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LE MYSTERE HOUARI BOUMEDIENE -Spécial

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  • LE MYSTERE HOUARI BOUMEDIENE -Spécial

    Écrit par Abdelmadjid KAOUAH

    Houari Boumediène, à l’instar de son mystère, a disparu d’un mal mystérieux, laissant derrière lui une œuvre inachevée, aussitôt révisée par ses héritiers. Quarante ans après, son destin attend encore ses historiens et le jugement de l’histoire.

    L’homme sans cravate du premier gouvernement de l’Algérie indépendante. C’est la première image que Houari Boumediène donnait de lui au lendemain de l’indépendance, après avoir quitté son treillis de colonel de la guerre de libération nationale. On ne le verra plus en uniforme. Ministre de la Défense nationale, vice-président de la RADP, et véritable deus ex machina du pouvoir algérien… Il sera le tombeur (annoncé ?) de Ben Bella, mythe vivant qui disparaîtra durant une quinzaine d’années des écrans du monde. Il fallait sûrement une grande force de caractère pour prendre la tête du putsch du 19 juin 1965. A ce propos, il n’y a guère de documents fiables ni d’ouvrages substantiels. Des rumeurs. Matière abondante jusqu’à aujourd’hui en guise de couverture et de décryptage de la vie politique algérienne. De Boumediène, l’opinion publique nationale, les observateurs internationaux, se perdaient déjà en conjectures. L’apparence austère, le verbe rare, passable orateur mais fin connaisseur des appareils. Plus tard, il sera plus emphatique. Mohamed Boukharouba, né à Héliopolis en 1932 (tel était son véritable nom d’état civil). «Je suis né le jour où je suis entré dans la Révolution». D’abord, les massacres du 8 Mai 1945, dont il fut le témoin à l’âge de 13 ans. «Ce jour-là, avoue-t-il, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé». Dans le monde colonial, le fils de petit paysan ruiné qu’il était sut, très vite qu’il était voué à être relégué comme citoyen de seconde zone. Le jeune Mohamed Boukharouba, dénommé le «Suédois» à cause de sa tignasse blonde et ses yeux verts, avait pris le départ d’abord pour Tunis et de là, traversant le désert libyen en auto-stop, il rejoignit le Caire en 1950, où il passera, quatre années suivant des études à Al Azhar, dans le dénuement et dans une discrétion dont il avait le secret. Selon Ania Francos et J-P. Séréni dans leur livre «Un Algérien nommé Boumediène» (Stocks, collection «Les Grands Leaders », 1976), il refusa de «se mêler aux intrigues de ceux qu’il appelle déjà dédaigneusement les politiciens». Au Caire, il est en contact avec une effervescence politique après le renversement du roi Farouk qui s’alimente aussi bien des courants du baâthisme, de l’arabisme, de l’islamisme, voire de variantes du marxisme. Il montre un certain intérêt à l’endroit de ce «curieux bain idéologique»… Ayant rejoint l’ALN, il en gravira rapidement les échelons hiérarchiques. Dès 1957, il accède, à 25 ans, au grade de colonel de Wilaya.

    Discret, tacticien
    Les versions et les commentaires divers de cette ascension ont le plus souvent fleuri après l’indépendance. Il est certain que ses capacités tactiques, sa détermination «machiavélienne» dans les querelles intestines étaient redoutables. D’autant plus qu’il disposera de «l’armée des frontières », puissamment équipée. Elle sera, sous sa férule, à l’issue de l’été 62, de toutes les discordes, Ben Bella premier président – très provisoirement - de l’Algérie indépendante. Il sera écarté par son vice-président et un énigmatique conseil de la révolution pour sa propension au «narcissisme politique et l’amour morbide du pouvoir», selon la proclamation du 19-Juin que lira un Boumediène avec une gravité qui sera longtemps sa marque de fabrication. «Personne n’a le droit d’accaparer un peuple et ses morts», dira-t-il à un journaliste étranger. On ne manquera pas, plus tard, de lui renvoyer son message. Deux ans après le 19 juin, il est toujours cet homme épris de discrétion, de secrets, dépersonnalisant le pouvoir. Dédaigneux des honneurs au point de faire écrire à Jean Lacouture : «… Au culte de la personnalité avait succédé le culte de l’anonymat». Les comparaisons et les clichés pleuvent dans la presse internationale. «Il sourit et ce sourire, chaque fois, étonne sur ce long visage osseux aux pommettes saillantes, au front très haut. Il donne tout à coup sa jeunesse à cet homme mince, sec, qu’une sorte d’immobilité intérieure- peut-être celle du paysan algérien- placé hors du temps». On enfile les comparaisons : ascète, moine soldat… Le président Boumediène est toujours un homme secret qui décourage les ragots et a su obtenir que l’on ne parle de sa vie que dans ce qu’elle a de public », écrivait Hubert Nyssen dans « L’Algérie en 1970 » (Ed. Arthaud).
    En ces premières années de « redressement révolutionnaire», Houari Boumediène tient à préciser : «Je ne suis pas un zaïm», en stipulant : «Je ne veux pas qu’on m’aime, je ne veux pas qu’on m’applaudisse, je ne demande rien.» (Le Monde du 23/06/1996). Ce qui l’intéresse, c’est la construction d’une Algérie nouvelle, moderne en procédant par méthode. La construction de cet Etat n’est pour autant un meccano désincarné et sans essence idéologique : «L’Etat que Boumediène entend construire ne se réduit pas en un complexe politico-militaro-administratif sans couleur particulière, il se veut aussi et surtout populaire et socialiste.» Un socialisme pragmatique : «… J’estime que tous les socialistes de par le monde s’accordent sur un certain nombre de principes fondamentaux qui sont l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la majorité par la minorité, l’action pour l’établissement de l’égalité et de la véritable justice sociale. Si ces principes constituent le sens profond, l’essence et la philosophie même du socialisme, alors nous sommes socialistes.» Tout en ne manquant pas à chaque fois de
    spécifier : «… Notre socialisme ne doit pas nous éloigner de notre passé.» Il ajoute dans un discours en 1970 : «L’Islam a pour principale vocation de faire régner la justice. Le Prophète n’a jamais été propriétaire de quoi que ce soit, il a toujours vécu comme le plus humble des croyants. »

    Socialisme, industrie, un schéma théorique brillant, mais...
    Il dira fortement plus tard, lors de la conférence des pays islamiques de Lahore, que les pauvres ne doivent pas aller au paradis le ventre vide sur terre !
    L’industrialisation fut aussi son cheval de bataille. Il voulait que l’Algérie produise de l’acier et se dote de sa propre industrie au lieu d’importer avec ses devises du beurre, incapable qu’elle serait, dira-t-il dans une boutade, de produire même des boutons de vêtement… « Industrie industrialisante » devant avoir un effet d’entraînement dans le développement d’une agriculture moderne. Le schéma théorique était brillant, sur le terrain les résultats, surtout après la mort de Boumediène, s’avérèrent moins probants, voire problématiques. Ainsi des « Mille villages agricoles » dont il voulait parsemer les campagnes comme l’embryon de la modernité sociale attendue dans les coins les plus reculés du pays… Or, sa volonté politique se heurtait aux rouages d’une bureaucratie plus encline à se servir qu’à servir la haute idée qu’il se faisait de l’Etat algérien. Les privilèges et la petite corruption commençaient à faire tâche d’huile dans le système, structurant une « néo-bourgeoisie » à l’affût... Dans un discours retentissant aux cadres, Boumediène dénonçait tout haut, à la fin de son règne, la corruption, la grande comme la petite, celle qui consistait à mettre au moins un doigt dans le « miel » public et promettait le châtiment du plus obscur bureaucrate au ministre. Paroles de fin de règne ? On avait comme l’impression que Boumediène jouait une course contre la mort, bâtir, construire, sans trop faire attention aux obstacles qu’il estimait secondaires ; il était comme possédé par l’idée de la « Ligne générale » d’une révolution avançant comme un char triomphal… Mais les termites ne perdaient pas pour autant leur temps.

    Malgré divers obstacles et censures…
    Un vieux compagnon rapportait qu’un jour, à la fin de sa vie, Boumediène l’invita à admirer un arbre. De loin, lui dit-il, regarde comme il paraît beau. Rapproche-toi et voit les termites qui le dévorent… Métaphore de l’état du pays. Sur le plan de la vie culturelle, quelques hauts lieux et réalisations donnaient à l’Algérie un prestige international. La cinémathèque algérienne, les grands symposiums politiques et culturels internationaux ponctuaient la vie culturelle. L’édition et l’importation d’ouvrages ainsi qu’un riche réseau de librairies à travers le pays s’offraient au lecteur. Mais étaient encore sous monopole d’Etat, dans un pays régi par le Parti unique, comme dans de nombreux pays du Tiers-monde à l’époque et dont le progressisme ne se formalisait pas avec les fondements du pluralisme, tenu par une étroitesse idéologique comme un apanage bourgeois. Tout dans la Révolution, rien hors de la Révolution ! Tel était le slogan bien en vogue dans les années 70. Cependant, le livre, comme les produits alimentaires de base, était soutenu. Malgré divers obstacles et censures qui ne disaient leur nom, Kateb Yacine parcourait avec son théâtre populaire le pays profond, sans craindre de lancer de temps autre, après avoir vilipendé l’impérialisme et la réaction, une diatribe contre le pouvoir. D’autres étaient contraints à publier à l’étranger. Et pour une œuvre vraiment subversive, lue quand même au pays sous le manteau, comme un certain temps les romans de Rachid Boudjedra, il pouvait s’écouler aussi à l’étranger des écrits si confidentiels qu’ils paraîssaient imaginaires (Cf. Les Folles nuits d’Alger). Dans l’édition, la langue arabe prenait le pas, tandis que des rimailleurs courtisans s’engouffraient dans les rotatives. Mostéfa Lacheraf, revenu de son exil dès 1965, était le conseiller culturel du président Houari Boumediène. Il en fera, hélas tardivement, un ministre iconoclaste de l’Education nationale et Rédha Malek, son ministre de l’Information et de la Culture… Ils ne le restèrent pas longtemps d’ailleurs après la mort de Boumediène…

    Entre admiration et ressentiment, mais jamais indifférent
    La démarche et les éléments de doctrine de la pensée de Boumediène traduites sur le terrain trouveront leur consécration dans l’adoption de la Charte nationale après un débat sans précédent durant un mois à travers le pays. Entre l’avant-projet et le texte final, il y aura eu un consensus laborieux au sein des hautes sphères du pouvoir… Dans la foulée du référendum constitutionnel du 19 novembre 1976, Houari Boumediène, candidat unique est élu président de la République, le 10 décembre 1976. Deux ans plus tard, il est emporté par un terrible mal fulgurant, laissant le pays dans l’expectative et dans les luttes de pouvoir qu’il pensait tranchées. Il en fut pour l’Algérie comme pour d’autres pays, qui connurent des expériences progressistes dirigées par des hommes providentiels. Ils emporteront avec eux dans leur tombe leurs rêves de grandeur. Houari Boumediène pour avoir été au cœur du pouvoir des premières années de l’indépendance a marqué une génération aujourd’hui septuagénaire, qui nourrit à son endroit des sentiments contradictoires. Entre l’admiration et le ressentiment. Mais jamais indifférents. Et qui ne sont pas de la même nature que pour ses aînés sourds à tout ce qui n’était pas le linge sale à laver surtout en famille. Sous Boumediène, les premières promotions universitaires virent le jour. En dépit des méfiances et des sectarismes, une jeune génération a pu aussi monter à l’assaut du ciel avec le volontariat pour la révolution agraire, l’industrialisation, l’éradication du féodalisme. Autant d’horizons qui peuvent paraître difficilement déchiffrables dans une Algérie qui a connu par la suite des récessions éprouvantes et des printemps sanglants, où la violence intégriste a imprégné en profondeur la société et où la quête identitaire et l’affirmation pluraliste sont devenues un besoin irrépressible des nouvelles générations.
    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    La culture et les années Boum

    Écrit par Ahmed BEDJAOUI

    Il n’est pas aisé de parler de l’ère Houari Boumediène sans risquer de tomber dans la caricature. Aujourd’hui encore, le « zaïm » a de très nombreux adeptes nostalgiques du temps de la fermeté, des privations et des nationalisations. Il est aussi bien la figure emblématique des fondamentalistes islamistes qui en gardent le souvenir de celui qui a instauré le week-end du jeudi-vendredi, que des « révolutionnaires » pour qui Boumediène a incarné le socialisme à l’algérienne.

    Mon premier contact (très indirect) avec le couple Ben Bella-Boumediène advint à Tlemcen à l’été 62. Un été très chaud et très sec dans tous les sens du terme. Pour moi, ce fut aussi l’année du bac.
    A peine le temps de profiter des premières journées de plage et déjà de bruits de bottes. L’armée des frontières, harnachée et équipée de pied en cape, franchit la frontière et arrive à Tlemcen. Mais tandis que certains « marsiens » paradaient le soir sur les places de Tlemcen, en uniforme et le pistolet à la hanche, nous apprenions la mort de nos camarades partis en même temps qu’eux. Les maquisards éprouvés et couverts de gloire revenaient dans leurs foyers dans la plus grande discrétion. Beaucoup d’entre eux racontaient qu’ils avaient entendu les nouvelles du cessez-le-feu grâce au transistor, le plus puissant des mass-médias de l’époque. Bien plus tard, nous apprîmes que le chef d’état-major de l’ALN, à la tête de ces troupes fringantes, était un certain Houari Boumediène. Homme discret, homme invisible. Nous n’avions jamais auparavant entendu parler de ce chef aux joues creuses et au regard de feu. Boumediène, on l’avait aperçu aux côtés de Ben Bella lors d’un meeting au stade de Tlemcen. Ces deux-là semblaient partager alors une connivence souriante.
    Sur nos sentiments au sortir de cet été de toutes les incertitudes, je reprendrai une phrase d’Éluard : « J’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il a fait en partant ». Pour nous, le bruit était celui des bottes. Quand le rêve s’effrite avant vos vingt ans, c’est déjà une partie de votre droit au bonheur qui part avec. La prophétie de mon vieux militant de père commençait déjà à prendre tout son sens.
    Le 19 juin, nous apprenions que Houari Boumediène et ses proches avaient arrêté Ahmed Ben Bella et dissous toutes les instances gouvernantes, pour les remplacer par un Conseil de la Révolution. Je faisais partie des étudiants qui se sont élevés contre ce coup d’Etat militaire présenté par ses supporters comme un acte de « redressement historique ». Mais au fond de moi, je me disais qu’après tout, Ben Bella s’était bien prêté à un coup de force contre le GPRA. En somme, un premier coup d’Etat qui s’était déroulé à Tlemcen sous mes yeux, avant mes vingt ans. Drôle de façon d’aborder les rêves de jeunesse !
    Certains des dirigeants de l’UNEA ont été arrêtés ou contraints à la clandestinité, comme beaucoup de dirigeants communistes. Selon les mauvaises langues, la paix en forme de modus vivendi avait été négociée avec Boumediène par des « camarades ». En contrepartie, les secteurs de la culture et de l’information auraient été largement laissés comme terrains de chasse aux Pagsistes[1]. Cette concorde passée expliquerait la remarquable marge de liberté dont les gens de culture et les journalistes marxistes ont pu jouir sous Boumediène. Mais alors, gare à ceux qui dans le secteur ne faisaient pas acte d’allégeance aux « camarades » devenus militants inconditionnels du socialisme à la Boumediène ! Même ceux qu’il avait persécutés ne juraient plus que par lui, par sa Révolution agraire et sa ligne dure. En réalité, si Boumediène était un zaïm impitoyable avec ses adversaires politiques, il avait un penchant pour la culture et tolérait la critique pour autant qu’elle ne le remette pas en cause.
    Sortis de la guerre, les cinéastes algériens ont continué à évoluer dans un discours socialiste mais, une fois les citadelles prises d’assaut, le contenu militant a vite été submergé par le rêve hollywoodien, incarné par le désir irrépressible de monter sur le tapis rouge recouvrant les marches conduisant au palais du Festival de Cannes. On le voit, la reconnaissance a été d’emblée recherchée dans le regard de l’autre, l’ancien colonisateur.
    Le parc des salles héritées du colonialisme avait commencé à être grignoté dès 1962. A Alger, une salle à la rue Charras, avait été affectée à l’université et une autre, rue Horace-Vernet, à l’Office du travail. Il existe toujours de bonnes raisons de dépecer le cinéma. Sur les 450 salles existantes en 1962, environ 400 ont continué à fonctionner sur des bases commerciales, jusqu’à la fin de l’ère Boumediène. Elles généraient des recettes remarquables, tant la fréquentation y était assidue. Le système fiscal en vigueur voulait que 14% du montant de chaque billet vendu soit versé dans une caisse qui alimentait le Fonds d’aide technique et industriel du cinéma (FDATIC). Cette part de la recette suffisait à financer l’ensemble de la production cinématographique algérienne, y compris les gros budgets comme « L’Opium » ou « Chronique ». Elle couvrait également les frais de fonctionnement de l’ONCIC et de l’OAA. Ainsi le cinéma était riche. Autant dire que le cinéma d’Etat est une pure légende, puisque ce sont les spectateurs payants qui finançaient la production et étaient donc en droit d’attendre en retour des films de qualité. Il n’empêche que le cinéaste des années Boum tenait leur légitimité de leur public et pas des largesses des aides publiques, comme c’est le cas aujourd’hui. Le cinéma était basé sur des métiers comme l’exploitation des salles, des distributeurs expérimentés, des inspecteurs assermentés qui vérifiaient les billets dans les salles, etc. Tous ces métiers ont disparu aujourd’hui. Envolés, jamais retrouvés.
    Il ne reste plus que six salles avec guichet dans toute la capitale, et le plus souvent, les films algériens sont vus par une liste d’invités, toujours la même, avant d’entrer dans une hibernation qui ne semble gêner personne.
    C’est là, le résultat pitoyable de la décision insensée de nationaliser les salles de cinéma et de les offrir à des communes comme butin de guerre. Nous avons rapidement perdu un savoir-faire qui a mené à la dégradation du parc d’exploitation. Ainsi, le socialisme « gargotier » était en marche : nationaliser des petits métiers, des boulangeries, des hôtels faisait partie de la gloire militante de l’après-indépendance. Un demi-siècle après, nous n’en sommes pas sortis.
    Après la nationalisation des salles et le monopole de la production, ce fut le monopole accordé en 1969 à l’ONCIC sur l’importation et la distribution des films cinématographiques. Jusque-là, les compagnies américaines avaient pignon sur rue à Alger, mais il y avait aussi des petits distributeurs algériens. Une fois la poule aux œufs d’or sacrifiée, les conséquences de cette mesure fatale pour le cinéma algérien se ressentent encore de nos jours. Un certain nombre de salles ont été rénovées, mais faute de distributeurs, elles restent cantonnées à des fonctions de centres culturels poussifs.
    On sait l’impact négatif et durable que les décisions prises par Boumediène allaient avoir sur l’avenir de l’économie du pays. Je parle de cinéma, mais d’autres pourraient évoquer la désastreuse politique démographique qui a amené, au seuil des années 90, des centaines de milliers de jeunes désœuvrés. Ou encore d’une réforme agraire bâclée qui a réveillé les souvenirs de lointaines expropriations responsables du déracinement de générations de populations rurales.
    Après sa mort, on a beaucoup parlé de réformes mais sans jamais les mettre en pratique. La culture et la communication disposaient de plus de liberté et de tolérance avant la fin des années 70. Notre rapport à Boumediène a été ambivalent et parfois ambigu. Même ceux qu’il a réprimés, se sont ralliés à lui avec ferveur, mais il faut reconnaître qu’il avait pour les arts et les artistes un respect que nous n’avons jamais connu depuis.
    Boumediène est mort, mais le système qu’il a mis en place lui a survécu. Cela explique en partie la difficulté de rompre avec le tout-Etat et le dirigisme rentier. La mort de Boumediène a été pour les Algériens un événement dramatique. On pouvait l’aimer ou le détester, le craindre ou le vénérer, mais peu d’entre nous sont restés indifférents au personnage de Boumediène. A tort ou à raison, cette période est associée au mythe de « l’âge d’or » de l’Algérie indépendante.

    [1] Les membres du parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) clandestin à l’époque

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    • #3
      «Les hommes ne veulent pas aller au Paradis le ventre creux»

      Écrit par Abdelkader DJEMAÏ, Ecrivain

      Si son ère a été entachée par un coup d’Etat militaire, les années Boumediène ont été constructives à plusieurs égards. Journaliste à La République, je me souviens de l’enthousiasme de milliers de jeunes à participer à la Révolution agraire marquée par de grandes campagnes de volontariat.

      Je me rappelle des rencontres à Club-des-Pins d’Alger pleines d’intensité, d’émotions et d’espoirs entre le Président, fils de fellahs pauvres, et les étudiants pour la plupart issus de milieux modestes. C’était, avec la même intensité, la nationalisation des hydrocarbures, les révolutions industrielle et culturelle, les débats sur la Charte nationale, la démocratisation de l’enseignement, la scolarisation massive des filles et l’introduction de la langue arabe à l’ONU. Sans oublier une politique de non-alignement, l’appel à un nouvel ordre mondial et le soutien aux mouvements de libération dans le Tiers-monde, en Palestine et au Sahara occidental. J’ai aussi en mémoire la fameuse phrase de Boumediène, prononcée à Lahore en 1974, à la Conférence des Etats Islamiques : «Les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux.» J’ajouterais, qu’en ces années-là, il me semble que la politique, en ce qui concerne Boumediène, servait à rendre le monde plus juste. Comme Ben Bella qu’il avait renversé, il ne s’est jamais enrichi personnellement et n’était pas adepte du népotisme. Cela n’est pas rien dans l’histoire d’un pays.

      Dernier titre paru : Le Jour où Pelé (éditions Barzakh, 2018)
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      • #4
        «Le pays, malgré une certaine fermeture, était ouvert à une solidarité internationale»

        Slimane Benaïssa, homme de théâtre
        Écrit par sara kherfi

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        Slimane Benaïssa, homme de théâtre : «Le pays, malgré une certaine fermeture, était ouvert à une solidarité internationale»
        Reporters : Que retenez-vous de l’époque Boumediène ?

        Slimane Benaïssa : Beaucoup de choses ! C’est toute notre jeunesse… Il est très difficile de résumer 13 ans de pouvoir Boumediène. Moi, je faisais mes études en France, boursier de l’État algérien. Entre Algériens, on se retrouvait le soir au Champollion, un bistrot de la rue des Écoles près de la Sorbonne. Le 19 juin vers 18H, Bouamari, qui faisait ses études à l’IDHEC, arrive affolé «Le Monde» à la main et nous annonce le coup d’Etat en Algérie. On a tous couru au 115, boulevard Saint-Michel qui était le siège de l’Union des étudiants maghrébins. Tous les étudiants algériens étaient-là en ébullition. On a fini par désigner un représentant pour aller voir ce qui se passait dans le pays. Le représentant est parti en anti-coup d’Etat et il est revenu en disant que nous étions à côté de la plaque, que c’est la meilleure chose qui pouvait arriver au pays depuis l’indépendance et que ce n’était pas un coup d’Etat mais un «redressement révolutionnaire». En juin 67, je ne sais sur quelle décision, on a été convoqués à l’ambassade où on nous a dit qu’on devait rentrer au pays. Personnellement, j’attendais le retour de mon frère Mohamed de Moscou où il faisait ses études. Fin mai, mon frère a soutenu sa thèse à Moscou et en juin on est rentré à Alger. A mon arrivée en juin 1967, j’ai rejoint l’équipe de «Théâtre et Culture», exactement au moment des états généraux de la culture au cours desquels il avait décidé que toute production culturelle devait être faite en arabe. Cette décision qui était brutale à l’époque a fait que beaucoup de grands talents ont quitté le domaine artistique et théâtral parce qu’ils n’étaient que francophones. L’Union des étudiants algériens était une organisation syndicale forte et complètement à gauche, puisqu’elle était la fille du parti communiste. Pour Boumediène Il fallait la mettre au pas, il n’aimait pas les extrêmes. Boumediène tapait à gauche, mais il tapait aussi à droite, il ramenait tout le monde au centre. Les années 67-69 étaient des années dures pour les étudiants, beaucoup d’arrestations avec ce que tout cela entraîne… Le service national a été décrété et quand, en 1970, la Révolution agraire a été décrétée, tout était en ordre, tous les étudiants étaient au volontariat à l’exception de certains qui étaient dans la clandestinité. Moi, j’étais dans la troisième promotion du service national et c’est quand je suis entré à la caserne que j’ai pu faire la synthèse du pays. Avant, on avait une idée fragmenté du pays. Le peuple, les intellectuels qui formaient deux catégories, les francophones et les arabophones, les technocrates (les uns à gauche, les autres baâthistes islamisants) et l’Armée qui était une inconnue mystérieuse et dangereuse... notre vision du pays était complètement déstructurée. En sortant du service national, grâce à une sorte de démystification de l’armée, j’ai compris où était la logique du pays et j’ai vu l’Algérie autrement.
        970169 000 arp1573731De quelle manière ? Qu’est ce qui a changé ?
        Découvrir que l’armée était constituée d’enfants du peuple, c’était une vraie découverte. En plus, je ne sais par quel phénomène idéologique, on considérait que tout arabisant, quel qu’il soit, était un ennemi potentiel et que chaque militaire était un ennemi déclaré. Ça relevait d’un sectarisme presque raciste…Pendant le service national, on avait des cours sur la sécurité militaire, où on nous a expliqué qu’il y avait une police politique, d’une manière assumée et à quoi elle servait. Nous sommes sortis d’une vision méta physique de l’armée vers une vision rationnelle, à savoir que l’armée est une organisation rationalisée pour sa propre survie et qu’elle est au service du pays et d’un pouvoir, d’une idéologie, d’un système de valeurs.


        Quand on comprend ça, on comprend sur quoi repose le pays. Excusez-moi s’il vous semble que je parle beaucoup de l’armée, c’est que Boumediène était colonel et qu’on était dirigé par un Conseil de la Révolution exclusivement constitué de militaires. C’était l’époque où tout a été nationalisé, pétrole, mines, banque et peuple. C’était l’époque de la création des sociétés nationales (Sonarem, Sonatrach, Sonelec…). C’était l’époque des autorisations de sortie… C’était l’époque des coup d’Etat ratés… C’était l’époque où on rencontrait à Alger les futurs grands leaders d’Afrique et d’ailleurs, d’Angola, du Portugal, les réfugiés du Chili après la chute d’Allende. J’avais comme ami Eldridge Cleaver, leader des «Black Panther» qui vivait à Alger. Le pays, malgré une certaine fermeture, était ouvert à une solidarité internationale importante pour l’époque. La corruption était rampante et commençait à apparaître avec la création des sociétés nationales, surtout que le Dinar valait à l’époque une fois et demi le franc. Sur le plan affaires étrangères, la volonté était de garder le pays au niveau de sa guerre de Libération et à cette fin, des positions très dures sur le plan international ont été prises dans le cadre des «non alignés», de «l’Opep», à l’OUA, à l’ONU. C’était l’époque où les pays récemment indépendants essayaient de s’organiser et de s’affirmer face à leurs ex-colonisateurs. L’image la plus éclatante de cette volonté était le Festival panafricain d’Alger qui, jusqu’à aujourd’hui, reste le plus grand regroupement culturel et artistique du monde… C’était le rassemblement de tous les ex-colonisés qui affirmaient dans la fête leur existence. Je me souviendrai toujours du soir où on regardait à la télévision l’alunissage américain. Juste après, je suis descendu en bas de chez moi place Audin et je vois Archie Shepp jouant du saxo avec un groupe touareg. C’était un moment exceptionnel dans ma vie, je ne savais plus où j’étais planétairement, en Algérie, en Afrique ou tout bêtement sur la lune.

        Quelle était la place de l’intellectuel à l’époque ?
        Nous, en tant qu’intellectuel, on savait très bien dans quoi on était… L’appareil du parti comme il était défini à l’époque, regroupait toutes les tendances de la gauche à la droite. C’était un parti unique mais pluriel à l’intérieur, et cette pluralité avait comme résultante la politique de l’Etat. D’ailleurs chaque ministère relevait d’une idéologie, je dirais même d’une époque idéologique. On avait une Education nationale avec une idéologie post-coloniale petite bourgeoise, le ministère du Travail à gauche, une réforme agraire qui faisait que le ministère de l’Agriculture était socialo-populiste, le ministère de l’Industrie était la véritable expression de la politique de l’Etat. Donc chaque ministère était un parti en soi. Cette manière de gérer la pluralité idéologique à susciter de nombreux débats, on débattait de tout mais en sachant que le cadre était restreint et les débordements non tolérés. Débats qui ont fini par le grand débat de la Charte nationale. Dans cette ambiance où tout un peuple cherchait sa voie, les intellectuels étaient soit au service de l’Etat soit ils n’existaient pas. La liberté était quelque chose qu’on a payé très cher. Etre intellectuel et indépendant du système signifiait pour l’Etat qu’on était forcément opposant. L’idée d’opposition constructive n’existait pas vu que le système n’avait rien de démocratique.

        Quel était le paysage culturel et artistique ?
        La culture n’était pas l’inquiétude du pouvoir qui était plus préoccupé par le développement industriel et agricole. Il se disait sur le plan culturel, ça n’ira pas loin, ils ne nous mettront pas en danger. Le cinéma était de bonne qualité mais il était maîtrisé et les thématiques presque toutes prescrites.
        L’ONCIC produisait 20 films par an et le cinéma algérien rayonnait à travers le monde. Sur le plan théâtre, le TNA produisait ses 4 pièces par an ainsi que les théâtres régionaux. Il y avait plus de 170 troupes de théâtre amateur avec un festival à Mostaganem qui leur était dédié. La vie n’était pas chère, les gens travaillaient et avait le temps de pratiquer de la musique ou autre chose… Il y avait une sorte d’aisance, il y avait la paix (on veillait jusqu’à 2H, 3H du matin), il n’y avait qu’une chaîne de télé… tout ça concourait à une certaine qualité de vie. Même si on manquait de tout parce que l’Etat importait peu de chose de l’extérieur, on ressentait ce manque mais on n’en n’était pas atteint. Nous vivions dans un univers fermé politiquent, économiquement, culturellement. Cette fermeture était rassurante pour certains et anormale pour d’autres.
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        • #5
          Kamel Bouchama, ancien ministre «Aller jusqu’à qualifier Boumediène de dictateur, c’est prendre un raccourci»

          Écrit par Nordine Azzouz

          Reporters : Avez-vous approché personnellement le président Boumediène ?

          Kamel Bouchama : Evidemment, que je l’ai approché... et plusieurs fois, au cours d’occasions assez importantes, dans le cadre de mon travail. Je n’étais pas dans son équipe de collaborateurs directs. Je n’avais ni l’âge ni les compétences, mais j’étais un jeune cadre national qui se trouvait, en de nombreuses occasions, face à lui pour des missions ponctuelles. D’ailleurs, il me connaîssait bien, comme il connaîssait tous ceux qui recevaient son agrément pour de hautes fonctions et postes de responsabilité. Et, dans ce cadre-là, je me rappelle de deux de ses «sorties» qui m’ont franchement honoré. Ce sont deux décisions me concernant et qui, après les avoir sues par de hauts dirigeants du pays, m’avaient comblé pour avoir mérité la confiance et le respect du chef de l’Etat. La première était sa position formelle concernant ma nomination en tant que Commissaire national du Parti en 1975 – comprendre le FLN, le vrai – à El Asnam (aujourd’hui Chlef), au moment où des «hiérarques» s’opposaient à la promotion des jeunes, et la seconde en 1978, pour accompagner le frère Si Mohamed-Saïd Mazouzi à Pyongyang, pour le 30e anniversaire de la fondation de la Corée du Nord. Inutile de dire le pourquoi et le comment de ces deux décisions, surtout de la deuxième. Car m’approfondir et aller dans les détails – même s’ils sont importants – m’amènerait à expliquer l’ambiance d’alors avec ses réussites – il faut le souligner – mais aussi avec ses conflits de générations, certains comportements et dépassements de responsables «zélés» qui se sont discrédités auprès des militants et du peuple et ont perdu leur autorité et influence. Cette deuxième «affaire», parce que s’en était une, je la raconte dans les détails, sous le titre « Si le mal m’était conté », dans mon livre «La partie immergée de l’Iceberg » ou « Comment le politique fonctionne », paru aux éditions de l’Enag en 1999.

          De plus, j’ai à l’esprit de nombreuses entrevues, lors de congrès ou autres manifestations, comme les inaugurations de «villages socialistes», du temps de la Révolution agraire, où je prenais langue avec lui. On se permettait, en ce temps-là, de communiquer avec notre Président dans la simplicité, l’honnêteté et la franchise du verbe. Je me rappelle de ce long et important entretien, à Bouira, lors de l’inauguration d’un village socialiste, où le Président souhaitait s’enquérir du devenir, dans le temps, de ces nouveaux villages, notamment sur les plans politique, administratif, urbanistique, social et culturel... Je sentais que la « question » le tracassait énormément. Avait-il quelques appréhensions sur le devenir de la Révolution agraire ? En tout cas, s’il en avait, le présent les confirme, puisqu’il en dit long sur cette «transformation du monde rural» que le Président a fortement impulsée, malgré les conseils avisés de Kaïd Ahmed, qui fut son fidèle ami et compagnon qui conjecturait déjà l’échec inéluctable de l’option retenue, et «qui, du fait de ses connaissances du monde rural, de l’agriculture et de l’économie, en général, avait cinquante ans d’avance ». (1)
          Je me permets, uniquement dans ce cadre-là, de dire certaines vérités que j’ai eu à connaître grâce aux témoignages de hauts responsables. Je me résumerai à un seul témoignage, celui du président Chadli Bendjedid, proche compagnon de Boumediène et de Kaïd Ahmed. Ainsi, le président Chadli Bendjedid écrit dans ses «Mémoires» : «Evidemment, j’étais pour une réforme agricole à condition qu’elle fût appliquée de façon rationnelle et réfléchie et sans toutes ces structures bureaucratiques hypertrophiées qui nous ont conduits à la catastrophe que l’Algérie a connue durant deux décennies. Bien sûr, je n’étais pas d’accord avec Kaïd Ahmed et je me suis opposé à lui, mais j’insiste pour dire, aujourd’hui, qu’il avait vu juste et que nous tous avions tort.» (2)


          Quel souvenir gardez-vous de lui et dans quelle circonstance ?

          L’un des souvenirs les plus marquants sur Boumediène, à mon avis, est celui où il est sorti de son « anonymat », ou de son « mutisme », c’est selon, deux années après son «coup d’Etat» qu’il avait appelé, avec ses compagnons du Conseil de la Révolution, « le réajustement révolutionnaire». En effet, un coup d’Etat, non approuvé et non apprécié par les jeunes, notamment les étudiants et de nombreux cadres de la JFLN – dont je faisais partie – qui, pour la plupart, furent bousculés, molestés, réprimés et... bien entendu emprisonnés sous le motif avancé par Boumediène, lui-même, justifiant «ces mesures par la nécessité de protéger la Révolution, de la remettre sur les rails en la recentrant sur les constantes nationales en désaveu des concepts et des expériences importés de l’Est... » (3)
          Ainsi, sa grande sortie de Zéralda, bien médiatisée, a été appréciée pour la première fois, évènement où il donnait, en juin 1967, le départ au front des soldats algériens, au Sinaï et à Port Saïd. « Vaincre ou mourir  ! », leur disait-il. Une réponse cinglante aux responsables de l’Egypte qui se confinaient dans des joutes oratoires, sans consistance... Et c’est là aussi, qu’«immédiatement, des centaines d’étudiants affluèrent vers les casernes et entamèrent leur formation militaire, jetant, pour la première fois depuis l’Indépendance, un pont de fraternité en direction d’une ANP au contact de laquelle ils découvrirent les qualités d’une grande école d’engagement ».(4) Et j’ajouterais, pour ma part, que c’est à partir de là que Boumediène commença à être reconnu et adulé par les Algériens, lui, qui, à ses débuts, après le coup d’Etat du 19 juin 1965, montrait lors de ses apparitions publiques ou à la télévision un visage plutôt fermé et sévère que conciliant. Son langage tranchant et son style percutant auguraient des moments difficiles pour le pays, laissant les masses indifférentes à tous les appels de changements. Cependant, ce qui transcendait du nouveau chef, comme mauvaise presse, agrémentée d’épithètes péjoratives, n’était en fin de compte qu’une fausse illusion soutenue par les circonstances de psychose après le coup d’Etat... Ainsi, ces mauvais préjugés allaient s’atténuer au fur et à mesure qu’il démontrait sa forte personnalité face aux défis nationaux ou internationaux, mettant sur la balance toute sa force et sa sagacité.
          Et parmi ces défis, il y a deux autres souvenirs forts, inoubliables. L’annonce, le 24 février 1971, de la décision de nationalisation des hydrocarbures, principale richesse du pays, et le discours aux Nations unies, du 10 avril 1974, où il dénonçait l’ordre économique mondial et son injustice. Ces deux grandes décisions, nous les avons soutenues et répandues en les relayant par deux importantes conférences internationales, organisées sous l’égide de la JFLN, une organisation de masse assidue, engagée, de même que respectée, en son temps, dans tous les pays du monde. Je tenais à souligner cela pour la jeunesse d’aujourd’hui.


          40 ans après sa disparition, son héritage ne fait pas l’unanimité. Pour certains c’était un dictateur, pour d’autres, il est l’architecte de l’Etat algérien moderne. Qu’en pensez-vous ?

          Vous savez, il est tout à fait normal – et il ne faudrait pas s’en offusquer – qu’un président de cette stature, de ce gabarit, soit différemment apprécié. Notre monde d’aujourd’hui ne pardonne aucunement à ses anciens dirigeants, même si ceux-là ont donné le maximum de leur énergie, de leur honnêteté, de leur savoir et de leur amour pour ce pays. «La critique est aisée, mais l’art est difficile», disait le comédien Philippe Néricault Destouches. Et c’est le cas, aussi, pour notre président Si Boumediène et certains de ses collègues, ceux qui furent les plus dynamiques, au sein du Conseil de la Révolution. Mais revenons à lui. Il faut tout d’abord, souligner que de son temps, le monde n’était pas autant secoué qu’il l’est aujourd’hui. Car, à l’époque, les deux « blocs » ou les deux « pôles », celui du monde socialiste et celui du monde capitaliste, avaient délimité leurs territoires et chacun gérait ses «ouailles», selon cet équilibre des forces qui s’était imposé après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, en ce qui nous concerne, nous nous rapprochions, davantage et tout naturellement, du bloc dit socialiste, même si notre politique étrangère nous rangeait parmi les pays non alignés. Un mouvement qui nous convenait parfaitement et pour lequel nous avons déployé tant d’efforts pour sa consolidation, principalement dans les pays dits du Tiers-monde.
          Cette remarque est essentielle pour comprendre dans quel environnement géopolitique international le président Boumediène était obligé de se déployer pour être en adéquation avec les exigences du temps et des espaces dans lesquels l’Algérie évoluait. Il faut également situer son action dans le cadre de la politique que notre pays s’était définie, juste après le recouvrement de notre souveraineté nationale, c’est-à-dire au sortir d’une longue nuit coloniale, où il fallait répondre immédiatement aux nombreuses tâches et priorités de l’heure sur les plans économique, social, éducatif et culturel.
          Ainsi, ce climat laborieux et diversifié de par ses challenges ne pouvait qu’exiger une force de caractère, voire une certaine rigueur doublée de fermeté et d’impartialité, chez le premier magistrat du pays. Maintenant, aller jusqu’à le qualifier de dictateur, c’est prendre un raccourci, en s’installant dans une controverse de mauvais aloi. Il est certain que le président Boumediène ne travaillait pas seul. Il avait ses proches compagnons, ses conseillers et même d’autres personnes, dans l’ombre, qui lui ficelaient quelques dossiers. En tout cas, c’est le propre de tous les chefs d’Etat dans le monde, malgré les institutions et autres organismes officiels qui leur sont rattachés pour mener à bien leurs mandats.
          Enfin, Boumediene «architecte de l’Etat algérien moderne » ? Oui, on peut dire ainsi, si l’on considère les grands pas qui ont été franchis en son temps, avec de solides et anciens militants, entreprenants, courageux, d’une grande humilité et qui avaient cette confiance inébranlable en l’avenir de leur patrie. Oui, ce fut une équipe, où émergeaient de grandes figures qui ont travaillé courageusement, inlassablement, pour asseoir les bases d’un Etat et reconquérir la souveraineté économique. Je n’ai pour preuve que l’action déterminante du ministre de l’Intérieur de l’époque, Ahmed Medeghri, un homme pragmatique et de conviction… Un grand bâtisseur de l’Administration algérienne, avec des structures décentralisées, tant au niveau de la commune que de la wilaya. L’Histoire retiendra que c’est lui, sous Boumediène, qui a organisé les grandes consultations électorales, après février 1967, pour animer et donner une base populaire à nos institutions (APC et APW). De même que c’est sous son autorité qu’ont été engagées et concrétisées toutes les décisions de refonte des limites territoriales des communes, des daïras et des wilayas.
          Dans cette énumération, je ne peux faire l’impasse sur cette décision de grande conséquence de Kaïd Ahmed, alors Argentier du pays, sous le règne de Si Boumediène. Ainsi, ce qui est particulièrement notable, durant son passage au ministère des Finances et du Plan, en plus de mesures importantes, révolutionnaires, qui nous ont permis de nous libérer d’un certain carcan hérité de la période du colonialisme, inhibant et entravant le pays depuis l’Indépendance, c’est cette opération remarquablement menée, d’achat d’une importante quantité d’or dont la valeur avait quintuplé en un temps réduit sur le marché international, et qui constitue actuellement les réserves d’or du pays, nous positionnant parmi le peloton de tête des pays détenteurs de réserves d’or. Des décennies après, j’évoque cette prouesse, remettant ainsi de l’ordre dans les souvenirs, mais surtout dans les esprits de ceux qui ont passé sous silence l’action d’un dirigeant qui a osé prendre ses responsabilités et, disait-on, défier les Etats-Unis d’Amérique.
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          • #6
            C’était cela l’Algérie de Boumediène, une Algérie en marche, qui nous donnait de l’espoir en un avenir meilleur. C’était cette Algérie qui regardait «l’horizon 1980, pour passer de l’état de pays pétrolier à celui de pays industrialisé, où notre pays commençait à prendre place dans le concert des pays développés et s’imposer comme leader dans le Tiers-Monde ». (5)
            On y croyait tellement, s’il n’y avait ces différends nés de questions de principe avec quelques hauts dignitaires, et qui s’incrustaient dans le système pour atténuer quelque peu, sinon beaucoup, l’impact de cette unité longtemps proclamée par les responsables eux-mêmes et les médias.

            On lui prête des réformes à la fin de sa vie, notamment dans les domaines économique et politique. Est-ce vrai ?

            Tout d’abord, je pense qu’il faudrait analyser le bilan de Boumediène dans sa globalité, sans parler de réformes proprement dites, tant il est vrai que, dans son esprit, tous les programmes qu’il menait prenaient cette notion de programmes particuliers, originaux, singuliers, spécifiques. Il n’est pas question, à mon avis, de morceler ou de subdiviser les étapes de sa gestion du pays, qu’elles aient été en progression ou en régression, depuis le début de sa gestion jusqu’à la fin de sa vie. Son bilan est la traduction d’une activité linéaire dans le temps. Car, dans sa conception, il appliquait le programme, ô combien laborieux, de la reconquête de la souveraineté économique, comme je l’ai déjà souligné. Dans son esprit, l’Algérie «se devait de mettre fin au plus tôt au lourd héritage légué par le colonialisme. Les Européens ayant laissé derrière eux un pays sous-développé et totalement à l’arrêt. Pour cela, il fallait mettre en œuvre une politique de développement national qui réponde aux impératifs majeurs de l’Algérie indépendante dans les sept domaines fondamentaux suivants : priorité à une industrialisation de transformation, indépendance économique, formation et emploi, valorisation des ressources, contribution au développement de l’agriculture, compétitivité internationale dans les technologies modernes et, enfin, économie de devises en mettant en avant des programmes économiques et de construction afin de consolider l’indépendance politique en engageant des plans de développement ». (6)
            Pour ce qui est de la sphère politique, Boumediène a parachevé l’édifice constitutionnel, en soumettant, en 1976, à l’étude et à l’approbation du peuple, la Charte nationale et la Constitution ; cette dernière mise sous le boisseau à l’avènement du 19 juin 1965. Mais il restait une autre étape essentielle dans ce processus de parachèvement des institutions et structures de l’Etat. Le congrès du FLN, ce congrès qui n’avait pas été tenu depuis celui de 1964. Ces assises devaient conclure une longue étape, entreprise dans le cadre du réajustement de la Révolution, prôné par la Déclaration de son Conseil, cette structure nationale qui dirigeait le pays en tant que «Direction politique», suppléant le FLN, présent et œuvrant en «instrument» dans le décorum du pays. Est-ce cet espoir de Boumediène, une véritable réforme politique avec l’avènement du 4e Congrès, qu’il n’a pu réaliser de son vivant ?

            Quel rapport avait-il avec le FLN, sachant que le parti n’a véritablement commencé à jouer un rôle politique important qu’à l’arrivée du président Chadli ?

            Parler d’abord du FLN au temps de Boumediène, c’est se diriger droit vers les conséquences du «coup de force de juin 1965». Et là, franchement, c’est toute la politique qui s’en est suivie pour changer de cap et aller vers la concrétisation de programmes consistants, dans tous les domaines vitaux, qui feraient de l’Algérie une aire de progrès et de développement permanent.
            Avec le recul du temps, on pourrait imaginer ce qui bouillonnait dans la tête de Boumediène. Privilégier l’Administration et sa consolidation – comme signalé auparavant en évoquant M. Medeghri –, c’était assurément privilégier l’Etat sur le Parti et l’économique sur le politique, en instaurant des «bases solides» de réalisation de programmes divers. Mais ce transfert de pouvoir, qui a été bel et bien réalisé, ne s’est pas terminé dans la transparence ni dans un dialogue fructueux.
            Parlons franchement de cette période difficile, où il fallait mettre le parti FLN en veilleuse, ensuite faire la chasse aux «durs», qui étaient les purs produits du FLN, pour les intimider et réduire leur influence au sein des masses. De plus, on jetait l’anathème sur le FLN quand, pour mieux le discréditer, on l’associait directement aux échecs qu’a connus l’ancien régime et, du même coup, on oubliait que tous ceux qui ont fait le coup d’Etat étaient, soit des membres du Comité central, soit de hauts responsables, donc membres des instances dirigeantes du pays sous le règne de Ben Bella.
            C’est à partir de ce constat que la culture partisane ne trouvait plus d’adeptes auprès des hauts responsables. C’est pour cela, également, que l’écart qui s’est officiellement creusé entre les deux pôles ou les deux «groupes» a fini par avoir raison du FLN qui, dans la tourmente qui lui a été imposée, s’il n’a pu s’éteindre définitivement, il s’est finalement réfugié dans l’isolement. C’est en ces moments-là que le FLN a connu sa disgrâce et qu’il a été marqué à jamais pour devenir après, sur le terrain et dans les faits, l’instrument et l’alibi du pouvoir.
            Cependant, cet isolement n’a pas tenu longtemps car Boumediène, à la tête du Conseil de la Révolution, instance suprême de la nation, a chargé l’un des siens, en l’occurrence Kaïd Ahmed, pour présider aux destinées d’un FLN new-look après une campagne d’adhésion et de ré-adhésion qu’il devait mener tambour battant. Ce dernier ne s’était pas fait prier du fait qu’il possédait l’expérience nécessaire et qu’il connaissait parfaitement ce que signifiait un parti et ce, bien avant novembre 1954.
            Ainsi, Kaïd Ahmed démarrait sur les chapeaux de roues, afin de rattraper le retard et de recentrer le FLN sur ses nobles tâches de conception et de direction d’un pays qui avait choisi le socialisme comme idéologie. De ce fait, le pouvoir révolutionnaire a décidé d’accélérer son rythme d’action et de mettre fin à la sclérose partisane, en inscrivant à son calendrier pour 1968, l’engagement d’une vaste campagne de rénovation du parti du FLN, afin de lui redonner son caractère avant-gardiste, son rang, ses prérogatives et son autorité... C’est ce qui ressortait de la fameuse «Directive du 24 janvier 1968 ».
            Kaïd Ahmed était l’homme de ce parti, et de sa connaissance profonde des problèmes qui se posaient à l’Etat, il voulait en faire cette machine qui devait diriger le pays. Cependant, le Conseil de la Révolution, en réalité, n’avait fait que simuler un examen attentif concernant le parti, pour lui permettre de retrouver «son caractère avant-gardiste», et agissait en dehors de cette apparence trompeuse, de manière autre en ce qui concerne le fonctionnement des affaires du pays, privilégiant dans sa démarche la primauté de l’Etat. Avec cette conviction des membres du Conseil de la Révolution – en fait, du pouvoir lui-même – que le système politique en place était devenu bicéphale, l’égocentrisme avait créé des réflexes plus égoïstes que rassembleurs et les contradictions avec le discours officiel avaient introduit de sérieuses divisions à tous les niveaux, en altérant cette refonte prônée avec tant de bruit. Dans cette évolution caractérisée par un regain de force chez le FLN, qui n’était pas pour plaire à certains membres du Conseil de la Révolution, ces derniers ont conseillé au président Boumediène de reconsidérer les prérogatives attribuées au responsable du Parti. Et c’est dans cet esprit que Kaïd Ahmed devenait «Responsable de l’appareil du Parti». Une autre élucubration que cette appellation bizarre qui traduisait ce sentiment de duplicité et de tricherie.
            Inutile d’énumérer les causes qui ont généré de sérieuses contradictions et accéléré l’éclatement au sein de la Direction politique d’alors. Kaïd Ahmed, avec sa franchise coutumière, a clamé ses vérités qui allaient s’avérer justes, hélas, pour d’aucuns… certains membres du Conseil de la Révolution qui n’étaient là que par un concours de circonstances ou par un souci d’équilibre des forces, et non en raison de leur ingéniosité ou de leur compétence. Malheureusement, ils n’en possédaient ni l’une ni l’autre.
            Voici, dans quel climat évoluait le président Boumediène qui, disait-on, ne se souciait guère du FLN, tant il était obnubilé par ce souffle puissant qui l’orientait vers plus de force et de grandeur afin de conforter le pouvoir de l’Etat qu’il pensait personnifier. Cependant, l’honnêteté dans le propos m’amène à dire, qu’en 1978, il avait enfin opté pour la tenue des assises du FLN en un Congrès ordinaire, le 4e, après celui de la salle Atlas de 1964. Une commission organique nationale avait été installée – j’en faisais partie – et avait commencé son travail, peu avant que le Président ne tombe dans un profond coma.


            On lui prête également la réputation d’avoir été le véritable architecte de l’ANP et de l’institution militaire au sens moderne. Est-ce votre avis ?

            C’est mon avis, effectivement. Cela se comprend aisément, parce que Boumediene, à l’inverse de quelques dirigeants qui le secondaient, cités précédemment dans mes réponses, était beaucoup plus poussé vers le «militaire» que vers le «politique». On ne lui connaissait pas avant sa venue à la Révolution une effective appartenance, en tant que responsable, à un parti politique, si ce n’était une modeste présence au MTLD, en tant que jeune scout. Il a été directement versé, lors de son adhésion à la Révolution et à la lutte de Libération nationale, dans les unités de l’ALN pour devenir, peu de temps après, un parmi les responsables militaires. Ce désir, il l’a développé, pendant sa formation militaire dans le groupe des 15 étudiants que le bureau du Maghreb arabe avait envoyé suivre, en août 1953, des séances d’instruction à l’École de guerre d’Alexandrie et un entraînement militaire dans un camp proche du Caire. De là commence son ascension et, en 1957, suite au départ de Boussouf, il prend le nom de Houari Boumediene et la tête de la wilaya V. Il sera désigné par la suite en qualité de chef de l’état-major de l’ALN, instance nouvellement créée.
            Ainsi, Boumediene ne pouvait se voir en dehors de l’armée, l’ANP, plus exactement – la paternité de cette appellation est de Kaïd Ahmed affirment des sources sûres – et c’est de cette institution qu’il a eu l’idée, une fois au pouvoir dans l’Algérie indépendante, de lui conserver sa bonne place dans le concert des nations pour relever tous les défis présents et futurs dans un monde agité et en perpétuelles mutations. Il n’a eu de cesse d’affermir et consolider l’ANP. Ce renforcement lui venait du fait, qu’en ce temps, les équilibres au niveau international se mesuraient – et se mesurent jusqu’à l’heure si je ne m’abuse – en fonction du potentiel militaire des nations et de l’importance de leurs ressources naturelles.
            Pour Boumediene, et pour l’Algérie bien entendu, le monde vivait sous constante menace. Ainsi, le puissant étend sa force et son influence, constamment à l’affût, convoitant les richesses des autres nations, notamment des pays du Tiers-monde qui, eux, n’étaient pas en mesure d’asseoir leur contrôle sur leurs richesses naturelles, faute de moyens financiers, techniques, technologiques… Alors ces risques et ces défis géopolitiques, voire ces menaces, ont toujours existé, depuis la nuit des temps, et les armées ont toujours ces «plus ou moins grands prestiges au sein de leur nation en fonction de différents types de situations géopolitiques et des souvenirs qu’ont laissés des conflits plus ou moins anciens dans lesquels ses soldats ont dû se battre. » (7)
            Voici en bref ce que je peux dire sur Boumediene. Il est vrai qu’il faudrait expliquer aux jeunes la vie de cet homme, dans les détails, pour mieux le situer dans l’Histoire de notre pays. Car, il faudrait qu’on établisse un bilan qui soit sérieusement pris en considération pour instituer la pensée critique, à travers laquelle on pourra édifier un État fort et respectable.

            Notes :
            (1) Témoignage de Ali Yahia Abdenour pour Kaïd Ahmed
            (2) Témoignage du président Chadli Bendjedid (Mon désaccord avec Kaïd Ahmed)
            (3) «Les intellectuels algériens et l’ANP», par Badr Eddine El Mili, Le Soir d’Algérie du 21 Juillet 2016
            (4) Ibid.
            (5) M’hamed Abaci, dans El Watan, le 16 février 2014.
            (6) Ibid
            (7) «La géopolitique et les rapports de l’armée et de la nation» par Yves Lacoste, dans Hérodote 2005/1 (no 116)

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            • #7
              Badr’Eddine Mili, écrivain et essayiste : « Parti au début sur une réputation d’homme de l’ombre, il la termina dans la position d’un bâtisseur »
              Écrit par Sara Kharfi

              « Lorsqu’on a dirigé pendant aussi longtemps un pays comme l’Algérie, on ne peut pas ne pas avoir laissé d’empreintes »

              Reporters : Dans votre livre « Les Présidents algériens à l’épreuve du pouvoir », vous avez consacré un chapitre important au Président Boumediène disparu il y a quarante ans. Quelle analyse froide faites-vous de ce leader politique et de l’empreinte –si elle existe encore– qu’il a laissée sur le pays ?

              Badr’Eddine Mili : La personnalité et l’œuvre du président Houari Boumediène sont un sujet inépuisable qui a, déjà, par le passé, fait l’objet de nombreux écrits signés par des historiens, des politologues et des journalistes algériens et étrangers et alimentera, sans doute, encore longtemps, les commentaires de bien d’autres. C’est que la pensée et l’action de celui qui gouverna l’Algérie, durant 13 ans, fut émaillée de beaucoup d’évènements déterminants qui ont drainé le bon et le moins bon, transformé, en profondeur, le pays, mais aussi, soulevé critiques et polémiques sur plusieurs points sensibles en rapport avec le fonctionnement de la société, de l’économie et de l’Etat de cette époque. J’ai, en effet, réservé à la personnalité et à l’œuvre de l’homme de longs développements dans « Les Présidents algériens à l’épreuve du pouvoir », mais, aussi, dans « L’opposition politique en Algérie » et « Les partis dirigeants algériens». Je ne vois pas ce que je pourrais y ajouter si ce n’est que parti, au début de sa carrière, sur une réputation d’homme de l’ombre, il la termina dans la position d’un bâtisseur nimbé de l’éclat d’une gloire qui fit de lui, à l’intérieur, le fondateur de l’Etat national moderne, héritier de l’Etat de la Révolution et de l’Etat de la Résistance de 1830, et, à l’extérieur, un des leaders influents du mouvement des pays non alignés, hôte d’une centaine de chefs d’Etat au sommet d’Alger de 1973, arbitre de conflits régionaux, voix écoutée à l’ONU, à l’Opep, dans le monde arabo-musulman et, même, en Occident si on en croit ce qu’Henry Kissinger en avait dit dans « Les Années orageuses », ses Mémoires. Vous savez, lorsqu’on a dirigé, pendant aussi longtemps, un pays comme l’Algérie, on ne peut pas ne pas avoir laissé d’empreintes sur les institutions, les consciences, les conduites sociales et la mémoire des gens. Il est vrai que le regard que les Algériens portent sur lui diffère, selon qu’ils appartiennent aux élites ou aux classes populaires. Les premiers insistent sur son autoritarisme qui lui fit restreindre le champ des libertés et user de procédés peu recommandables contre ses adversaires politiques. Les seconds affirment lui devoir un Etat souverain, une monnaie forte, un système social protecteur, une dignité retrouvée et une aura célébrée dans le Tiers-Monde et plus loin. Ils considèrent que cette période rapportée à ce que l’Algérie a vécu, par la suite, fut l’âge d’or de l’Histoire contemporaine de la nation, en dépit des vicissitudes et des échecs retentissants recensés dans plusieurs domaines de la vie publique.

              Pour beaucoup, le président Boumediène est l’incarnation même de l’austérité et de l’autorité implacable, voire impitoyable. Ce même homme a été pleuré à sa mort par des millions d’Algériens. Tout un peuple est descendu dans la rue lui rendre hommage. Comment expliquer ce paradoxe ?

              Le fait que le peuple soit descendu dans la rue pour lui rendre hommage et, même, porter sa dépouille sur les épaules, par rejet du conformisme du cérémonial officiel et de ses acteurs, était une façon de se reconnaître dans l’homme et son legs. Il faudrait, à mon sens, lire, dans cette démonstration spontanée, au-delà de son caractère sentimental, toute la considération qu’il portait à un chef d’extraction modeste, ascète qui parlait une langue accessible, soucieux de justice et de fierté et qui n’hésitait pas à dénoncer, incorruptible qu’il pensait être, les responsables qui confondaient « attawra oua etterwa », « la Révolution et la fortune » en leur demandant « min aïna laka hada ? », « d’où tiens-tu cela ? ». Ces comportements avaient un impact sur les consciences et pouvaient, par moments, faire passer au second plan le besoin d’une évaluation, autrement, plus rigoureuse des erreurs et des dysfonctionnements apparus dans le gouvernement du pays et imputables, soit, directement, à l’homme, soit à des épiphénomènes intérieurs et extérieurs qui échappaient à son contrôle.

              Pour rester sur cette question, le portrait qu’on avait dressé de lui et qui résiste encore un peu à l’usure du temps, est qu’il était un dictateur et un « tueur » d’opposants. On lui attribue un exercice violent du pouvoir et d’être le commanditaire d’assassinats politiques célèbres dans l’histoire algérienne post-1962. Pensez-vous que cette sombre renommée qu’on lui a prêtée est justifiée ?

              Houari Boumediène fut, peut-être, le seul Président algérien à avoir lu « Machiavel » et fait sien le principe de « la fin justifie les moyens ». Et pour bien comprendre les motivations et les ambitions de l’homme, il faudrait remonter à 1959, l’année où il entra au CNRA, en compagnie de Mahmoud Chérif, chef de la Wilaya I historique. Etoile montante issue des rangs de ce qu’il appelait « les militants en uniforme », il avait toujours ressenti de la méfiance à l’égard des militants civils – pionniers de l’indépendantisme ou ralliés de 1956– qu’il soupçonna, en plusieurs circonstances, de velléités d’atteinte à « la pureté de la Révolution » et de déviation de son cours. C’est pourquoi, il plaida, à cette réunion, pour la suppression de la différence entre militants civils et « militants en uniforme », les futurs tuteurs messianiques de la Révolution. Tout le parcours ultérieur de Houari Boumediène sera habité par cette hantise de voir celle-ci dépouillée de son caractère populaire et de son unanimisme, ce qui le poussa, en 1962 et en 1965, à intervenir pour stopper des « déviations en cours » et à opérer des « redressements » dans les conditions que l’on sait. A ce Boumediène secret et dominateur, retranché dans son bunker, succéda, au début des années 70, un autre Boumediène qui surprit par son pragmatisme et sa faculté d’adaptation aux réalités du pays et du monde qu’il finit par prendre en compte en allant au-devant des aspirations des catégories les plus désavantagées de la société et en nouant de solides alliances avec les pays socialistes qui l’obligèrent, parfois, à faire violence à ses premières certitudes. Il y eut, donc, le Boumediène, intriguant, qui supplanta le GPRA, bannit et élimina ses rivaux et l’autre, le patriote ombrageux qui nationalisa les mines et les hydrocarbures, récupéra Mers El-Kebir et Reggane plus tôt que prévu, entreprit de développer une économie indépendante, fit rédiger la Charte nationale, renoua avec la légalité constitutionnelle et réhabilita le FLN après l’avoir réduit à un appendice dirigé par l’Etat. Ses fidèles lui prêtèrent, même le projet de déclencher dans le système de gouvernement « une Révolution démocratique » à l’occasion du 4e congrès du FLN qui était prévu à la fin de 1978.
              The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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              • #8
                Pour beaucoup, le président Boumediène a été l’homme qui aurait utilisé les forces de gauche quand il en avait besoin à une époque, où les idées marxistes avaient le vent en poupe, et le courant islamiste quand ce vent a tourné en sa faveur. Il aurait même joué sur les deux tableaux en même temps. Si l’on devait résumer la manière dont le président Boumediène exerçait et incarnait le pouvoir de 1965 à sa mort, que dirait-on et que devrions-nous retenir d’essentiel ?

                La proclamation du 1er Novembre 1954 avait promis l’édification d’un Etat social dans le cadre des principes islamiques, une orientation que Houari Boumediène s’appliqua à concrétiser, à la lettre, car elle correspondait, dans la doctrine des constantes à laquelle il croyait, à l’ancrage spirituel et culturel de la Nation ainsi qu’à sa revendication de justice et de progrès liée à son combat anticolonial. La bipolarisation du monde, de son époque, avec la guerre froide et la montée en puissance du mouvement des pays non alignés appuyé par le bloc de l’Est, donna à cette orientation une perspective supplémentaire qui commanda des politiques et des alliances tout à fait nouvelles. « Le soutien critique » du Pags à son action et le renforcement –via l’Association des oulémas– du courant conservateur dit éclairé, incitèrent le Président Houari Boumediène à constituer un front intérieur où prirent place modernistes et réformateurs musulmans cohabitant dans un même gouvernement, à l’image de Mostefa Lacheraf et Ahmed Taleb El-Ibrahimi, leurs représentants emblématiques. Naturellement, Boumediène joua sur leurs contradictions jusqu’à ce que l’équilibre sur lequel les deux pôles reposaient céda sous le poids de leurs projets de société antinomiques. Pour la vérité historique, il faut, cependant, reconnaître au président Boumediène, ancien étudiant à la Zitouna et à Al Azhar, une volonté sincère, de faire sortir l’Islam des ornières maraboutiques et de contribuer à l’adapter à son temps, dans l’esprit du discours qu’il prononça au sommet de l’OCI à Lahore. Les séminaires sur la pensée islamique auxquels il invitait les théologiens du monde musulman pour y réfléchir, participaient de cette volonté de voir émerger dans les sociétés du Maghreb et du Machrek, un Islam de progrès.

                On lui prête d’avoir eu à la fin de sa vie des ambitions de réforme qu’il n’a jamais pu exprimer en raison de sa maladie. Cela vous semble-t-il vraisemblable ? De quelles réformes pouvait-il se prévaloir en 1977-1978 ?

                La tentative de recentrage du pouvoir à laquelle il procéda, avant sa disparition, en restaurant le FLN missionné pour encadrer les travailleurs, les jeunes, les femmes et les intellectuels, comme il le fit sous le mandat de Ben Bella, est un des indicateurs qui accréditent l’existence d’une telle intention. Mais cette intention butait contre plusieurs obstacles : l’ostracisme qu’il continuait à opposer au capitalisme algérien, de nouveau, cloué au pilori à la suite de l’adresse au gouvernement faite, en 1976, par Ferhat Abbas, Cheikh Kheireddine, Hocine Lahouel et Benyoucef Benkhedda, montra qu’il n’était pas, du tout prêt à concéder une ouverture démocratique de type libéral. L’affaiblissement de l’Union soviétique que Boumediène n’avait pas vu venir, préjugeant de la solidité de ses soutiens internes et externes qui commençaient, pourtant, à s’étioler, le surprit, en plein élan, et la lame de fond qui s’ensuivit avec la fin de la bipolarisation et du non-alignement, le déposséderont de ses meilleurs atouts. Enfin, l’Armée, dont il était le chef incontesté, demeurait le pivot du jeu politique auquel il ne pouvait pas renoncer au profit d’autres appareils moins sûrs, ce qui se vérifia lorsque vint le moment de décider de sa succession. Le candidat de l’aile « socialiste » du FLN, Mohamed Salah Yahiaoui, et son concurrent Abdelaziz Bouteflika étiqueté « libéral » durent s’effacer devant celui de l’Armée.

                Une question qui pourrait vous amuser, qu’aurait-il pensé de son remplacement par le président Chadli ?

                Le président Boumediène connaîssait bien Chadli Bendjedid qu’il avait envoyé, en 1962, à Constantine, en compagnie de Larbi Belkheir, pour mettre au pas la Wilaya II historique hostile à l’armée des frontières. Il désigna le même Chadli Bendjedid, quelques mois plus tard, à la tête du tribunal militaire qui jugea le colonel Chaâbani, deux missions dont il s’acquitta, parfaitement et qui lui valurent d’entrer au Conseil de la Révolution en 1965. Boumediène n’aurait, cependant, jamais, pensé qu’à sa disparation, Chadli lui succéderait et, pire, qu’il détricoterait,très rapidement, son héritage en «libéralisant» l’économie et en préparant l’avènement du multipartisme.

                Boumediène a été l’homme de la « Révolution agraire », un immense gâchis selon certains, mais qui s’expliquerait non seulement par les orientations idéologiques qu’il avait et qui s’étaient exprimées à travers les « Révolutions » industrielle et culturelle mais également par ses origines rurales. Partagez-vous cet avis ?

                La Révolution agraire et l’industrialisation n’ont pas, en effet, atteint l’objectif que le Président leur assigna à cause d’un certain volontarisme, de choix, insuffisamment, maturé et d’une population rurale, peu préparée à la collectivisation et pas du tout formée aux techniques de la grande production industrielle. L’échec de ces deux révolutions et, surtout, celui de la Révolution agraire, revient, en partie, aussi, à l’administration tenue par les fils des grandes tentes opposées à la nationalisation des terres qu’ils entravèrent par leur juridisme tatillon et le blocage, au niveau des banques, des fonds qui devaient la financer.

                Quarante ans après sa disparition, quelles erreurs fondamentales a-t-il commises selon vous ?

                Quel qu’ait pu être le pouvoir absolu qu’il exerça, Houari Boumediène était limité par des déterminismes internes et externes qui réduisirent, considérablement, ses marges de manœuvres, surtout à la fin de sa vie. Sa première erreur fut d’éliminer la direction historique de la Révolution, ce dont il sembla se repentir, plus tard, en déclarant que « la Révolution est une ogresse qui mange ses enfants ». La seconde fut de croire qu’il pouvait décider tout seul du destin de l’Algérie sans consulter le peuple à travers des institutions représentatives. Lorsqu’il en a pris conscience, il était trop tard. Enfin, l’équilibrisme entre progressisme et conservatisme dont il se servit, à la suite du président Nasser en Egypte, comme d’un instrument de régulation politique, ne fit qu’exacerber les contradictions à l’intérieur de la société, toujours aussi divisée sur la voie de développement politique et économique à suivre. Cela dit, on pourra épiloguer à perte de vue sur sa gouvernance solitaire, ses méthodes hétérodoxes et ses contre-performances, il n’en demeure pas moins vrai que si on devait tirer une balance entre son actif et son passif, c’est l’actif qui l’emporterait. L’Algérie continue, d’ailleurs, à fonctionner sur des acquis – secteur public, médecine gratuite, logements sociaux – qui lui sont imputés, malgré les tentatives de remise en cause actionnées ces dernières années par les tenants de l’ultralibéralisme.
                REPORTERS.DZ
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                • #9
                  L’autoritarisme, adn du systeme

                  Écrit par Abdelmadjid Merdaci

                  Lors de l’hommage rendu au forum d’« El Moudjahid » par l’association « Mech’al echahid », à l’occasion du trentième anniversaire de sa disparition, Mme Anissa Boumediène dressait un portrait inédit de son époux, opposé à l’exécution du colonel Chabani, libérant, au lendemain de sa prise de pouvoir, quelque mille deux cents détenus et, qui plus est, n’avait pas ordonné l’application de la condamnation à mort contre ceux qui avaient fomenté un attentat contre lui le 25 avril 1968.

                  Les treize années d’un exercice plus sans partage que solitaire - Boumediène consultait volontiers ses collaborateurs – auront, sans doute aucun, fait de l’autoritarisme l’ADN du système politique algérien, un système rétif aux libertés, adossé à un appareil répressif jouissant d’une quasi-impunité et une justice aux ordres.
                  Quand bien même Boumediène était parvenu à une réelle maîtrise de sa communication – que ce soit dans ses adresses solennelles au peuple ou aux apartés avec quelques journalistes étrangers, à l’image de Paul Balta avec lequel il échangeait en français -, est-ce bien l’opacité qui demeure l’enseigne de son régime ?

                  Coup d’Etat et attentat
                  L’opposition en exil ou, au mieux, contrainte à la clandestinité, n’aura jamais constitué un réel risque pour son pouvoir et est-ce de l’intérieur même du régime qu’allaient être scandées les violences et les énigmes souvent toujours ouvertes.
                  Le coup de semonce le plus spectaculaire et assurément le plus sérieux viendra, relativement tôt, en décembre 1967, avec la tentative de coup d’Etat initiée par Tahar Zbiri, ancien chef d’état-major et acteur du renversement de Ben Bella en juin 1965. L’aviation aura raison des blindés dirigés vers la capitale et le suicide, controversé, du colonel Saïd Abid ajoutera forcément au climat de suspicions et à l’aura de violence qui se rattache au régime.
                  Le 25 avril 1968, à la sortie d’un Conseil des ministres, le véhicule de Houari Boumediène est l’objet d’un tir à l’arme automatique. Son chauffeur est grièvement blessé et lui est légèrement touché. L’opération s’inscrit dans le prolongement de la tentative de coup d’Etat de Tahar Zbiri. L’accident d’hélicoptère qui coûta la vie au commandant Abdelkader Chabou, tout puissant secrétaire général du ministère de la Défense, réputé proche de Boumédiène, n’a pas forcément livré tous ses secrets.

                  Accident, suicide, assassinats
                  L’enquête aurait révélé la présence de charges explosives qui donneraient à penser à une liquidation. Les mêmes questions se sont posées, en décembre 1974, au lendemain du suicide – annoncé - de Ahmed Medeghri, ministre de l’Intérieur, membre du Conseil de la Révolution et rattaché au « groupe d’Oujda ».
                  Ce ne fut pas, pour le moins, un long fleuve tranquille, comme le confirmera l’entrée en opposition – notamment à la politique de réforme agraire - du commandant Slimane – Kaïd Ahmed - compagnon de l’état-major général de l’ALN. En janvier 1967, l’assassinat, à Madrid, de Mohamed Khider, ancien secrétaire général du FLN, est clairement attribué par les enquêteurs à la Sécurité militaire algérienne, et celui de Krim Belkacem, membre fondateur du FLN, en décembre 1970 à Francfort, met en cause directement le régime.
                  En 1976, un appel signé par quatre personnalités nationales – deux anciens présidents du GPRA, Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, l’ancien secrétaire général du PPA/MTLD Hocine Lahouel, un ancien président de l’Association des oulémas, ancien membre du Conseil de la Révolution Mohamed Kheireddine - conduit leurs auteurs à leur mise en résidence surveillée. L’extrême violence du régime avait-elle aussi été l’un des choix stratégiques de Boumediène ?
                  REPORTERS.DZ
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                  • #10
                    Chronique d’un cas de malchance dans l’Histoire

                    Écrit par AMIN KHANE

                    Aujourd’hui encore, et peut-être à jamais, je suis en deuil des années Boumediène. Pas seulement parce qu’elles furent celles de ma jeunesse. Depuis ces jours présents de désespoir atone et stérile, je les revois comme des années de lumière, de bonheur et de gloire.

                    A la prise du pouvoir par Boumediene le 19 juin 1965, et bien qu’ayant été nourri au biberon dopé de l’Histoire, je n’avais que huit ans et, sur le chemin de l’école, les blindés et les labours qu’ils avaient creusés dans le tendre asphalte des années 60 m’apparaissaient comme les images d’un film lent et odorant qui laisse voir les couleurs, bien que tourné en noir et blanc, d’autres séquences de la «Bataille d’Alger», d’une aventure qui simplement continuait pour l’Algérie belle, rebelle et tourmentée.

                    Dans le film, Boumediene n’apparaissait pas. Il ne m’intéressait pas. Alors, comme aujourd’hui, mon affection allait aux vaincus, à Ben Bella donc, dont j’avais embrassé les épaisses joues présidentielles couvertes de sueur au cours d’une de ces nombreuses manifestations qui le réunissait lui et le peuple, toutes et tous confondus.

                    Avec le coup d’Etat, la fête avait soudain cessé. Plus de Modibo Keita ni de Massemba Déba livrés aux acclamations du peuple dans les rues fiévreuses d’Alger, capitale du Tiers-Monde, plus de discours inspirés au napalm. L’ambiance avait brutalement changé.

                    Elle devint vraiment macabre un soir glacé de décembre 1967 où mon système enfantin me fit commencer à aimer Boumediene que je crus sérieusement menacé par les chars de Tahar Zbiri, son Chef d’Etat-major. Mais ce coup d’Etat ne marcha pas, s’embourba dans la plaine de la Mitidja sous la pluie froide et quelques raids fratricides de l’aviation
                    boum lahore

                    Boumediene ne serait vaincu qu’exactement onze ans et treize jours plus tard, par la mort. Mais il avait déjà ma sympathie. Il faut dire que quelques mois auparavant, durant six jours de soleil, de mensonges, d’espoir et de défaite, j’avais compté devant le poste de radio familial, pour lui et pour Nasser, sur un carnet jaune, neuf, le nombre des avions abattus et des chars israéliens détruits par les armées arabes. Chiffres faramineux ! Je faisais et refaisais mes additions et les recopiais, encore et encore. Le septième jour, je fus brutalement et définitivement contraint de renoncer à ma confiance dans les chiffres et les vérités radiophoniques.

                    Quelque temps plus tard, une balle de mitraillette rasa un bout de sa moustache rousse, et je ne trouvais pas cela ridicule du tout, mais émouvant et tragique parce que l’homme avait échappé de si peu à la mort. C’est cela ! A mon insu, naturellement, à l’heure grave de la puberté, j’étais devenu boumedieniste.

                    Ce n’est qu’en 1969 que la fête repassa, furtive, par Alger. Par décision politique bureaucratique et par la grâce de Mohamed Benyahia, Dieu ait son âme, ministre de l’Information de Houari Boumediene, Dieu ait son âme, elle eu lieu, splendide, charnelle, dans la rue, ouvrant les yeux, le cœur et l’esprit des passants sur la vitalité, la musique, les couleur et la force flamboyante et une de l’Afrique.

                    Ce fut le premier et le dernier Festival Panafricain d’Alger.

                    Boumediene avait institué le «sérieux» en Algérie, pour le meilleur, quelques années fugaces, et pour le pire, sans effort. Car sobriété et sinistrose sont très profondément logées dans nos gènes, dans notre culture de peuple qui souffre depuis trop longtemps.

                    Il est évident qu’au sortir de la dernière guerre toute manifestation de joie ne pouvait qu’être superficielle, car survivre pouvait éventuellement apporter le réconfort, mais nullement le bonheur à ce peuple uni par la douleur et le sang versé. Pour le peuple sage et mal en point, le bonheur prenait la forme du repos, et la révolution, celle de l’aspiration au repos.

                    Mais nous, les enfants de l’indépendance, les étudiants des années 70, les futurs cadres du pays, férus de marxisme et de tous les ismes comestibles et imaginables, nous pensions que la révolution, et à sa tête le Président, devait nous conduire, avec ou sans escale, du colonialisme au socialisme. Et dans la galerie claire obscure de nos grands inspirateurs, Zighoud et maintenant Boumediene avaient pris place aux côtés de Giap et Fidel Castro.

                    En état d’intense ignorance et d’ardente croyance, nous, nous connaissions le bonheur. Celui de l’esprit qui transforme la matière. Celui de malaxer un pan de l’histoire universelle comme de la bonne pâte à modeler. Celui de rêver activement, jour et nuit. Celui de l’amour du peuple, des uns et des autres.

                    A l’époque, la Cinémathèque d’Alger n’avait pas encore brûlé. Elle n’avait même pas été transformée en hammam de jour, incroyable port de rêve et de fraîche pénombre, avec fauteuils noirs et profonds, pour jeunes marcheurs exténués de l’exode rural. Elle ne s’était pas préparée à mourir au sous-sol d’une lente noyade. Elle n’avait pas décidé de mettre fin à ses jours et, honteuse, de s’immoler par un court-circuit électrique.

                    Elle était un havre d’une autre sorte, un haut lieu de la culture planétaire où étaient donnés tous les films de la création, parfois même en présence de leurs auteurs, en chair et en os, vigoureusement interpellés par des bandes de lycéens plus ou moins trotskystes, les deux ou trois flics de service, d’éternels étudiants et de nombreux ex-futurs artistes.

                    Dans les librairies, il y avait tous les livres, sauf naturellement ceux d’Yves Courrière sur la «Guerre d’Algérie», vendus à des prix décents parce que subventionnés, comme dans un vrai pays en développement qui se respecte.

                    Le matin, nous avions le privilège délicieux de pouvoir boire un vrai thé à la menthe à la terrasse ensoleillée du Névé, avant de rentrer en amphi suivre les cours de professeurs vraiment diplômés, correctement rasés, habillés, et sachant parler correctement au moins une langue.

                    En amphi, on pouvait aller s’asseoir à côté d’une étudiante en jupe ou en jeans, normale. Dans la rue, où l’on respirait de l’air, et non de la pestilence, on croisait des femmes en haïk blanc et moiré, relevé sur une jolie jambe lorsqu’il y avait une jolie jambe à montrer, et non des momies supposément mâles ou femelles. On pouvait aussi avoir la chance de tomber nez-à-nez sur Issiakhem ou Kateb Yacine en pérégrination.

                    Ce n’était pas idyllique. Nous étions mécontents et révoltés, contre le manque de liberté, le manque de musique, de bus, de fromage, de logements, de voyages au Maroc… Mais la révolte ne nous rendait pas amers. Elle aiguisait nos sens et notre appétit de ce qui était là et de ce qui était à acquérir ou à inventer. Nous avions des colères, des chagrins, mais la dépression nerveuse était une maladie et non le symptôme principal de l’état général, la carte d’identité des citoyens et des citoyennes de ce pays.

                    Période de temps énergique et heureuse, d’avant le Sida, l’intégrisme, Reagan, Thatcher, et autres calamités et infections locales. Les choses étaient claires. Il s’agissait de construire un pays, et nous, pauvres innocents, nous pensions avoir le temps et le sens de l’Histoire avec nous. Boumediene n’avait pas 50 ans. Il était en bonne santé. Nous-mêmes étions à l’âge où l’on n’est pas encore concerné par la mort, à peine par l’échec. Nous étions tout de même conscients qu’en tant que poissons dans l’eau, notre sort était lié à celui de Boumediene. Nous ne savions pas à quel point nous avions raison d’être inquiets car, en fait, nous sous-estimions largement l’importance décisive du personnage. Nous aurons l’amer loisir, au cours des années de débâcle qui suivirent sa disparition, de nous en rendre compte, eau et poissons confondus.

                    Aujourd’hui, avec la distance, il apparaît clairement comme celui qui incarnait les valeurs les plus positives de notre culture et de notre identité. Par-dessus tout, il incarnait la dignité du peuple algérien. Il était fier, et nous nous sentions fiers d’être représentés par un homme comme lui. C’était là le sens le plus fort du lien charismatique qui nous attachait à lui. Mais rien ne lui fut accordé du jour au lendemain. Il dut, pendant des années, remonter laborieusement la pente de l’impopularité où l’avait jeté la mise à l’écart du bonhomme Ben Bella, qui continuait à croupir en prison, sans jugement.

                    Ce n’est qu’avec la nationalisation des hydrocarbures qu’il devint populaire. Ce n’est qu’à l’occasion du débat public (premier débat démocratique de l’Algérie indépendante) autour de la Charte nationale de 1976 qu’il a pu mesurer le degré d’attachement des Algériens à sa politique.
                    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                    • #11
                      A l’étranger, le Sommet des Pays Non Alignés de septembre 1973, la Guerre d’Octobre, puis, à nouveau, la bataille du pétrole, cette fois à l’échelle internationale, lui avaient assuré une réelle stature d’homme d’Etat et, en même temps, de révolutionnaire fidèle à ses convictions. Son peuple ne se satisfaisant pas de postures et de bla-bla, ses discours ne pouvaient se substituer aux actes. Et pourtant, il savait parler !

                      Ses discours sont parmi les souvenirs les plus nets et les plus agréables de ma vie d’étudiant. Peut-être deux fois par an, mes camarades et moi mettions fin à nos réunions et autres activités d’importance cruciale. Je me précipitais Place Audin pour prendre le bus de Ben Aknoun. Je descendais à Hydra, puis je marchais en surveillant ma montre tout en sachant que j’étais en avance, que j’aurais tout le temps d’arriver, de décrocher le téléphone, de m’installer confortablement devant la télévision et de requérir le silence pour écouter le discours annoncé.

                      Il parlait devant une quelconque assemblée, cadres de la nation, commissaires du parti, élus locaux, cela importait peu, car il parlait à chacun de nous, sans notes, sans fausses notes, de sa voix grave ou métallique selon l’émotion. Il tenait des propos simples, cohérents, construits, en arabe algérien, dans une langue limpide et pure.

                      Grâce à la mécanique plusieurs fois millénaire du pouvoir charismatique, sa face sombre n’apparaissait pas. Lui était bon. Son entourage, mauvais. L’absence de liberté, les tortures, les disparitions, c’était «les services», la faillite de l’agriculture, l’absurdité des Souk-el-Fellah, Tayebi Larbi. A l’opposé, la nationalisation des hydrocarbures, c’était son discours du 24 février 1971. Belaïd Abdesselam, son ministre de l’Industrie et de l’Energie, restant au second plan, sur le même rang d’oignons que ses collègues du gouvernement dont certains étaient hostiles aux nationalisations. Le ministre des Affaires étrangères, Bouteflika, n’était lui que l’exécutant talentueux ou réticent de la politique étrangère du Président. C’était son système. Et il donnait l’impression d’être dans le pouvoir à l’aise comme dans un gant, au point de nous paraître parfois, dans ses décisions, ou son indécision par rapport à des ruptures, à notre sens salutaires, avec le gang qui l’entourait, animé uniquement par l’ambition de rester au pouvoir, quitte à sacrifier la révolution.

                      Car il excellait dans l’art politicien qui consiste à laisser croître les contradictions et à intervenir seulement pour s’assurer qu’elles s’annulent. Par ailleurs, il est vrai qu’il avait réussi à donner du pouvoir une image positive. Et l’image fonctionnait car elle exprimait une réalité positive : le pouvoir était utile. Il permettait de développer le pays et d’améliorer la vie des gens. Il permettait de créer des emplois, d’ouvrir des chantiers, des écoles, des universités, des routes, des hôpitaux.

                      Le pouvoir permettait de matérialiser une vision de l’Algérie plus forte, plus juste, plus respectée. Il permettait de réaliser des projets, de donner de l’espoir et un sens à la vie de millions d’hommes et de femmes. En l’espace de quelques années à peine, cela devenait perceptible à tous ceux qui ne refusaient pas de voir sous leurs yeux qu’un Etat se construisait, un Etat moderne, avec d’abord l’instinct de l’amour du pays, avant que la boussole du patriotisme ne nous tombe des mains.

                      Avec sa tête de paysan numide, mâtiné de Vandale et son allure un peu raide, il incarnait cela : l’amour du pays. Un amour sourcilleux, jaloux, violent, qui est tout le contraire de l’indifférence, de la paresse et de la trahison.

                      Il appartient désormais à une autre époque. Depuis sa mort, il y a maintenant treize ans, la face du monde a changé. Le communisme a pourri de l’intérieur et tombe en poussière. L’impérialisme américain triomphe. Le Tiers-Monde est en débandade. Alors que dans la foulée de la décolonisation, le droit des faibles était audible, leur combat respectable, l’opinion mondiale (ce qui en tient lieu en tout cas) a radicalement changé.

                      Il nous faut désormais, non seulement subir, mais nous taire. La culpabilité elle-même a changé de camp. Les colonialistes, les tortionnaires, les exploiteurs, les sanguinaires peuvent vieillir tranquilles dans le luxe d’une bonne conscience new look. C’est aux opprimés et aux méprisés d’assumer leur misère, leur impuissance et le mépris total dans lequel ils sont tenus.

                      Après l’ère du fouet, bienvenue à l’ère de l’auto-flagellation ouverte par l’union officielle de la force et du droit. Il est loin le temps où bombarder le Vietnam était une honte et un crime. Aujourd’hui, on peut détruire l’Irak dans la bonne humeur universelle. Joyeuses Pâques !

                      Par ailleurs, en Algérie même, le flot impétueux de la démographie emporte le passé et forme l’écume d’un nouveau peuple à la mémoire incertaine, englué dans l’épreuve injuste du présent, fouillant de ses yeux un avenir trouble. Pourtant, pendant le massacre de l’Irak, que les imbéciles nomment la Guerre du Golfe, on a vu à travers le pays ressortir le portrait de Boumediene dans les manifestations, dans les échoppes, encadré dans les salons modestes, collé sur le cartable des écoliers.

                      C’était le recours, le secours du mort en poussière que le peuple espérait ! Cela était pathétique mais, en même temps, rassurant sur la santé politique, la lucidité, la mémoire de ce peuple qui exprimait en cette occasion son patriotisme, son besoin de dignité et, ainsi, rendait hommage au patriote qu’était Boumediene, lui qui de son vivant n’avait pas eu droit aux manifestations d’affection ou aux marques ostensibles du respect que son peuple lui portait. Ni mouvements de foule, comme ceux de la foule égyptienne de 1967 sortie affolée dans les rues en conjurant Nasser de reprendre la démission qu’il avait présentée à son peuple après la défaite, ni fêtes populaires à sa gloire, lyriques et cadencées, à la stalinienne. Mais à sa mort, le 27 décembre 1978, une immense douleur et la peine de tout un peuple qui pleurait dans les rues et sur les balcons un père mort trop jeune, brutalement, assassiné.

                      En héritage, il laissait Hassi-Messaoud, El-Hadjar, des universités, à des orphelins privés des institutions politiques capables de défendre et de continuer la révolution. Le fameux parti unique n’était pas viable. Le FLN n’était qu’une vague tunique de Nessus sur un appareil décati qui ne servait à strictement rien d’utile, car la légitimité politique elle-même, une fois la guerre de libération achevée, ne provenait plus que des démarches éventuellement populaires du régime de Boumediene, appuyé sur l’armée dont il était le chef incontestable (et il s’était employé à ce que cela soit ainsi) et la sécurité militaire qui lui tenait lieu de parti politique, d’un genre particulier. Ce n’est qu’après la mort de Boumediene que le régime tentera de donner corps à une illusion, en plaquant des allures de parti politique sur une bureaucratie croupion de l’appareil d’Etat.

                      Effort inutile, bien que durable, puisqu’au-delà même d’Octobre 88, on assiste à ce spectacle obscène où le parti unique s’est démultiplié en soixante petits partis uniques, où l’armée qui régnait en silence, inaugure en octobre un nouveau cours où le pouvoir lui ordonne de tirer sur la foule déboussolée.

                      Alors, je ne peux m’empêcher de rire ( ?) lorsque j’entends «certains», comme on disait à l’époque, qualifier la période de Boumediene de dictature, surtout lorsqu’il s’agit de notables, politiciens, plumitifs ou affairistes de l’ancienne période. Au mieux, quelle naïveté… Car malheureusement (malheureusement à cause du temps qui passe et du malheur qu’il charrie) la société était bien plus vivante, intelligente, inventive, subversive et digne, que sous le règne gris, sale et miséreux de la pseudo-démocratie octroyée par un pouvoir qui n’a toujours pas changé trois ans après les émeutes d’Octobre.

                      Démocratie, certes il y a. Pour une bande de potentats verbalement repentis, une horde de faux mystiques hirsutes et mondains, une mafia de contrebandiers en tous genres, un club de «démocrates» auto-proclamés, une confrérie d’intellos enroués sur la partition des louanges du jour. Pour les autres, pour le peuple, c’est l’enlisement dans la paupérisation, l’angoisse, l’exclusion et le désespoir. Quel chemin parcouru ! A l’envers.

                      Après ceux qui avaient libéré le pays, nous voulions le construire. Nous aimions le pays d’un amour total et l’amour total était possible. Le paysage humain était beau. Il n’avait pas encore été défiguré par la vague d’inculture, d’argent facile, de mépris, de bigoterie qui a déferlé depuis. La bêtise, avec la vigueur diabolique d’un séisme, a tout simplement réduit à l’état de décombres l’Etat et la société, l’université et l’industrie, sali le passé et ruiné l’avenir.

                      Alors que l’Algérie de Boumediene produisait des techniciens, des rêveurs, des bâtisseurs, celle d’aujourd’hui collectionne les commerçants et les chômeurs. Alors que lorsque nous désertions les bancs de l’université, c’était pour battre la campagne, bâtir avec les ouvriers et les paysans notre pays meurtri et l’imposer au monde, les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent rêver que d’exil et de mort en se shootant à n’importe quoi pour atténuer quelque peu la haine de soi.

                      Et nous qui avons maintenant le triste privilège d’avoir connu la fierté d’être à 20 ans, puis de mourir de honte dix ans après, que pouvons-nous faire avec notre énergie qui brûle à survivre, avec notre mémoire nostalgique et nos rêves absentés ?



                      * Texte écrit en 1991 et publié dans l’ouvrage collectif «Algérie, 30 ans», Autrement, 1992, dirigé par Merzak Allouache et Vincent Colonna.
                      REPORTERS.DZ
                      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                      • #12
                        B2- namous

                        Écrit par Reporters

                        La France, bénéficiaire de sites d’essais nucléaires au Sahara algérien au titre de clauses secrètes (?) des accords d’Evian, avait aussi entamé des expérimentations d’armes chimiques sur le site B2 Namous, dont la concession arrivait à échéance en 1967.

                        A la demande du général de Gaulle, Houari Boumediène accorde, dans le plus grand secret, une prorogation que signent, en avril 1967, Abdelkader Chabou, secrétaire général du ministère de la Défense, et l’ambassadeur de France à Alger. Une seconde prorogation sera accordée, Boumediène la conditionnant à la participation de militaires algériens aux opérations. Ces essais prennent fin en 1978.
                        Un accord de dépollution du site aurait été signé lors de la visite d’Etat de François Hollande en Algérie en décembre 2012.
                        A. M.
                        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                        • #13
                          La maladie de Waldeström
                          Écrit par Reporters


                          Les premiers symptômes de la maladie se manifestent en Syrie, où il prenait part à un sommet des chefs d’Etat arabe. Maux de tête récurrents, sang dans les urines conduisent à son évacuation en Union soviétique où il est pris en charge, dans la plus totale discrétion, par les meilleurs spécialistes du pays.

                          Alors que l’opinion algérienne est tenue dans l’ignorance des problèmes de santé du chef de l’Etat, le ministre algérien des Affaires étrangères concède, dans une déclaration faite à Baghdad, que « le Président, exténué, doit prendre du repos ».
                          Les spécialistes s’orientent vers le diagnostic de la maladie de Waldestrom, un cancer du sang rare, du nom du chercheur suédois qui en avait fait la découverte. La presse algérienne annonce, le 14 novembre, le retour au pays du président Boumediène. Hospitalisé à l’hôpital Mustapha, il tombe dans le coma quatre jours plus tard. Les plus grands spécialistes du monde sont requis à son chevet, y compris le professeur Waldestrom qui ne cache pas son pessimisme quant à l’issue de la maladie. Le président Boumediène décède dans la nuit du 27 décembre.
                          Avait-il été victime, comme beaucoup de ses proches et d’experts le soutiennent, d’un empoisonnement exécuté par les agents du Mossad ?A. M.

                          Les DAF
                          Écrit par Reporters


                          On dit les « DAF » pour les déserteurs de l’armée française dans le lexique de la guerre d’indépendance. Ils auront été relativement nombreux, jeunes officiers, à rejoindre les rangs de l’ALN

                          et ils auront surtout joué un rôle décisif dans la formation et l’encadrement de ce qui sera connu comme «l’armée des frontières». Houari Boumediène prendra appui sur cette force pour asseoir son pouvoir. L’ANP, instituée en septembre 1962, est largement encadrée par les anciens DAF qui continueront à susciter les suspicions, notamment dans les rangs des officiers issus des maquis de l’ALN. Lors des travaux du Congrès du FLN d’avril 1964 d’Alger, Houari Boumediène montera au créneau pour prendre leur défense. Les DAF ont largement représenté la hiérarchie militaire et pris part aux enjeux du pouvoir à l’intérieur du système politique algérien.A. M.


                          L’expédition du «Dina»
                          Écrit par Reporters

                          C’est sous son nom d’état civil, Boukherouba Mohamed, que le futur colonel Boumediène est signalé pour la première fois dans l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne.

                          Etudiant établi au Caire, il figurait parmi les sept Algériens requis par Nadir Bouzar, Algérien proche du comité de libération du Maghreb, chargé par Ahmed Ben Bella de convoyer un chargement d’armes – 21 tonnes - vers les maquis de l’ALN. L’expédition à bord du « Dina », bateau de la princesse Dina, épouse du roi de Jordanie, allait durer trente jours au lieu des trois jours envisagés et devait affronter tempêtes et avanies. Le débarquement, dans le port de Nador, avait mobilisé les hommes de la Zone V, sans doute sous la direction de Abdelhafid Boussouf. Il est raisonnable de dater, de cet événement, la jonction entre le futur chef du MALG et de l’étudiant alors anonyme. Les témoignages des anciens cadres du MALG – Mohamed Lemkami, Abderrahmane Berrouane - signalent, en effet, la présence de celui qui se faisait appeler Boumediène dans la proximité de Si Mabrouk.

                          DE BOUKHAROUBA A BOUMEDIENE : L’ASCENSION FULGURANTE D’UN CADET
                          Écrit par Reporters

                          Du 20 au 28 août 1957 se tient, dans un grand hôtel du Caire, une session exceptionnelle du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), instance suprême du FLN désignée par le Congrès de la Soummam. Le quorum statutairement requis n’est pas atteint et les ordonnateurs de cette session – au motif de procéder au remplacement de Larbi Ben M’Hidi, assassiné en mars à Alger – procèdent au renforcement du CNRA par cooptation et y intègrent notamment des chefs de wilaya. Le colonel Houari Boumediène fait alors partie des nouveaux promus à la direction du FLN.

                          Son ascension est pour le moins fulgurante, lui, qui, selon ses détracteurs, «n’avait jamais tiré un coup de feu durant la guerre». Comparativement, le colonel Salah Boubnider, dit Sawt el ‘Arab, qui avait pris part aux premières opérations du 1er Novembre 1954, n’accédera que sur le tard à la direction de sa wilaya II d’origine du nord-constantinois, alors que Boumediène prendra la suite du chef de la wilaya IV, Abdelhafid Boussouf, à peine deux années après son ralliement au Front.
                          Il aurait, rapporte-t-on, effectué des missions d’inspection sur le territoire de la wilaya IV, mais apparaît bien dans la proximité de Boussouf au moment de la mise en place des premières sections des transmissions. Il s’était, dit-on, notamment occupé d’une manière de l’instruction militaire. A-t-il, sans doute, bénéficié du pouvoir et de l’influence de ceux que l’historien Mohamed Harbi désignait comme les «seigneurs de guerre», en l’occurrence les anciens chefs des Wilayas II, III et IV qui bénéficiaient d’une constante allégeance des responsables et des hommes de leurs terres d’origine ?

                          1 – La protection de Boussouf
                          9e11fee90bce2ad85d7fde71647ff610La montée en puissance de Houari Boumediène doit-elle d’abord à la protection que lui accordait Abdelhafid Boussouf, qui allait se retrouver, à la faveur des événements et des rapports de force à l’intérieur du FLN, au cœur de l’animation de la lutte ?
                          En mars 1959, il se retrouve à la tête du tribunal militaire qui jugeait les acteurs de la dissidence de novembre 1958 – les colonels Lamouri, Nouaoura, le capitaine Lakhal – qui seront condamnés à mort et exécutés, et d’autres officiers de l’ALN comme Belhouchet ou Messadia, qui seront condamnés à des peines de prison et élargis par la suite.
                          Porté à la tête de l’état-major de l’ALN de l’Ouest – celui de l’Est est attribué à Mohammedi Saïd, de la Wilaya III -, Houari Boumediène prend part aux travaux du «conclave des colonels» convoqué par le président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) Ferhat Abbas pour trancher la situation de blocage que connaissait le gouvernement. La rencontre, qui allait durer cent dix jours, appellera à une nouvelle session du CNRA - décembre 59/janvier 60 – qui, outre de reconduire Ferhat Abbas à la tête du GPRA, décide de la création d’un Comité interministériel de guerre (CIG) confié à Krim, Boussouf et Bentobbal. Boumediène figure alors au sein de la commission de consultation du CNRA, aux côtés de Saâd Dahlab, traditionnellement chargée des consultations en vue de la désignation des titulaires des différents postes de responsabilité à l’intérieur de la direction du Front. Il apparaît alors et visiblement comme un acteur du pouvoir.

                          2 – Un acteur du pouvoir
                          Le CIG décide de l’unification des états-majors et la création d’un «état-major général» (EMG) coiffant l’ensemble de l’ALN de l’intérieur et des frontières. La charge échoit à Houari Boumediène. Il a alors tout juste vingt-sept ans.
                          Le cours de la guerre – notamment les effets meurtriers des lignes Challe et Morice sur l’acheminement des armes aux maquis-, l’implantation de réfugiés algériens aux frontières avec le Maroc et la Tunisie, l’engagement de déserteurs de l’armée française dans les rangs de l’ALN, contribuent à l’émergence et l’organisation d’unités armées professionnelles constitutives de ce qui allait être désigné comme «l’armée des frontières» appelée à devenir le bras armé de l’ambitieux chef de l’EMG. Houari Boumediène cache mal cette ambition et exprime, selon le témoignage de Abdallah Bentobbal, le souhait d’intégrer le CIG. Il lui fut répondu que le CIG était un organe politique du GPRA et qu’il n’y avait pas droit.
                          L’accélération des contacts et des échanges entre le GPRA et le gouvernement français, à compter de juin 1960, la logique politique des négociations rapprochent à la fois l’échéance de l’indépendance et inscrit, in fine, la lancinante question du pouvoir au lendemain de l’Indépendance.
                          C’est sans ambiguïté l’objectif que s’assignait le chef de l’EMG, qui entre dans une opposition un temps larvée contre le CIG et puis spectaculaire et déclarée contre le GPRA au lendemain de la signature des accords d’Evian. Lors de la réunion du CNRA, à Tripoli, pour l’examen des accords résultant des négociations avec le gouvernement français, Houari Boumediène – avec ses compagnons de l’EMG - marque sa différence en votant contre le contenu des accords.
                          L’exacerbation de la crise, désormais publique, entre Houari Boumediène, l’EMG et le GPRA, conduit ce dernier à dissoudre l’état-major et à dégrader les officiers le composant. Décision vite dénoncée par Ahmed Ben Bella, vice-président du GPRA et tout juste libéré, en application des accords d’Evian. Houari Boumediène, alors à la manœuvre, construit ses alliances et attend son heure. A trente ans, il sait qu’il est aux portes du pouvoir. Un pouvoir sans partage.

                          Une chronologie raisonnée du régime de Houari Boumediène
                          Écrit par Reporters

                          Dictateur ? Autocrate ? Sans doute Houari Boumediène aura peu émargé au fronton des libertés, mais il est difficile de contester sa dimension d’homme d’Etat – pas seulement au regard du crédit international acquis -, porteur d’une vision politique adossée à la transformation de la société dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des plus démunis, par l’école, la réforme agraire, l’industrialisation, la médecine gratuite.


                          Cette chronologie n’examine pas, sur le fond, les conséquences de toutes les actions initiées sous l’autorité de Houari Boumediène, mais veut fixer les plus décisives d’entre elles pour la définition de la politique du régime institué depuis juin 1965.
                          Mai 1966 - Nationalisation des mines
                          Février 1967 – Premières élections des Assemblées populaires communales (APC) et des Assemblées populaires de wilaya (APW)
                          1967/1969 : Lancement du plan triennal de développement
                          1968 - Résiliation des accords algéro-français sur l’émigration
                          1969 - Institution du service national
                          1969 - Institution de la gratuité de la médecine
                          1970 - Annonce du plan quadriennal (1970/1973)
                          Février 1971 - Nationalisation des hydrocarbures
                          Novembre 1971 – Lancement de la Révolution agraire
                          1975 - Abrogation des dispositifs législatifs et réglementaires hérités de la colonisation
                          1976 - Adoption de la Charte nationale
                          1976 - Mise en œuvre de la réforme du système éducatif
                          1976 - Réforme sportive portant code de l’éducation sportive
                          1976 : Adoption d’une nouvelle Constitution
                          1976 : Election au suffrage universel direct du président de la République.A. M.
                          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                          • #14
                            Pour etre complet

                            Les agissements du Boumdienne

                            Je m'appelle Mokrane Djaoumi, je vis à Berkeley, en Californie. Si je vous écris aujourd'hui, c'est suite à votre billet du 11-03-2012 en hommage à Saïd Sadi... Justement à la fin, vous m’avez choqué avec l'adjectif «boumedieniste». Le respect que je vous dois l'a emporté sur la haine que j'ai pour Boumediène. A cet effet, je préfère ne pas exposer ma «beurkitude »et poster seulement la chronologie de son règne.

                            3 juillet 1962 : indépendance de l'Algérie.

                            25 juillet 1962 : l'armée des frontières aidée d'éléments de la Wilaya I s'empare des villes de Constantine, Annaba et Skikda : 50 morts. Plus de 100 citoyens sont arrêtés.

                            30 juillet 1962 : Mohamed Boudiaf, membre fondateur du FLN et ministre du GPRA, est arrêté à M'sila par des militaires de la Wilaya I, agissant pour le compte de l'armée des frontières.

                            20 août 1962 : des hommes armés à la solde de l'armée des frontières tirent sur des maquisards de la Wilaya IV à Alger : nombreux morts et blessés.

                            29 août 1962 : violents accrochages entre éléments infiltrés de l'armée des frontières et maquisards de la Wilaya IV à Alger : plus d'une dizaine de morts.

                            30 août 1962 : l'armée des frontières attaque les maquisards de l'ALN sur plusieurs fronts : Boghari, Masséna, Sour El Ghozlane et Sidi Aïssa. A l'aide de leur armement lourd, ils provoquent un véritable carnage dans les rangs des maquisards et de la population. Des témoins locaux parlent d'un millier de morts.

                            1er septembre 1962 : violents affrontements entre l'armée des frontières et les maquisards de la Wilaya IV à Boghari : plusieurs dizaines de morts et de blessés.

                            4 septembre 1962 : violents combats entre l'armée des frontières et des maquisards à El Asnam : 75 morts

                            7 septembre 1962 : violents accrochages entre l'armée des frontières et des maquisards de l'ALN dans la vallée du Chélif (Chlef) : plus de 120 morts.

                            9 septembre 1962 : l'armée des frontières fait son entrée à Alger après plus de deux mois de combats et plus de 1 500 morts.

                            11 avril 1963 : Mohamed Khemisti, ministre des Affaires étrangères de Ben Bella, est tué par balle près du siège de l'Assemblée nationale par un homme traité de «malade mental». Ce «fou» sera «suicidé» quelque temps après dans sa cellule. Bouteflika, l'un des hommes-clés de Boukharouba, prend alors le portefeuille des Affaires étrangères.

                            13 juin 1963 : Mansour Youcef, secrétaire général de l'Organisme saharien, est kidnappé par des hommes armés de la police politique au café Le Strasbourg d'Alger.

                            21 juin 1963 : Mohamed Boudiaf, membre fondateur du FLN et ministre d'Etat du GPRA, est kidnappé au pont d'Hydra par des hommes armés de la police politique. Il sera déporté à Tsabit, dans l'extrême-sud, durant près de cinq mois.

                            14 août 1963 : le pouvoir d'Alger annonce l'arrestation d'un groupe armé de tendance marxiste constitué d'une trentaine de citoyens dans les maquis de Draâ El Mizan (Tizi-Ouzou). Ces malheureux opposants seront horriblement torturés. Le «ministre» de l'information de Ben Bella accuse... Israël d'être à l'origine de ce complot.

                            3 septembre 1963 : création par Ben Bella de milices «populaires» qui arrêtent, emprisonnent et torturent en toute impunité les opposants au pouvoir.

                            29 septembre 1963 : Hocine Aït Ahmed et d'anciens maquisards de la guerre de Libération nationale de l'Algérois, de la Kabylie et du Constantinois créent le Front des forces socialistes (FFS) et décident d'une lutte armée contre la dictature de Ben Bella et de Boukharouba. L'armée des frontières occupe plus particulièrement la Kabylie, où une impitoyable répression s'abat sur la population. Elle fera en moins de deux années plus de 400 morts et plusieurs centaines de prisonniers. Saïd Gherib, député à l'Assemblée constituante, suspecté de sympathie au FFS, est kidnappé par la police politique et meurt sur la table de torture.

                            6 - 7 janvier 1964 : manifestations de citoyens chômeurs à Oran. Violente répression avec de nombreux blessés et des dizaines d'arrestations. Le pouvoir décide de créer les «cours révolutionnaires » (tribunaux d'exception) pour juger les «contre-révolutionnaires».

                            Avril 1964 : campagne de terreur contre les populations de Kabylie. Des centaines de citoyens soupçonnés de sympathie au FFS sont arrêtés et torturés.

                            16 mai 1964 : Cheikh Mohamed El Bachir El Ibrahimi, président de l'association des Ouléma, adresse une lettre ouverte au pouvoir militaro-policier d'Alger pour attirer son attention sur ces dérives du régime et les germes de guerre civile. Malgré son âge (76 ans) et son état de santé, il sera assigné à résidence où il mourra une année plus tard (20 mai 1965).

                            7 juillet 1964 : arrestation de Abderrahmane Farès, ancien président de l'exécutif provisoire et député à l'Assemblée constituante. Il sera séquestré dans un centre de torture d'El Biar avant d'être déporté vers Béchar.

                            19 août 1964 : Ferhat Abbas, 65 ans, ancien président du 1erGPRA et ancien président de l'Assemblée constituante de l'Algérie indépendante, est arrêté à son domicile par la police et déporté à Adrar dans le Sud algérien durant dix mois.

                            1er septembre 1964 : cinq militants du FFS dont Chemmame Moh Chérif, ancien officier de la guerre de Libération nationale, sont fusillés.

                            3 septembre 1964 : le colonel Chabani, plus jeune officier supérieur de l'Armée de libération nationale et ancien chef de la Wilaya VI, est fusillé, après une parodie de procès, par l'armée des frontières.

                            Octobre 1964 : des dizaines de citoyens sympathisants du FFS sont torturés par la SM au centre de torture du chemin Poirson (El Biar). D'autres opposants subissent les mêmes supplices à la clinique psychiatrique de Notre-Dame d'Afrique, sur les hauteurs d'Alger.

                            12 avril 1965 : Aït Ahmed, membre fondateur du FLN et ex-député de l'Assemblée constituante, est condamné à mort par un tribunal d'exception. Sa peine sera commuée in extremis en perpétuité par Ben Bella, alors que certains officiers de l'état-major des frontières voulaient son exécution.

                            19 juin 1965 : coup d'Etat du colonel Boukharouba contre Ben Bella. Certains citoyens se hasardent à manifester dans l'Est algérien : 40 morts. Ben Bella sera séquestré durant 14 années sans jugement. On ne lui permettra même pas d'assister à l'enterrement de sa vieille mère.

                            15 mars 1966 : vaste campagne de répression contre les militants et sympathisants du FFS. Des dizaines de citoyens seront arrêtés et torturés par la sécurité militaire.

                            Octobre 1966 : nombreuses arrestations au sein de l'organisation des étudiants (UNEA) dominée par le PAGS.

                            4 janvier 1967 : Mohamed Khider, membre fondateur du FLN, est assassiné par la sinistre police politique à Madrid (…)

                            14 décembre 1967 : tentative de coup d'Etat du colonel Zbiri contre le colonel Boukharouba. De violents accrochages ont lieu à El Affroun. Des Migs pilotés par des Soviétiques bombardent les colonnes blindées des putschistes. Près d'un millier de morts dont de très nombreux civils. Ceux qui dirigeaient les troupes du colonel Boukharouba ne seraient autres que d'anciens sous-officiers déserteurs de l'armée française, selon Tahar Z'biri.

                            16 décembre 1967 : le colonel Saïd Abid est «suicidé» dans son quartier général de Blida. Des rumeurs font état de son élimination par deux ex-sousofficiers de l'armée française.

                            Janvier 1968 : le colonel Abbès meurt mystérieusement sur la route Cherchell-Alger. Des rumeurs font état de sa liquidation suite au coup d'Etat manqué de Zbiri.

                            27 avril 1968 : tentative d'assassinat du colonel Boukharouba au Palais du gouvernement. L'attentat est perpétré par d'anciens compagnons du colonel Zbiri.

                            7 avril 1969 : la Cour «révolutionnaire » d'Oran (tribunal d'exception) condamne à mort par contumace Krim Belkacem, membre fondateur du FL N.
                            18 octobre 1970 : Krim Belkacem, membre fondateur du FLN, est étranglé dans un hôtel de Francfort (Allemagne) par des tueurs à gages de la sinistre police politique d'Alger (…)

                            1971 : Youcef Dakhmouche, ancien membre du MALG, impliqué par certains opposants politiques dans l'assassinat de Mohamed Khider à Madrid, est arrêté et emprisonné à El Harrach par la SM. Il sera porté «disparu» depuis cette date.

                            Juin 1974 : affrontements entre gendarmes et population à Larbaâ-Nath- Irathen, suite à l'interdiction de chanteurs kabyles de se produire sur scène : 3 morts.

                            25 décembre 1975 : une machination orchestrée par la police politique (affaire des bombes d' El Moudjahid) aboutira à l'arrestation d'opposants au pouvoir. Parmi eux se trouvaient Medjeber Mohamed Ousmaïl et Mohamed Haroun, fils de martyr de la guerre de Libération. Ils seront accusés d'activités «berbéristes» et subiront les affres de la torture. Medjeber et Haroun seront condamnés le 4 mars 1976 par la Cours de sûreté de l'Etat (tribunal d'exception) respectivement à la peine capitale et à la réclusion perpétuelle. Ils seront incarcérés à la prison de Lambèse. Mohamed Haroun sera soumis à un «traitement psychiatrique». Ils seront graciés en 1987 et 1988.

                            Janvier 1976 : Ouarab Madjid, militant pour la culture amazighe, est kidnappé par des éléments de la sécurité militaire. Il sera porté disparu jusqu'en 1977, où son cadavre, en état de décomposition avancée, sera découvert.

                            10 mars 1976 : Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, Hocine Lahouel et Mohamed Kheireddine sont mis en résidence surveillée et leurs biens confisqués par le colonel Boukharouba pour avoir publié un manifeste dénonçant le pouvoir personnel et les risques de guerre fratricide avec les Marocains. Ils y resteront jusqu'au 13 juin 1977.

                            Juillet 1976 : plus d'une centaine de jeunes citoyens de la région de Larbaâ- Nath-Irathen sont arrêtés suite à la découverte de textes sur la culture amazighe.

                            Décembre 1978 : la sécurité militaire infiltre et pilote un parachutage d'armes organisé par des opposants (Benyahia) en Kabylie (affaire du Cap Sigli). De nombreux opposants seront arrêtés et torturés.

                            A la fin, j'aimerais avec votre permission, conclure à la Mamarienne mon long billet
                            Si je me trompe corrigez-moi…
                            «Vous pouvez mentir à tout le monde un certain temps, vous pouvez mentir à un petit nombre de gens tout le temps, mais vous ne pouvez mentir à tout le monde tout le temps.» Abraham Lincoln.
                            Mokrane Djaoumi, TTS Coordinator (Muscat)
                            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                            • #15
                              إختلاف الآراء حول هواري بومدين إذ هناك من يقدسه و البعض الآخر يدنسه ..
                              فمن منهما على صواب ؟


                              Différence d’opinions sur Houari Boumedienne, entre ceux qui le sanctifient et ceux qui le profanent.
                              • Lequel d’entre eux, a raison?
                              • Quelles sont les réalisations de Boumedienne ?
                              • Quels sont ses péchés originels qui nous ont amèner à la situation de crise politique, économique et sociale actuelle, ainsi que la paralysie et le flou totale du système.


                              Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

                              Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

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