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1837 La promotion de l’enseignement de l’arabe en Algérie

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  • 1837 La promotion de l’enseignement de l’arabe en Algérie

    La promotion de l’enseignement de l’arabe par l’intendant civil Bresson, 1837


    Ce courrier adressé de Paris par l’intendant civil Bresson à l’inspecteur de l’Instruction publique en 1837 rappelle l’importance que les bureaux parisiens prêtent au développement de l’enseignement de la langue arabe en Algérie, et les véritables motivations. Macron l'a d'ailleurs réitéré il y a quelques mois en annonçant étendre l'enseignement de l'arabe dans l'hexagone.
    « S’il est une vérité dont j’ai emporté la conviction profonde en m’éloignant de l’Afrique, c’est celle de l’importance qu’il y a pour l’établissement de notre puissance, de parvenir à répandre la connaissance de l’arabe parmi les européens. Je ne sache pas en effet, de plus grand obstacle à l’entretien de nos relations amicales avec les tribus que leurs intérêts pousseraient à se rapprocher de nous, que l’impossibilité où nous nous trouvons de les comprendre et d’en être compris parfaitement. Entre les indigènes et nous, il y plus de malentendus que de causes d’inimitié réelles, et de ces malentendus naissent des hostilités, des embarras, des fautes de tout genre. Il n’en saurait être autrement, tant que les autorités françaises et la population européenne ne pourront communiquer avec les indigènes qu’à l’aide de quelques interprètes. Le mal que je signale est grand et durera longtemps encore, je le sais ; mais comptez sur mes soins et mes efforts pour en diminuer l’étendue, en abréger la durée. Avant comme pendant mon séjour à Alger, j’ai pensé que l’enseignement de l’arabe méritait la plus sérieuse attention de la part de l’administration civile, et que de son organisation et de ses progrès devait dépendre à la longue, en grande partie, le succès de notre vaste entreprise, la colonisation du pays par le double concours des européens et des indigènes.
    Vous n’avez pas dans votre service, M. l’Inspecteur, de branche plus importante à diriger ; faites-en le sujet de vos mûres réflexions, et n’hésitez pas à me proposer tout ce qui tendra à l’améliorer et à la développer. Dites bien à M. le professeur du Cours d’Arabe que le gouvernement, en le choisissant pour cette chaire importante, lui a donné un témoignage de haute estime et de grande confiance qu’il saura, je n’en doute point, justifier par de sérieux travaux et de solides résultats. Le cours dont il est chargé n’est pas un cours ordinaire ; il emprunte des circonstances dans lesquelles nous sommes placés en Afrique, un caractère tout particulier d’importance politique et d’utilité éminente. Que M. Bresnier* ne s’épargne donc ni soins, ni peines pour donner à ses leçons le degré d’intérêt dont elles sont susceptibles. Il a devant lui une belle carrière à fournir, puisqu’il a un enseignement tout nouveau à créer, à populariser, celui de l’arabe parlé sur les côtes de l’ancienne régence. J’augure assez bien de son amour pour la science pour espérer qu’il ne renfermera pas ses études dans le cercle de l’idiome algérien, mais qu’il les étendra jusqu’à la langue des Kabaïles, et jusqu’aux divers dialectes dont se servent les tribus des plaines ou des montagnes, dès que nous pourrons, en toute sécurité, pénétrer au milieu d’elles.

    Je verrais avec une satisfaction mêlée de beaucoup d’espérance, notre jeunesse d’origine européenne, se porter avec ardeur à l’étude de l’arabe dont la connaissance ne peut manquer d’être pour elle féconde en ressources de tout genre, soit qu’elle se livre à des exploitations agricoles ou commerciales, ou qu’elle veuille parcourir la carrière des emplois publics, car il entre dans les vues de l’administration de ne choisir plus tard ses agents, autant que cela sera possible, que parmi ceux qui sauront à la fois les langues arabe et française, comme aussi de préférer les interprètes formés sur les lieux à ceux qui auraient étudié hors de nos possessions. Il est bon que ces dispositions du gouvernement soient connues des pères de famille et des élèves qui commencent ou achèvent leur instruction dans la colonie. Je vous autorise donc à leur donner une entière publicité.

    Sans adopter, dès aujourd’hui, des mesures qui seraient prématurées, j’attends, Monsieur l’Inspecteur, les diverses propositions que vous croirez devoir me faire dans le courant de cette année ou des suivantes, pour encourager et propager cette étude. Ouverture de nouvelles classes, achat de livres, impression d’ouvrages élémentaires, récompenses, concours, je ne vous désigne rien nominativement, mais j’appelle votre attention sur ce sujet pour que vous cherchiez et vous trouviez les moyens propres à nous conduire au but que nous avons en vue. Je serai, pour mon compte, très empressé d’appuyer vos propositions près de Monsieur le Ministre de la Guerre. »
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

  • #2
    Extrait du Tableau de la situation des établissements français dans l'Algérie en 1838, Imprimerie royale, juin 1839, p. 115-117.
    « Au nombre des moyens les plus propres à faire apprécier aux indigènes les avantages de notre civilisation, il en est un qui a fixé d’une manière spéciale l’attention du Gouvernement. Il s’agit de l’éducation, soit à Alger, soit à Paris même, d’un certain nombre de jeunes indigènes, qui, après avoir été initiés aux connaissances diverses que l’on peut acquérir dans nos écoles, rentreraient ensuite dans les rangs de leurs coreligionnaires, auxquels les récits et les lumières qu’ils auraient puisées chez nous, donneraient une juste idée de la grandeur et de la puissance de notre pays.

    Toutefois, l’administration n’a pas pensé que l’éducation reçue en commun dans nos collèges, avec des élèves tous français, pût répondre d’une manière satisfaisante aux vues que le Gouvernement doit se proposer, en appelant les enfants des familles musulmanes de l’Algérie à venir parmi nous chercher les lumières et observer les bienfaits de la civilisation. On eût facilement entretenu et augmenté peut-être la défiance qu’inspire naturellement l’étranger dominateur, si l’on ne se fût proposé de ne pas altérer la nationalité des élèves.

    L’éducation qu’ils sont destinés à recevoir dans nos établissements doit respecter le plus possible leurs habitudes d’intérieur et de famille, et les pratiques de leur culte. À cette condition seulement, une politique prévoyante et sage peut ainsi préparer pour l’avenir des défenseurs pour l’appuyer et des organes pour la faire comprendre. Les liens contractés dans cette communication de la science se brisent difficilement, et les souvenirs attachent non moins que la reconnaissance. L’indigène élevé par nos soins continuera donc d’appartenir à sa religion et à son pays ; car de quelle utilité nous pourrait-il être un jour, si, oubliant la patrie, le culte, la famille, quelquefois la langue elle-même, il retournait parmi les siens, qui le repousseraient peut-être, avec des idées et des habitudes toutes françaises ? Le but ainsi marqué, plusieurs moyens ont été indiqués ou adoptés pour l’atteindre.


    Le ministre a pensé qu’il conviendrait d’annexer au collège d’Alger une classe spéciale pour les jeunes indigènes, où ils recevraient une instruction élémentaire toute distincte de celle des Européens, et qui aurait pour objet de leur inculquer notre langue et celles de nos connaissances qui pourraient leur être le plus utiles, sans leur faire abdiquer, à aucun titre, les mœurs et les usages de leur pays. Cette mesure peut être considérée comme une extension de l’école maure-française fondée à Alger en 1836, et dont on a déjà signalé l’année dernière les heureux résultats.

    On a également cru utile la fondation, à Paris, d’un institut spécial où les jeunes Arabes, recevant une éducation plus étendue, bien que toujours maintenue en harmonie avec leur situation future, ne seraient jamais alarmés pour leur croyance ; et, afin de donner à cet égard, à leurs familles, toutes les garanties désirables, des hommes graves et pieux seraient chargés de les accompagner en France et résideraient auprès d’eux pendant toute la durée de leurs études. Bien plus, l’administration a fait connaître qu’elle autoriserait les parents des élèves à venir s’assurer par eux-mêmes de la fidélité avec laquelle elle remplit ses engagements.

    Les avantages que le gouvernement égyptien a retirés d’un institut analogue sont un encouragement pour l’administration, en même temps qu’un exemple utile pour les Arabes de l’Algérie. Enfin, on ne saurait particulièrement méconnaître qu’indépendamment de ce qu’il y a dans un tel projet de moral et de grand, la domination française est appelée à en retirer d’innombrables avantages.

    Déjà les répugnances s’effacent avec les préjugés auxquels elles devaient leur origine ; et un grand nombre d’indigènes, persuadés que le Gouvernement respectera dans les jeunes élèves la liberté religieuse et ménagera avec scrupule tout ce que les habitudes de vie domestique et de nationalité ont de compatible avec les lumières et le contact d’un peuple civilisé, se montrent disposés à confier sans crainte à notre généreuse protection l’éducation de leurs enfants. Dans cet état de choses, l’administration, en se préparant à accueillir ces hôtes nouveaux, a pensé que le moment était venu de consacrer publiquement en France, et sur des bases convenables, l’adoption de mesures qui doivent féconder un projet digne au plus haut degré d’un peuple qui, comme le nôtre, marche à la tête de la civilisation.

    Une décision royale, en date du 11 mai 1839, a autorisé la fondation, à Paris, d’un collège arabe.

    Le régime de ce collège comprendra :
    1° L’hospitalité à donner, pendant leur séjour, aux notables indigènes de l’Algérie autorisés à voyager en France (voir la notice à la fin de la présente) ;
    2° L’éducation spéciale des enfants arabes placés dans l’établissement sous la surveillance d’hommes recommandables et pieux de leur nation, et instruits par des professeurs français selon des règlements et un programme arrêtés par le ministère de la guerre ;
    3° Une école d’interprètes pour l’arabe vulgaire et l’idiome algérien, où seront admis gratuitement comme externes un nombre déterminé de jeunes Français assujettis à certaines épreuves ou conditions.

    Dans leurs communications nécessaires et de tous les jours, les élèves de langue différente pratiqueront les uns envers les autres une sorte d’enseignement mutuel ; et, sous ce double rapport, le collège arabe deviendra la pépinière des interprètes destinés aux services publics en Afrique. Enfin, toutes les mesures sont prises, pour que tout, dans cette institution spéciale, tende à communiquer aux enfants, et même aux adultes qui témoigneraient le désir de s’instruire, les connaissances les plus utiles dans l’état actuel du pays où ils sont destinés à retourner, et à leur assurer sur leur concitoyens la supériorité que donne la science, sans altérer le caractère national. Chez tous les peuples de l’Orient, l’hospitalité a été de tout temps considérée comme une œuvre sainte, et un caractère religieux s’attache parmi les Musulmans à l’accomplissement de ce devoir commandé par le prophète. L’administration française a su de bonne heure apprécier ce qu’elle avait à gagner dans l’adoption d’une coutume qui favorise le rapprochement des hommes, entretient les pensées de paix et d’amitié, et facilite, au plus haut degré, l’action même du Gouvernement.

    Des mesures avaient été prescrites depuis longtemps pour que les chefs arabes appelés à séjourner temporairement à Alger, soit pour le soin de leurs affaires particulières, soit par suite des relations à divers titres avec l’autorité française, fussent logés et traités aux frais de l’État pendant toute la durée de leur séjour. Cette hospitalité toute politique s’exerce par les gouverneurs généraux eux-mêmes ou par leurs soins, et les devoirs en sont remplis avec une bienveillante sollicitude.

    Mais c’était peu pour opérer l’effet, naturellement attendu, du contact fréquent et familier des Arabes avec nous. Afin de mettre les indigènes à même d’apprécier dans toute leur réalité la richesse et la puissance de la nation française, et de frapper leur imagination, si prompte à s’exalter à la vue de tout ce qui est grand, il fallait les attirer en France sans leur en imposer le voyage, qui leur serait permis comme une faveur. À des désirs qu’il a été heureux d’entendre exprimer, le ministère a répondu par des autorisations de venir à Paris et l’ordre de pourvoir à tous les besoins de ces indigènes pendant toute la durée du voyage ; C’est ainsi que l’hospitalité nationale a accueilli et honoré successivement l’envoyé d’Abd el-Kader, Mouloud ben Arrach ; le général Moustapha ben Ismaël ; l’ancien bey de Tlemcen, Moustapha ben Moukallech, ainsi que les Algériens qui les accompagnaient. En entendant les récits des merveilles que ces chefs avaient admirées, d’autres Arabes ont voulu voir de près la nation qui ne leur était connue encore que par la gloire et le succès de ses armes, et l’administration, qui avait provoqué l’expression de ces vœux, a fourni avec empressement les moyens de les accomplir.

    Les enfants des principaux serviteurs de notre cause ont à leur tour entrepris le voyage et quitté avec confiance leur pays natal pour venir juger, par leurs yeux, de la grandeur, de la force et de l’intelligente activité du nôtre. Leurs récits nous amèneront bientôt de nouveaux hôtes, qui s’annoncent déjà en assez grand nombre, et nous pourrons observer les favorables effets de cette propagande paisible, auxiliaire puissant du dévouement et du courage de nos soldats. Toutes les mesures sont prises pour que les Arabes admis à l’honneur de visiter la nation française reçoivent un accueil digne d’elle dans des bâtiments parfaitement appropriés à cette destination. Nos hôtes de l’Algérie y pourront être témoins des soins donnés à leurs fils, de la liberté religieuse qui leur sera laissée, des efforts qu’on multipliera pour initier leur jeune intelligence aux connaissances et aux arts de l’Europe.

    Ainsi se trouveront réunis sous le même toit des témoignages de notre bienveillance, des instruments de civilisation, l’hospitalité pour les pères, l’éducation pour les enfants. »
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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    • #3
      Langue arabe et colonisation

      Dans les années 1846-1848, la France confisqua les biens habūs, sous pretexte que le domaine public assumerait les charges qu'ils financaient : il n'en fut rien et ce fut le début de la décadence de l'enseignement algérien.

      Jusqu'en 1870, les autorités coloniales firent preuve d'une certaine ouverture : écoles et collèges franco-arabes, médersas à Médéa, Constantine, Tlemcen, collège impérial â Alger. A la chute du second Empire, l'enseignement des "indigènes" devint un objet de conflit entre Paris et les colons, résolument opposés à la promotion de la population algérienne et considérant l'enseignement de l'arabe comme un encouragement au "fanatisme".

      En 1871, l'arrêté du gouverneur Gueydon mit fin à l'expérience des collèges franco-arabes. En 1876, les anciennes medersas deviennent des "écoles supérieures de Droit musulman" et, en 1883, le décret appliquant à l'Algérie les lois Ferry marqua la fin des écoles franco-arabes : face à l'opposition du colonat, Jules Ferry, ministre de l'enseignement à cette époque, dénonça devant le Sénat "cette secrète malveillance quand il s'agit de l'école arabe".

      Le 8 août 1935, un arrêté du Conseil d'Etat assimilait officiellement la langue arabe à une langue étrangère en Algérie.
      Gilbert Grandguillaume
      in : Histoire de l'Algérie à la Période coloniale
      Dernière modification par Harrachi78, 18 juillet 2021, 19h16.
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #4
        On dirait des Britanniques d'il y a 4 siècles, parlant des indiens découverts en Amérique.
        ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément

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