L'animal a toujours dit notre rapport au monde et aux émotion
La place de l’animal dans notre imaginaire est aussi vieille que l’art et les grottes de Lascaux. Nous disons notre rapport au monde et aux émotions à travers des animaux réels, ou des hybridations fictives.
Le froid de canard, la chaire de poule, la faim de loup, le chant du cygne, l’anguille sous roche, l’ours mal léché, le drôle de zèbre, la mémoire d’éléphant, l’œil de lynx et j’en passe évidemment. Mais aussi le chien à trois têtes aux portes de l’enfer et la licorne médiévale. Sans oublier toute cette production anthropomorphique des contes et des représentations façon souris Mickey de Disney ou Maus des camps de concentrations chez Art Spiegelman.
Dès lors se pose cette question : quelles conséquence a l’extinction massive des espèces animales sur nos vies intérieures, nos arts, nos imaginaires ?
Pour rappel, des chercheurs américains et mexicains publiaient cette année une étude alarmante dans les Proceedings of the National Academy of Sciences. Allant jusqu’à parler d’« un anéantissement biologique » à propos du recul massif du nombre et de l’étendue des espèces vertébrés. Si les conséquences écologiques, économiques et sociales d’une telle situation sont souvent évoquées, un autre aspect demeure silencieux ou invisible : les conséquences qu’on pourrait appeler « intérieures ».
Oui ce carnaval des animaux pour reprendre le titre de la composition de Camille Saint-Saens, nous a tant appris de nous, qu’au fond c’est peut-être aussi cela qui nous a rendu humains. Dans une lettre écrite par le philosophe Paul Shepard à la fin de sa vie (en 1994) et lue à l’issue d'une conférence intitulée « L’origine de la métaphore : la connexion animale », il imagine ce que « les autres » les animaux non humains auraient voulu dire de nous. Cette lettre est reproduite dans le nouveau numéro de la revue Billebaude. Une revue d’exploration et de réflexion sur les usages et représentations de la nature. Je voudrais m’attarder sur quelques passages qui révèlent toute la crise intérieure que peut engendrer cette rupture consommée avec les autres du vivant.
Dans cette missive que Paul Shepard annonce comme portée par un ours au nom de tous ceux qui peuplent « la forêt, le désert, la mer, la prairie », les animaux disent des humains : « Nous sommes devenus la forme concrète de leur moi secrets ». Quelles formes concrètes prendront ces mois secrets quand nous aurons perdu cette relation qui pourtant nous a défini ? Non pas qu’il n’y ai pas d’imaginaire sans l’animal mais dès lors qu’il a construit notre essence, et ce que Shepard appelle notre rapport de vitalité au monde, on s’engage dans une crise qu’il ne faut pas sous-estimer. Et cette crise de la relation au vivant ne se résoudra pas qu’avec des mesures écologiques. Il faudra se tourner vers des interprètes, des diplomates, des truchements entre les mondes comme l’était Paul Shepard.
Pour finir je voudrais laisser la parole à la défense, enfin « aux autres », aux animaux non humains « Nous partons, et ils en parent comme d’un progrès, en fait, cela les vide de l’intérieur. Quand nous serons partis, ils ne sauront plus qui ils sont ».
France culture
La place de l’animal dans notre imaginaire est aussi vieille que l’art et les grottes de Lascaux. Nous disons notre rapport au monde et aux émotions à travers des animaux réels, ou des hybridations fictives.
Le froid de canard, la chaire de poule, la faim de loup, le chant du cygne, l’anguille sous roche, l’ours mal léché, le drôle de zèbre, la mémoire d’éléphant, l’œil de lynx et j’en passe évidemment. Mais aussi le chien à trois têtes aux portes de l’enfer et la licorne médiévale. Sans oublier toute cette production anthropomorphique des contes et des représentations façon souris Mickey de Disney ou Maus des camps de concentrations chez Art Spiegelman.
Dès lors se pose cette question : quelles conséquence a l’extinction massive des espèces animales sur nos vies intérieures, nos arts, nos imaginaires ?
Pour rappel, des chercheurs américains et mexicains publiaient cette année une étude alarmante dans les Proceedings of the National Academy of Sciences. Allant jusqu’à parler d’« un anéantissement biologique » à propos du recul massif du nombre et de l’étendue des espèces vertébrés. Si les conséquences écologiques, économiques et sociales d’une telle situation sont souvent évoquées, un autre aspect demeure silencieux ou invisible : les conséquences qu’on pourrait appeler « intérieures ».
Oui ce carnaval des animaux pour reprendre le titre de la composition de Camille Saint-Saens, nous a tant appris de nous, qu’au fond c’est peut-être aussi cela qui nous a rendu humains. Dans une lettre écrite par le philosophe Paul Shepard à la fin de sa vie (en 1994) et lue à l’issue d'une conférence intitulée « L’origine de la métaphore : la connexion animale », il imagine ce que « les autres » les animaux non humains auraient voulu dire de nous. Cette lettre est reproduite dans le nouveau numéro de la revue Billebaude. Une revue d’exploration et de réflexion sur les usages et représentations de la nature. Je voudrais m’attarder sur quelques passages qui révèlent toute la crise intérieure que peut engendrer cette rupture consommée avec les autres du vivant.
Dans cette missive que Paul Shepard annonce comme portée par un ours au nom de tous ceux qui peuplent « la forêt, le désert, la mer, la prairie », les animaux disent des humains : « Nous sommes devenus la forme concrète de leur moi secrets ». Quelles formes concrètes prendront ces mois secrets quand nous aurons perdu cette relation qui pourtant nous a défini ? Non pas qu’il n’y ai pas d’imaginaire sans l’animal mais dès lors qu’il a construit notre essence, et ce que Shepard appelle notre rapport de vitalité au monde, on s’engage dans une crise qu’il ne faut pas sous-estimer. Et cette crise de la relation au vivant ne se résoudra pas qu’avec des mesures écologiques. Il faudra se tourner vers des interprètes, des diplomates, des truchements entre les mondes comme l’était Paul Shepard.
Pour finir je voudrais laisser la parole à la défense, enfin « aux autres », aux animaux non humains « Nous partons, et ils en parent comme d’un progrès, en fait, cela les vide de l’intérieur. Quand nous serons partis, ils ne sauront plus qui ils sont ».
France culture
