôlement des travailleurs, parce qu’ils pensaient que la réquisition des ouvriers masquait leur incorporation dans le service armée. La commission sénatoriale de l’Algérie incrimina les abus du remplacement, admit que «les Indigènes s’étaient imaginé qu’après un court séjour en France comme travailleurs ils seraient envoyés sur le front», mais ajourna à l’après-guerre ses investigations en Algérie même. La commission des affaires extérieures de la Chambre en jugea autrement : saisissant cette occasion d’intervenir, elle envoya une délégation restreinte enquêter sur la situation des Indigènes. Dès lors le Gouvernement général fit aussitôt rédiger à son intention par l’inspecteur général O. Depont une énorme étude qui, selon toutes apparences, la convainquit. La commission parlementaire n’a pas en effet apporté de conclusions personnelles. Si l’on en juge par les extraits conservés par M. Moutet, elle se contenta de reproduire l’essentiel de l’argumentation administrative.

                        Ces conclusions administratives, souvent noyées dans un texte bavard, apparaissent d’autant moins nettes qu’elles sont viciées par diverses précautions contradictoires. D’une part l’auteur de ce monumental rapport qui avait lutté depuis 1911 contre la conscription indigène cherchait à prouver que c’était le principe même de la conscription qui était à l’origine de l’affaire. Alors que le despotisme et le manque de discernement des caïds de la région y étaient pour beaucoup.
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                        • #13
                          L’administration locale avait perdu son prestige, notamment en se compromettant par des actes d’improbité liés au trafic des remplaçants. O. Depont incriminait les caïds ayant abusé de leurs fonctions. Or tel administrateur local cité dans le rapport écrivait — et on le croira de préférence — que l’agitation s’était faite sur la double question de la réquisition d’ouvriers et de la conscription très mal distinguées par les Indigènes et ne portait nulle accusation contre les caïds. O. Depont soucieux de dégager les responsabilités de la haute administration plaidait que l’arrondissement de Batna ne devait fournir que 1.276 ouvriers sur 289.898 habitants et que son effort militaire n’avait été, avant l’insurrection, que de 1.828 engagés et 875 appelés dont 797 avaient rejoint leurs corps. Cet effort serait d’ailleurs resté inférieur à celui des autres régions algériennes : au 1er septembre 1917 n’avaient été demandés que 2.525 appelés et 1.828 engagés, 4.353 hommes, soit 1,5 % de la population, alors que l’Algérie musulmane allait fournir à la même date 115.464 soldats soit 2,7 % de la population. Pour l’historien ces précisions ne sont pas sans évoquer les polémiques chiffrées autour du soulèvement vendéen où, comme on le sait, la levée de 300.000 hommes fut proportionnellement plus faible que dans d’autres régions. Ce rapprochement même invite à chercher d’autres causes à cette «révolte contre la conscription» dans une région dès longtemps frémissante.

                          Sans évoquer, comme le fait inutilement O. Depont, tous les soulèvements antérieurs depuis l’époque romaine, il faut seulement souligner que la commune mixte du Belezma avait précisément été créée en 1904 pour remédier à l’insécurité alarmante du pays.

                          La formation du centre de colonisation de Corneille en 1903, venant après ceux de Bernelle et de Pasteur avait abouti à «des refoulements sur des terres à peu près incultes» (colonel Hamelin) et les Indigènes privés de quelque 5.500 ha dans cette commune se vengeaient en multipliant les vols, les attaques contre les diligences et les bûcherons italiens. «Jamais les Indigènes n’ont montré pareille hostilité envers la colonisation» avait reconnu alors un rapport officiel.

                          La cour criminelle de Batna avait rétabli l’ordre en infligeant en moins de 18 mois quelque deux cents années de travaux forcés aux gens du Belezma. Dans ce climat les paysans du Belezma n’hésitèrent pas à annoncer en décembre 1914 qu’avec l’aide des Allemands ils réoccuperaient leurs terres. On comprend mieux dès lors que cette région ait manifesté un refus plus catégorique que d’autres devant la conscription, quand bien même l’appel y était plus modéré. Si la violence grondait peut-être moins dans les Aurès, d’autres griefs, particulièrement contre les amendes des gardes forestiers et l’augmentation des impôts dans des régions devenues territoire civil en 1912, entretenaient aussi, semble-t-il, un climat d’hostilité latente. Le recours aux armes était naturel à ces populations chaouïa frustes et violentes, désormais en contact avec des bandes de réfractaires qui tenaient la montagne depuis les premiers appels.

                          Nul besoin donc d’invoquer, comme le fit le rapport officiel d’O. Depont, sans les prouver, «des menées anti-françaises venues de l’extérieur» ou «les exaltations de mystiques abrités dans leur zaouïas» 25. En 1917 le Gouverneur Lutaud après avoir tenté d’expliquer aux délégués financiers que l’insurrection était «attendue» par les Allemands, reconnut plus simplement que ce pays avait été négligé par nous : «une seule route de pénétration, sans issue d’ailleurs, ouverte depuis 20 ans, une seule ligne téléphonique» (installée en réalité en 1917) et conclut à «un retour brusque à l’antique barbarie, tel qu’on pouvait l’attendre d’Indigènes à demi-barbares quand ils n’ont pas été pénétrés par l’instruction».

                          Ainsi peuvent être brièvement résumées les causes de cette insurrection locale. D’un réflexe d’hostilité au refoulement colonial, cette région fermée et archaïsante était passée à la révolte spontanée après les premiers appels et devant la menace d’une mobilisation plus large, puis à la résistance armée organisée autour des bandes de réfractaires.

                          Il importe cependant de ne pas grossir par romantisme l’importance des troubles insurrectionnels de cette «Vendée barbare des causes perdues». Si l’on veut garder le sens des proportions, on n’oubliera pas qu’à la même date d’autres Musulmans souscrivaient pour près de 3 millions de francs-or à l’emprunt de guerre français de 1916 que sur 11.439 appelés dans le Constantinois 10.970 rejoignirent, soit un pourcentage de 4,1 % d’insoumis seulement et que l’appel de la classe 1917 se fit dans le reste de l’Algérie sans autres incidents graves.

                          On devait appeler tous les jeunes gens aptes au service armé soit environ 15 ou 16.000 hommes. Selon le ministère de la Guerre on en incorpora finalement 18.695 et de plus, 9.975 furent versés dans le service auxiliaire 28. Cependant le nombre des déserteurs fut tel les premiers jours 29 qu’on se décida à transporter les recrues de la classe 1917 en France aussitôt habillés et encadrés. Les colons multipliaient d’ailleurs les pétitions en ce sens : «le seul moyen d’assurer notre sécurité est d’expédier tous ces indigènes en France». Faute de navires les «transports immédiats» s’échelonnèrent en réalité de janvier à avril 1917 et le Gouverneur général déclara alors avoir fourni 24.549 recrues dont 9.808 pour le service auxiliaire, ce qui ramènerait à 14.741 le nombre de militaires du service armé.
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                          • #14
                            Les troupes françaises doivent être dispersées entre l’Aurès, contre les Béni Bou Sliman insurgés, la C.M. de M’sila où une colonne de spahis essuie des coups de feu et le Belezma où 2 000 hommes en armes sont installés sur les crêtes dominant Merouana, le douar Tilatou, où un dur accrochage oppose une colonne de Sénégalais à un groupe d’insurgés, et la région de Barika où un nouvel accrochage sérieux se produit le 19. Le même jour, une colonne tente de pénétrer les mechtas du Metlili (douar Tilatou) où de durs combats ont lieu. A ce moment, le G.G. promet de ne pas poursuivre les dissidents s’ils se soumettent avant le 30 novembre. Mais, en même temps, il demande à Paris 16 000 hommes de renfort, de l’artillerie, des avions, des autos blindées. Octave Depont, lui, aurait voulu 35 000 hommes, le général Baschung 50 000. Les notables de Barika promettent bien de donner les conscrits demandés et les déserteurs mais, le 24 novembre, ils ne fournissent que les conscrits. A ce moment, la situation est relativement calme à Barika mais des accrochages ont lieu près d’Aïn El Ksar et dans la C.M. Aïn M’lila où 50 hommes attaquent deux gendarmes et libèrent leur prisonnier -un déserteur arrêté-.

                            Les incidents s’étendent à la C.M. Khenchela chez les gens du djebel Chechar. Le délai du 30 novembre étant arrivé à son terme, la répression commence officiellement. La répression dure cinq mois et elle aboutit à la livraison par les douars rebelles de la majorité des conscrits mais elle ne permet pas d’obtenir la plupart des armes détenues par les maquisards. La totalité des zones insurgées passe sous contrôle militaire lorsque le général de Bonneval, se heurtant au préfet de Constantine qui lui interdit l’entrée en territoire civil pour poursuivre les insurgés dans le massif du Fedjoudj, demande au G.G. que la C.M. Aïn M’lila soit placée sous le régime des territoires de commandement, ce qui est institué par les deux arrêtés du 24 janvier et du 2 février 1917. Le violent conflit surgi à ce sujet entre le gouverneur et le préfet Seignouret aboutira à sonremplacement par le préfet Bordes. Seignouret ne cessera pas de proclamer l’illégalité des différents arrêtés
                            dessaisissant 1’autorité civile, illégalité qu’il fera reconnaître par la cour de cassation. Il dénoncera le régime de terreur des commissions disciplinaires et des conseils de guerre ; il affirmera qu’on a voulut terroriser gratuitement les Algériens avec d’importantes forces quand, selon lui, 3 000 hommes eussent suffi pour ramener l’»ordre». Le régime militaire ne prend fin qu’à 1’automne 1917. Au lendemain du combat du 30 novembre, le général de Bonneval demande d’importants renforts dont 1’effectif s’élèvera à, au moins, 7 000 hommes et il disposera finalement, selon les différentes sources, de 13 000 à 16 000 hommes. Les 72e et 91e R.I., qui débarquent début 1917, forment l’armature principale de ces troupes car on ne peut guère utiliser les six bataillons de Sénégalais : absolument inutiles dans la neige du Belezma, ils sont jugés moins efficaces que les bataillons territoriaux de goumiers. Pour le général Moinier, ces renforts furent indispensables :

                            «On en a besoin car nous marchions à une véritable insurrection en face de laquelle nous nous trouvions sans action». La méthode employée est celle des «mouvements de râteau effectués en tous sens par les colonnes», combinés avec l’établissement de barrages échelonnés au pied des massifs, destinés à prendre les maquisards fuyant le ratissage. Les bombardements par les sections de 65 de montagne, l’incendie de toutes les mechtas «rebelles», la destruction des silos de grain, les razzias massives de bétail, les amendes collectives et les séquestres, la prise comme otages des familles des insoumis, font partie des instructions données par le général de Bonneval qui établit, pour chaque région, un plan méthodique de destructions et de razzias.

                            L’ordre du 25 novembre porte que : «Les indigènes qui résisteront les armes à la main seront passés par les armes» ; celui du 28, que : «les troupeaux des rebelles seront saisis», celui du 8 janvier 1917, que la totalité des mechtas insoumises : «serviront d’otages jusqu’à complète exécution des conditions de soumission».

                            Lorsqu’une mechta viendra faire sa soumission, «les kebar et ouaqaf seront retenus comme otages sous la surveillance des goumiers ». L’impression produite par les colonnes, les bombardements et les avions reste encore très vivace sur les vivants près de 60 ans plus tard. Les familles des «insoumis» sont les plus durement atteintes. L’une d’elles, la famille Hamza, qui habitait près de la maison forestière des Tamarins, est pratiquement exterminée. Les insurgés manquent de coordination et de moyens. Beaucoup ne sont armés que de fusils archaïques. Les armes en bois fabriquées artisanalement sont encore utiles aux montagnards, tel ce canon en bois qui avait déjà servi en 1871 et qui semble avoir été employé dans les fortifications du Metlili. On ne dispose naturellement d’aucun chiffre précis sur les victimes de la répression. Côté français, le bilan des tués varie, selon les sources, de 10 à 38. La mémoire collective a conservé le souvenir de scènes de viols et de fusillades systématiques, par exemple après le rapt et la mise à mort de deux goumiers.
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                            • #15
                              Lutaud entendait ne pas tolérer les «prétentions» des militaires : il ne cessait d’incriminer l’administration militaire. («seules les fractions de douars dépendant de l’ancien territoire militaire ont pris une attitude menaçante»). Il renonçait à replacer les territoires de l’Aurès sous le régime du commandement «ce qui aurait été une faillite du régime civil».
                              Rapport du général Deshayes de Bonneval : Historique des troupes du Sud Constantinois du 1er novembre 1916 au 15 février 1917,
                              et rapport du 15 février au 30 avril (Archives Guerre).

                              Ces déniés «spontanés» de conscrits encadrés par une clique militaire, pourvus de torches et de drapeaux se terminaient par une harangue dans la cour de la caserne. Ainsi à Collo le 16 janvier 1917.

                              Le 27 septembre 1917 une bande armée tenta encore un coup de main sur des voyageurs près de Mac-Mahon. On envoya deux pelotons de cavalerie protéger la route.

                              Les lettres des parlementaires algériens qui figurent au dossier montrent qu’il s’agissait en fait de faire revenir chez eux des colons algériens. Au ministère de la Guerre on se contentait de noter que «ceux-ci avaient une grande influence sur les fonctionnaires du Gouvernement général «le choix du Gouverneur ne répondait pas à des intérêts militaires».

                              Officiellement elles avaient récupéré 3.579 vieux fusils ou pistolets, razzié 7.929 moutons, 4.511 chèvres et 266 bœufs. Toutefois les armes de guerre pillées au bordj de Mac-Mahon (24 fusils et 2.146 cartouches) ne purent être saisies.

                              L’Iqdam écrivait en septembre 1922 «en 1916-1917 on a enfumé, rôti, lardé les indigènes qui s’étaient révoltés contre la conscription et l’envoi aux tranchées... Les horreurs du Belezma sont encore présentes à nos mémoires. Nous savons de quoi sont capables ces troupes livrées à leur instinct animal».

                              O. Depont écrit dans son rapport : «Les premiers coups de la répression n’arrivèrent pas à délier les langues indigènes. Il y fallut l’arrestation de plusieurs chefs de douars. Alors arrivèrent des dénonciations écrites...»

                              Le député Aubry expliqua que l’on faisait défiler par dix les prévenus et qu’on les interrogeait en français «Ils ne comprenaient pas un mot et vous les condamniez à trois ou six mois de prison parce qu’ils possédaient un fusil à pierre». Comme Morinaud manifestait, il lui rappela «M. Morinaud, vous vous trouviez à la commission militaire où je siégeais comme greffier de paix ! «

                              Il n’est pas possible de savoir avec quels fonds furent édifiés dans l’Aurès les nouveaux bordjs et la chaîne de fondouks-abris dont Lutaud décida la création pour parer à tout nouveau coup demain. A la commission sénatoriale de l’Armée le sénateur Bérenger déclara qu’» à propos d’incidents aussi graves, où la politique même de la France vis-à-vis des Indigènes est mise à jour, il faut y regarder à plusieurs fois avant de s’associer à des répressions qui interviendraient en dehors des formes légales « (16 novembre 1917).

                              L’administrateur d’Aïn Touta ne put trouver personne acceptant un poste de cheikh chez les Ouled Aouf et les Tilatou.

                              Il ne semble y avoir eu qu’une communication orale à la commission, aucun rapport ne fut imprimé. Mais M. Moutet a cité quelques extraits de son exposé dans son grand rapport postérieur. Pour lui, « les troubles ont eu pour cause essentielle la lourde charge qu’a constituée la levée intégrale de la classe 1917 précédée de l’incorporation des classes 1914-1915-1916 et du recrutement intensif d’engagés volontaires».

                              Toutefois dans un article paru dans la Réforme sociale (septembre 1923, p. 664). O. Depont écrit : «A l’origine des troubles insurrectionnels, le recrutement des travailleurs par la force a joué avec l’aversion de trop nombreux douars pour le service militaire un rôle assez important» O. Depont renonçait aux insinuations de Lutaud (télégramme du 23 novembre : «La propagande du parti jeune-algérien a pu jouer un rôle dans l’aventure...»).

                              Baïlac directeur de l’Écho d’Alger déclara le 27 janvier 1917 devant la commission d’enquête parlementaire que les caïds avaient exercé des pressions exagérées pour le recrutement, commis des abus et des maladresses. Morinaud incrimina lui aussi les nouveaux pillages des caïds. Mais ils ne parlèrent pas d’action concertée des caïds.

                              A la fin de 1916 on comptait parmi les tirailleurs de l’arrondissement (3.525 en 1916) 286 déserteurs, soit 8 %, taux faible si on le compare aux 33 % constatés lors des levées dans l’Empire napoléonien, mais trois fois plus élevé que celui de l’ensemble de l’armée indigène
                              Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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