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Témoignage de Larbi Oucherif sur les combats de l’UNEA de 1962 à 1971

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  • Témoignage de Larbi Oucherif sur les combats de l’UNEA de 1962 à 1971


    samedi 30 octobre 2021
    par Alger republicain

    En hommage à Labri Oucherif récemment décédé, Alger républicain publie la contribution que notre ami défunt avait fait paraître dans les éditions du 20, 21 et 22 mai 2006 du quotidien national El Watan. Cette contribution relate en quelques pages les luttes impulsées par les étudiants révolutionnaires, dans la continuité des aspirations populaires cristallisées durant la guerre de libération, pour l’édification d’une nation économiquement indépendante, démocratique et prospère, pour le progrès social en faveur des classes laborieuses.

    Alger républicain publie également en format pdf les pages de ce témoignage captivant. Il remercie par avance les responsables de ce quotidien, convaincu qu’ils ne verront aucune objection à ce geste en reconnaissance pour le combat mené à l’Université et dans l’ensemble du pays par les militants et responsables de l’UNEA historique.

    Alger républicain signale par la même occasion que Larbi Oucherif a participé à la rédaction du livre récemment publié en France par les éditions Qatifa « L’UNEA racontée par des militants » . Il faut espérer que cet ouvrage sera bientôt disponible en librairie. Nul doute qu’il répondra aux attentes des jeunes assoiffés de connaître les luttes mémorables de leurs aînés après l’indépendance.

    AR

    *******************

    Il était une fois l’UNEA (1re partie)

    Par Larbi Oucherif - ancien membre du Comité de section d’Alger de l’Union Nationale des Etudiants Algériens, 1967-1969

    Témoignage repris du quotidien national El Watan des 20, 21 et 22 mai 2006.

    C’est en septembre - octobre 1963 que j’ai rencontré cette organisation des étudiants algériens. J’avais, auparavant, assisté en spectateur à la cérémonie de passation du témoin, du flambeau, des idéaux de l’Ugema par Mohammed Seddik Benyahia à la génération de l’UNEA, c’était au 10, boulevard Amirouche.

    L’événement

    Le conflit sur le tracé des frontières héritées du colonialisme, - conflit ouvert par Hassan Il, roi du Maroc qui revendiquait Tindouf... Ben Bella, alors président de la République depuis peu a au cours d’un meeting populaire sur l’esplanade du Palais du gouvernement, harangué la foule et lancé en arabe dialectal : « Hagrouna ! » (Ils nous sous-estiment !). Ce seul mot a provoqué l’un des plus profonds mouvements de masse d’un peuple qui sortait tout juste d’une guerre meurtrière, d’une lutte qui avait laissé des traces, qui apprenait la naissance du FFS de Aït Ahmed dans un village de Beni Yenni... C’est un peuple qui trouva là l’occasion de se ressouder et de chasser les nuages qui s’amoncelaient. Ce peuple fit, spontanément, une longue marche de l’est, du nord, de l’ouest du pays pour se rendre par tous les moyens sur les lieux des combats.

    Direction Colomb-Béchar
    A l’Université d’Alger, les étudiants s’étaient tournés vers l’UNEA pour exprimer leur volonté de participer à la défense de la nation. Le tout nouveau comité exécutif de l’union, dont le siège était au 10, bd Amirouche, au-dessus du restaurant universitaire, ouvrit un registre pour l’inscription des volontaires. C’est au début du mois d’octobre, alors que les nouvelles les plus inquiétantes parvenaient du front sud-ouest que les étudiants volontaires étaient invités à se retrouver au siège de l’union. Nous fûmes 32 à nous y rendre pour recevoir notre paquetage et attendre le départ. Trente-deux sur sept cents inscrits, c’était assez peu et ceux qui se trouvaient là ne se connaissaient pas pour la plupart. Parmi les plus décidés, Aziz Belgacem, membre du Comité exécutif (il sera assassiné par les terroristes - rue Bab Azzoun), Malek Saha, membre du CE, Lazhar un étudiant ingénieur en travaux publics, Salem un éternel étudiant en médecine et dévoué militant du FLN, Laïla Noureddine (une future militante du FPLP et qui mourra à Beyrouth en 1973), Zohra Djazouli une étudiante en lettres, Labidi. Moi-même, inscrit à l’Ecole supérieure de commerce. C’est dans la salle du conseil de l’UNEA qu’on nous remit des tenues militaires. On nous dit d’attendre qu’on vienne nous chercher pour rejoindre l’aéroport de Dar El Beïda pour embarquer dans une caravelle de la compagnie nationale Air Algérie (compagnie dirigée alors par maître Benabdellah). Nous fîmes un premier trajet vers Dar El Beïda, mais le voyage ne peut se faire à cause de problèmes liés à l’interprétation des Accords d’Evian. En effet, la zone aéroportuaire de Colomb-Béchar était sous contrôle de l’armée française et l’ANP ne pouvait y faire descendre des soldats en habits ni bien sûr en armes.

    Le départ :
    C’est par une nuit noire que les 32 furent transférés d’Alger à Colomb-Béchar pour un baptême de l’air inconfortable puisque la carlingue était vide de sièges et qu’il fallait s’attacher aux lanières de ceintures de sécurité. La descente sur Colomb-Béchar eut lieu dans un climat d’appréhension. Quelle sera la réaction des autorités sur place ? En fait, tout se passe très bien et quelques Land-Rover nous prirent en charge pour notre campement. C’était des maisons sahariennes en dur qui nous furent allouées. Je ne me souviens pas avoir dormi à l’intérieur, mais plutôt à la belle étoile, la tête tournée vers le ciel lumineux des nuits du sud. Malgré la fatigue du voyage, l’excitation était à son comble. Chacun se demandait à quoi nous serions affectés et espérait faire le coup de feu face à cette armée royale marocaine pleine de morgue et de mépris. Le lendemain matin, un chaud soleil brille dès l’aube. Ce premier réveil est également marqué par un geste d’hospitalité qui m’émeut chaque fois qu’il me revient en mémoire : nos voisins, de pauvres habitants du sud de Colomb-Béchar, avaient préparé de la galette chaude, du café au lait et du thé, beurre de chamelle pour nous accueillir ; ce signe de bienvenue de la part de gens démunis, je ne l’oublierai jamais.

    it sauf...

    Ben Barka
    Il avait été enlevé en octobre 1965 à Paris. Octobre est venu après le coup d’Etat du 19 Juin perpétré par le Conseil de la révolution, à la tête duquel se trouvait le colonel Houari Boumediène vice-président de la République et ministre de la Défense du gouvernement d’Ahmed Ben Bella. Ce coup d’Etat que ses promoteurs ont baptisé « sursaut révolutionnaire » et que ses opposants les plus modérés ont stigmatisé en tant que « coup d’arrêt » à la poursuite des réformes initiées par Ben Bella. Ce coup d’Etat a provoqué dès le premier jour la protestation des étudiants d’Alger et de jeunes de Annaba que le colonel Attaïlia a réduits au silence par la force. Cette réaction des étudiants de l’UNEA allait marquer les relations avec le pouvoir issu du 19 Juin, dont les contrecoups immédiats ont été le report du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants qui devait se tenir à Alger, de la Conférence afro-asiatique qui devait se tenir également à Alger. Le 19 Juin a donc provoqué des manifestations de protestation contre la méthode et du fait de l’arrestation de Ben Bella et du secret qui entoura sa mise à l’écart. Toujours est-il qu’un événement allait précipiter l’UNEA dans une opposition farouche aux méthodes employées pour arracher son soutien. Il s’agit de l’extorsion du « soutien » d’un vice-président de l’UNEA après l’avoir soumis à un simulacre d’exécution sommaire : son apparition à la télévision un soir provoqua un choc et la réprobation. Cet acte entraîna le Comité exécutif de l’UNEA à choisir la clandestinité, jusqu’à ce que les choses reviennent à la normale. Entre-temps, un groupe d’étudiants a été arrêté dont Abdellalim Medjaoui, ancien moudjahid et membre du Comité exécutif, Hamid Aït Saïd, Keddar Berekaâ, Mahmoud « Ini raâytoukouma », Sedik « Take Five », Benfedha, étudiant en mathématiques, Selim Ducos déjà professeur en mathématiques au lycée El Emir Abdelkader, Salah Chouaki le seul étudiant en grammaire latine, des professeurs Mandouze et Malti. Salah qui sera assassiné un matin (en 1994 ) alors qu’il achetait son journal au bureau-tabac proche de son domicile. Nous nous sommes rencontrés au siège de la PRG de Cavaignac où les tabassages, les bastonnades, les tortures faisaient résonner les locaux...

    Pour moi, ce furent des retrouvailles avec l’UNEA car, après Béchar, je me suis engagé dans le mouvement de volontariat de la JFLN et de l’UNEA qui avait décidé de construire un village près des Ouadhias. Ce village de l’amitié a pu voir le jour bien après 1965 et doit être encore habité. Il réunissait des jeunes, Soviétiques, Bulgares, Français et bien sûr Algériens...

    Après les cachots de la rue Cavaignac, l’institut de gestion et de planification que dirigeait Jacques Peyrega ouvre ses portes aux bacheliers, et aux non-bacheliers, aux travailleurs qui désiraient parfaire leurs connaissances et leurs techniques de gestion. La majorité des étudiants était d’ailleurs des fonctionnaires qui prenaient place dans le amphis à partir de 17 h. Les étudiants boursiers plus jeunes formaient le noyau le plus dynamique, mais pas le plus nombreux. Je retrouvais Aït Saïd, Aïssa Badis, Aïssani Abdelkader, Hassen Bendif et d’autres comme Dib « La Motion », Marsaoui, les frères Sid Ahmed. Les professeurs les plus en vue étaient Peyrega, Plenel, Popov, Bouderbala, Ahmed Akache, Lafargue un ancien avocat des militants du FLN durant la guerre de libération. La vie d’étudiant avait un charme qui s’est perdu. D’une part, les programmes n’étaient pas surchargés et d’autre part, le respect des maîtres par les étudiants et des étudiants par leur maîtres, le respect des franchises universitaires par le pouvoir, l’accès à tout ce qui s’éditait de neuf à des prix abordables ; le déplacement du cœur culturel d Alger du square Port Saïd à la cinémathèque et à l’université ont rendu à la jeunesse un espace qui restera longtemps un espace de liberté de démocratie et de tolérance...

    1968, L’année difficile
    Au FLN, le responsable de l’appareil du parti était Kaïd Ahmed. C’était un esprit emporté qui voulait à tout prix appliquer à la lettre les statuts du FLN dont la fameuse tutelle « sur les organisations de masse du parti ». La démarche allait ouvrir à nouveau le fossé des malentendus entre le pouvoir étatique et les étudiants. Il choisit son terrain et son heure : l’organisation du Congrès de l’OLP. Il voulait, avec la JFLN, amener l’UNEA à soutenir le Fatah de Yasser Arafat comme seule force palestinienne. Il chargea le commissaire du parti du FLN à Alger de nous contacter pour une action unitaire. Le Comité de section nous chargea, Omar Lardjane et moi, de discuter avec eux. C’est donc en janvier 1968 que ces entretiens commencèrent au palais Bruce d’Alger. Il y avait MM. Boukhalfa, Batata et Abdedou, qui représentaient la JFLN. Nous nous mîmes au travail. L’UNEA a choisi de rédiger un appel à la jeunesse et aux étudiants d’Alger. La méthode était de proposer à l’adoption une phrase, une idée après l’autre, et non pas un texte complet qui n’aurait que des inconvénients, puisque nous aurions à émettre des réserves sur tel ou tel mot ou appréciation. L’appel fut construit avec l’accord de tous les présents. Le représentant de la JFLN revint l’après- midi avec un texte bien ficelé défendant la position de Kaïd Ahmed. Les représentants du FLN étaient devant le fait accompli et la parfaite illustration de ce que Kaïd Ahmed entend par tutelle sur les organisations de masse. (A suivre)

    El Watan - 2006-05-21/42925

    Il était une fois l’UNEA (3e partie et fin)

    L’UNEA relata pour l’ensemble de l’opinion publique les discussions et le contenu de l’appel qui mettait en avant l’unité du peuple palestinien autour de toutes ses organisations de lutte dans un esprit d’union. Kaïd Ahmed entra en fureur, et les responsables du FLN d’Alger furent sermonnés publiquement, il avoua : « Donnez-moi des militants de l’UNEA et je ferai la révolution. » ce qui ne l’empêcha pas de lancer début février une opération visant à dresser l’administration universitaire et pédagogique contre l’UNEA. Il désigne les étudiants boursiers à la vindicte populaire en les traitant de privilégiés, de parasites. Il est vrai que les étudiants boursiers bénéficiaient d’un pécule mensuel équivalent au smig, soit 300 DA. La réplique de l’UNEA est d’appeler à une grève générale le 2 février 1968. Kaïd Ahmed envoie des dockers armés de manches de pioche pour intimider les étudiants, Fatima Medjahed est arrêtée ainsi que Mahdi Mahmoud dit Zorba qu’on donna pour mort. Kaïd Ahmed dira qu’il y avait même des étrangers au sein de l’UNEA. Taleb Ahmed, le ministre de l’Enseignement, fait une déclaration à la télévision démentant ce qui a été dit sur Mahmoud. Recherché par la police et les militants du FLN acquis aux méthodes de Kaïd Ahmed, le Comité de section se retira de l’université, chacun devant veiller à ne pas se faire arrêter. Le retentissement international de la grève des étudiants d’Alger étonna Kaïd et Taleb. Le 7 février, les CNS investissent l’université d’Alger ....

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  • #2
    Suite

    Il était une fois l’UNEA (3e partie et fin)

    L’UNEA relata pour l’ensemble de l’opinion publique les discussions et le contenu de l’appel qui mettait en avant l’unité du peuple palestinien autour de toutes ses organisations de lutte dans un esprit d’union. Kaïd Ahmed entra en fureur, et les responsables du FLN d’Alger furent sermonnés publiquement, il avoua : « Donnez-moi des militants de l’UNEA et je ferai la révolution. » ce qui ne l’empêcha pas de lancer début février une opération visant à dresser l’administration universitaire et pédagogique contre l’UNEA. Il désigne les étudiants boursiers à la vindicte populaire en les traitant de privilégiés, de parasites. Il est vrai que les étudiants boursiers bénéficiaient d’un pécule mensuel équivalent au smig, soit 300 DA. La réplique de l’UNEA est d’appeler à une grève générale le 2 février 1968. Kaïd Ahmed envoie des dockers armés de manches de pioche pour intimider les étudiants, Fatima Medjahed est arrêtée ainsi que Mahdi Mahmoud dit Zorba qu’on donna pour mort. Kaïd Ahmed dira qu’il y avait même des étrangers au sein de l’UNEA. Taleb Ahmed, le ministre de l’Enseignement, fait une déclaration à la télévision démentant ce qui a été dit sur Mahmoud. Recherché par la police et les militants du FLN acquis aux méthodes de Kaïd Ahmed, le Comité de section se retira de l’université, chacun devant veiller à ne pas se faire arrêter. Le retentissement international de la grève des étudiants d’Alger étonna Kaïd et Taleb. Le 7 février, les CNS investissent l’université d’Alger et chargent plusieurs centaines d’étudiants pour les amener au commissariat central... La plupart furent libérés. Mme Jacqueline Guerroudj, ancienne condamnée à mort, s’est rendue au commissariat central où elle a exigé la libération de ses enfants. J’ai été arrêté le 12 février 1968 au boulevard Victor Hugo, emmené de force au commissariat central où j’y ai trouvé Mahdi Mahmoud, Fatima Medjahed en grève de la faim depuis le 1er jour, Sid Ahmed Chérif, Mustapha Mekidèche arrêté à son travail. Nous avons tous été battus et certains sévices n’avaient pas d’autres mots pour les désigner que torture. Il y avait des policiers qui suivaient un manuel de torture du IIIe Reich. Vers la fin du mois de février, une délégation d’étudiants fut autorisée à nous rencontrer dans le bureau du commissaire central. La délégation rendit compte aux étudiants de l’état dans lequel nous nous trouvions. Cette visite a été le résultat de la protestation profonde du peuple contre l’arrestation des étudiants. Le 1er mars 1968, nous sommes transférés à la prison d’EI Harrach. Fatima Medjahed et Danielle Sebbar sont ensemble, Mekideche, Sid Ahmed, Mahmoud Mahdi et moi-même serons « logés » à la salle 14 jusqu’au 18 mai1968. Là aussi nous reçûmes une visite d’étudiants et d’étudiantes qui ressortent libres de l’établissement pénitentiaire. Une grève de la faim organisée par les détenus politiques se termina pour les étudiants le jour où ils apprirent l’attentat qui a visé Houari Boumediène.

    Le 18 mai nous étions libres, le 19 mai au matin, rue Didouche Mourad, pas âme qui vive. Ce sera la seule fois que l’anniversaire de la création de l’UGEMA ne sera pas célébré. Dans le monde, Mai 1968 restera celui de la révolte étudiante, notamment en France. Au sein de l’UNEA, le renouvellement des générations allait précipiter les changements. De nombreux membres de la section d’Alger allaient quitter l’université. Il fallait déjà penser au renouvellement des structures... Un nouveau style allait voir le jour. Taleb Ahmed nous demande de participer à la rentrée solennelle de l’université, nous acceptons malgré un été entamé par les arrestations de Djamel Labidi et Djelloul Nacer ainsi que celle d’étudiants militants du FFS. Les membres du Comité de section présents à Alger, dont Aït Saïd, Athmani, Derradji et moi-même, rédigent un tract d’appel à l’arrêt des tortures, la libération des étudiants et à la solidarité internationale.

    Un été lourd malgré les succès. La rentrée 1968-1969 est donc sous le signe de la normalisation des relations entre les autorités et les étudiants. La cérémonie de la rentrée se déroule dans une atmosphère empreinte de sérénité et d’espoir. L’événement le plus important de l’année 1969 est l’appel sous les drapeaux de la 1re promotion du service national, Omar Lardjane, membre du CS d’Alger, en fait partie. Le service national a été demandé par l’UNEA au moment de la guerre des « Six jour » en 1967. Mohamed Athmani en a expliqué la nécessité devant les téléspectateurs au cours d’un débat. L’UNEA estimait que le service national serait pour la jeunesse algérienne un ciment aussi fort que l’a été le maquis pour les moudjahidine. Boumediène fera toujours l’éloge du service national de deux ans disant qu’« après le sacrifice suprême accepté par le moudjahid, le tribut de la sueur est consenti par la jeunesse et en particulier les étudiants ! »

    Encore une crise
    Le service national intervient à la fin du premier plan triennal et la préparation du premier plan quadriennal. Le premier a redonné confiance aux cadres sortis de l’université qui se voient confier des missions importantes assorties de primes d’installation, de stages en entreprise à l’étranger, etc. La pensée économique connaît l’idée de « l’industrie industrialisante » et dans la pratique de lancement de grands projets « clés en main ».
    Un autre phénomène commença son œuvre : les plus brillants étudiants et diplômés délaissèrent la filière de l’enseignement supérieur pour des carrières dans la haute administration et l’industrie. Le principe d’algérianisation du corps professoral souffrira toujours de ces choix...

    Au niveau du syndicat étudiant, le renouvellement du comité de section eut lieu au pied de la Bibliothèque universitaire. Je pus enfin essayer de suivre normalement un cursus universitaire. Ce qui restera un rêve...

    L’histoire de l’UNEA continua sans nous jusqu’à sa dissolution et au-delà. Cette étape de la lutte a permis aux étudiants dirigés par le comité de section d’Alger, dont le coordinateur était Zine Sebagh, de faire la preuve de l’art de la lutte syndicale et politique dans une situation de crise. La crise a été déclenchée encore une fois par Kaïd Ahmed, inquiet des orientations et des actions de Boumediène qui se rapprochait de plus en plus des aspirations populaires. L’industrialisation, le service national, la situation internationale créaient une nouvelle dynamique, provoquaient des résistances. Kaïd Ahmed était un homme très intelligent, conscient, féodal conscient de ses valeurs ; il considère les étudiants « comme les bergers du peuple ». La démarche de Boumediène impliquait l’élargissement du marché intérieur national, qui ne pouvait exister sans l’accroissement du nombre de travailleurs, l’émancipation de la paysannerie pauvre et sans terre de l’emprise de la féodalité. La formation de cadres en nombre et en qualité suffisants pour mener à bien ses objectifs, armés idéologiquement pour assumer la décision la plus grave de son gouvernement : la nationalisation des hydrocarbures pour contrôler et augmenter les ressources financières de l’Etat algérien.

    La provocation, arme privilégiée de Kaïd Ahmed, eut lieu au moment des congés d’hiver 1970 : des militants du FLN enlèvent des responsables du Comité de section d’Alger, les torturent dans les locaux du FLN. Keddar Berakaï crut devoir son salut en se jetant sous un véhicule garé le long du trottoir devant le restaurant où tout se passait. Il « attrapa » une pneumonie qui l’emporta. Son enterrement fut l’occasion pour Boumediène de se démarquer de Kaïd Ahmed. En effet Slimane Hoffman en personne se rendit à Aïn Defla pour représenter la fraction du pouvoir opposée aux méthodes signalées plus

    L’UNEA fut officiellement dissoute en janvier 1971, les étudiants arrêtés, et ceux en clandestinité furent arrachés au FLN et soustraits aux recherches policières en les convoquant au service national. Ils feront partie de la première promotion des officiers de la révolution agraire ou des instructeurs au sein de l’ANP pour la durée du service national.

    Cette période du mois de décembre à mars 1971 a montré une grande maturité de l’organisation. Nordine Merabtine, Omar Brixi, T’Fieche étalèrent en ces moments toute la variété de leurs talents de lutteurs intelligents et déterminés. Ses responsables surent battre en retraite en bon ordre sans affolement ni fuite en avant, tout en soutenant la nationalisation du « pétrole rouge ».

    Avec le développement de la mobilisation pour la révolution agraire, la naissance de comités de volontariat et l’émergence de nouveaux dirigeants comme Embarek à Alger, Betina à Constantine, Amine à Oran, la jeunesse algérienne réveilla la campagne, et la paysannerie pauvre jouit pendant quelques années d’être au premier plan de l’information...

    Je termine ce témoignage qui n’est pas l’œuvre d’un historien ni même celle d’un militant qui aurait eu le temps de consulter les archives du mouvement étudiant dont les traces existent au niveau de la bibliothèque nationale, des archives nationales. Ce témoignage est un hommage à la jeunesse algérienne de 1954 à 1978. Il est aussi une façon de ne pas douter de la jeunesse actuelle, celle qui sera le peuple de demain.

    El Watan - 2006-05-22/43021

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    • #3
      Témoignage important d'une période pleine de luttes pour l'émancipation du peuple. Hommage à la mémoire de ce militant de l'Algérie libre et d'un peuple émancipé.

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