Un pan de l’histoire de la Palestine que très peu connaissent mais qui mérite réflexion. C’ est d’autant plus incroyable que les juifs venaient de subir l’horreur de la Shoah. Ce sont des faits historiques, ils vous sont livrés tels quels. Il permettent de comprendre que l’oppression de la Palestine a des origines beaucoup plus anciennes que ce que l’on croit généralement et que le régime sioniste actuel est dans la droite ligne d’une politique mise en place depuis la création de l’État israélien. Le sujet est délicat dans un pays où toute critique d’Israël est assimilé à de l’anti-sémitisme, amalgame absurde et révoltant. L’histoire de cet État comme tout autre pouvoir dans l’histoire a ses cotés sombres et l’idée que la connaissance du passé permet de mieux comprendre le présent a seule guidé mon choix. Comment pourrait-il y avoir une paix entre deux frères ennemis dont le plus fort et le plus soutenu par la communauté internationale n’a jamais cessé de dominer le plus faible ? Imaginez la capacité de résilience nécessaire à une pacification que nous souhaitons tous : Imaginez ce qui est inscrit dans les mémoires palestiniennes depuis des générations… La barbarie n’est pas seulement du côté que l’on croit, et il faut le dire.
Galadriel
Une histoire peu connue : les camps de concentration et de travail d’Israël en 1948-1955 (1/2)
Par Yazan al-Saadi
Yazan al-Saadi est journaliste au Al-Akhbar en anglais.
Une grande partie des circonstances sinistres et sombres de la purification ethnique sioniste des Palestiniens à la fin des années 1940 a progressivement été exposée au cours du temps. Un aspect – rarement étudié ou discuté en profondeur – est l’internement de milliers de civils palestiniens dans au moins 22 camps de concentration et de travail, dirigés par les sionistes, qui ont existé de 1948 à 1955. On en sait un peu plus maintenant sur les contours de ce crime historique, grâce à la recherche exhaustive menée par le grand historien palestinien Salman Abu Sitta et du membre du centre palestinien de ressources BADIL, Terry Rempel.
Voici les faits.
L’étude – qui va être publiée dans le prochain numéro de Journal of Palestine Studies – s’appuie sur près de 500 pages de rapports du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), rédigés pendant la guerre de 1948, qui ont été déclassifiés, mis à la disposition du public en 1996, et découverts par hasard par un des auteurs en 1999.
En outre, les auteurs ont recueilli les témoignages de 22 anciens détenus palestiniens de ces camps civils, à travers des entretiens qu’ils ont eux-mêmes conduits en 2002, ou documentés par d’autres à d’autres moments.
Avec ces sources d’information, les auteurs, comme ils disent, ont reconstitué une histoire plus claire de la façon dont Israël a capturé et emprisonné « des milliers de civils palestiniens comme travailleurs forcés » et les a exploités « pour soutenir son économie en temps de guerre. »
Fouiller les crimes
« Je suis tombé sur ce morceau d’histoire dans les années 1990 alors que je collectais du matériel et des documents sur les Palestiniens, » a dit Abu Sitta à Al-Akhbar. « Plus vous creusez, plus vous découvrez que des crimes ont eu lieu qui ne sont pas rapportés et qui ne sont pas connus. »
A l’époque, Abu Sitta alla passer une semaine à Genève pour consulter les archives du CICR qui venaient d’être ouvertes. Selon lui, les archives ont été mises à la disposition du public après des accusations selon lesquelles le CICR aurait pris le parti des Nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. C’était une occasion qu’il ne pouvait pas manquer, montrer ce que le CICR avait enregistré des événements qui ont eu lieu en Palestine en 1948. C’est là qu’il est tombé sur des dossiers où il était question de cinq camps de concentration dirigés par les Israéliens.
Il a alors décidé de chercher des témoins ou d’anciens détenus et d’interviewer des Palestiniens en Palestine occupée, en Syrie et en Jordanie.
« Ils ont tous décrit la même histoire, et leur véritable expérience dans ces camps, » a-t-il dit.
Une question qui l’a immédiatement frappé fut pourquoi il y avait si peu de références sur ces camps dans l’histoire, en particulier quand il est devenu plus clair, au fur et à mesure de ses recherches, que ces camps avaient bien existé, et qu’il y en avait eu plus de cinq.
« Beaucoup d’anciens détenus palestiniens ont vu le concept d’Israël comme un ennemi vicieux, alors ils ont pensé que leur expérience de travail dans ces camps de concentration n’était rien en comparaison de l’autre plus grande tragédie de la Nakba. La Nakba a tout éclipsé, » a expliqué Abu Sitta.
« Cependant, quand j’ai creusé dans la période 1948-1955, j’ai trouvé davantage de références comme Mohammed Nimr al-Khatib, qui était imam à Haïfa, qui avait transcrit des entretiens avec quelqu’un de la famille al-Yahya qui était dans un des camps. J’ai pu retrouver la trace de cet homme jusqu’en Californie et j’ai pu discuter avec lui en 2002, » a-t-il ajouté.
Abu Sitta a lentement mais sûrement découvert d’autres références, dont des informations venant d’une Juive nommée Janoud, une seule thèse de maîtrise à l’Univesité hébraïque sur le sujet, et les récits personnels de l’économiste Yusif Sayigh, qui ont contribué à étoffer davantage l’ampleur et la nature de ces camps.
Après plus d’une décennie, Abu Sitta et son co-auteur Rempel peuvent enfin présenter leurs constatations au public.
Du fardeau à l’opportunité: les camps de concentration et de travail
La mise en place de camps de concentration et de travail a eu lieu après la déclaration unilatérale de l’Etat d’Israël en mai 1948.
Avant cet événement, le nombre de captifs palestiniens entre les mains sionistes étaient assez faible, car, comme le déclare l’étude, « les dirigeants sionistes ont rapidement conclu que l’expulsion forcée de la population civile était la seule façon de créer un Etat juif en Palestine avec une majorité juive suffisamment importante pour qu’il soit ‘viable’. » En d’autres termes, pour les stratèges sionistes, les prisonniers étaient un fardeau, dans les phases initiales de l’épuration ethnique.
Ces calculs ont changé avec la déclaration de l’Etat d’Israël et l’implication des armées d’Egypte, de Syrie, d’Iraq et de Transjordanie, après que l’essentiel du nettoyage ethnique ait eu lieu. A partir de ce moment, « les forces israéliennes ont commencé à faire des prisonniers, tant des soldats arabes réguliers (pour un éventuel échange), et – de manière sélective – des civils palestiniens non combattants en bonne santé. »
Le premier camp fut celui de Ijlil, à environ 13km au nord-est de Jaffa, sur le site du village palestinien détruit Ijlil al-Qibiliyya, vidé de ses habitants début avril. Ijlil était essentiellement constitué de tentes abritant des centaines et des centaines de prisonniers, classés comme prisonniers de guerre par les Israéliens, encerclées de fils de fer barbelés, de miradors et d’une porte avec des gardiens.
Au fur et à mesure des conquêtes israéliennes, et de l’augmentation consécutive du nombre de prisonniers, trois autres camps ont été créés. Ce sont les quatre camps « officiels » que les Israéliens ont reconnu et que le CICR a activement visités.
L’étude note :
« Les quatre camps étaient soit sur ou adjacents à des installations militaires mises en place par les Britanniques pendant le Mandat. Elles avaient été utilisées pendant la Seconde Guerre Mondiale pour l’internement de prisonniers de guerre allemands, italiens et autres. Deux des camps – Atlit, créé en juillet à environ 20km au sud de Haïfa, et Sarafand al-Amar, au centre de la Palestine – avaient déjà été utilisés dans les années 1930 et 1940 pour la détention d’immigrants juifs illégaux. »
Atlit était le deuxième plus grand camp après Ijlil ; il pouvait contenir jusqu’à 2.900 prisonniers, tandis que Sarafand avait une capacité maximale de 1.800 prisonniers, et Tel Letwinksy, près de Tel Aviv, de plus de 1.000.
Les quatre camps étaient administrés par « d’anciens officiers britanniques qui avaient fait défection dans leurs rangs quand les forces britanniques se sont retirées de Palestine à la mi-mai 1948, » et les gardiens et le personnel administratif des camps étaient d’anciens membres de l’Irgoun et du groupe Stern – deux groupes désignés comme des organisations terroristes par les Britanniques avant leur départ. En tout, les quatre camps « officiels » employaient 973 soldats.
Un cinquième camp, appelé Umm Khalid, était installé sur le site d’un autre village vidé de sa population près de la colonie sioniste de Netanya ; un numéro officiel lui avait même été attribué dans les registres, mais il n’a jamais eu le statut d' »officiel ». Il pouvait contenir 1.500 prisonniers. Contrairement aux quatre autres camps, Umm Khalid étaient « le premier camp créé exclusivement comme camp de travail » et fut « le premier des camps ‘reconnus’ à être fermé (…) à la fin de 1948. »
En complément de ces cinq camps « reconnus », il y avait au moins 17 autres « camps non reconnus » qui n’étaient pas mentionnés dans les sources officielles, mais que les auteurs ont découvert à travers de multiples témoignages de prisonniers.
Galadriel
Une histoire peu connue : les camps de concentration et de travail d’Israël en 1948-1955 (1/2)
Par Yazan al-Saadi
Yazan al-Saadi est journaliste au Al-Akhbar en anglais.
Une grande partie des circonstances sinistres et sombres de la purification ethnique sioniste des Palestiniens à la fin des années 1940 a progressivement été exposée au cours du temps. Un aspect – rarement étudié ou discuté en profondeur – est l’internement de milliers de civils palestiniens dans au moins 22 camps de concentration et de travail, dirigés par les sionistes, qui ont existé de 1948 à 1955. On en sait un peu plus maintenant sur les contours de ce crime historique, grâce à la recherche exhaustive menée par le grand historien palestinien Salman Abu Sitta et du membre du centre palestinien de ressources BADIL, Terry Rempel.
Voici les faits.
L’étude – qui va être publiée dans le prochain numéro de Journal of Palestine Studies – s’appuie sur près de 500 pages de rapports du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), rédigés pendant la guerre de 1948, qui ont été déclassifiés, mis à la disposition du public en 1996, et découverts par hasard par un des auteurs en 1999.
En outre, les auteurs ont recueilli les témoignages de 22 anciens détenus palestiniens de ces camps civils, à travers des entretiens qu’ils ont eux-mêmes conduits en 2002, ou documentés par d’autres à d’autres moments.
Avec ces sources d’information, les auteurs, comme ils disent, ont reconstitué une histoire plus claire de la façon dont Israël a capturé et emprisonné « des milliers de civils palestiniens comme travailleurs forcés » et les a exploités « pour soutenir son économie en temps de guerre. »
Fouiller les crimes
« Je suis tombé sur ce morceau d’histoire dans les années 1990 alors que je collectais du matériel et des documents sur les Palestiniens, » a dit Abu Sitta à Al-Akhbar. « Plus vous creusez, plus vous découvrez que des crimes ont eu lieu qui ne sont pas rapportés et qui ne sont pas connus. »
A l’époque, Abu Sitta alla passer une semaine à Genève pour consulter les archives du CICR qui venaient d’être ouvertes. Selon lui, les archives ont été mises à la disposition du public après des accusations selon lesquelles le CICR aurait pris le parti des Nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. C’était une occasion qu’il ne pouvait pas manquer, montrer ce que le CICR avait enregistré des événements qui ont eu lieu en Palestine en 1948. C’est là qu’il est tombé sur des dossiers où il était question de cinq camps de concentration dirigés par les Israéliens.
Il a alors décidé de chercher des témoins ou d’anciens détenus et d’interviewer des Palestiniens en Palestine occupée, en Syrie et en Jordanie.
« Ils ont tous décrit la même histoire, et leur véritable expérience dans ces camps, » a-t-il dit.
Une question qui l’a immédiatement frappé fut pourquoi il y avait si peu de références sur ces camps dans l’histoire, en particulier quand il est devenu plus clair, au fur et à mesure de ses recherches, que ces camps avaient bien existé, et qu’il y en avait eu plus de cinq.
« Beaucoup d’anciens détenus palestiniens ont vu le concept d’Israël comme un ennemi vicieux, alors ils ont pensé que leur expérience de travail dans ces camps de concentration n’était rien en comparaison de l’autre plus grande tragédie de la Nakba. La Nakba a tout éclipsé, » a expliqué Abu Sitta.
« Cependant, quand j’ai creusé dans la période 1948-1955, j’ai trouvé davantage de références comme Mohammed Nimr al-Khatib, qui était imam à Haïfa, qui avait transcrit des entretiens avec quelqu’un de la famille al-Yahya qui était dans un des camps. J’ai pu retrouver la trace de cet homme jusqu’en Californie et j’ai pu discuter avec lui en 2002, » a-t-il ajouté.
Abu Sitta a lentement mais sûrement découvert d’autres références, dont des informations venant d’une Juive nommée Janoud, une seule thèse de maîtrise à l’Univesité hébraïque sur le sujet, et les récits personnels de l’économiste Yusif Sayigh, qui ont contribué à étoffer davantage l’ampleur et la nature de ces camps.
Après plus d’une décennie, Abu Sitta et son co-auteur Rempel peuvent enfin présenter leurs constatations au public.
Du fardeau à l’opportunité: les camps de concentration et de travail
La mise en place de camps de concentration et de travail a eu lieu après la déclaration unilatérale de l’Etat d’Israël en mai 1948.
Avant cet événement, le nombre de captifs palestiniens entre les mains sionistes étaient assez faible, car, comme le déclare l’étude, « les dirigeants sionistes ont rapidement conclu que l’expulsion forcée de la population civile était la seule façon de créer un Etat juif en Palestine avec une majorité juive suffisamment importante pour qu’il soit ‘viable’. » En d’autres termes, pour les stratèges sionistes, les prisonniers étaient un fardeau, dans les phases initiales de l’épuration ethnique.
Ces calculs ont changé avec la déclaration de l’Etat d’Israël et l’implication des armées d’Egypte, de Syrie, d’Iraq et de Transjordanie, après que l’essentiel du nettoyage ethnique ait eu lieu. A partir de ce moment, « les forces israéliennes ont commencé à faire des prisonniers, tant des soldats arabes réguliers (pour un éventuel échange), et – de manière sélective – des civils palestiniens non combattants en bonne santé. »
Le premier camp fut celui de Ijlil, à environ 13km au nord-est de Jaffa, sur le site du village palestinien détruit Ijlil al-Qibiliyya, vidé de ses habitants début avril. Ijlil était essentiellement constitué de tentes abritant des centaines et des centaines de prisonniers, classés comme prisonniers de guerre par les Israéliens, encerclées de fils de fer barbelés, de miradors et d’une porte avec des gardiens.
Au fur et à mesure des conquêtes israéliennes, et de l’augmentation consécutive du nombre de prisonniers, trois autres camps ont été créés. Ce sont les quatre camps « officiels » que les Israéliens ont reconnu et que le CICR a activement visités.
L’étude note :
« Les quatre camps étaient soit sur ou adjacents à des installations militaires mises en place par les Britanniques pendant le Mandat. Elles avaient été utilisées pendant la Seconde Guerre Mondiale pour l’internement de prisonniers de guerre allemands, italiens et autres. Deux des camps – Atlit, créé en juillet à environ 20km au sud de Haïfa, et Sarafand al-Amar, au centre de la Palestine – avaient déjà été utilisés dans les années 1930 et 1940 pour la détention d’immigrants juifs illégaux. »
Atlit était le deuxième plus grand camp après Ijlil ; il pouvait contenir jusqu’à 2.900 prisonniers, tandis que Sarafand avait une capacité maximale de 1.800 prisonniers, et Tel Letwinksy, près de Tel Aviv, de plus de 1.000.
Les quatre camps étaient administrés par « d’anciens officiers britanniques qui avaient fait défection dans leurs rangs quand les forces britanniques se sont retirées de Palestine à la mi-mai 1948, » et les gardiens et le personnel administratif des camps étaient d’anciens membres de l’Irgoun et du groupe Stern – deux groupes désignés comme des organisations terroristes par les Britanniques avant leur départ. En tout, les quatre camps « officiels » employaient 973 soldats.
Un cinquième camp, appelé Umm Khalid, était installé sur le site d’un autre village vidé de sa population près de la colonie sioniste de Netanya ; un numéro officiel lui avait même été attribué dans les registres, mais il n’a jamais eu le statut d' »officiel ». Il pouvait contenir 1.500 prisonniers. Contrairement aux quatre autres camps, Umm Khalid étaient « le premier camp créé exclusivement comme camp de travail » et fut « le premier des camps ‘reconnus’ à être fermé (…) à la fin de 1948. »
En complément de ces cinq camps « reconnus », il y avait au moins 17 autres « camps non reconnus » qui n’étaient pas mentionnés dans les sources officielles, mais que les auteurs ont découvert à travers de multiples témoignages de prisonniers.

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