-----(Partie 1)---
Collectif Novembre Pour Le Socialisme
Biographie de Karl Marx
par Engels
Publié le 01 avril 2012 – L’ Agora
L’homme qui a donné le premier au socialisme et, par suite, à tout le mouvement ouvrier contemporain une base scientifique, Karl Marx, est né à Trèves en 1818. Il étudia le droit à Bonn et à Berlin, mais il se consacra bientôt exclusivement à l’étude de l’histoire et de la philosophie et, en 1842, il était sur le point de se faire nommer chargé de cours de philosophie, lorsque le mouvement politique qui prit naissance après la mort de Frédéric-Guillaume III le fit se diriger vers une autre carrière. Sous son impulsion, les chefs de la bourgeoisie libérale de Rhénanie, les Camphausen, Hansemann et autres, avaient fondé à Cologne la Gazette Rhénane (Rheinishe Zeitung), et Marx, dont la critique des débats de la Diète provinciale rhénane avait fait le plus grand bruit, fut appelé en automne 1842 à la direction de cette feuille. Naturellement la Gazette Rhénane était soumise à la censure, mais celle-ci n’en put jamais venir à bout.
La Gazette Rhénane arrivait presque toujours à faire passer les articles qu’elle voulait. On commençait par présenter au censeur le menu fretin à rayer jusqu’à ce qu’il finît par céder lui-même ou qu’il y fût obligé par la menace de ne pas faire paraitre le journal le lendemain. Avec dix journaux qui auraient eu le même courage que la Gazette Rhénane et dont les éditeurs auraient su sacrifier quelques centaines de thalers en frais supplémentaires d’impression, la censure, dès 1843, aurait été rendue impossible en Allemagne. Mais les propriétaires de journaux allemands étaient des philistins peureux, et la Gazette Rhénane mena toute seule la bataille. Elle fit une grande consommation de censeurs. On finit par lui imposer une double censure après la première censure, le journal était soumis au président du gouvernement, qui devait le censurer définitivement. Mais tout cela ne servit de rien. Aussi, au début de 1843, le gouvernement déclara qu’il n’y avait rien à faire avec ce journal, et il l’interdit sans plus de forme.
Marx, qui dans cet intervalle avait épousé la sœur du futur ministre réactionnaire de Westphalie, alla s’installer à Paris, où il y publia avec A. Buge les Annales franco-allemandes (Deutschfranzosischen Jahrbücher), dans lesquelles il commença la série de ses écrits socialistes par une critique de la philosophie du droits de Hegel. Puis il publia avec Engels La Sainte Famille, Contre Bruno Bauer et consorts, critique satirique d’une des dernières formes dans lesquelles s’était égaré l’idéalisme philosophique allemand de cette époque.
L’étude de l’économie politique et de l’histoire de la grande révolution française laissait encore assez de temps à Marx pour qu’il s’attaquât à l’occasion au gouvernement prussien. Celui-ci s’en vengea en obtenant du ministère Guizot au printemps de 1845 — c’est M. Alexandre de Humboldt qui, dit-on, servit d’intermédiaire — son expulsion de France. Marx alla se fixer a Bruxelles et y publia en langue française, en 1846, un Discours sur le libre-échange et, en 1847, Misère de la philosophie, critique de la Philosophie de la misère de Proudhon. En même temps, il trouva l’occasion de fonder à Bruxelles une association ouvrière allemande et commença ainsi à faire de l’agitation pratique. Cette dernière devint encore plus importante pour lui à partir du moment où il entra avec ses amis politiques, en 1847, dans la Ligue des Communistes, société secrète qui existait depuis de longues années. Toute cette institution en fut complètement transformée. L’association, jusqu’alors plus ou moins clandestine, devint une organisation ordinaire de propagande communiste restant secrète seulement lorsqu’elle ne pouvait faire autrement; ce fut la première organisation du parti social-démocrate allemand. La Ligue exista partout où se trouvaient des associations ouvrières allemandes; presque dans toutes ces associations d’Angleterre, de Belgique, de France et do Suisse ainsi que dans un très grand nombre d’associations d’Allemagne, les dirigeants étaient des membres de la Ligue, dont la participation au mouvement ouvrier allemand qui prenait naissance alors fut considérable. Mais cette Ligue fut aussi la première à mettre en relief le caractère international de tout le mouvement ouvrier et à le réaliser dans la pratique, car elle avait comme adhérents des Anglais, des Belges, des Hongrois, des Polonais, etc.; à Londres en particulier, elle organisa des réunions ouvrières internationales.
La transformation de la Ligue s’accomplit dans deux congrès qui furent tenus en 1847 et dont le second décida de rassembler et de publier les principes du parti dans un manifeste que Marx et Engels furent chargés de rédiger. C’est ainsi que prit naissance le Manifeste du parti communiste, quiparut pour la première fois en 1848, quelque temps avant la révolution de février, et qui depuis a été traduit dans presque toutes les langues européennes.
Le Journal allemand de Bruxelles (Deutsche Brüsseler Zeitung), auquel Marx collaborait et dans lequel il dénonçait sans pitié le régime policier de sa patrie, avait de nouveau incité le gouvernement prussien à user de son influence pour obtenir l’expulsion de Marx, d’ailleurs vainement. Mais lorsque la révolution de février amena, à Bruxelles aussi, des mouvements populaires et qu’un changement de régime en Belgique parut imminent, le gouvernement belge arrêta Marx sans plus de façon et l’expulsa. Dans cet intervalle, le gouvernement provisoire de France l’avait fait inviter par Flocon à revenir à Paris, et Marx se rendit à cet appel.
A Paris, il commença par combattre le bluff des aventuriers révolutionnaires qui voulaient organiser en France les ouvriers allemands en légions armées pour aller en Allemagne faire la révolution et instaurer la république. D’une part, c’était à l’Allemagne à faire elle-même sa révolution; d’autre part, chaque légion révolutionnaire étrangère qui se formait en France était immédiatement trahie par les Lamartine du gouvernement provisoire, qui la dénonçaient au gouvernement à renverser, comme cela se produisit d’ailleurs en Belgique et dans le grand-duché de Bade.
Après la révolution de mars, Marx partit à Cologne où il fonda la Nouvelle Gazette rhénane (Neue Rheinische Zeitung), qui parut du 1er janvier 1848 au 19 juin 1849. Ce journal était alors le seul qui, au sein du mouvement démocratique, soutint le point de vue du prolétariat. Ayant pris parti sans réserve pour les insurgés de juin 1848 à Paris, il perdit presque tous ses actionnaires. C’est en vain que la Gazette de la Croix (KreuzZeitung) signala le « cynisme monstrueux » avec lequel la Nouvelle Gazette rhénane attaquait tout ce qui était sacré, depuis le roi et le chancelier jusqu’au gendarme, et cela dans une ville prussienne fortifiée qui avait alors 8.000 hommes de garnison. C’est en vain que les philistins libéraux de Rhénanie, devenus soudain réactionnaires, tempêtèrent; c’est en vain que l’état de siège proclamé à Cologne dans l’automne de 1848 entraîna une suspension prolongée de la feuille; c’est en vain que le ministère de la justice du Reich à Francfort dénonça aux fins de poursuites judiciaires un grand nombre d’articles au procureur de Cologne, le journal continua à être rédigé et’ imprimé en face du corps de garde principal, et sa diffusion et sa renommée ne firent que croître au fur et à mesure que les attaques du gouvernement et de la bourgoisie devenaient plus violentes. Lorsque le coup d’Etat prussien éclata en novembre 1848, la Nouvelle Gazette rhénane invita le peuple, par un appel en tête de chaque numéro, à refuser les impôts et à répondre à la violence par la violence. Pour cet appel et aussi pour un autre article, elle fut traduite au printemps de 1849 devant les jurés, qui l’acquittèrent par deux fois. Finalement, lorsque les insurrections de mai 1849 eurent été écrasées à Dresde et en Rhénanie, et lorsque la Prusse entreprit contre le soulèvement du Palatinat et du grand-duché de Bade une campagne où furent concentrées et mobilisées des troupes considérables, le gouvernement se crut assez fort pour interdire par la violence la Nouvelle Gazette rhénane. Le dernier numéro, imprimé en rouge, parut le 19 mai.
Marx se rendit de nouveau à Paris, mais au bout de quelques semaines, après la manifestation du 13 juin 1849, il fut mis par le gouvernement français dans l’alternative de se fixer en Bretagne ou de quitter la France. Il prit ce dernier parti et alla s’installer à Londres, où il ne cessa depuis lors d’habiter.
On tenta en 1850 de continuer la publication de la Nouvelle Gazette rhénane sous forme de revue (à Hambourg), mais au bout de quelque temps il fallut y renoncer, la réaction se faisant de plus en plus violente. Immédiatement après le coup d’Etat de décembre 1851 en France, Marx publia le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (Boston 1852 ; 2° édition, Hambourg 1869, parue peu avant la guerre). En 1853, il écrivit ses Révélations sur le procès des communistes de Cologne (qui parurent d’abord à Boston, ensuite à Bâle, puis tout dernièrement à Leipzig).
Après la condamnation des membres de la Ligue des Communistes à Cologne, Marx ne s’occupa plus d’agitation politique, et se consacra, d’une part, pendant dix ans à l’étude des trésors que renfermait la bibliothèque du British Museum en matière d’économie politique, et, d’autre part, à sa collaboration à la Tribune de New-York, qui publia de lui, jusqu’au début de la guerre civile américaine, non seulement des correspondances signées, mais aussi de nombreux leaders sur la situation en Europe et en Asie. Ses critiques contre lord Palmerston, appuyées sur des études approfondies des documents officiels anglais, furent réimprimées à Londres sous forme de pamphlets.
Le premier fruit de ces études économiques, qui durèrent de longues années, fut la Contribution à la Critique de l’Economie politique, quiparut en 1859 (Berlin, Duneker). Cet ouvrage contient le premier exposé de la théorie de la valeur de Marx ainsi que sa théorie de la monnaie. Pendant la guerre italienne, Marx combattit, dans le journal allemand Le Peuple (Dus folk) paraissant à Londres, le bonapartisme qui se drapait alors dans le libéralisme et jouait au libérateur des nationalités opprimées, ainsi que la politique prussienne qui cherchait à pêcher en eau trouble sous le couvert de la neutralité. A cette époque il eut également à attaquer Karl Vogt, qui était à la solde de Louis Napoléon et qui, sur les directives du prince Plon-pion, faisait alors de l’agitation pour la neutralité, et même pour la sympathie de l’Allemagne à l’égard du Second Empire. Odieusement calomnié par Vogt, Marx lui répondit par Monsieur Vogt (Londres 1860), ouvrage dans lequel il dévoila les Vogt et consorts de la bande impérialiste de faux démocrates, et où il démontra, par des preuves directes et indirectes, que Vogt avait été acheté par le Second Empire. C’est ce qui fut confirmé dix années, plus tard: dans la liste des pensionnés de Bonaparte trouvée aux Tuileries en 1870 et publiée par le gouvernement de Septembre, il y avait à la lettre V: «Vogt, versé en août 1859, 40.000 francs ».
Collectif Novembre Pour Le Socialisme
Biographie de Karl Marx
par Engels
Publié le 01 avril 2012 – L’ Agora
L’homme qui a donné le premier au socialisme et, par suite, à tout le mouvement ouvrier contemporain une base scientifique, Karl Marx, est né à Trèves en 1818. Il étudia le droit à Bonn et à Berlin, mais il se consacra bientôt exclusivement à l’étude de l’histoire et de la philosophie et, en 1842, il était sur le point de se faire nommer chargé de cours de philosophie, lorsque le mouvement politique qui prit naissance après la mort de Frédéric-Guillaume III le fit se diriger vers une autre carrière. Sous son impulsion, les chefs de la bourgeoisie libérale de Rhénanie, les Camphausen, Hansemann et autres, avaient fondé à Cologne la Gazette Rhénane (Rheinishe Zeitung), et Marx, dont la critique des débats de la Diète provinciale rhénane avait fait le plus grand bruit, fut appelé en automne 1842 à la direction de cette feuille. Naturellement la Gazette Rhénane était soumise à la censure, mais celle-ci n’en put jamais venir à bout.
La Gazette Rhénane arrivait presque toujours à faire passer les articles qu’elle voulait. On commençait par présenter au censeur le menu fretin à rayer jusqu’à ce qu’il finît par céder lui-même ou qu’il y fût obligé par la menace de ne pas faire paraitre le journal le lendemain. Avec dix journaux qui auraient eu le même courage que la Gazette Rhénane et dont les éditeurs auraient su sacrifier quelques centaines de thalers en frais supplémentaires d’impression, la censure, dès 1843, aurait été rendue impossible en Allemagne. Mais les propriétaires de journaux allemands étaient des philistins peureux, et la Gazette Rhénane mena toute seule la bataille. Elle fit une grande consommation de censeurs. On finit par lui imposer une double censure après la première censure, le journal était soumis au président du gouvernement, qui devait le censurer définitivement. Mais tout cela ne servit de rien. Aussi, au début de 1843, le gouvernement déclara qu’il n’y avait rien à faire avec ce journal, et il l’interdit sans plus de forme.
Marx, qui dans cet intervalle avait épousé la sœur du futur ministre réactionnaire de Westphalie, alla s’installer à Paris, où il y publia avec A. Buge les Annales franco-allemandes (Deutschfranzosischen Jahrbücher), dans lesquelles il commença la série de ses écrits socialistes par une critique de la philosophie du droits de Hegel. Puis il publia avec Engels La Sainte Famille, Contre Bruno Bauer et consorts, critique satirique d’une des dernières formes dans lesquelles s’était égaré l’idéalisme philosophique allemand de cette époque.
L’étude de l’économie politique et de l’histoire de la grande révolution française laissait encore assez de temps à Marx pour qu’il s’attaquât à l’occasion au gouvernement prussien. Celui-ci s’en vengea en obtenant du ministère Guizot au printemps de 1845 — c’est M. Alexandre de Humboldt qui, dit-on, servit d’intermédiaire — son expulsion de France. Marx alla se fixer a Bruxelles et y publia en langue française, en 1846, un Discours sur le libre-échange et, en 1847, Misère de la philosophie, critique de la Philosophie de la misère de Proudhon. En même temps, il trouva l’occasion de fonder à Bruxelles une association ouvrière allemande et commença ainsi à faire de l’agitation pratique. Cette dernière devint encore plus importante pour lui à partir du moment où il entra avec ses amis politiques, en 1847, dans la Ligue des Communistes, société secrète qui existait depuis de longues années. Toute cette institution en fut complètement transformée. L’association, jusqu’alors plus ou moins clandestine, devint une organisation ordinaire de propagande communiste restant secrète seulement lorsqu’elle ne pouvait faire autrement; ce fut la première organisation du parti social-démocrate allemand. La Ligue exista partout où se trouvaient des associations ouvrières allemandes; presque dans toutes ces associations d’Angleterre, de Belgique, de France et do Suisse ainsi que dans un très grand nombre d’associations d’Allemagne, les dirigeants étaient des membres de la Ligue, dont la participation au mouvement ouvrier allemand qui prenait naissance alors fut considérable. Mais cette Ligue fut aussi la première à mettre en relief le caractère international de tout le mouvement ouvrier et à le réaliser dans la pratique, car elle avait comme adhérents des Anglais, des Belges, des Hongrois, des Polonais, etc.; à Londres en particulier, elle organisa des réunions ouvrières internationales.
La transformation de la Ligue s’accomplit dans deux congrès qui furent tenus en 1847 et dont le second décida de rassembler et de publier les principes du parti dans un manifeste que Marx et Engels furent chargés de rédiger. C’est ainsi que prit naissance le Manifeste du parti communiste, quiparut pour la première fois en 1848, quelque temps avant la révolution de février, et qui depuis a été traduit dans presque toutes les langues européennes.
Le Journal allemand de Bruxelles (Deutsche Brüsseler Zeitung), auquel Marx collaborait et dans lequel il dénonçait sans pitié le régime policier de sa patrie, avait de nouveau incité le gouvernement prussien à user de son influence pour obtenir l’expulsion de Marx, d’ailleurs vainement. Mais lorsque la révolution de février amena, à Bruxelles aussi, des mouvements populaires et qu’un changement de régime en Belgique parut imminent, le gouvernement belge arrêta Marx sans plus de façon et l’expulsa. Dans cet intervalle, le gouvernement provisoire de France l’avait fait inviter par Flocon à revenir à Paris, et Marx se rendit à cet appel.
A Paris, il commença par combattre le bluff des aventuriers révolutionnaires qui voulaient organiser en France les ouvriers allemands en légions armées pour aller en Allemagne faire la révolution et instaurer la république. D’une part, c’était à l’Allemagne à faire elle-même sa révolution; d’autre part, chaque légion révolutionnaire étrangère qui se formait en France était immédiatement trahie par les Lamartine du gouvernement provisoire, qui la dénonçaient au gouvernement à renverser, comme cela se produisit d’ailleurs en Belgique et dans le grand-duché de Bade.
Après la révolution de mars, Marx partit à Cologne où il fonda la Nouvelle Gazette rhénane (Neue Rheinische Zeitung), qui parut du 1er janvier 1848 au 19 juin 1849. Ce journal était alors le seul qui, au sein du mouvement démocratique, soutint le point de vue du prolétariat. Ayant pris parti sans réserve pour les insurgés de juin 1848 à Paris, il perdit presque tous ses actionnaires. C’est en vain que la Gazette de la Croix (KreuzZeitung) signala le « cynisme monstrueux » avec lequel la Nouvelle Gazette rhénane attaquait tout ce qui était sacré, depuis le roi et le chancelier jusqu’au gendarme, et cela dans une ville prussienne fortifiée qui avait alors 8.000 hommes de garnison. C’est en vain que les philistins libéraux de Rhénanie, devenus soudain réactionnaires, tempêtèrent; c’est en vain que l’état de siège proclamé à Cologne dans l’automne de 1848 entraîna une suspension prolongée de la feuille; c’est en vain que le ministère de la justice du Reich à Francfort dénonça aux fins de poursuites judiciaires un grand nombre d’articles au procureur de Cologne, le journal continua à être rédigé et’ imprimé en face du corps de garde principal, et sa diffusion et sa renommée ne firent que croître au fur et à mesure que les attaques du gouvernement et de la bourgoisie devenaient plus violentes. Lorsque le coup d’Etat prussien éclata en novembre 1848, la Nouvelle Gazette rhénane invita le peuple, par un appel en tête de chaque numéro, à refuser les impôts et à répondre à la violence par la violence. Pour cet appel et aussi pour un autre article, elle fut traduite au printemps de 1849 devant les jurés, qui l’acquittèrent par deux fois. Finalement, lorsque les insurrections de mai 1849 eurent été écrasées à Dresde et en Rhénanie, et lorsque la Prusse entreprit contre le soulèvement du Palatinat et du grand-duché de Bade une campagne où furent concentrées et mobilisées des troupes considérables, le gouvernement se crut assez fort pour interdire par la violence la Nouvelle Gazette rhénane. Le dernier numéro, imprimé en rouge, parut le 19 mai.
Marx se rendit de nouveau à Paris, mais au bout de quelques semaines, après la manifestation du 13 juin 1849, il fut mis par le gouvernement français dans l’alternative de se fixer en Bretagne ou de quitter la France. Il prit ce dernier parti et alla s’installer à Londres, où il ne cessa depuis lors d’habiter.
On tenta en 1850 de continuer la publication de la Nouvelle Gazette rhénane sous forme de revue (à Hambourg), mais au bout de quelque temps il fallut y renoncer, la réaction se faisant de plus en plus violente. Immédiatement après le coup d’Etat de décembre 1851 en France, Marx publia le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (Boston 1852 ; 2° édition, Hambourg 1869, parue peu avant la guerre). En 1853, il écrivit ses Révélations sur le procès des communistes de Cologne (qui parurent d’abord à Boston, ensuite à Bâle, puis tout dernièrement à Leipzig).
Après la condamnation des membres de la Ligue des Communistes à Cologne, Marx ne s’occupa plus d’agitation politique, et se consacra, d’une part, pendant dix ans à l’étude des trésors que renfermait la bibliothèque du British Museum en matière d’économie politique, et, d’autre part, à sa collaboration à la Tribune de New-York, qui publia de lui, jusqu’au début de la guerre civile américaine, non seulement des correspondances signées, mais aussi de nombreux leaders sur la situation en Europe et en Asie. Ses critiques contre lord Palmerston, appuyées sur des études approfondies des documents officiels anglais, furent réimprimées à Londres sous forme de pamphlets.
Le premier fruit de ces études économiques, qui durèrent de longues années, fut la Contribution à la Critique de l’Economie politique, quiparut en 1859 (Berlin, Duneker). Cet ouvrage contient le premier exposé de la théorie de la valeur de Marx ainsi que sa théorie de la monnaie. Pendant la guerre italienne, Marx combattit, dans le journal allemand Le Peuple (Dus folk) paraissant à Londres, le bonapartisme qui se drapait alors dans le libéralisme et jouait au libérateur des nationalités opprimées, ainsi que la politique prussienne qui cherchait à pêcher en eau trouble sous le couvert de la neutralité. A cette époque il eut également à attaquer Karl Vogt, qui était à la solde de Louis Napoléon et qui, sur les directives du prince Plon-pion, faisait alors de l’agitation pour la neutralité, et même pour la sympathie de l’Allemagne à l’égard du Second Empire. Odieusement calomnié par Vogt, Marx lui répondit par Monsieur Vogt (Londres 1860), ouvrage dans lequel il dévoila les Vogt et consorts de la bande impérialiste de faux démocrates, et où il démontra, par des preuves directes et indirectes, que Vogt avait été acheté par le Second Empire. C’est ce qui fut confirmé dix années, plus tard: dans la liste des pensionnés de Bonaparte trouvée aux Tuileries en 1870 et publiée par le gouvernement de Septembre, il y avait à la lettre V: «Vogt, versé en août 1859, 40.000 francs ».

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