Les populations maghrébines ont commencé à affluer massivement en France à partir des années 1950, elles constituaient une main-d’oeuvre peu qualifiée qui a été exploitée selon les besoins des trente glorieuses. Ces populations constituées jusque-là de forts taux d’hommes célibataires, sont devenues une immigration résidente par l’effet de la circulaire de 1974 relative à la restriction des flux migratoires provenant du Maghreb et l’application des politiques de regroupement social des années 1980.
Depuis la «francisation» des générations issues de cette immigration par les politiques d’intégration n’a pas empêché, pour autant, leur assimilation persistante aux étrangers (1). Le traitement particularisant, mais surtout dans le sens de discriminant, qui leur est depuis réservé, dans les domaines de l’insertion scolaire et professionnelle et les difficultés qu’ils éprouvent à bénéficier des mêmes avantages octroyés socialement aux «jeunes Français de souche», handicapant leur «intégration» dans le sens de leur acceptation dans la société française. Le difficultueux rapport à l’immigration semble reposer d’une part, sur l’échec des politiques d’intégration engagées depuis les années 1970 et d’autre part, sur l’évolution d’une certaine discrimination sur fonds de déprime sociale liée pour l’essentiel aux questions de récession économique et à l’inexistence d’un véritable projet consensuel de développement dans le monde politique.
En ce sens, l’intégration culturelle des différentes générations issues de l’immigration dans un système social global capable de digérer les différences, voire de les tamiser en fonction d’un critère commun: l’égalité des chances est exposée à des représentations fermées d’une identité française prédéfinie, considérée telle qu’issue de l’histoire et présentée comme immuable. Ces représentations sont portées par une certaine population fragilisée par un vaste mouvement de désindustrialisation amorcée au cours des années 1970. Des nombreuses études montrent que les taux de chômage sont en augmentation dans les régions qui sont connues par leurs monoactivités sidérurgiques et métallurgiques des années 1970-1980, où les entreprises sont en permanente diminution d’effectifs. La forte présence des populations immigrées et maghrébines -à l’origine une immigration de main-d’oeuvre- particularise en partie ces mêmes régions. Déjà confrontées aux difficultés de l’intégration culturelle et sociale, elles comptent parmi ses rangs un nombre important de chômeurs (2). Chômage, affaiblissement de l’autorité patriarcale, cantonnement dans des parcs HLM délabrés et éloignés des centres-villes, sont autant de facteurs qui contribuent à confiner les jeunes «beurs» dans les territoires périlleux et culpabilisant de la marginalité. Ainsi, si certaines banlieues ghettoïsées ont tendance à se replier sur elles-mêmes et à constituer des territoire restreints à des populations «de plus en plus exposées aux risques de la précarité économique par la tension qui y règne et les stigmates politiques et sociaux qu’elles portent, il faudrait, cependant, ne pas perdre de vue la multiplication des quartiers riches qui se dotent des techniques des plus récentes, dites de pointe, pour se protéger des intrusions «indésirées» des populations pauvres et, qui se ghettoïsent donc par d’autres modes de renfermement et d’exclusion. En d’autres termes, à qui doit s’adresser très exactement le discours de l’intégration? A une certaine population fragilisée par le poids de la relégation sociale au rang de population de deuxième catégorie, à peu près à l’image des musulmans de l’Algérie française, ou à l’ensemble des Français quelles que soient leurs origines, en raison de l’échec éminent du modèle républicain dont le fonctionnement ne semble plus correspondre au caractère pluriculturel du paysage social français contemporain?
Dans ce contexte, la banlieue sensible est représentée comme étant le réceptacle des angoisses d’une jeunesse difficile, particulièrement quand elle est d’origine étrangère. Celle-ci est appelée à adhérer à un certain modèle républicain archaïque, parce qu’il ne semble pas correspondre aux caractères complexes et modernes de la société française et parce qu’il est affaibli en raison de l’échec des politiques d’intégration. En ce sens, confrontées à l’éclatement des banlieues en 2005 et l’importance du phénomène à l’échelle nationale, les autorités françaises n’ont eu d’autres alternatives que de recourir à quelques méthodes de répression dont la plus importante est l’application du couvre-feu. Encore une fois, l’Etat semble saturé, incapable d’inventer de produire une référence commune à la nation dans les différences de toutes sortes des différentes communautés, mais surtout incapable de répondre au malaise social des jeunes de banlieue devant ce qui leur est socialement et économiquement inaccessible, selon Edgar Morin. Dans ce contexte, la société est tuméfiée par la peur excessive des regroupements des populations de la même origine, la même appartenance confessionnelle, la même classe...
Est-ce à dire aussi que les jeunes Français d’origine maghrébine et africaine sont appelés à demeurer, pour un certain temps, exposés à une réalité difficile: celle du repli, c’est-à-dire celle qui génère la victimisation et sous-tend le risque de dérapage social et, celle qui induit la «désintégration» face au mépris que leur témoigne la société française, un mépris résultant de la méfiance des Français de souche envers une jeunesse qui ne partage pas les mêmes repères, les mêmes valeurs, voire la même religion.
Il est clair que dans le cas de la France, il s’agit d’interroger la notion d’immigration de l’intérieur et de l’extérieur, mais surtout de bien la contextualiser dans un calendrier historique pouvant aider à éviter les simplifications, les raccourcis, les analyses de l’évidence. Cela permettrait, peu ou prou, de limiter sa tuméfaction dans le territoire d’une certaine République franco-française qui tourne le dos à son passé comme par la glorification officielle de la colonisation, ignorant par cette attitude les rapports des Français issus de l’immigration à leur pays d’origine.
Gauche/Droite et la question de l’immigration
Jusqu’aux années 1990, le débat sur la question de l’immigration a été partagé entre une droite qui condamne lato sensu, les étrangers clandestins et les Français d’origine étrangère en mal d’intégration, d’être responsables de l’insécurité urbaine et, une gauche mollement hostile à ce positionnement afin d’éviter ce que nous appelons une «surtraumatisation» de la société française suite à l’affaire du voile islamique déclenchée dès le début des années 1980 et la montée du terrorisme islamiste des années 1990. L’écart qui sépare la gauche de la droite sur les questions relatives à l’insécurité urbaine et la stigmatisation des populations étrangères a, a priori rétréci, notamment depuis la politique jospinienne de l’alerte contre l’augmentation de l’insécurité aux fortes affinités électives.
L’affrontement Gauche/Droite est mené sur fond de débat «moralisant et idéologique», il s’articule autour du lien supposé entre «délinquance et immigration» chez les populations africaines et «maghrébines françaises» en particulier (3). Il prend une tournure dangereuse en raison d’une certaine politique populiste qui s’en prend ouvertement aux «Etrangers de la République» en les accusant d’être les principaux responsables des soulèvements des banlieues, dites «sensibles». Le rejet de l’autre, présenté comme envahisseur, perturbateur et enfin émeutier, est la fêlure d’une République qui a beaucoup de mal à se tenir droite en étant incapable d’intégrer l’ensemble de ses citoyens, quelles que soient leurs provenances.
Depuis la «francisation» des générations issues de cette immigration par les politiques d’intégration n’a pas empêché, pour autant, leur assimilation persistante aux étrangers (1). Le traitement particularisant, mais surtout dans le sens de discriminant, qui leur est depuis réservé, dans les domaines de l’insertion scolaire et professionnelle et les difficultés qu’ils éprouvent à bénéficier des mêmes avantages octroyés socialement aux «jeunes Français de souche», handicapant leur «intégration» dans le sens de leur acceptation dans la société française. Le difficultueux rapport à l’immigration semble reposer d’une part, sur l’échec des politiques d’intégration engagées depuis les années 1970 et d’autre part, sur l’évolution d’une certaine discrimination sur fonds de déprime sociale liée pour l’essentiel aux questions de récession économique et à l’inexistence d’un véritable projet consensuel de développement dans le monde politique.
En ce sens, l’intégration culturelle des différentes générations issues de l’immigration dans un système social global capable de digérer les différences, voire de les tamiser en fonction d’un critère commun: l’égalité des chances est exposée à des représentations fermées d’une identité française prédéfinie, considérée telle qu’issue de l’histoire et présentée comme immuable. Ces représentations sont portées par une certaine population fragilisée par un vaste mouvement de désindustrialisation amorcée au cours des années 1970. Des nombreuses études montrent que les taux de chômage sont en augmentation dans les régions qui sont connues par leurs monoactivités sidérurgiques et métallurgiques des années 1970-1980, où les entreprises sont en permanente diminution d’effectifs. La forte présence des populations immigrées et maghrébines -à l’origine une immigration de main-d’oeuvre- particularise en partie ces mêmes régions. Déjà confrontées aux difficultés de l’intégration culturelle et sociale, elles comptent parmi ses rangs un nombre important de chômeurs (2). Chômage, affaiblissement de l’autorité patriarcale, cantonnement dans des parcs HLM délabrés et éloignés des centres-villes, sont autant de facteurs qui contribuent à confiner les jeunes «beurs» dans les territoires périlleux et culpabilisant de la marginalité. Ainsi, si certaines banlieues ghettoïsées ont tendance à se replier sur elles-mêmes et à constituer des territoire restreints à des populations «de plus en plus exposées aux risques de la précarité économique par la tension qui y règne et les stigmates politiques et sociaux qu’elles portent, il faudrait, cependant, ne pas perdre de vue la multiplication des quartiers riches qui se dotent des techniques des plus récentes, dites de pointe, pour se protéger des intrusions «indésirées» des populations pauvres et, qui se ghettoïsent donc par d’autres modes de renfermement et d’exclusion. En d’autres termes, à qui doit s’adresser très exactement le discours de l’intégration? A une certaine population fragilisée par le poids de la relégation sociale au rang de population de deuxième catégorie, à peu près à l’image des musulmans de l’Algérie française, ou à l’ensemble des Français quelles que soient leurs origines, en raison de l’échec éminent du modèle républicain dont le fonctionnement ne semble plus correspondre au caractère pluriculturel du paysage social français contemporain?
Dans ce contexte, la banlieue sensible est représentée comme étant le réceptacle des angoisses d’une jeunesse difficile, particulièrement quand elle est d’origine étrangère. Celle-ci est appelée à adhérer à un certain modèle républicain archaïque, parce qu’il ne semble pas correspondre aux caractères complexes et modernes de la société française et parce qu’il est affaibli en raison de l’échec des politiques d’intégration. En ce sens, confrontées à l’éclatement des banlieues en 2005 et l’importance du phénomène à l’échelle nationale, les autorités françaises n’ont eu d’autres alternatives que de recourir à quelques méthodes de répression dont la plus importante est l’application du couvre-feu. Encore une fois, l’Etat semble saturé, incapable d’inventer de produire une référence commune à la nation dans les différences de toutes sortes des différentes communautés, mais surtout incapable de répondre au malaise social des jeunes de banlieue devant ce qui leur est socialement et économiquement inaccessible, selon Edgar Morin. Dans ce contexte, la société est tuméfiée par la peur excessive des regroupements des populations de la même origine, la même appartenance confessionnelle, la même classe...
Est-ce à dire aussi que les jeunes Français d’origine maghrébine et africaine sont appelés à demeurer, pour un certain temps, exposés à une réalité difficile: celle du repli, c’est-à-dire celle qui génère la victimisation et sous-tend le risque de dérapage social et, celle qui induit la «désintégration» face au mépris que leur témoigne la société française, un mépris résultant de la méfiance des Français de souche envers une jeunesse qui ne partage pas les mêmes repères, les mêmes valeurs, voire la même religion.
Il est clair que dans le cas de la France, il s’agit d’interroger la notion d’immigration de l’intérieur et de l’extérieur, mais surtout de bien la contextualiser dans un calendrier historique pouvant aider à éviter les simplifications, les raccourcis, les analyses de l’évidence. Cela permettrait, peu ou prou, de limiter sa tuméfaction dans le territoire d’une certaine République franco-française qui tourne le dos à son passé comme par la glorification officielle de la colonisation, ignorant par cette attitude les rapports des Français issus de l’immigration à leur pays d’origine.
Gauche/Droite et la question de l’immigration
Jusqu’aux années 1990, le débat sur la question de l’immigration a été partagé entre une droite qui condamne lato sensu, les étrangers clandestins et les Français d’origine étrangère en mal d’intégration, d’être responsables de l’insécurité urbaine et, une gauche mollement hostile à ce positionnement afin d’éviter ce que nous appelons une «surtraumatisation» de la société française suite à l’affaire du voile islamique déclenchée dès le début des années 1980 et la montée du terrorisme islamiste des années 1990. L’écart qui sépare la gauche de la droite sur les questions relatives à l’insécurité urbaine et la stigmatisation des populations étrangères a, a priori rétréci, notamment depuis la politique jospinienne de l’alerte contre l’augmentation de l’insécurité aux fortes affinités électives.
L’affrontement Gauche/Droite est mené sur fond de débat «moralisant et idéologique», il s’articule autour du lien supposé entre «délinquance et immigration» chez les populations africaines et «maghrébines françaises» en particulier (3). Il prend une tournure dangereuse en raison d’une certaine politique populiste qui s’en prend ouvertement aux «Etrangers de la République» en les accusant d’être les principaux responsables des soulèvements des banlieues, dites «sensibles». Le rejet de l’autre, présenté comme envahisseur, perturbateur et enfin émeutier, est la fêlure d’une République qui a beaucoup de mal à se tenir droite en étant incapable d’intégrer l’ensemble de ses citoyens, quelles que soient leurs provenances.
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