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Les Quatres Livres Des Stratagemes

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  • #16
    15 Une action semblable a été faite, sous le consulat d’Atilius Calatinus, par un chef dont le nom nous a été diverse-ment transmis : les uns l’appellent Laberius, quelques autres Q. Céditius, la plupart Calpurnius Flamma . Voyant que les trou-pes étaient entrées dans une vallée dont toutes les hauteurs étaient occupées par l’ennemi, il demande et obtient trois cents hommes, qu’il exhorte à sauver l’armée par leur courage, et s’élance avec eux au milieu de cette vallée. les ennemis descen-dent de toutes parts pour les tailler en pièces ; mais, arrêtés par un combat long et acharné, ils laissent au consul le temps de s’échapper avec son armée.

    16 En Ligurie, l’armée du consul L. Minucius s’étant enga-gée dans un défilé qui rappelait aux soldats le désastre des Fourches Caudines, ce général donna l’ordre aux Numides, ses auxiliaires, qui, ainsi que leurs chevaux, inspiraient le mépris par leur mauvaise mine, d’aller caracoler vers les issues oc-cupées par les ennemis. Ceux-ci, craignant une surprise, établi-rent des avant-postes. De leur côté, les Numides, pour se faire mépriser davantage, se laissaient à dessein tomber de cheval, se donnant en spectacle et excitant la risée. Cette étrange manœu-vre mit le désordre chez les barbares, qui abandonnèrent leurs rangs pour regarder, Aussitôt que les Numides s’en aperçurent, ils approchèrent peu à peu ; puis, donnant de l’éperon, ils passè-rent à travers les postes mal gardés de l’ennemi, firent irruption dans les campagnes voisines, et forcèrent par là les Liguriens à courir à la défense de ce qui leur appartenait, et à laisser échap-per les Romains, qu’ils tenaient enfermés.

    17. Pendant la guerre Sociale, L. Sylla, surpris dans un défi-lé voisin d’Ésernia, se rendit près de l’armée ennemie, com-mandée par Mutilus, et, dans une entrevue qu’il avait deman-dée, il discuta sans succès les conditions de la paix ; mais, s’étant aperçu que les ennemis se tenaient peu sur leurs gardes, à cause de la suspension des hostilités, il sortit de son camp pendant la nuit, et, pour faire croire que son armée y était res-tée, il y laissa un trompette avec ordre de sonner chacune des veilles, et de le rejoindre après avoir annoncé la quatrième. Grâce à cette ruse, il put conduire en des lieux sûrs ses troupes, tous ses bagages et ses machines de guerre.

    18 Le même général, faisant la guerre contre Archelaüs, lieutenant de Mithridate dans la Cappadoce, et ayant à lutter à la fois contre la difficulté des lieux et contre un grand nombre d’ennemis, fit des propositions de paix, conclut même une trêve, et, quand il eut par là trompé la vigilance de l’ennemi, il s’échappa.

    19 Hasdrubal, frère d’Hannibal, ne pouvant sortir d’un dé-filé dont les issues étaient gardées par Claudius Néron, prit avec celui-ci l’engagement de quitter l’Espagne, si on lui laissait la retraite libre. Puis, chicanant sur les conditions du traité, il ga-gna quelques jours, qu’il mit tous à profit, pour faire échapper son armée par détachements, à travers des sentiers étroits, que l’ennemi avait négligé d’occuper. Après quoi il s’enfuit aisément lui-même avec ses troupes légères.

    20 Spartacus, que M. Crassus tenait enfermé par un fossé, fit tuer des prisonniers et des bestiaux, combla le fossé avec leurs corps, pendant la nuit, et passa par-dessus .

    21 Ce même chef, assiégé sur le Vésuve, fit des liens de vi-gne sauvage, à l’aide desquels il descendit la montagne du côté le plus escarpé, et par cela même le moins gardé ; et non seule-ment il s’échappa, mais encore il alla par un autre côté jeter une telle épouvante dans l’armée de Clodius, que plusieurs cohortes plièrent devant soixante-quatorze gladiateurs.

    22 Le même Spartacus, enveloppé par l’armée du pro-consul P. Varinius, planta devant la porte de son camp, et à de faibles intervalles les uns des autres, des pieux auxquels furent attachés des cadavres vêtus et armés, qu’on devait prendre de loin pour un avant-poste, et alluma des feux dans toute l’éten-due du camp. Ayant trompé l’ennemi par cette fausse appa-rence, il emmena ses troupes pendant le silence de la nuit.

    23 Brasidas, général lacédémonien, surpris dans les envi-rons d’Amphipolis par les Athéniens, qui lui étaient supérieurs en nombre, se laissa entourer, afin que les rangs de l’ennemi s’affaiblissent en formant une longue enceinte, et s’ouvrit un passage par l’endroit le plus éclairci.

    24. Iphicrate, dans une expédition en Thrace, ayant établi son camp dans un lieu bas, et s’étant aperçu que les, ennemis occupaient une hauteur voisine, d’où ils ne pouvaient descendre que par un seul passage pour le surprendre, laissa dans le camp pendant la nuit quelques soldats auxquels il donna l’ordre d’al-lumer un grand nombre de feux ; et son armée, qu’il avait fait sortir, s’étant postée de chaque côté de cette issue, laissa passer les barbares Puis, tournant contre ceux-ci la difficulté que le terrain lui avait présentée à lui-même, Iphicrate, avec une partie des siens, les chargea en queue et les tailla en pièces, tandis que le reste de son armée s’emparait de leur camp.

    25 Darius, pour cacher sa retraite aux Scythes, laissa des chiens et des ânes dans son camp . Les ennemis, entendant aboyer et braire ces animaux, ne se doutèrent point du départ de Darius.

    26 Les Liguriens employèrent un moyen analogue pour tromper la vigilance des Romains : ils attachèrent à des arbres, en différents endroits de leur camp, de jeunes bœufs qui, ainsi séparés les uns des autres, redoublèrent leurs mugissements, et firent croire par là que l’armée était toujours présente.

    27 Hannon, cerné par des troupes ennemies, amoncela sur le lieu par où il pouvait le plus facilement s’échapper, une grande quantité de menu bois auquel il mit le feu. Les ennemis ayant abandonné cette position pour aller garder les autres is-sues, il fit passer ses soldats à travers les flammes, après leur avoir recommandé de se couvrir le visage avec leurs boucliers, et les jambes avec des vêtements.

    28 Hannibal, voulant sortir d’un lieu désavantageux où il était menacé de la disette, et serré de près par Fabius Maximus, chassa de côté et d’autre, pendant la nuit, des bœufs aux cornes desquels il avait attaché des faisceaux de sarment , qui furent allumés. Ces animaux, effrayés par la flamme que leurs mouve-ments excitaient encore, se répandirent au loin sur les monta-gnes, et firent paraître en feu tous les lieux qu’ils parcouraient. Les soldats romains, qui étaient venus en observation, crurent d’abord que c’était un prodige ; mais quand Fabius fut informé de la réalité, il craignit que ce ne fût un piège, et retint ses trou-pes dans le camp : alors les barbares s’échappèrent de ce lieu sans rencontrer aucun obstacle.

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    • #17
      Frontin fait encore ici erreur. Pendant le consulat de Duilius, Syracuse avait pour roi Hiéron, allié et ami des Romains. Il est plu-tôt question du port de Segeste, comme le conjecturent la plupart des critiques. Cf. Polybe, liv. I.

      En 156o, Montgomery, fuyant sur la Seine, après la prise de Rouen, franchit de la même manière une estacade que l’on avait établie sur le fleuve, pour empêcher l’approche des bâtiments an-glais.
      Cet acte de dévouement de Calpurnius Flaima est rapporté par Florus, liv. II. 2. Tite-Live (liv. XXII, ch. 6o), faisant le rappro-chement de cette noble conduite et de celle de P. Decius, attribue à Flamma ces paroles ; « Moriamur, milites, et morte nostra eripia-mus ex obsidione circumventas legiones. »

      Kléber, avec quatre mille hommes, avait attaqué vingt-cinq mille Vendéens. Se voyant débordé par l’ennemi, il dit au colonel Shouadin : « Prends une compagnie de grenadiers, arrête l’ennemi devant ce ravin : tu te feras tuer, et tu sauveras l’armée. — Oui, gé-néral, » répond l’officier ; et il périt avec tous ses hommes.

      Ces faits rappellent celui de Léonidas et des trois cents Spartia-tes.
      Selon le récit de Plutarque, Crassus enferma Spartacus dans la presqu’île de Rhegium, en tirant à l’isthme, d’une mer à l’autre, un fossé de trois cents stades de longueur, sur une largeur et une pro-fondeur de quinze pieds, et Spartacus s’échappa en comblant une partie du fossé avec de la terre, des branches d’arbres, etc. ; mais le biographe ne fait aucune mention des prisonniers que ce général, au dire de Frontin, aurait mis à mort pour faire passer son armée sur leurs cadavres. (Vie de Crassus, ch. XIII.)
      Darius, sur le conseil de Gobrias, un des grands qui le sui-vaient, laissa non seulement les ânes dans son camp, mais encore les malades et toute la partie de son armée la moins capable de suppor-ter les fatigues (Hérodote, liv. IV, ch. 134 et 135). Cf. Polyen, Liv. VII, ch. 11, § 4 ; et Justin, liv. II, ch. 5.
      Ce fait est raconté par Tite-Live (liv. XXII, ch. 16 et 17), par Polybe (liv. III, ch. 93), par Plutarque (Vie de Fabius, ch. VI), par Cornélius Nepos (Vie d’Hannibal, ch. V). Il a été de nos jours taxé d’invraisemblance, et appelé le conte des bœufs ardents.

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      • #18
        VI. Des embuscades dressées dans les marches.

        1 Fulvius Nobilior, conduisant son armée du Samnium dans la Lucanie, et apprenant par des déserteurs que l’ennemi devait attaquer son arrière-garde, donna l’ordre à sa meilleure légion de marcher en tête, et plaça en queue les équipages. L’ennemi, profitant de cette disposition comme d’une occasion favorable, se jeta sur le bagage. Alors Fulvius rangea à sa droite cinq cohortes de la légion dont on vient de parler, et les cinq autres à sa gauche ; puis, étendant ses deux lignes du côté de l’ennemi, que le pillage occupait, il l’enveloppa et le tailla en pièces.

        2 Le même Fulvius, vivement pressé par l’ennemi dans une marche, et rencontrant une rivière qui était trop peu considéra-ble pour lui fermer le passage, mais assez rapide pour le retar-der, embusqua en deçà une de ses deux légions, afin que les en-nemis, ne craignant pas le petit nombre des soldats qu’ils ver-raient, le poursuivissent avec plus de témérité. Le fait ayant ré-pondu à son attente, la légion qu’il avait postée sortit du lieu de l’embuscade, fondit sur eux, et les mit en déroute.

        3 Iphicrate marchait vers la Thrace, forcé par la nature des lieux d’étendre son armée en longueur, lorsqu’il apprit que l’ennemi avait dessein d’attaquer son arrière-garde. Il ordonna à ses cohortes d’ouvrir leurs rangs en appuyant de chaque côté du chemin, et de s’arrêter ; et aux autres troupes, de hâter le pas comme dans une fuite. À mesure qu’elles défilaient devant lui, il retenait les hommes d’élite ; et quand il vit les ennemis pêle-mêle, échauffés au pillage, et déjà fatigués, il fondit sur eux avec ses soldats reposés et en bon ordre, les tailla en pièces, et leur enleva le butin.

        4 Sur le passage de l’armée romaine, qui devait traverser la forêt Litana , les Boïens avaient scié les arbres de telle manière que, soutenus par une très faible partie de leurs troncs, ils de-vaient céder au moindre choc ; puis ils s’étaient embusqués à l’extrémité de la forêt. Dès que les Romains s’y furent engagés, les Boïens donnèrent l’impulsion aux arbres qui étaient le plus près d’eux : ceux-ci déterminant la chute des autres sur l’armée romaine, un grand nombre de soldats furent écrasés.

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        • #19
          VII. Comment on paraît avoir ce dont on manque, et comment on y supplée.

          1 L. Cécilius Metellus, n’ayant pas de vaisseaux propres à transporter ses éléphants , joignit ensemble des tonneaux qu’il couvrit de planches, embarqua les éléphants sur ce radeau, et leur fit passer le détroit de Sicile.

          2 Hannibal, ne pouvant contraindre ses éléphants à traver-ser un fleuve très profond , et n’ayant pas de bateaux, ni de bois pour construire des radeaux, ordonna qu’on blessât au-dessous de l’oreille le plus méchant de ces animaux, et que celui qui l’aurait frappé se jetât aussitôt à la nage, et traversât le fleuve en fuyant. L’éléphant, que la blessure rendit furieux, vou-lant pour suivre l’auteur de son mal, franchit le fleuve, et les autres n’hésitèrent plus à en faire autant.

          3 Des généraux carthaginois, devant équiper une flotte, et manquant de sparte pour faire des cordages, y suppléèrent avec les cheveux des femmes.

          4 Les Marseillais et les Rhodiens recoururent au même ex-pédient.

          5 M. Antoine, fuyant après sa défaite à Mutine, donna des écorces à ses soldats pour se faire des boucliers.

          6 Spartacus et ses soldats avaient des boucliers d’osier re-couverts de peaux.

          7 Il n’est pas hors de propos, ce me semble, de rapporter ici cette belle action d’Alexandre le Grand. Lorsque, traversant les déserts de l’Afrique, il était, comme toute son armée, en proie à une soif brûlante, un soldat lui présenta de l’eau dans un cas-que. Il la répandit à terre, à la vue de tous. Par cet exemple de tempérance il produisit plus d’effet sur ses soldats, que s’il eût pu partager avec eux cette eau.



          Metellus avait pris ces éléphants aux Carthaginois dans le combat livré sous les murs de Panorme.
          Il s’agit ici du passage du Rhône. Tite-Live, tout en rappor-tant le fait (liv. XXI, ch. 28), semble peu y croire, et pense que les éléphants passèrent plutôt sur des radeaux.

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          • #20
            VIII. Mettre la division chez les ennemis.

            1 Lorsque Coriolan se vengeait, les armes à la main, de son ignominieuse condamnation, il préserva du ravage les proprié-tés des patriciens, tandis qu’il brûlait et dévastait celles des plé-béiens, voulant par là rompre l’accord qui régnait entre les Ro-mains.

            2 Hannibal, ayant dessein de faire noter d’infamie Fabius, qui lui était supérieur en vertu, comme en talents militaires, épargna ses propriétés tout en ravageant celles des autres Ro-mains. Mais la grandeur d’âme de Fabius mit sa fidélité à l’abri de tout soupçon : il vendit ses biens au profit de l’État.

            3 Q. Fabius Maximus, étant consul pour la cinquième fois, lorsque les Gaulois, les Ombriens, les Étrusques et les Samnites réunirent leurs forces contre le peuple romain, s’avança à leur rencontre au delà de l’Apennin ; et, pendant qu’il fortifiait son camp près de Sentinum, il écrivit à Fulvius et à Postumius, qui gardaient Rome, de diriger leurs troupes sur Clusium . Cet ordre exécuté, les Étrusques et les Ombriens accoururent à la défense de leur territoire ; alors, comme il ne restait plus que les Samnites et les Gaulois, Fabius et son collègue Decius les atta-quèrent et les défirent.

            4 Les Sabins ayant levé une grande armée, et quitté leur territoire pour se jeter sur celui de Rome, M. Curius envoya, par des chemins détournés, un détachement qui ravagea leurs ter-res, et incendia leurs bourgades dans plusieurs directions. Les Sabins rentrèrent chez eux pour arrêter cette dévastation ; en sorte que Curius eut le triple avantage de saccager le pays en-nemi alors sans défense, de mettre en fuite une armée sans avoir livré bataille, et de la tailler en pièces après l’avoir disper-sée.

            5 T. Didius, ne trouvant pas son armée assez nombreuse, différait la bataille jusqu’à l’arrivée des légions qu’il attendait, lorsqu’il apprit que l’ennemi allait marcher à leur rencontre. Il convoqua l’assemblée, or donna aux soldats de se préparer au combat, et fil à dessein négliger la garde des prisonniers. Il s’en échappa quelques-uns, qui annoncèrent aux leurs que les Ro-mains se disposaient à les attaquer. Alors, dans l’attente du combat, l’ennemi craignit de diviser ses forces, et renonça à marcher contre les légions qu’il voulait surprendre. Celles-ci arrivèrent près de Didius sans avoir été inquiétées.

            6 Dans une des guerres Puniques, quelques villes, ayant dessein de passer du parti des Romains dans celui des Cartha-ginois, et désirant, avant de rompre avec les premiers, retirer les otages qu’elles leur avaient donnés, feignirent d’avoir querelle avec des peuples voisins, demandèrent, des Romains pour mé-diateurs, et, quand ceux-ci furent arrivés, elles les retinrent comme otages équivalents, et ne les rendirent qu’après avoir reçu les leurs.

            7 Les Romains ayant envoyé une ambassade au roi Antio-chus, qui, après la défaite des Carthaginois, avait auprès de lui Hannibal, dont il mettait les conseils à profit contre Rome ; les députés eurent de fréquents entretiens avec Hannibal, dans le but de le rendre suspect au roi, à qui sa présence était agréable, et même utile, à cause de son caractère rusé et de ses talents militaires.

            8 Q. Metellus, faisant la guerre contre Jugurtha, gagna les députés que ce prince lui avait envoyés, et obtint d’eux qu’ils le lui livreraient. Il arrêta le même projet avec une seconde am-bassade, puis avec une troisième ; mais il ne réussit pas à s’em-parer de Jugurtha, parce qu’il voulait qu’on le lui amenât vivant. Toutefois il résulta de cette machination un grand avantage : des lettres qu’il écrivait aux confidents du roi furent intercep-tées ; et celui-ci, ayant immolé à sa colère tous ces personnages, demeura privé de conseillers, et ne put se faire dans la suite au-cun ami.

            9 C. César, informé par un prisonnier qu’Afranius et Pe-treius devaient lever le camp la nuit suivante, résolut de les en empêcher sans fatiguer ses troupes. Il ordonna, quand la nuit fut venue, que l’on criât de plier bagage, que l’on conduisît à grand bruit les bêtes de somme le long des retranchements des ennemis, et que l’on continuât le tumulte, afin que ce départ simulé les retînt dans leur camp.

            10 Scipion l’Africain, voulant surprendre des renforts et des convois qui allaient rejoindre Hannibal, envoya à leur rencontre M. Thermus, se disposant lui-même à le suivre pour l’appuyer.

            11 Denys, tyran de Syracuse, informé qu’une nombreuse armée de Carthaginois devait débarquer en Sicile pour l’attaquer, fortifia plusieurs châteaux, et donna l’ordre aux trou-pes qu’il y laissa de les abandonner à l’approche de l’ennemi, et de s’échapper en se repliant secrètement vers Syracuse. Les Car-thaginois, une fois maîtres de ces forts, se virent dans la nécessi-té d’y placer des garnisons ; et Denys, ayant réduit, autant qu’il le désirait, les forces de l’ennemi en les disséminant, tandis qu’en réunissant les siennes il s’était fait une armée presque aussi nombreuse que la leur, prit l’offensive et les défit.

            12 Agésilas, roi de Lacédémone, allant faire la guerre à Tis-sapherne , feignit de se diriger sur la Carie, comme devant combattre avec plus de succès dans ce pays montueux , contre un ennemi qui lui était supérieur en cavalerie. Cette démonstra-tion ayant fait passer Tissapherne lui-même en Carie, Agésilas fit irruption en Lydie, où était la capitale du royaume ; et, pre-nant au dépourvu les habitants, il s’empara des trésors du roi.

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            • #21
              Tite-Live rend compte de ce fait (liv. XXXV, ch. 14), et rap-porte un entretien qu’aurait eu Hannibal avec son vainqueur, P. Sci-pion l’Africain, qui faisait partie de l’ambassade. Cf. Cornélius Ne-pos, Vie d’Hannibal, ch. VII-VIII.


              Machiavel fait allusion (Art de la guerre, liv. VI) aux deux derniers exemples de ce chapitre, en les généralisant comme des préceptes souvent applicables.


              Qui est coupé de monts, de hauteurs (Littré)

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              • #22
                IX. Apaiser les séditions dans l’armée.

                1 Le consul A. Manlius, ayant appris que les soldats avaient conspiré dans leurs quartiers d’hiver, en Campanie, pour égor-ger leurs hôtes et s’emparer de leurs richesses, répandit le bruit qu’ils auraient encore les mêmes quartiers l’hiver suivant. Il sauva la Campanie en déjouant ainsi le complot, et saisit toutes les occasions de sévir contre ceux qui l’avaient tramé.

                2 Une sédition dangereuse s’étant élevée parmi des légions romaines, la prudence de Sylla sut en calmer la fureur. Annon-çant tout à coup l’approche de l’ennemi, il fit crier aux armes, et donner le signal. Marcher contre l’ennemi fut la pensée de tous les soldats, et l’émeute fut apaisée.

                3 Le sénat de Milan ayant été massacré par des soldats, Cn. Pompée, qui craignait de donner lieu à une rébellion en n’appelant que les coupables, les fît venir indistinctement avec ceux qui n’avaient pris aucune part à cette action . N’étant point séparés des autres, par conséquent ne se croyant pas ap-pelés à cause de leur crime, les coupables comparurent avec moins de méfiance ; et ceux qui n’avaient rien à se reprocher, veillèrent à la garde des coupables, de peur d’être taxés de com-plicité s’ils les laissaient fuir.

                4 Des légions de l’armée de C. César s’étant révoltées, au point de manifester l’intention d’attenter à la vie de leur chef, il dissimula sa crainte, s’avança vers les soldats, et, comme ils demandaient leur congé, il le leur donna sur-le-champ, d’un air menaçant. À peine l’eurent-ils obtenu, que le repentir les força de faire leur soumission à leur général, auquel ils furent dès lors plus dévoués qu’auparavant.


                Machiavel (Art de la guerre, liv. VI) s’est encore emparé de ce récit pour en faire un précepte : « Un point bien important pour un général, dit-il, c’est de savoir habilement étouffer un tumulte ou une sédition qui se serait élevée parmi ses troupes. Il faut, pour cet effet, châtier les chefs des coupables, mais avec une telle prompti-tude, que le châtiment soit tombé sur leur tête avant qu’ils aient eu le temps de s’en douter. S’ils sont éloignés de vous, vous manderez en votre présence non seulement les coupables, mais le corps entier, afin que, n’ayant pas lieu de croire que ce soit dans l’intention de les châtier, ils ne cherchent pas à s’échapper, et viennent, au contraire, d’eux-mêmes se présenter à la peine. »

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                • #23
                  X. Comment on refuse le combat aux soldats, quand ils le demandent intempestivement.

                  X. Comment on refuse le combat aux soldats, quand ils le demandent intempestivement.

                  1 Q. Sertorius, sachant par expérience qu’il ne pouvait ré-sister aux forces réunies des Romains, et voulant le prouver aux barbares ses alliés, qui demandaient témérairement le combat, fit amener en leur présence deux chevaux, l’un plein de vigueur, l’autre extrêmement faible, auprès desquels il plaça deux jeunes gens qui offraient le même contraste, l’un robuste, l’autre ché-tif ; et il ordonna au premier d’arracher d’un seul coup la queue entière du cheval faible, au second de tirer un à un les crins du cheval vigoureux. Le jeune homme chétif s’étant acquitté de sa tâche, tandis que l’autre s’épuisait à force de tirer la queue du cheval faible : « Soldats, s’écrie Sertorius, je vous ai montré par cet exemple ce que sont les légions romaines ; invincibles quand on les prend en masse, elles seront bientôt affaiblies et taillées en pièces, si elles sont attaquées séparément. »

                  2 Ce même chef, à qui les soldats demandaient inconsidé-rément le combat, craignant qu’ils n’enfreignissent ses ordres, s’il refusait plus longtemps, permit, à un détachement de cava-lerie d’aller attaquer l’ennemi ; et, quand il vit cette troupe plier, il en envoya successivement d’autres pour la soutenir, puis il les fit rentrer toutes dans le camp. Alors il montra à l’armée entière, sans avoir essuyé de perte, quel pouvait être le résultat de la ba-taille qu’elle avait demandée. Elle eut désormais pour lui la plus grande soumission.

                  3 Agésilas, roi de Lacédémone, dont le camp était placé sur le bord d’une rivière, en face de celui des Thébains, s’étant aper-çu que l’armée ennemie était beaucoup plus nombreuse que la sienne, et voulant ôter à ses soldats le désir de livrer bataille, leur annonça que les réponses des dieux lui ordonnaient de combattre sur les hauteurs. Alors il laissa une faible troupe vers le fleuve, et gagna la colline. Les Thébains, prenant cette man-œuvre pour un effet de la crainte, traversent la rivière, mettent facilement en fuite ceux qui en défendaient le passage ; mais, s’étant élancés avec trop d’ardeur vers le reste de l’armée, ils ont le désavantage du terrain, et sont défaits par des troupes infé-rieures en nombre.

                  4 Scorylon, général des Daces, sachant bien qu’une guerre civile divisait les Romains, mais ne jugeant pas à propos de les attaquer, parce qu’une guerre étrangère pouvait rétablir la concorde entre les citoyens, mit aux prises deux chiens en pré-sence de ses compatriotes ; et, tandis que ces animaux se bat-taient avec le plus d’acharnement, il leur montra un loup, sur lequel ils se jetèrent aussitôt, déposant leur animosité récipro-que. Par cet apologue, il dissuada les barbares d’opérer une at-taque qui aurait tourné au profit des Romains.

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                  • #24
                    XI. Comment l’armée doit être excitée au combat.

                    1 Pendant la guerre contre les Étrusques, l’armée des consuls M. Fabius et Cn. Manlius s’étant mutinée, et se refusant à combattre, ces chefs affectèrent eux-mêmes de temporiser, jusqu’à ce que les soldats, irrités des insultes de l’ennemi, eu-rent demandé le combat, et juré d’en revenir victorieux.

                    2 Fulvius Nobilior, étant dans la nécessité de livrer bataille, avec peu de monde, à une armée de Samnites, nombreuse et fière de ses succès, feignit d’avoir gagné une des légions enne-mies ; et, pour en convaincre ses troupes, il prescrivit aux tri-buns, aux premiers officiers et aux centurions, de lui apporter tout ce qu’ils avaient d’argent comptant, ou d’objets d’or et d’ar-gent, pour payer les transfuges, promettant d’ajouter, après la victoire, d’amples récompenses au remboursement des sommes prêtées. Les Romains le crurent, engagèrent sur-le-champ le combat avec autant d’ardeur que de confiance, et remportèrent une éclatante victoire.

                    3 C. César, étant sur le point de combattre les Germains commandés par Arioviste, et voyant le courage de ses troupes abattu, les rassembla et leur dit que dans cette circonstance la dixième légion seule marcherait à l’ennemi. Par là, il stimula cette légion, en lui rendant le témoignage qu’elle était la plus brave, et fit craindre aux autres de lui laisser à elle seule cette glorieuse renommée.

                    4 Q. Fabius, convaincu que les Romains avaient trop de fierté pour ne pas s’irriter d’un affront, et n’attendant rien de juste ni de modéré de la part de Carthage, envoya des députés dans cette ville pour proposer la paix. Ils en rapportèrent des conditions pleines d’injustice et d’insolence ; et dès lors l’armée romaine ne respira plus que le combat.

                    5 Agésilas, ayant établi son camp près d’Orchomène, ville alliée de Lacédémone, et apprenant que la plupart de ses soldats allaient déposer dans cette place ce qu’ils avaient de plus pré-cieux, défendit aux habitants de rien recevoir de ce qui apparte-nait à son armée : il pensait que le soldat combattrait avec plus d’ardeur, quand il se verrait dans la nécessité de défendre tout ce qu’il possédait.

                    6 Épaminondas, général des Thébains, étant sur le point de livrer bataille aux Lacédémoniens, et voulant tirer parti, non seulement de la vigueur, mais encore de toutes les affections de ses soldats, leur annonça en pleine assemblée que les Lacédé-moniens avaient résolu, s’ils étaient vainqueurs, de massacrer les hommes à Thèbes, d’emmener comme esclaves les femmes et les enfants, et de raser la ville. Cette nouvelle exaspéra les Thébains, qui, au premier choc, mirent les Lacédémoniens en déroute.

                    7 Leutychidas, général lacédémonien, étant sur le point de combattre, le jour même que ses alliés gagnaient une bataille navale, déclara à ses soldats, pour leur inspirer plus d’ardeur, et bien qu’il l’ignorât encore, qu’on venait de lui annoncer la vic-toire des alliés.

                    8 Dans un combat contre les Latins, A. Postumius, voyant apparaître deux jeunes hommes à cheval, releva le cou-rage des siens en disant que c’étaient Castor et Pollux qui ve-naient à leur secours, et rétablit ainsi le combat.

                    9 Archidamus, de Lacédémone, étant en guerre avec les Ar-cadiens, plaça au milieu de son camp des armes autour desquel-les il fit secrètement marcher des chevaux, pendant la nuit. Le lendemain il montra les pas à ses soldats, et leur persuada que Castor et Pollux étaient venus à cheval dans ce lieu pour les sou-tenir pendant le combat.

                    10 Périclès, général athénien, aperçut, au moment de livrer bataille, un bois d’où l’on pouvait être en vue des deux armées, bois très épais, vaste et consacré à Pluton. Il y aposta un homme d’une grande taille, augmentée encore par de très hauts cothur-nes, et dont le manteau de pourpre et la chevelure inspiraient de la vénération. Debout sur un char attelé de chevaux blancs, cet homme devait, au signal du combat, s’avancer, appeler Périclès par son nom, l’encourager, et lui annoncer que les dieux étaient du côté des Athéniens. À la vue de ce prodige, les ennemis pri-rent la fuite avant même qu’on lançât le javelot.

                    11 L. Sylla, voulant inspirer du courage à ses troupes, leur fit croire que les dieux lui révélaient l’avenir. En présence même de toute l’armée, et au moment de sortir du camp pour combat-tre, il adressait des prières à une petite statue, qu’il avait enlevée à Delphes, et la suppliait de hâter la victoire qu’elle lui avait promise.

                    12 C. Marius avait auprès de lui une prophétesse de Sy-rie, dont il feignait de recevoir les prédictions sur l’issue des combats.

                    13 Q. Sertorius, qui avait une armée de barbares, sans rai-son et sans discipline, menait à sa suite, dans la Lusitanie, une biche blanche d’une beauté remarquable ; et, afin que ses ordres fussent observés comme s’ils émanaient du ciel, il assurait que cette biche l’avertissait de ce qu’il devait, faire et de ce qu’il de-vait éviter.

                    Les ruses de ce genre ne peuvent être employées que lors-qu’on connaît l’ignorance et la superstition des hommes aux-quels on s’adresse ; mais il est bien préférable d’en imaginer qui soient de nature à pouvoir être prises réellement pour des mani-festations divines.

                    14 Alexandre le Grand, au moment d’offrir un sacrifice, se servit d’une teinture pour tracer dans la main que l’aruspice al-lait porter sur les entrailles des victimes, certaines lettres qui signifiaient qu’il serait vainqueur. Le foie, encore chaud, ayant reçu promptement ces caractères, Alexandre les fit voir aux sol-dats, et accrut par là leur courage, comme si un dieu lui eût promis la victoire.

                    15 L’aruspice Sudinès en fit autant, lorsqu’Eumène était sur le point de livrer bataille aux Gaulois.

                    16 Épaminondas, général thébain, persuadé que ses trou-pes marcheraient avec plus de confiance contre les Lacédémo-niens, si un motif religieux les animait, enleva pendant la nuit les armes suspendues en trophées dans les temples, et fit enten-dre aux soldats que les dieux les suivaient pour les secourir dans le combat.

                    17 Agésilas, roi de Lacédémone, ayant fait quelques prison-niers aux Perses, dont l’aspect est effrayant quand ils ont leur costume de guerre, les mit à nu, et montra leurs corps blancs et délicats à ses troupes, afin qu’elles n’eussent que du mépris pour de pareils soldats.

                    18 Gélon, tyran de Syracuse, ayant fait dans une guerre contre les Carthaginois, un grand nombre de prisonniers, choi-sit les plus faibles, surtout parmi les auxiliaires, qui étaient très noirs, et les fit paraître nus en présence de ses soldats, pour ex-citer leur mépris.

                    19 Cyrus, roi de Perse, voulant donner du courage à ses su-jets, les fatigua toute une journée à couper une forêt ; puis, le lendemain, il leur fit préparer un festin somptueux, et leur de-manda laquelle de ces deux journées ils préféraient. Tous s’étant prononcés pour le plaisir présent : « Eh bien, dit-il, c’est par la première des deux conditions que vous parviendrez à celle-ci ; car vous ne pouvez être libres et heureux qu’après avoir vaincu les Mèdes. » Ce fut ainsi qu’il leur inspira le désir de combattre.

                    20 L. Sylla, devant livrer bataille, près du Pirée, à Arche-laùs, général de Mithridate, et voyant que ses troupes man-quaient d’ardeur, les contraignit, en les fatiguant par des tra-vaux, à demander elles-mêmes le signal du combat.

                    21 Fabius Maximus, qui craignait que ses soldats ne com-battissent pas avec assez d’ardeur, dans l’espoir de trouver un refuge sur leurs vaisseaux, y fît mettre le feu avant d’engager l’action.

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                    • #25
                      Ce n’est pas Fabius qui envoya l’ambassade, mais il en fit partie, et montra au milieu des sénateurs carthaginois toute l’éner-gie d’un Romain. Voyez Tite-Live, liv. XXI, Ch. l8 ; Polybe, liv. III, Ch. 2.
                      Quelques éditions portent Xerxem. J’ai suivi la leçon d’Oudendorp et de Schwebel, qui ont reculé devant l’accord des ma-nuscrits, en imputant à Frontin l’erreur historique qui frappe ici dans le texte. Leutychidas était sur mer, et ce fut lui qui remporta, à Mycale, la victoire attribuée par Frontin aux alliés. De leur côte, ceux-ci, sous le commandement de Pausanias, gagnèrent la bataille de Platée. Voyez Hérodote, liv. IX, ch. 58 et suiv. ; Justin, liv. II, ch. i4 ; Cornelius Nepos, Vie de Pausanias, ch. I, et Vie d’Aristide, ch. II.
                      Il s’agit du combat que se livrèrent Postumius et Mallius, ou Mamilius, près du lac Régille. Tite Live, qui donne le récit du com-bat (liv. II, ch. 19 et 20), ne parle point de cette apparition merveil-leuse.
                      On trouve dans Plutarque (Vie de Marius, ch. XVII) des dé-tails sur cette prophétesse, nommée Martha, et plusieurs faits qui donnent à conclure qu’il y avait chez Marius moins de crédulité que d’adresse à profiter des idées superstitieuses de ses troupes.

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                      • #26
                        XII. Rassurer les soldats, quand ils sont intimidés par de mauvais présages.

                        1 Scipion, arrivant d’Italie en Afrique avec son armée, tom-ba au sortir de son vaisseau, et, voyant ses soldats effrayés de cet événement, sut, par son courage et sa présence d’esprit, trouver dans cette circonstance un motif d’exhortation : « Sol-dats, s’écria-t-il, réjouissez-vous : je tiens sous moi l’Afrique ! »

                        2 C. César, étant tombé au moment où il montait sur son navire, s’écria : « Ô terre, ma mère, je te tiens ! » voulant faire entendre par là qu’il reviendrait dans ce pays dont il s’éloignait.

                        3 Le consul T. Sempronius Gracchus s’avançait en ba-taille contre les Picentins, lorsqu’un tremblement terre jeta tout à coup l’épouvante dans les deux armées. Il exhorta les siens, les rassura ; et, les ayant déterminés à fondre sur l’ennemi, que la superstition tenait abattu, il donna l’attaque, et fut vainqueur.

                        4 Dans l’armée de Sertorius, les boucliers de la cavalerie, par un prodige soudain, parurent ensanglantés à l’extérieur, ainsi que le poitrail des chevaux. Ce général déclara que c’était un présage de victoire, parce que ces objets se couvrent ordinai-rement du sang de l’ennemi.

                        5 Épaminondas, voyant ses troupes effrayées de ce qu’une banderole, qui était suspendue à sa lance comme ornement, avait été enlevée par le vent et jetée sur le tombeau d’un Lacé-démonien, leur dit : « Soldats, cessez de craindre ; voilà qui an-nonce la mort des Lacédémoniens : nous parons les tombeaux pour leurs funérailles. »

                        6 Un météore enflammé, tombé du ciel pendant la nuit, ef-frayait les soldats qui l’avaient aperçu : « C’est, leur dit Épami-nondas, une lumière que la bonté des dieux nous envoie. »

                        7 Le même général était au moment d’en venir aux mains avec les Lacédémoniens, lorsque le siège sur lequel il était assis se brisa, ce qui fut, pour le commun des soldats, un événement de sinistre présage : « Allons, s’écria-t-il, nous ne pouvons plus rester assis. »

                        8 C. Sulpicius Gallus, craignant qu’une éclipse, qui était prochaine, ne fût considérée par les soldats comme un mauvais présage, la leur prédit , et leur expliqua les causes et les lois de ce phénomène.

                        9 Pendant qu’Agathocle, de Syracuse, faisait la guerre aux Carthaginois, il y eut une semblable éclipse de lune , dont les soldats furent effrayés comme d’un prodige, il leur expliqua cet événement, et leur apprit à le considérer, quel qu’il fût, comme un phénomène naturel, qui n’avait aucun rapport avec leurs desseins.

                        10 La foudre était tombée dans le camp de Périclès et avait effrayé ses soldats. Il convoqua l’assemblée, puis, en présence de tous, il choqua des pierres l’une contre l’autre, en fit jaillir du feu, et mit fin à l’épouvante, en montrant que la foudre s’élance de la même manière du sein des nuages en conflit.

                        11 Timothée, général athénien, était sur le point d’engager un combat naval avec les Corcyréens , et déjà sa flotte se met-tait en mouvement, lorsque son pilote donna le signal de la re-traite, pour avoir entendu un des rameurs éternuer : « Tu es étonné, lui dit Timothée, que parmi tant de milliers d’hommes, il y en ait un qui soit enrhumé ? »

                        12 Un autre Athénien, Chabrias, vit, au moment de com-battre sur mer, la foudre tomber devant son navire, ce qui fut un prodige effrayant aux yeux de ses soldats : « Profitons de cet instant, leur dit-il, pour commencer le combat : car Jupiter, le plus grand des dieux, nous montre que sa puissance vient au secours de notre flotte. »


                        « Teneo te, terra mater. » Suétone raconte ainsi le fait (Vie de J. César, ch. LIX) : « Prolapsus etiam in egressu navis, verso in melius omine, Teneo te, inquit, Africa. » Des commentateurs ont pensé que Frontin avait confondu ces paroles de César avec celles qu’il attribue à Scipion dans le paragraphe précédent. Il est certain, dans tous les cas, que les mots teneo te ne sont pas dans un rapport bien direct avec l’intention attribuée ici par Frontin à César, de re-venir dans le pays d’où il partait. J’ai dû, quant à moi, traduire conformément au texte.
                        Il y a ici une erreur de nom : ce n’est pas T. Sempronius Gracchus, mais P. Sempronius Sophus, qui battit les Picentins, après avoir rassuré ses troupes sur un tremblement de terre. Voyez FLORUS, liv. I, ch. 19.
                        D’après Tite-Live (liv. XLIV, ch. 37), Sulpicius annonça cette éclipse pendant le jour, pour la nuit suivante, en précisant l’heure à laquelle devait commencer le phénomène, et l’instant où il finirait. L’événement ayant été conforme à cette prédiction, les soldats re-gardèrent la science de Sulpicius comme une inspiration divine.
                        Ce fait s’accomplissait l’an 68 avant notre ère, et, selon Pline (Hist. Nat, liv. 11, ch. 9), Sulpicius Gallus fut le premier Romain qui expliqua la raison des éclipses de soleil et de lune. À une époque beaucoup plus reculée (583 ans avant J.-C.), Thalès de Milet avait prédit l’éclipse de soleil qui eut lieu sous le règne d’Alyatte.
                        Selon Justin (liv. XXII, ch. 6), ce fut une éclipse de soleil ; et Diodore de Sicile, qui affirme la même chose (liv. XX, ch. 5), ajoute que l’obscurité fut assez complète pour que l’on pût, au milieu de la journée, apercevoir les étoiles.
                        Erreur historique. Timothée fut envoyé par les Athéniens, non contre les Corcyréens, mais bien à leur secours, contre les Lacé-démoniens, comme le rapporte Diodore de Sicile, liv. XV, ch. 47. Cf. Polyen, liv. VI, ch. 10, § 2.

                        « Les anciens généraux, dit Machiavel (Art de la guerre, liv. VI) avaient à vaincre une difficulté qui n’existe pas pour les généraux modernes, c’était d’interpréter à leur avantage des présages sinis-tres. »

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                        • #27
                          Ceci etait le livre premier, le livre second viendra par la suite,
                          merci de votre patience,
                          et bonne lecture.

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