Liberté
Contribution (Dimanche 01 Juillet 2007)
“De la résistance à l’ouverture démocratique”
Il s’agit d’une conférence donnée par M. Rédha Malek, le 27 juin 2007, au Palais de la Culture à Alger, à l’occasion du 15e anniversaire de l’assassinat de Mohamed Boudiaf. Mesdames, Messieurs, Évoquer la mémoire de Mohamed Boudiaf relève de la gageure.
Personnalité à part du mouvement national, à la fois complexe et fait d’un seul bloc, il reste difficile à cerner. L’hommage qui lui est dû risque d’être ou trop lacunaire, ou au contraire, de tomber dans une hagiographie à laquelle l’homme, qui a toujours combattu le culte de la personnalité, était totalement allergique. Pour lui rendre justice, je tenterai, modestement, de rappeler quelques-unes des idées phares qui ont dominé son long parcours de militant et d’homme d’État et qu’il tenait pour essentielles tant dans la phase du combat libérateur que dans celle de la reconstruction.
Un destin exceptionnel. Telle est l’impression qui nous assaille dès que nous, ses amis, ses fidèles, nous nous penchons sur l’homme et son œuvre. Initiateur en chef du Premier Novembre 1954, cet acte fondateur d’une des plus grandes révolutions anticoloniales du XXe siècle, Mohamed Boudiaf connut, le 29 juin 1992, la fin d’un martyr. Terrible ironie de l’histoire, il ne tomba pas sous les coups d’un tortionnaire ennemi, comme le fut son compagnon d’armes, Larbi Ben M’hidi, mais de la main criminelle d’un compatriote qui grandit dans cette Algérie indépendante dont il fut l’un des accoucheurs déterminés.
Tirer sur Mohamed Boudiaf dans la nuque et dans le dos, alors qu’il prononçait dans l’enceinte d’un centre culturel des paroles de vie où, comme à l’accoutumée, il mettait toute son âme, constitue assurément le paroxysme de l’inconcevable. Cette tragédie, unique en son genre, a été vécue en direct par le peuple algérien comme un véritable séisme.
Au-delà de l’anomie propre à un contexte de crise, caractérisé par le doute et la désaffection vis-à-vis de l’État, la mort de Mohamed Boudiaf ressortit à une volonté de torpiller tout projet de renouveau, de tuer dans l’œuf toute perspective de retour à la stabilité et au règne de la loi.
Vouloir la mort d’un Boudiaf, c’était vouloir celle d’un des ultimes symboles vivants de la Révolution. C’était chercher à enterrer, avec lui, une vision, un programme, une certaine transparence dans l’entreprise de gouverner faite de fidélité intransigeante au peuple et de respect des engagements pris à son égard. Mais les idées ne meurent pas. Surtout quand elles ont fait leurs preuves aux grandes heures de la lutte armée, et qu’elles demeurent enracinées dans les profondeurs de la conscience populaire. L’initiative d’un appel à Boudiaf, à un moment particulièrement crucial de l’histoire nationale, tenait sa force du symbole inaltéré qu’il incarnait. Sa disparition ne pouvait, telle une brûlure lancinante, qu’en rendre plus vif encore le souvenir. À l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique qui me demandait pourquoi faisait-on appel à Boudiaf, je répondis parce qu’il incarnait l’esprit du 1er Novembre. Et cet esprit impliquait les valeurs modernes. Dans la confusion des repères et des symboles, Boudiaf représentait le militant algérien de la Libération, avec son complet veston, cravate… sans barbe, ni qamis…
De fait, quinze ans après la tragédie, le souvenir de Mohamed Boudiaf continue de nous obséder et de nous interpeller. Son exemple reste une source d’inspiration incomparable dans un pays qui a besoin de repères, et qui s’interroge sur la meilleure manière de sortir de l’impasse où il est coincé. C’est pourquoi notre commémoration d’aujourd'hui dépasse le cadre protocolaire d’un simple rite.
Si Boudiaf mérite d’être célébré en ce jour anniversaire de sa mort, c’est qu’en effet il constitue un pôle de ralliement autour d’un certain nombre de vérités nécessaires rappeler.
A suivre
Contribution (Dimanche 01 Juillet 2007)
“De la résistance à l’ouverture démocratique”
Il s’agit d’une conférence donnée par M. Rédha Malek, le 27 juin 2007, au Palais de la Culture à Alger, à l’occasion du 15e anniversaire de l’assassinat de Mohamed Boudiaf. Mesdames, Messieurs, Évoquer la mémoire de Mohamed Boudiaf relève de la gageure.
Personnalité à part du mouvement national, à la fois complexe et fait d’un seul bloc, il reste difficile à cerner. L’hommage qui lui est dû risque d’être ou trop lacunaire, ou au contraire, de tomber dans une hagiographie à laquelle l’homme, qui a toujours combattu le culte de la personnalité, était totalement allergique. Pour lui rendre justice, je tenterai, modestement, de rappeler quelques-unes des idées phares qui ont dominé son long parcours de militant et d’homme d’État et qu’il tenait pour essentielles tant dans la phase du combat libérateur que dans celle de la reconstruction.
Un destin exceptionnel. Telle est l’impression qui nous assaille dès que nous, ses amis, ses fidèles, nous nous penchons sur l’homme et son œuvre. Initiateur en chef du Premier Novembre 1954, cet acte fondateur d’une des plus grandes révolutions anticoloniales du XXe siècle, Mohamed Boudiaf connut, le 29 juin 1992, la fin d’un martyr. Terrible ironie de l’histoire, il ne tomba pas sous les coups d’un tortionnaire ennemi, comme le fut son compagnon d’armes, Larbi Ben M’hidi, mais de la main criminelle d’un compatriote qui grandit dans cette Algérie indépendante dont il fut l’un des accoucheurs déterminés.
Tirer sur Mohamed Boudiaf dans la nuque et dans le dos, alors qu’il prononçait dans l’enceinte d’un centre culturel des paroles de vie où, comme à l’accoutumée, il mettait toute son âme, constitue assurément le paroxysme de l’inconcevable. Cette tragédie, unique en son genre, a été vécue en direct par le peuple algérien comme un véritable séisme.
Au-delà de l’anomie propre à un contexte de crise, caractérisé par le doute et la désaffection vis-à-vis de l’État, la mort de Mohamed Boudiaf ressortit à une volonté de torpiller tout projet de renouveau, de tuer dans l’œuf toute perspective de retour à la stabilité et au règne de la loi.
Vouloir la mort d’un Boudiaf, c’était vouloir celle d’un des ultimes symboles vivants de la Révolution. C’était chercher à enterrer, avec lui, une vision, un programme, une certaine transparence dans l’entreprise de gouverner faite de fidélité intransigeante au peuple et de respect des engagements pris à son égard. Mais les idées ne meurent pas. Surtout quand elles ont fait leurs preuves aux grandes heures de la lutte armée, et qu’elles demeurent enracinées dans les profondeurs de la conscience populaire. L’initiative d’un appel à Boudiaf, à un moment particulièrement crucial de l’histoire nationale, tenait sa force du symbole inaltéré qu’il incarnait. Sa disparition ne pouvait, telle une brûlure lancinante, qu’en rendre plus vif encore le souvenir. À l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique qui me demandait pourquoi faisait-on appel à Boudiaf, je répondis parce qu’il incarnait l’esprit du 1er Novembre. Et cet esprit impliquait les valeurs modernes. Dans la confusion des repères et des symboles, Boudiaf représentait le militant algérien de la Libération, avec son complet veston, cravate… sans barbe, ni qamis…
De fait, quinze ans après la tragédie, le souvenir de Mohamed Boudiaf continue de nous obséder et de nous interpeller. Son exemple reste une source d’inspiration incomparable dans un pays qui a besoin de repères, et qui s’interroge sur la meilleure manière de sortir de l’impasse où il est coincé. C’est pourquoi notre commémoration d’aujourd'hui dépasse le cadre protocolaire d’un simple rite.
Si Boudiaf mérite d’être célébré en ce jour anniversaire de sa mort, c’est qu’en effet il constitue un pôle de ralliement autour d’un certain nombre de vérités nécessaires rappeler.
A suivre

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