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Achoura en Kabylie

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  • Achoura en Kabylie

    Pour tout bon Kabyle, la fête de Achoura est un jour exceptionnel. Pour ne pas déroger à la règle, enracinée dans les coutumes, kabyles depuis de lustres, la région a répété sans avoir l’air de s’en lasser ces innombrable rituels de célébration, où le mythe se mêle souvent à la réalité et où la religion et la légende ne font plus qu’un. Comme nulle part ailleurs, Achoura, l’une des plus importantes fêtes musulmanes, à été fêtée en Kabylie dans le faste et avec tous les honneurs. Voyage au cœur de plus importants pôles d’attraction du jour. Pour les invités, il est inconcevable de parler de la waâda de “Thaâchourt” sans évoquer le M’qam de Cheikh Abdellah Ben Hessan Ben Machiche à Beni Douala.

    Nous décidons d’y effectuer notre première escale. Il est 10h, il fait très frais, et le centre-ville nous parait étrangement crispé pour un rendez-vous aussi important. La ville semble comme retenir son souffle pour accueillir, le plus convenablement possible, les centaines de pèlerins qui l’assiègeront d’ici quelques heures. Les organisateurs, un peu nerveux, et parfois zélés, sont aux aguets. Ils réagissent aux moindres faits et geste. Pourtant, l’ambiance régnant sur les lieux n’y prête guère.

    A cette heure de la journée, l’on ne se bousculait toujours pas devant le mauso du saint. “Il fait trop froid, et puis il est trop tôt pour se prononcer !”, nous lance un jeune homme, exhibant fièrement son badge d’organisateur, comme pour justifier la timide affluence du moment. Lorsque le ciel se dévoile, quelques moments plus tard, laissant filtrer quelque deux rayons d’un soleil qui ne voulait toujours pas se montrer, Beni Douala commençait à connaître ses premiers embouteillages. C’est le signe indéniable d’une journée qui s’annonce trop mouvementée. Sur les deux allées d’escaliers menant vers la sépulture du saint, la masse humaine commence également à se faire plus épaisse, tout comme l’esplanade faisant face à la salle des prières. Pour l’occasion, cette dernière à été spécialement aménagée pour que les pèlerins puissent verser leurs dons, publiquement, et sous la bénédiction d’une dizaine de Cheikhs, entonnant, à chaque don, d’incompréhensible formulations de gratitude au profit du donateur. Mais le rituel ne s’arrête pas là: il faudrait implacablement implorer la bénédiction du saint des lieux, Abdallah Ben Hessan Ben Machiche. Cela peut se faire par un simple détour à son tombeau, érigé au beau milieu de l’esplanade. Le saint est “courtisé” par ses fidèles pour demander protection, paix et prospérité. Il est également “sollicité” pour éschansser certains vœux, dont certains relèvent de l’impossible. Mais peu importe, les pèlerins sont convaincus que leur saint à maintes reprises, vaincu l’impossible et réalisé des miracles. C’est, du moins, ce qui se raconte sur cet homme pieux, très attaché aux précepts de la religion musulmane.

    Un homme qui serait venu du Sahara Occidental, vers le 13ème siècle et qui serait, selon ses descendants, affilié à Ali et Fatima, le gendre et la fille du Prophète. Au jour d’aujourd’hui, c’est à sa descendance, regroupée dans le village d’Ath Bouyahia, que revient l’honneur de gérer, de manière exclusive, les différents rendez-vous avec les fidèles, notamment le “Mouloud “ et “Achoura”. Des rendez-vous durant lesquels les pèlerins et les hôtes perpétuent des rites très anciens où les soirées religieuses (citations coraniques) côtoyaient les cérémonies de sacrifices et de donation ainsi que les dîners traditionnels au profit de tous ceux qui mettent les pieds au M’qam.

    Matoub, Cheikh Mohand, Djeddi Menguellet et les autres

    Lorsque nous quittons Beni Douala à la mi-journée, la ville était complètement envahie par une véritable déferlante humaine. A la faveur d’une météo devenue plus clémente que dans la matinée, les fidèles décident enfin de sortir. Le saint des lieux a encore une fois fait honneur à son rang. Nous nous apprêtons à rallier Mekla, où de nombreuses “manifestations” similaires se tiennent simultanément. Mais il nous a été difficile (très difficile même !) de reprendre notre périple sans faire un crochet à cet autre lieu de pèlerinage un peu plus particulier que les autres, mais tout aussi symbolique : Taourirt Moussa.

    Matoub Lounès est également honoré... chaque Achoura ! La chose peut paraître complètement insensée mais tellement réelle qu’il est impossible de ne pas en parler. Lors de cette virée, il nous a été donné de constater que la majorité de ceux venus implorer le saint Ben Machiche -et plus particulièrement les jeunes-effectuent - presque machinalement - une halte sur la tombe du chantre, quelques centaines de mètres plus bas. Comme l’an dernier, et celui d’avant, le tombeau de Lounès, sa maison et le siège de la Fondation au sous-sol sont noirs de monde. Neuf ans après sa mort, Matoub suscite toujours l’admiration. Son image draine toujours les foules. De là, nous empruntons plusieurs raccourcis (dont certains étaient improbables) pour rejoindre la localité de Mekla dans les temps.

  • #2
    Il est 13h30, des citoyens de cette paisible localité nous informent que plusieurs “waâdas” sont organisées dans les villages alentours. On nous conseille, toutefois, de nous diriger vers le plus proche d’entre-eux : Aït Mansour Ouahmed.

    Lorsque nous arrivons sur place, une poignée de minutes plus tard, la fête était déjà à son summum.

    Les interminables files de voitures, immobilisées sur les deux côtés de la chaussée, nous renseignent déjà sur l’importance de l’événement. Deux pistes piétonnes abruptes et très sinueuses nous mènent vers le mausolée de “Boudjlid”, le saint des lieux. Ici aussi, l’organisation est parfaite mais, fait inhabituel en de telles circonstances, il n’y a point de mixité. Les deux pistes précédemment citées séparent les hommes des femmes et une fois dans la cours du mausolée, les hommes se tiennent également à l’écart des femmes. Toujours est-il que l’ambiance était extraordinairement joviale et détendue.

    En gros, c’est les mêmes préceptes qui se répètent : A manger pour tout le monde, des prières et des dons — parfois hallucinants — pour implorer les faveurs du saint. Des principes qui seront également respectés puis appliqués à la lettre dans l’impressionnante ruée vers le m’qam du “cheikh Mohand”, situé à quelques encablures d’“Igoulfane” entre Mekla et Michelet. C’est l’un des plus grands rassemblements humains auxquels on a assisté à ce jour. Pour s’y rendre, il faut dévaler une pente escarpée et vieillissante. Plusieurs dizaines de véhicules s’entrecroisent dans une exiguïté incroyable, donnant naissance à d’indescriptibles scènes de confusions. Par on ne sait quel miracle (peut-être celui de cheikh Mohand !) tous les pèlerins parviennent à atteindre leur destination. Ceux qui en ressortent se débrouillent pas mal non plus. La cohue prend soudain les allures d’une véritable fiesta et tout le monde semble savourer ces moments où les salutations et les sourires sont distribués aussi spontanément que gracieusement. On ne saura peut-être jamais combien étaient-ils à braver le mauvais temps ce lundi et à s’engouffrer dans cette immense vallée où repose le saint, mais il est clair qu’il s’agissait bien de la plus grandiose fête de la région. Un jeune organisateur, questionné sur les préparatifs et l’entrain du jour, nous répond : “Vous n’avez rien vu ! Revenez jeudi et vous verrez combien ils seront à se recueillir près du m’qam. L’Achoura de cette année tombe au beau milieu de la semaine et cela a empêché des milliers de pèlerins lointains d’effectuer le trajet vers nous. Ce à quoi nous avons décidé de tenir un autre rendez-vous ce week-end pour célébrer la fête comme il se doit, à plus ... forte raison que les villages alentours organisent, aujourd’hui également, des festivités similaires aux nôtres !” Notre interlocuteur nous apprendra également que beaucoup de pèlerins seront conviés à passer la nuit sur les lieux, puisque dit-il, un dîner sera servi à tous ceux qui décideront de rester et ce, en plus de la soirée religieuse (Tsédhkir) que les khwan du village animeront en leur honneur. Pris par le temps, nous nous arrachons péniblement à cette extraordinaire ambiance qui prévaut au mausolée du cheikh Mohand pour pouvoir poursuivre notre périple. Destination : Aïn El Hammam, où les Ath Menguelet font également honneur à leur saint. Sur place, nous sommes également absorbés par un bouchon monstre. Là aussi, les gens affluent de partout. Quand nous arrivons au seuil de la sépulture de “Djeddi Menguellat”, nous sommes saisi par ces étrange rituels qui font que les pèlerins, se bousculant devant l’entrée du m’qam y accèdent “normalement”, y font un tour “de circuit” puis en ressortent en “marche arrière”. Un rituel, apprend-on, auprès d’un descendant du saint que les populations venues exhorter la bénédiction du maître des lieux, perpétuent depuis la mort de ce dernier au 18e siècle. Arrivé dans la région vers 17h30, Djeddi Menguellat était accompagné de ses deux frères Khelifa et Amar Saïd. On lui attribue des pouvoirs surhumains. Les légendes qui les racontent sont aussi irréelles que fabuleuses. Des pouvoirs, nous dit-on encore, qui ont continué à se manifester et à le protéger (ainsi que tous ses fidèles) même après sa mort, à l’image de ces trois soldats, chargés de détruire la sépulture du saint et qui ont trouvé la mort sur le champs, dans des conditions mystérieuses. La mystification du saint se prolonge encore dans une multitude de fables identiques, qu’on ne pourrait citer dans une seule page de journal.

    Ce qui est à noter, par contre, c’est l’affluence relativement modeste des pèlerins.

    Certains ont mis ça sur le dos de la météo, d’autres nous apprennent que la “vraie fête” est programmée pour ce week-end, exactement comme chez les descendants de cheikh Mohand. Selon des indications recoupées, il y aurait pas moins d’une cinquantaine de fêtes similaires rien que dans la wilaya de Tizi Ouzou. Notre périple à nous nous a mené dans cinq d’entre-elles pour tenter, le plus fidèlement possible, de rapporter les faits du jour. C’était un pur régal !

    Par la Dépêche de Kabylie

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    • #3
      Merci Morjan pour l’article très passionnant … en plus de la convivialité et de la gaîté que génère ce genre de célébration et dieu sait combien on en a besoin en ces moments … les liens sociaux en sont grandement renforcés.

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