Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Lettre de Mouloud Feraoun à Albert Camus en 1951

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Lettre de Mouloud Feraoun à Albert Camus en 1951

    Cher Monsieur,
    Je viens de recevoir ici, à Taourirt-Moussa, la visite de mon ami Roblès. Il m’a dit tout le bien que vous pensez de mon petit ouvrage et m’a donné votre adresse que je désirais connaître depuis longtemps. L’hiver dernier j’avais demandé à Pierre Martin du S.C.I de vous faire parvenir un exemplaire du “Fils du Pauvre”. Lui aussi pouvait me communiquer votre adresse mais je n’avais osé vous écrire.
    Je suis très heureux d’avoir réussis à vous intéresser parce que je vous connais depuis longtemps. Je vous ai vu en 1937 à Tizi-Ouzou. Nous étions alors bien jeunes. Vous écriviez des articles sur la Kabylie dans Alger républicain qui était notre journal, puis j’ai lu la Peste et j’ai eu l’impression d’avoir compris votre livre comme je n’en avais jamais compris d’autres; J’avais regretté que parmi tous ces personnages il n’y eût aucun indigène et qu’Oran ne fût à vos yeux qu’une banale préfecture française.
    Oh ! ce n’est pas un reproche. J’ai pensé simplement que, s’il n’y avait pas ce fossé entre nous, vous nous auriez mieux connus, vous vous seriez senti capable de parler de nous avec la même générosité dont bénéficient tous les autres. Je regrette toujours, de tout mon cœur, que vous ne nous connaissiez pas suffisamment et que nous n’ayons personne pour nous comprendre, nous faire comprendre et nous aider à nous connaître nous-mêmes.
    J’ai l’intention d’écrire, de parler de nos compatriotes tels que je les vois mais j’ai pas d’illusions. Ma vue sera forcement trop courte et mes moyens trop réduits car il n’est pas vrai que le bon sens soit si bien partagé qu’on le dit. Si je parvenais à un jour à m’exprimer sereinement, je le devrais à votre livre – à vos livres qui m’ont appris à me connaître puis à découvrir les autres, et à me constater qu’il me ressemblent.
    Ne puis-je donc pas me payer ce ridicule : tenter à mon tour d’expliquer les kabyles et montrer qu’ils ressemblent à tout le monde ? A tous les Algériens, par exemple ? Ce fossé qui s’élargit stupidement, ne faudrait-il pas essayer de le combler ? Bien entendu, il ne m’en coûtera pas d’échouer. Je suis un bon maître d’école; j’ai beaucoup d’élèves; j’aime ma classe. Je ne demande rien et je rêve à mon aise. J’ai réussi à attirer sur nous l’attention de Audisiau, Camus, Roblès. Le résultat est magnifique. Vous êtes Algériens tous trois et vous n’avez pas à nous ignorer…
    J’aurai besoin de votre indulgence pour cette longue lettre. Peut-être trouverez-vous que je prends trop de liberté à vous parler ainsi. Ce sera la preuve que mes paroles n’arrivent pas à dire ma pensée et que j’ai eu tort de vouloir écrire.
    Ne retenez de tout ceci que mes vifs remerciement par les encouragements précieux que Roblès me rapporte de Paris. »
    M. Ferraoun / Taourirt-Moussa le 27 Mai 1951
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Quelle humilité!

    Ne puis-je donc pas me payer ce ridicule : tenter à mon tour d’expliquer les kabyles et montrer qu’ils ressemblent à tout le monde ?
    Il s'est bien acquitté de sa tâche! Ses beaux écrits font partie des meilleurs que nous avions à lire de notre parcours scolaire... Le fils du pauvre fait partie de mes livres préférés... tellement touchant!
    “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
    comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

    Nazim Hikmet

    Commentaire


    • #3
      Mouloud Feraoun et Ali Al hamami (avec son roman "Idriss"), sont les deux plus grands intellectuels de l'Algérie (à mes yeux)
      « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

      Commentaire


      • #4
        Ali Al hamami (avec son roman "Idriss")
        Oups! Je ne le connais pas lui
        “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
        comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

        Nazim Hikmet

        Commentaire


        • #5
          Le fils du pauvre fait partie de mes livres préférés... tellement touchant!
          senaounoua,

          Pourquoi ?

          Commentaire


          • #6
            Il y a d'autres lettres de Feraoun à Camus, celle-ci n'est pas la meilleure.

            J'aime aussi Feraoun dont je relis régulièrement les romans.
            ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

            Commentaire


            • #7
              Tawenza

              Pourquoi?

              Sans oublier le style que j'aime bcp, il y a que le personnage principal me rappelait mon pere et son parcours et je suppose qu il retraçait aussi les parcours de bcp de kabyles et moins kabyles

              c'est pour ça que je dis qu il avait réussi dans sa tâche.

              Et puis commet oublier ce passage qui nous faisait rire
              extrait du conte 'Le fils du pauvre' de Mouloud Feraoun:

              ********************************

              J’étais l’unique garçon de la maisonnée. Pénétré de mon importance des l’âge de cinq ans, j’abusais bientôt de mes droits. Je devins immédiatement un tyran pour la plus petite de mes sœurs, mon aînée de deux ans.

              Je l’appelais Titi – le nom lui est resté – elle n’était pas plus grande que moi et me ressemblait autant qu’une petite sœur ressemble à son frère, c’est-à-dire qu’on pouvait la reconnaître grâce à son foulard et à sa natte de cheveux longs. Elle avait un bon naturel qui lui permettait d’essuyer mes coups d’accepter mes moqueries avec une mansuétude peu imaginable chez un enfant de son âge.
              Toutefois, on ne manqua pas de lui inculquer la croyance que sa docilité était un devoir et mon attitude un droit. Chaque fois qu’il lui arrivait de se plaindre, elle recevait une réponse invariable : « n’est-ce pas ton frère ? Quelle chance pour toi d’avoir un frère ! Que Dieu te le garde ! Ne pleure plus, va l’embrasser. »

              Grâce à ce procédé, elle avait fini par croire inséparable la formule « que Dieu te le garde » du nom de frère et il était touchant de l’entendre dire à ma mère en pleurant : -« c’est mon frère, que Dieu me le garde, qui a mangé ma part de viande » -« mon frère, que Dieu me le garde, a déchiré mon foulard ».

              Petite sœur, qui es maintenant mère de famille, ton vœu a été exaucé, Dieu t’a gardé ton mauvais frère.
              “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
              comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

              Nazim Hikmet

              Commentaire


              • #8
                « c’est mon frère, que Dieu me le garde, qui a mangé ma part de viande » -« mon frère, que Dieu me le garde, a déchiré mon foulard ».
                hahahaha
                Je ne me rappelais pas de ce délicieux passage.
                ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

                Commentaire


                • #9
                  Senaou,
                  Sais-tu que Feraoun a été décrié par les intellos encartés du FLN ? Ils considéraient qu'il n'avait pas la plume rebelle comme dib, mammeri ou kateb.

                  Awah kem teqaredhd ayen yelen soua soua

                  Commentaire


                  • #10
                    Hirondelle

                    "Idriss", environ 400 pages, de Ali Alhamami, écrit en 1942 à Baghdad.
                    Il est considéré comme le roman le plus fascinant du Maghreb.
                    J'ai lu ce roman et franchement, Ali Alhamami (1902-1949) est vraiment génial
                    « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

                    Commentaire


                    • #11
                      Saladin

                      merci

                      Je viens de télécharger le fichier PDF, il sera ma prochaine lecture donc!

                      Voici le lien pour les éventuels amateurs



                      1942!! quand mm!
                      “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                      comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                      Nazim Hikmet

                      Commentaire


                      • #12
                        Bachi

                        eh oui!
                        et moi j imagine les dires de la pauve Ttti en kabyle

                        elle aurait dit athye7rez Rebbi dés qu'elle cite son tyran de frere

                        sinon, tu pourrais nous poster la lettre que tu préferes le plus.
                        “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                        comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                        Nazim Hikmet

                        Commentaire


                        • #13
                          Senaou,
                          Sais-tu que Feraoun a été décrié par les intellos encartés du FLN ? Ils considéraient qu'il n'avait pas la plume rebelle comme dib, mammeri ou kateb.

                          Awah kem teqaredhd ayen yelen soua soua
                          il pourrait être le diable, ça n enleve rien à la beauté de sa plume.

                          c'est comme Ait Menguellet comparé à Maatoub par certains...

                          ce sont tous des grands noms, à chacun son parcours, ça chacun sa façon de se 'rebeller'
                          “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                          comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                          Nazim Hikmet

                          Commentaire


                          • #14
                            En visite à Paris, M. F. s'est vu proposer un poste à la Présidence de la République française (il fût reçu par la fille même du général de Gaule). Il a décliné l'offre et a préféré revenir en Algérie pour affronter le danger et mourir en martyr
                            « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

                            Commentaire


                            • #15
                              et ça ose le critiquer...
                              “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                              comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                              Nazim Hikmet

                              Commentaire

                              Chargement...
                              X