Devant le désarroi et le défaitisme ambiants, de temps à autre une blague émerge et se propage rapidement dans l’ensemble de la société. Les blagues peuvent être de différents genres selon les intentions : éducatives, politiques, amusantes, etc.
Dans ce texte, je présente une sélection de quelques blagues qui sont devenues, pendant ces dernières 15 années, très populaires. Elles sont à consonance sociopolitique avec un aspect critique mais surtout autocritique en rapport avec le citoyen dans sa société.
Les citoyens se reconnaissent dans ces blagues et en déduisent aisément leur signification. Comme le rêve traduit symboliquement des conflits personnels, les blagues semblent offrir un mécanisme d’expression de conflits sociopolitiques.
Anonymes, construites avec art, à transmission orale, courtes à retenir et à raconter, ces blagues populaires provoquent un rire ou un sourire cathartique suivi généralement d’un acquiescement troublant car dévalorisant dans notre contexte.
Elles expriment avec humour et dérision les déséquilibres, les crises et les conflits personnels et sociaux persistants. Elles révèlent des comportements caractérisés par la haine de soi et des autres, l’envie, la lâcheté, la trahison, l’hypocrisie, etc.
En conclusion, ces blagues reflètent l’état d’esprit d’une société en désarroi, sans contrôle sur sa propre situation et sa destination. Une société soumise à un système de domination du type colonialiste, totalitaire et inamovible devant lequel la seule attitude défensive semble être l’effacement et le fatalisme.
1)- Un œil pour deux Yeux
Un concours consiste en ceci : on demande à des citoyens de différentes nationalités de faire un vœu pour soi, sachant que son concitoyen obtiendra le double de l’objet souhaité. Les réponses sont les suivantes : l’Américain demande une grande entreprise, le Français demande une belle maison, l’Algérien demande qu’on lui ôte un œil.
Expressions-clés : la haine, la jalousie, l’envie, l’animosité, l’aversion envers ses concitoyens
2)- L’Eléphant a besoin d’une éléphante
Dans une certaine contrée, un roi fit venir un éléphant. Ce dernier commença à nuire aux villageois en écrasant tout ce qui se trouve sur son chemin : cultures, magasins, etc. Ne pouvant supporter cette situation, les villageois cherchèrent un moyen pacifique pour se plaindre au roi et demander le retrait de l’éléphant en question. Sachant que le roi est très sévère, ils contactèrent un homme connu pour son courage et lui demandèrent de leur servir de leader pour porter ensemble le message au roi. Il accepta. Le lendemain, un groupe d’une quarantaine de personnes se forma et prit le départ vers le château du roi, notre homme courageux au-devant. Cependant, chemin faisant, les membres du groupe se débinèrent progressivement. En arrivant à l’entrée du château, l’homme courageux se retourna et, oh surprise, il se retrouva seul face au roi. Se relevant de sa surprise, il répondit au roi qui lui demanda de dévoiler l’objet de sa visite : «Monseigneur, pour le bien-être de votre bien-aimé éléphant, la population vous suggère de lui adjoindre une éléphante.»
Expressions-clés : la lâcheté, traîtrise,
déloyauté.
3)- Les Loups de chez nous et pas ceux des autres
Deux communes A et B sont voisines. Un âne de la commune A se baladant entra par hasard dans la commune B où il décéda près de la frontière. Un groupe de personnes de A le recherchant trouva son cadavre dans la commune B. Bien que mort, ces personnes décidèrent quand même de déplacer le cadavre de l’âne pour le rejeter à l’intérieur de la commune A.
Un jeune homme de ce groupe trouva cette démarche insensée et posa la question sur l’utilité d’un tel comportement. La réponse : «Il est préférable qu’il soit mangé par les loups de chez nous que par ceux de la commune B.»
Expressions-clés : le racisme, le régionalisme, égoïsme extrême, la négation de l’autre.
4)- C’est le pigeon qui désigne le roi
Deux Algériens A et B envisagent un long voyage. Ils prennent la route vers une destination lointaine, disons La Mecque. A mi-
chemin, ils firent une halte dans une ville pour se reposer. La ville est accueillante, les gens sympathiques et il fait bon d’y vivre. Mais, le lendemain, voulant poursuivre leur chemin, on leur interdit, oh surprise, de quitter la ville. La raison invoquée est sérieuse : le roi est mort et la tradition dans cette contrée veut que personne ne quitte cette ville jusqu’à la désignation d’un nouveau roi. La procédure de désignation du nouveau roi est toute simple. Tous les hommes se trouvant dans cette ville sont d’office candidats. Il s’agit de lâcher un pigeon et le nouveau roi sera la personne sur laquelle le pigeon va aller se poser. Ainsi, la procédure lancée, l’Algérien A est l’élu qui deviendra le nouveau roi. Il s’y installa et son ami B continuera son voyage vers La Mecque. Quelques mois après, lors de son retour, il repassa près de cette ville et décida de s’y reposer et d’en profiter pour rendre visite à son ami désormais roi de cette ville. Mais, oh surprise, la ville semble moins accueillante, les gens inquiets et les conditions de vie troubles.
Il s’étonna, visita son ami et chercha une explication auprès de lui. Et à son ami roi de lui répondre que «la dégradation de la situation dans cette ville ne vient pas de moi en tant que roi, mais de cette population qui est fondamentalement mauvaise. Nous savons tous deux que tu es le bon et moi le mauvais. C’est la volonté d’Allah qui a voulu que le pigeon atterrisse sur mon épaule, moi le mauvais. Et si cette population était bonne, le pigeon aurait atterri sur ton épaule, toi le bon. Donc, Allah a désigné pour cette mauvaise population la mauvaise personne qui lui convienne.»
Expressions-clés : le fatalisme, la dépréciation de soi.
5)- Pouvoir et Autorité à tout prix
Dans un petit village, un homme ne trouve pas de quoi s’occuper ni par quoi se valoriser. Comme il fréquente la mosquée du village, l’imam lui propose de superviser la zone des ablutions. Heureux, l’homme accepta son nouveau rôle. Il emmena deux récipients pour les ablutions : un de couleur bleue et l’autre de couleur rouge.
Il commença son travail en instaurant une règle très simple. Si un fidèle prend le récipient bleu pour ses ablutions, notre homme le lui refuse et lui ordonne d’utiliser le récipient rouge. Et inversement si le fidèle prend le récipient rouge. Bien entendu, les fidèles ne trouvent aucune différence à utiliser l’un ou l’autre de ces récipients et ne protestèrent guère.
Ainsi, l’homme trouva une méthode efficace pour commander les fidèles. Et dans ses prières, il n’oublie pas de remercier Dieu de lui avoir offert un tel pouvoir et la possibilité d’exercer une autorité sur quiconque viendra faire les ablutions.
Expressions-clés : la dictature, l’esprit autoritaire, valorisation par tous les moyens.
Dans ce texte, je présente une sélection de quelques blagues qui sont devenues, pendant ces dernières 15 années, très populaires. Elles sont à consonance sociopolitique avec un aspect critique mais surtout autocritique en rapport avec le citoyen dans sa société.
Les citoyens se reconnaissent dans ces blagues et en déduisent aisément leur signification. Comme le rêve traduit symboliquement des conflits personnels, les blagues semblent offrir un mécanisme d’expression de conflits sociopolitiques.
Anonymes, construites avec art, à transmission orale, courtes à retenir et à raconter, ces blagues populaires provoquent un rire ou un sourire cathartique suivi généralement d’un acquiescement troublant car dévalorisant dans notre contexte.
Elles expriment avec humour et dérision les déséquilibres, les crises et les conflits personnels et sociaux persistants. Elles révèlent des comportements caractérisés par la haine de soi et des autres, l’envie, la lâcheté, la trahison, l’hypocrisie, etc.
En conclusion, ces blagues reflètent l’état d’esprit d’une société en désarroi, sans contrôle sur sa propre situation et sa destination. Une société soumise à un système de domination du type colonialiste, totalitaire et inamovible devant lequel la seule attitude défensive semble être l’effacement et le fatalisme.
1)- Un œil pour deux Yeux
Un concours consiste en ceci : on demande à des citoyens de différentes nationalités de faire un vœu pour soi, sachant que son concitoyen obtiendra le double de l’objet souhaité. Les réponses sont les suivantes : l’Américain demande une grande entreprise, le Français demande une belle maison, l’Algérien demande qu’on lui ôte un œil.
Expressions-clés : la haine, la jalousie, l’envie, l’animosité, l’aversion envers ses concitoyens
2)- L’Eléphant a besoin d’une éléphante
Dans une certaine contrée, un roi fit venir un éléphant. Ce dernier commença à nuire aux villageois en écrasant tout ce qui se trouve sur son chemin : cultures, magasins, etc. Ne pouvant supporter cette situation, les villageois cherchèrent un moyen pacifique pour se plaindre au roi et demander le retrait de l’éléphant en question. Sachant que le roi est très sévère, ils contactèrent un homme connu pour son courage et lui demandèrent de leur servir de leader pour porter ensemble le message au roi. Il accepta. Le lendemain, un groupe d’une quarantaine de personnes se forma et prit le départ vers le château du roi, notre homme courageux au-devant. Cependant, chemin faisant, les membres du groupe se débinèrent progressivement. En arrivant à l’entrée du château, l’homme courageux se retourna et, oh surprise, il se retrouva seul face au roi. Se relevant de sa surprise, il répondit au roi qui lui demanda de dévoiler l’objet de sa visite : «Monseigneur, pour le bien-être de votre bien-aimé éléphant, la population vous suggère de lui adjoindre une éléphante.»
Expressions-clés : la lâcheté, traîtrise,
déloyauté.
3)- Les Loups de chez nous et pas ceux des autres
Deux communes A et B sont voisines. Un âne de la commune A se baladant entra par hasard dans la commune B où il décéda près de la frontière. Un groupe de personnes de A le recherchant trouva son cadavre dans la commune B. Bien que mort, ces personnes décidèrent quand même de déplacer le cadavre de l’âne pour le rejeter à l’intérieur de la commune A.
Un jeune homme de ce groupe trouva cette démarche insensée et posa la question sur l’utilité d’un tel comportement. La réponse : «Il est préférable qu’il soit mangé par les loups de chez nous que par ceux de la commune B.»
Expressions-clés : le racisme, le régionalisme, égoïsme extrême, la négation de l’autre.
4)- C’est le pigeon qui désigne le roi
Deux Algériens A et B envisagent un long voyage. Ils prennent la route vers une destination lointaine, disons La Mecque. A mi-
chemin, ils firent une halte dans une ville pour se reposer. La ville est accueillante, les gens sympathiques et il fait bon d’y vivre. Mais, le lendemain, voulant poursuivre leur chemin, on leur interdit, oh surprise, de quitter la ville. La raison invoquée est sérieuse : le roi est mort et la tradition dans cette contrée veut que personne ne quitte cette ville jusqu’à la désignation d’un nouveau roi. La procédure de désignation du nouveau roi est toute simple. Tous les hommes se trouvant dans cette ville sont d’office candidats. Il s’agit de lâcher un pigeon et le nouveau roi sera la personne sur laquelle le pigeon va aller se poser. Ainsi, la procédure lancée, l’Algérien A est l’élu qui deviendra le nouveau roi. Il s’y installa et son ami B continuera son voyage vers La Mecque. Quelques mois après, lors de son retour, il repassa près de cette ville et décida de s’y reposer et d’en profiter pour rendre visite à son ami désormais roi de cette ville. Mais, oh surprise, la ville semble moins accueillante, les gens inquiets et les conditions de vie troubles.
Il s’étonna, visita son ami et chercha une explication auprès de lui. Et à son ami roi de lui répondre que «la dégradation de la situation dans cette ville ne vient pas de moi en tant que roi, mais de cette population qui est fondamentalement mauvaise. Nous savons tous deux que tu es le bon et moi le mauvais. C’est la volonté d’Allah qui a voulu que le pigeon atterrisse sur mon épaule, moi le mauvais. Et si cette population était bonne, le pigeon aurait atterri sur ton épaule, toi le bon. Donc, Allah a désigné pour cette mauvaise population la mauvaise personne qui lui convienne.»
Expressions-clés : le fatalisme, la dépréciation de soi.
5)- Pouvoir et Autorité à tout prix
Dans un petit village, un homme ne trouve pas de quoi s’occuper ni par quoi se valoriser. Comme il fréquente la mosquée du village, l’imam lui propose de superviser la zone des ablutions. Heureux, l’homme accepta son nouveau rôle. Il emmena deux récipients pour les ablutions : un de couleur bleue et l’autre de couleur rouge.
Il commença son travail en instaurant une règle très simple. Si un fidèle prend le récipient bleu pour ses ablutions, notre homme le lui refuse et lui ordonne d’utiliser le récipient rouge. Et inversement si le fidèle prend le récipient rouge. Bien entendu, les fidèles ne trouvent aucune différence à utiliser l’un ou l’autre de ces récipients et ne protestèrent guère.
Ainsi, l’homme trouva une méthode efficace pour commander les fidèles. Et dans ses prières, il n’oublie pas de remercier Dieu de lui avoir offert un tel pouvoir et la possibilité d’exercer une autorité sur quiconque viendra faire les ablutions.
Expressions-clés : la dictature, l’esprit autoritaire, valorisation par tous les moyens.
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