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Quelques blagues populaires : un révélateur de l’esprit défaitiste en Algérie

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  • Quelques blagues populaires : un révélateur de l’esprit défaitiste en Algérie

    Devant le désarroi et le défaitisme ambiants, de temps à autre une blague émerge et se propage rapidement dans l’ensemble de la société. Les blagues peuvent être de différents genres selon les intentions : éducatives, politiques, amusantes, etc.

    Dans ce texte, je présente une sélection de quelques blagues qui sont devenues, pendant ces dernières 15 années, très populaires. Elles sont à consonance sociopolitique avec un aspect critique mais surtout autocritique en rapport avec le citoyen dans sa société.

    Les citoyens se reconnaissent dans ces blagues et en déduisent aisément leur signification. Comme le rêve traduit symboliquement des conflits personnels, les blagues semblent offrir un mécanisme d’expression de conflits sociopolitiques.

    Anonymes, construites avec art, à transmission orale, courtes à retenir et à raconter, ces blagues populaires provoquent un rire ou un sourire cathartique suivi généralement d’un acquiescement troublant car dévalorisant dans notre contexte.

    Elles expriment avec humour et dérision les déséquilibres, les crises et les conflits personnels et sociaux persistants. Elles révèlent des comportements caractérisés par la haine de soi et des autres, l’envie, la lâcheté, la trahison, l’hypocrisie, etc.

    En conclusion, ces blagues reflètent l’état d’esprit d’une société en désarroi, sans contrôle sur sa propre situation et sa destination. Une société soumise à un système de domination du type colonialiste, totalitaire et inamovible devant lequel la seule attitude défensive semble être l’effacement et le fatalisme.

    1)- Un œil pour deux Yeux

    Un concours consiste en ceci : on demande à des citoyens de différentes nationalités de faire un vœu pour soi, sachant que son concitoyen obtiendra le double de l’objet souhaité. Les réponses sont les suivantes : l’Américain demande une grande entreprise, le Français demande une belle maison, l’Algérien demande qu’on lui ôte un œil.

    Expressions-clés : la haine, la jalousie, l’envie, l’animosité, l’aversion envers ses concitoyens

    2)- L’Eléphant a besoin d’une éléphante

    Dans une certaine contrée, un roi fit venir un éléphant. Ce dernier commença à nuire aux villageois en écrasant tout ce qui se trouve sur son chemin : cultures, magasins, etc. Ne pouvant supporter cette situation, les villageois cherchèrent un moyen pacifique pour se plaindre au roi et demander le retrait de l’éléphant en question. Sachant que le roi est très sévère, ils contactèrent un homme connu pour son courage et lui demandèrent de leur servir de leader pour porter ensemble le message au roi. Il accepta. Le lendemain, un groupe d’une quarantaine de personnes se forma et prit le départ vers le château du roi, notre homme courageux au-devant. Cependant, chemin faisant, les membres du groupe se débinèrent progressivement. En arrivant à l’entrée du château, l’homme courageux se retourna et, oh surprise, il se retrouva seul face au roi. Se relevant de sa surprise, il répondit au roi qui lui demanda de dévoiler l’objet de sa visite : «Monseigneur, pour le bien-être de votre bien-aimé éléphant, la population vous suggère de lui adjoindre une éléphante.»

    Expressions-clés : la lâcheté, traîtrise,
    déloyauté.

    3)- Les Loups de chez nous et pas ceux des autres

    Deux communes A et B sont voisines. Un âne de la commune A se baladant entra par hasard dans la commune B où il décéda près de la frontière. Un groupe de personnes de A le recherchant trouva son cadavre dans la commune B. Bien que mort, ces personnes décidèrent quand même de déplacer le cadavre de l’âne pour le rejeter à l’intérieur de la commune A.

    Un jeune homme de ce groupe trouva cette démarche insensée et posa la question sur l’utilité d’un tel comportement. La réponse : «Il est préférable qu’il soit mangé par les loups de chez nous que par ceux de la commune B.»

    Expressions-clés : le racisme, le régionalisme, égoïsme extrême, la négation de l’autre.

    4)- C’est le pigeon qui désigne le roi

    Deux Algériens A et B envisagent un long voyage. Ils prennent la route vers une destination lointaine, disons La Mecque. A mi-
    chemin, ils firent une halte dans une ville pour se reposer. La ville est accueillante, les gens sympathiques et il fait bon d’y vivre. Mais, le lendemain, voulant poursuivre leur chemin, on leur interdit, oh surprise, de quitter la ville. La raison invoquée est sérieuse : le roi est mort et la tradition dans cette contrée veut que personne ne quitte cette ville jusqu’à la désignation d’un nouveau roi. La procédure de désignation du nouveau roi est toute simple. Tous les hommes se trouvant dans cette ville sont d’office candidats. Il s’agit de lâcher un pigeon et le nouveau roi sera la personne sur laquelle le pigeon va aller se poser. Ainsi, la procédure lancée, l’Algérien A est l’élu qui deviendra le nouveau roi. Il s’y installa et son ami B continuera son voyage vers La Mecque. Quelques mois après, lors de son retour, il repassa près de cette ville et décida de s’y reposer et d’en profiter pour rendre visite à son ami désormais roi de cette ville. Mais, oh surprise, la ville semble moins accueillante, les gens inquiets et les conditions de vie troubles.

    Il s’étonna, visita son ami et chercha une explication auprès de lui. Et à son ami roi de lui répondre que «la dégradation de la situation dans cette ville ne vient pas de moi en tant que roi, mais de cette population qui est fondamentalement mauvaise. Nous savons tous deux que tu es le bon et moi le mauvais. C’est la volonté d’Allah qui a voulu que le pigeon atterrisse sur mon épaule, moi le mauvais. Et si cette population était bonne, le pigeon aurait atterri sur ton épaule, toi le bon. Donc, Allah a désigné pour cette mauvaise population la mauvaise personne qui lui convienne.»

    Expressions-clés : le fatalisme, la dépréciation de soi.

    5)- Pouvoir et Autorité à tout prix

    Dans un petit village, un homme ne trouve pas de quoi s’occuper ni par quoi se valoriser. Comme il fréquente la mosquée du village, l’imam lui propose de superviser la zone des ablutions. Heureux, l’homme accepta son nouveau rôle. Il emmena deux récipients pour les ablutions : un de couleur bleue et l’autre de couleur rouge.

    Il commença son travail en instaurant une règle très simple. Si un fidèle prend le récipient bleu pour ses ablutions, notre homme le lui refuse et lui ordonne d’utiliser le récipient rouge. Et inversement si le fidèle prend le récipient rouge. Bien entendu, les fidèles ne trouvent aucune différence à utiliser l’un ou l’autre de ces récipients et ne protestèrent guère.

    Ainsi, l’homme trouva une méthode efficace pour commander les fidèles. Et dans ses prières, il n’oublie pas de remercier Dieu de lui avoir offert un tel pouvoir et la possibilité d’exercer une autorité sur quiconque viendra faire les ablutions.

    Expressions-clés : la dictature, l’esprit autoritaire, valorisation par tous les moyens.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    6)- Le Mouton à Sacrifier

    Un Algérien et son ami, citoyen d’un pays voisin, s’invitent mutuellement. L’Algérien invita son ami en premier. Voulant lui faire plaisir, il l’emmena voir son troupeau de moutons et lui demanda d’en choisir un qu’il sacrifiera en son honneur pour les repas. Son ami a choisi un mouton moyen, ni trop grand, ni trop petit ; un choix plutôt raisonnable. La fois suivante, c’est au tour de l’ami d’inviter l’Algérien. Et réciproquement, il l’emmena voir son troupeau de moutons et lui demanda d’en choisir un. L’Algérien scruta le troupeau et choisit le meilleur mouton, soit le bélier qui dirige le troupeau et féconde les brebis.

    L’ami de l’Algérien s’étonne de ce choix exagéré et non justifié. Il réagit en avouant à l’Algérien qu’il vient finalement de comprendre la cause de la situation désastreuse en Algérie : «On sacrifie les meilleurs éléments qu’il faut au contraire préserver.»

    Expressions-clés : destruction, sabotage, élimination des compétences.

    7)- Une Corruption sans Limites

    Deux ministres des Affaires étrangères, l’un italien et l’autre algérien se rendent mutuellement visite. La première visite est celle du ministre algérien en Italie. Son homologue le reçoit, puis l’invite dans sa maison personnelle. Une belle villa spacieuse et bien tenue avec jardin et piscine. Le ministre algérien envieux de ce joli décor lui posa une bien curieuse question. «Mon ami, comment as-tu pu avoir cette maison, elle semble onéreuse et au-delà de ton salaire de ministre.» Et au ministre italien de lui chuchoter dans l’oreille : «Chut, soit discret, voici le secret : regarde ce tronçon d’autoroute, j’ai détourné 5% de sa valeur pour construire cette belle villa.» Réciproquement, lors de la visite du ministre italien en Algérie, il fut reçu puis invité dans la maison personnelle du ministre algérien. Le ministre italien est vraiment choqué de se retrouver dans un vrai château, de loin bien plus somptueux que sa villa. Il demanda discrètement des explications à son homologue. Et à ce dernier de répondre : «Chut, regarde par là, tu vois ce terrain vague. Là, il devrait y avoir un tronçon d’autoroute mais j’ai détourné tout le budget pour construire cette maison.»

    Expressions-clés : corruption, avidité, prédation.

    8)- Kaddour en France

    Un commun des mortels algériens qui s’appelle Kaddour va en visite en France. Il se promène dans la ville où il se trouve. Cependant, il ne peut s’empêcher de comparer tout ce qu’il voit par rapport à sa ville en Algérie. Comme résultat, il n’en finit pas de s’étonner en constatant que tous les éléments de cette ville française sont bien meilleurs que ceux de chez lui. Le bus est propre et arrive à l’heure. Les trottoirs sont bien faits et les espaces verts bien entretenus. Les gens se respectent et ne se bousculent pas. La médecine est très bonne, etc.

    Il finit par être totalement exaspéré et même vexé. Et, question de principe, il jura qu’il ne se reposerait pas avant de trouver au moins un défaut dans cette ville française. Il se mit alors à la recherche de défauts. Il regarda partout et observa tout, mais en vain. Il décida de visiter même les cimetières. Ainsi, il entra dans un cimetière et commença à rechercher le moindre indice d’imperfection.

    Et là, il regarda une tombe et lit sur son écriteau : M. Albert G., né en 1940, décédé en 1990, a vécu 10 ans ! Erreur ? Sur l’écriteau d’une autre tombe, il lit : Mme Viviane D, née en 1920, décédée en 2000, a vécu 5 ans !
    Erreur ? Il constata des erreurs du même genre sur tous écriteaux. Enfin, c’est gagné, voici un grand défaut, en déduit-il. Ces gens-là ne savent même pas compter.

    Finalement, convaincu de l’erreur et très satisfait de sa découverte, il alla demander confirmation de cette bêtise auprès du responsable du cimetière. Et à ce dernier de lui expliquer : «Dans ce cimetière, on n’inscrit sur les écriteaux que le cumul des journées vécues dans le bonheur, mais pas la durée de vie totale». Suite à cette explication, l’Algérien se trouva déstabilisé. Il demanda humblement au gardien du cimetière : «Puisque c’est ainsi, s’il vous plaît, quand je mourrai, je voudrai être enterré ici, et qu’il soit inscrit sur mon écriteau : «Kaddour BenAmor n’a pas connu une minute de bonheur depuis sa naissance à son enterrement».

    Expressions-clés : entêtement à se mesurer aux autres, envie, jalousie, dépréciation de soi.

    Une Visite dans un petit Douar

    Je voudrais conclure cette série de blagues par une petite histoire vraie. Il y a environ trois années, on est partis, un cousin et moi, prendre l’air dans des montagnes très isolées du Constantinois du côté des villages de Tamlouka et de Aïn Abid. On recherchait la paix loin de l’encombrement qui caractérise la ville de Constantine. On s’est aventurés dans des zones très isolées par des pistes dont certaines parties sont pratiquement impraticables. Par le hasard des événements, on a été surpris par une averse et notre véhicule fut coincé dans une cuvette escarpée avec un risque de dérapage et de renversement du véhicule. On a abandonné le véhicule et on a essayé de nous en sortir en marchant à pied dans des montagnes très caillouteuses. On arriva dans un petit douar formé de très peu de maisons. On demanda à quelqu’un de la région qui disposait d’un tracteur de bien vouloir extraire notre véhicule de la cuvette et de le ramener. En attendant, on engagea avec un jeune homme du douar une discussion à propos de choses et d’autres concernant ce douar.

    Au retour vers Constantine, quelques évidences dans nos esprits changèrent. De l’idée innocente que vivre dans un douar, c’est la vie tranquille car peu de gens, donc peu de problèmes. Il se trouva qu’au cours de la discussion, grand fut notre étonnement en notant le nombre élevé, la nature, la complexité et la gravité des conflits opposant les quelques personnes résidant dans ce petit douar. C’est incroyable et c’est tout simplement insoutenable. C’est pire que dans les villes. Mais, à bien analyser les histoires racontées par ce jeune homme et à méditer sur la question, tout cela est dit par ces blagues.



    Par Abdelouahab Zaatri
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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