Salamalikoumme.
Le département d’Etat, à Washington, a exclu l’expression « Etat voyou » de son langage diplomatique, au profit de la catégorie, plus vague, de « state of concern » (« Etat source d’inquiétude »), dans le dessein d’avoir une plus grande flexibilité dans ses rapports avec les Etats ainsi désignés. Réservée à sept pays bien précis (Corée du Nord, Cuba, Irak, Iran, Libye, Soudan et Syrie), l’expression « rogue state », que l’on peut traduire par Etat voyou, Etat hors-la-loi ou encore Etat paria, désignait des pays qui, selon Washington, soutenaient le terrorisme et, par conséquent, étaient soumis unilatéralement à des sanctions.
Noam Chomsky
Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston, Etats-Unis. Auteur, après bien d’autres ouvrages, de Pirates et empereurs. Le terrorisme dans le monde contemporain, Fayard, Paris, 2003. La plupart de textes de Noam Chomsky sont disponibles sur son site Internet .
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Le département d’Etat, à Washington, a exclu l’expression « Etat voyou » de son langage diplomatique, au profit de la catégorie, plus vague, de « state of concern » (« Etat source d’inquiétude »), dans le dessein d’avoir une plus grande flexibilité dans ses rapports avec les Etats ainsi désignés. Réservée à sept pays bien précis (Corée du Nord, Cuba, Irak, Iran, Libye, Soudan et Syrie), l’expression « rogue state », que l’on peut traduire par Etat voyou, Etat hors-la-loi ou encore Etat paria, désignait des pays qui, selon Washington, soutenaient le terrorisme et, par conséquent, étaient soumis unilatéralement à des sanctions.
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WASHINGTON AU-DESSUS DU DROIT INTERNATIONAL
L’Amérique « Etat voyou »
par Noam Chomsky
WASHINGTON AU-DESSUS DU DROIT INTERNATIONAL
L’Amérique « Etat voyou »
par Noam Chomsky
Noam Chomsky
Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston, Etats-Unis. Auteur, après bien d’autres ouvrages, de Pirates et empereurs. Le terrorisme dans le monde contemporain, Fayard, Paris, 2003. La plupart de textes de Noam Chomsky sont disponibles sur son site Internet .
Le concept d’« Etat voyou » (1) ou d’Etat hors-la-loi a joué, jusqu’à ces derniers temps, un rôle primordial dans l’analyse et la stratégie politique américaines. La crise irakienne, qui dure depuis exactement dix ans (l’invasion du Koweït par l’Irak date du 1er août 1990), en fournit l’exemple le plus connu (2). Washington et Londres décrétèrent alors que l’Irak était un « Etat voyou » constituant une menace pour ses voisins et pour les autres pays, une « nation hors-la-loi » dirigée par une réincarnation d’Hitler, et qui devait être tenue en échec par les gardiens de l’ordre international : les Etats-Unis et leur valet d’armes britannique.
La caractéristique la plus intéressante de ce débat sur les « Etats voyous » est précisément qu’il n’a jamais eu lieu, les discussions restant circonscrites dans des limites empêchant que soit formulée cette exigence évidente : les Etats-Unis et le Royaume-Uni doivent agir conformément à la loi et aux traités internationaux qu’ils ont signés.
Le cadre légal pertinent à cet égard est la Charte des Nations unies, fondement du droit international, et, pour les Etats-Unis, la Constitution américaine. La Charte stipule que, « une fois constatée l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises. Si ces mesures se révèlent inadéquates, le Conseil peut entreprendre toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ».
La seule exception admise figure dans l’article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. »
Il existe donc des voies de recours légitimes pour faire face aux nombreuses menaces pesant sur la paix du monde, et aucun Etat n’a autorité pour agir à sa guise par des mesures unilatérales. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne font pas exception à la règle, quand bien même ils auraient les mains propres, ce qui est loin d’être le cas. Ni les « Etats voyous », par exemple l’Irak de M. Saddam Hussein, ni les Etats-Unis n’acceptent ces contraintes. Ainsi, lors d’une première confrontation avec l’Irak, Mme Madeleine Albright, actuelle secrétaire d’Etat, et, à l’époque, ambassadrice auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU), ne se gêna pas pour déclarer au Conseil de sécurité : « Nous agirons de façon multilatérale quand nous le pourrons, et unilatéralement quand nous le jugerons nécessaire », car « nous considérons cette région du Proche-Orient comme d’une importance vitale pour les intérêts nationaux des Etats-Unis ».
La caractéristique la plus intéressante de ce débat sur les « Etats voyous » est précisément qu’il n’a jamais eu lieu, les discussions restant circonscrites dans des limites empêchant que soit formulée cette exigence évidente : les Etats-Unis et le Royaume-Uni doivent agir conformément à la loi et aux traités internationaux qu’ils ont signés.
Le cadre légal pertinent à cet égard est la Charte des Nations unies, fondement du droit international, et, pour les Etats-Unis, la Constitution américaine. La Charte stipule que, « une fois constatée l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises. Si ces mesures se révèlent inadéquates, le Conseil peut entreprendre toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ».
La seule exception admise figure dans l’article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. »
Il existe donc des voies de recours légitimes pour faire face aux nombreuses menaces pesant sur la paix du monde, et aucun Etat n’a autorité pour agir à sa guise par des mesures unilatérales. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne font pas exception à la règle, quand bien même ils auraient les mains propres, ce qui est loin d’être le cas. Ni les « Etats voyous », par exemple l’Irak de M. Saddam Hussein, ni les Etats-Unis n’acceptent ces contraintes. Ainsi, lors d’une première confrontation avec l’Irak, Mme Madeleine Albright, actuelle secrétaire d’Etat, et, à l’époque, ambassadrice auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU), ne se gêna pas pour déclarer au Conseil de sécurité : « Nous agirons de façon multilatérale quand nous le pourrons, et unilatéralement quand nous le jugerons nécessaire », car « nous considérons cette région du Proche-Orient comme d’une importance vitale pour les intérêts nationaux des Etats-Unis ».

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