L’intervention de Clara Zetkin (1857-1933) au Congrès de Tours de la SFIO le 29 décembre 1920 présente le point de vue de la direction de l’Internationale communiste qui, à la veille de la tenue du congrès, veut faire en sorte que le nouveau parti laisse à l’écart ceux qui refusent de se plier aux objectifs de l’Internationale et aux 21 conditions définies lors du 2e congrès en juillet 1920 pour l’adhésion à l’Internationale. Présentation du contexte et retranscription du discours.
Clara Zetkin est envoyée par l’Internationale communiste où elle rejoint à « leur surprise » Alexandre E. Abramovitch (surnommé Zalewski) et Stoïan Minev (Stepanov) au Congrès de Tours.
Elle défend, au Congrès de la SFIO, les exigences des bolcheviques et de la jeune Internationale communiste. Arrivée clandestinement, son entrée au Congrès est théâtrale. Comme le rapporte la communiste britannique, Dora B. Monefiore, déléguée au Congrès : « on m’avait dit en toute confidence le matin qu’elle était dans le quartier en train de se reposer, et qu’on espérait qu’elle aurait suffisamment récupéré pour apparaître dans l’après-midi. Au milieu des deux heures et demie de discours de Froissard sur la question de l’adhésion à la Troisième Internationale, le président a soudainement annoncé l’arrivée de notre camarade allemande, et pendant vingt minutes elle nous a parlé de la situation telle qu’elle existe aujourd’hui, elle a dénoncé les actions de l’impérialisme allemand en envahissant et en détruisant la Belgique et le nord de la France, mais elle a également dénoncé avec une égale vigueur la récente invasion de la Russie par les troupes polonaises et l’incendie de la cathédrale de Kiev, l’un des monuments architecturaux les plus beaux et les plus intéressants d’Europe. Sa sortie a été aussi soudaine que son entrée, car il s’agissait de ne prendre aucun risque » (The Communist, 6 janvier, 1921, p. 5).
Même la « presse bourgeoise » présente est impressionnée par cette arrivée au Congrès. Pierre Villette, journaliste de l’Echo de Paris, dans son article « Au congrès socialiste de Tours, Lénine excommunie, une Allemande apporte ses ukazes » écrit : « mais voici Rappoport qui entre avec des airs de conspirateur satisfait suivi d’une vieille dame aux cheveux blancs tirés en arrière. Sa mise sévère et simple contraste avec les fourrures et les toilettes des dames d’ailleurs fort élégantes qui sont assez nombreuses dans la salle. On se regarde. Quelle est cette inconnue qu’on mène à la tribune et qui prend la place de la présidence ? C’est Clara Zetkin, dont on avait dit ce matin qu’elle avait été empêchée par le gouvernement de passer la frontière.
L’Assemblée l’acclame et chante l’Internationale. Très calme, très digne, et visiblement émue, Mme Clara Zetkin prononce avec un accent assez prononcé un long discours écouté dans un profond silence (…) » (L’Echo de Paris, 29 décembre 1920, disponible sur Gallica).
L’Humanité titre « à la barbe de la police Clara Zetkin arrive à Tours » : « la déléguée de Moscou s’adresse au prolétariat français » (disponible sur Gallica).
Effectivement, conduite clandestinement par Amédée Dunois et surtout son chauffeur Auguste Mougeot elle arrive le 27 décembre au soir à Tours. Comme elle l’écrit : « j’étais partie d’Allemagne avec 1% de chances d’arriver à Tours. Si j’ai pu malgré tout accomplir ma mission et revenir sans encombre, c’est à l’aide fraternelle d’amis (…) » et en particulier de Marguerite Thévenet, la compagne d’Alfred Rosmer, et Auguste Mougeot, qui fut son chauffeur (RGASPI 528/2/72 cité par Romain Ducoulombier, Camarades. La Naissance du Parti Communiste en France, Perrin, Paris, 2010, p. 229).
Lors de son intervention, qui dure une vingtaine de minutes, elle s’acquitte d’une tâche particulière celle d’imposer la rupture avec Longuet, même si elle ne connaissait pas le télégramme de Zinoviev.
Retranscription du discours de Clara Zetkin
Chers camarades, chers amis, je vous remercie du plus grand cœur de l’accueil fraternel que vous avez bien voulu me faire. Je ne l’accepterai jamais pour ma modeste personne, mais seulement pour l’idée communiste et pour la Révolution internationale à laquelle nous voulons servir tous.
Je vous demande pardon par avance, si je vais, en parlant, écorcher votre belle langue. Je suis tout à fait sûre que votre cœur me pardonnera, parce que vous comprendrez malgré tout le langage de mon cœur, le langage du communisme international révolutionnaire.
Chers camarades, je suis venue ici pour exercer quelques minutes le mandat que l’Exécutif de la Troisième Internationale m’avait confié. Le Gouvernement m’a empêchée de l’exercer dans toute son ampleur, mais j’ai tenu malgré tout à venir ici personnellement pour vous faire voir ce que peut la conviction révolutionnaire contre les mesquineries policières du Gouvernement capitaliste et contre-révolutionnaire.
(Applaudissements prolongés)
Chers camarades et amis, je vous apporte les vœux de l’Exécutif de la Troisième Internationale pour le succès des travaux de ce Congrès, parce que l’Exécutif est convaincu de la grande importance historique de l’œuvre de ce Congrès.
J’y ajoute les salutations les plus cordiales, les plus fraternelles de l’Exécutif du Parti Communiste de l’Allemagne et je peux dire de tous les partis communistes de l’Allemagne, et encore l’on peut dire davantage : ces salutations sont dans l’esprit et dans le cœur de tous les prolétariats réellement révolutionnaires qui sont avec vous. Ce ne sont pas seulement les ouvriers communistes, mais tous les militants révolutionnaires de tous les pays qui ont leur attention tendue vers les discussions et surtout vers les résolutions de ce Congrès ; ce sont aussi les anciens majoritaires, les Scheidemann, les Renaudel et les Sembat de tous les pays !
Il en est de même des centristes de tous les pays. Ils attendent avec attention ce que vous allez décider, parce que le jugement que vous allez porter ici sur la politique des majoritaires et sur la politique socialiste sera la condamnation de ces politiques dans tous les pays et principalement en France. C’est là la grande importance des décisions que vous allez voter. Vous n’allez pas écrire ici de l’Histoire, mais vous allez en faire. Ce Congrès est un morceau vivant de l’Histoire, un morceau chair et os de la révolution prolétarienne qui doit venir faire l’émancipation du prolétariat de tous les pays.
Pour que ce Congrès réalise cette œuvre grandiose de l’Histoire, il faut que vous fassiez de la division pour arriver à l’union. II faut faire la division avec le passé, avec la politique réformiste, opportuniste, des majoritaires et des centristes avec leur phraséologie et leur idéologie opportuniste et contre-révolutionnaire, phraséologie des social-patriotes d’un côté et social-pacifistes de l’autre.
Il faut substituer à cette politique la politique purement révolutionnaire et la lutte de classes du prolétariat.
L’unité du Parti que vous avez à présent n’est pas une forteresse qui décuplera vos forces dans la lutte contre l’ennemi. Cette unité du Parti n’est même pas une maison bien construite dans laquelle vous trouverez les agréments d’une petite vie domestique pour les travaux de réforme ; c’est un bâtiment en ruines, c’est une maison croulante où nos pas en avant sont empêchés par les routines du passé.
C’est une maison où la droite cherche à étouffer la gauche et la gauche cherche à enchaîner la droite. Vous ne pouvez pas faire de l’action politique ni les uns ni les autres.
Vous vous empêchez mutuellement de marcher en avant et votre politique se consume et piétine sur place. Pour aller en avant, il faut construire l’unité solide d’un parti centralisé et fortement discipliné, en donnant son adhésion franche et nette à la Troisième Internationale; en formulant l’expression la plus nette de la volonté que vous avez de faire une politique révolutionnaire, au lieu d’une politique de compromission et de honte, une politique de renégats, de faiblesse et d’hésitation : il faut donner votre adhésion pure et simple, nettement, à la Troisième Internationale, pas seulement à ses principes, à sa tactique, mais aussi à ses conditions. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Ces conditions sont nécessaires, pour constituer un parti uni. Il faut dire adieu pour toujours à l’ancienne politique des deux camps qui sont à droite des communistes. Cette division est absolument nécessaire malgré les douleurs qu’elle vous procurera contre ceux qui se cramponnent à l’idée de pouvoir accomplir l’œuvre émancipatrice de la classe ouvrière avec la bourgeoisie, dite démocratique. Vous ne pouvez pas vous tenir avec eux, car vous avez reconnu les caractères dangereux de cette fantasmagorie bourgeoise. La démocratie est la force la plus parfaite de la domination des classes bourgeoises. Du moment que le prolétariat est encore sous les fers du capitalisme, dans la sphère et la vie économique comme dans la sphère politique, cette démocratie va se démasquer. Est-ce qu’il ne vous apparaît pas que la dictature du prolétariat se heurte non pas seulement aux mensonges, mais à la dictature sanglante, à tous les moyens de force et de violence dont la bourgeoisie dispose encore ! Vous n’avez qu’à opposer force à force, violence à violence. Tous nos efforts au Parlement seront -toujours anéantis par les balles et les mitrailleuses au service de la bourgeoisie. Alors, il faut arriver à la lutte révolutionnaire pour conquérir le pouvoir politique. Et si vous voulez faire cette conquête, vous ne pouvez pas marcher la main dans la main avec les défenseurs d’une politique de trahison et de faiblesse. Si vous voulez faire œuvre commune, révolutionnaire, avec la Troisième Internationale, vous ne pouvez pas suivre la tactique de ceux qui sont allés à Berne pour y commettre la bêtise monstrueuse de vouloir fonder une Internationale Il et demie, et quand ils complotent de consommer cette bêtise par un crime abominable et impardonnable : celui de vouloir constituer une Internationale en opposition avec la Troisième Internationale de Moscou.
Cette Internationale n’est rien qu’une hypocrisie pour arriver au retour de la Deuxième Internationale.
Camarades, il faut choisir ; il faut se séparer nettement de toutes les tendances politiques qui veulent maintenir le prolétariat dans les voies de l’ancienne politique de compromission et d’opportunisme. Il faut, d’un autre côté, faire l’union nationale et internationale avec tous les éléments révolutionnaires communistes, non pas seulement sur le sol de France, mais au-delà des frontières de la France. C’est absolument nécessaire pour arriver à cette union. Le prolétariat français ne doit pas être ramené au règne du capitalisme, à la barbarie. Il doit marcher à la conquête du pouvoir, parce que tous les événements nous démontrent que la vie économique porte les restes hypocrites du capitalisme économique. D’autre part, vous voyez la même impuissance de l’État politique, du capitalisme pour reconstruire la société, l’ordre social sur des bases nouvelles. Pour arriver à la renaissance de la vie économique, de la vie sociale, il faut lancer le peuple, les ouvriers, dans l’Internationale en faisant l’expropriation des expropriateurs. C’est à ce prix seulement que les crimes énormes de la guerre pourront être rachetés. Chers amis, il faut arriver à ce but par la lutte révolutionnaire. L’Histoire ne ·nous montre pas un seul cas d’une classe exploitante et dominante qui ait renoncé volontairement à sa position de pouvoir.
Il n’y a pas d’exemple qu’une classe dominante et exploitante ait renoncé volontairement à sa possession du pouvoir. La bourgeoisie, en France, n’est pas parvenue au pouvoir ; elle ne s’y est pas maintenue par les discours qui furent prononcés. Non ! Ce sont les armées de sans-culottes, combattant aux frontières et au besoin à l’intérieur contre toutes les armées de l’Europe qui ont fondé la liberté politique en France et le pouvoir de la bourgeoisie.
Le prolétariat doit apprendre les leçons de l’Histoire, qui ont été confirmées depuis par la Révolution glorieuse en Russie. Et vous savez que le prolétariat français n’est pas seulement chargé par l’Histoire de faire son émancipation à lui, mais aussi d’accélérer le cours de la révolution en Allemagne, chers camarades, parce que, en Allemagne, la situation est telle que le capitalisme commence à désespérer de pouvoir en finir avec la Révolution par des mesures hypocrites et même par la violence de ses forces militaires.
Le capitalisme allemand met tout son espoir sur l’aide que le capitalisme français veut lui donner. Le capitalisme, en Allemagne, espère arriver à bot1t de la Révolution prolétarienne en faisant la paix avec l’impérialisme français et les forces contre-révolutionnaires.
Clara Zetkin est envoyée par l’Internationale communiste où elle rejoint à « leur surprise » Alexandre E. Abramovitch (surnommé Zalewski) et Stoïan Minev (Stepanov) au Congrès de Tours.
Elle défend, au Congrès de la SFIO, les exigences des bolcheviques et de la jeune Internationale communiste. Arrivée clandestinement, son entrée au Congrès est théâtrale. Comme le rapporte la communiste britannique, Dora B. Monefiore, déléguée au Congrès : « on m’avait dit en toute confidence le matin qu’elle était dans le quartier en train de se reposer, et qu’on espérait qu’elle aurait suffisamment récupéré pour apparaître dans l’après-midi. Au milieu des deux heures et demie de discours de Froissard sur la question de l’adhésion à la Troisième Internationale, le président a soudainement annoncé l’arrivée de notre camarade allemande, et pendant vingt minutes elle nous a parlé de la situation telle qu’elle existe aujourd’hui, elle a dénoncé les actions de l’impérialisme allemand en envahissant et en détruisant la Belgique et le nord de la France, mais elle a également dénoncé avec une égale vigueur la récente invasion de la Russie par les troupes polonaises et l’incendie de la cathédrale de Kiev, l’un des monuments architecturaux les plus beaux et les plus intéressants d’Europe. Sa sortie a été aussi soudaine que son entrée, car il s’agissait de ne prendre aucun risque » (The Communist, 6 janvier, 1921, p. 5).
Même la « presse bourgeoise » présente est impressionnée par cette arrivée au Congrès. Pierre Villette, journaliste de l’Echo de Paris, dans son article « Au congrès socialiste de Tours, Lénine excommunie, une Allemande apporte ses ukazes » écrit : « mais voici Rappoport qui entre avec des airs de conspirateur satisfait suivi d’une vieille dame aux cheveux blancs tirés en arrière. Sa mise sévère et simple contraste avec les fourrures et les toilettes des dames d’ailleurs fort élégantes qui sont assez nombreuses dans la salle. On se regarde. Quelle est cette inconnue qu’on mène à la tribune et qui prend la place de la présidence ? C’est Clara Zetkin, dont on avait dit ce matin qu’elle avait été empêchée par le gouvernement de passer la frontière.
L’Assemblée l’acclame et chante l’Internationale. Très calme, très digne, et visiblement émue, Mme Clara Zetkin prononce avec un accent assez prononcé un long discours écouté dans un profond silence (…) » (L’Echo de Paris, 29 décembre 1920, disponible sur Gallica).
L’Humanité titre « à la barbe de la police Clara Zetkin arrive à Tours » : « la déléguée de Moscou s’adresse au prolétariat français » (disponible sur Gallica).
Effectivement, conduite clandestinement par Amédée Dunois et surtout son chauffeur Auguste Mougeot elle arrive le 27 décembre au soir à Tours. Comme elle l’écrit : « j’étais partie d’Allemagne avec 1% de chances d’arriver à Tours. Si j’ai pu malgré tout accomplir ma mission et revenir sans encombre, c’est à l’aide fraternelle d’amis (…) » et en particulier de Marguerite Thévenet, la compagne d’Alfred Rosmer, et Auguste Mougeot, qui fut son chauffeur (RGASPI 528/2/72 cité par Romain Ducoulombier, Camarades. La Naissance du Parti Communiste en France, Perrin, Paris, 2010, p. 229).
Lors de son intervention, qui dure une vingtaine de minutes, elle s’acquitte d’une tâche particulière celle d’imposer la rupture avec Longuet, même si elle ne connaissait pas le télégramme de Zinoviev.
Retranscription du discours de Clara Zetkin
Chers camarades, chers amis, je vous remercie du plus grand cœur de l’accueil fraternel que vous avez bien voulu me faire. Je ne l’accepterai jamais pour ma modeste personne, mais seulement pour l’idée communiste et pour la Révolution internationale à laquelle nous voulons servir tous.
Je vous demande pardon par avance, si je vais, en parlant, écorcher votre belle langue. Je suis tout à fait sûre que votre cœur me pardonnera, parce que vous comprendrez malgré tout le langage de mon cœur, le langage du communisme international révolutionnaire.
Chers camarades, je suis venue ici pour exercer quelques minutes le mandat que l’Exécutif de la Troisième Internationale m’avait confié. Le Gouvernement m’a empêchée de l’exercer dans toute son ampleur, mais j’ai tenu malgré tout à venir ici personnellement pour vous faire voir ce que peut la conviction révolutionnaire contre les mesquineries policières du Gouvernement capitaliste et contre-révolutionnaire.
(Applaudissements prolongés)
Chers camarades et amis, je vous apporte les vœux de l’Exécutif de la Troisième Internationale pour le succès des travaux de ce Congrès, parce que l’Exécutif est convaincu de la grande importance historique de l’œuvre de ce Congrès.
J’y ajoute les salutations les plus cordiales, les plus fraternelles de l’Exécutif du Parti Communiste de l’Allemagne et je peux dire de tous les partis communistes de l’Allemagne, et encore l’on peut dire davantage : ces salutations sont dans l’esprit et dans le cœur de tous les prolétariats réellement révolutionnaires qui sont avec vous. Ce ne sont pas seulement les ouvriers communistes, mais tous les militants révolutionnaires de tous les pays qui ont leur attention tendue vers les discussions et surtout vers les résolutions de ce Congrès ; ce sont aussi les anciens majoritaires, les Scheidemann, les Renaudel et les Sembat de tous les pays !
Il en est de même des centristes de tous les pays. Ils attendent avec attention ce que vous allez décider, parce que le jugement que vous allez porter ici sur la politique des majoritaires et sur la politique socialiste sera la condamnation de ces politiques dans tous les pays et principalement en France. C’est là la grande importance des décisions que vous allez voter. Vous n’allez pas écrire ici de l’Histoire, mais vous allez en faire. Ce Congrès est un morceau vivant de l’Histoire, un morceau chair et os de la révolution prolétarienne qui doit venir faire l’émancipation du prolétariat de tous les pays.
Pour que ce Congrès réalise cette œuvre grandiose de l’Histoire, il faut que vous fassiez de la division pour arriver à l’union. II faut faire la division avec le passé, avec la politique réformiste, opportuniste, des majoritaires et des centristes avec leur phraséologie et leur idéologie opportuniste et contre-révolutionnaire, phraséologie des social-patriotes d’un côté et social-pacifistes de l’autre.
Il faut substituer à cette politique la politique purement révolutionnaire et la lutte de classes du prolétariat.
L’unité du Parti que vous avez à présent n’est pas une forteresse qui décuplera vos forces dans la lutte contre l’ennemi. Cette unité du Parti n’est même pas une maison bien construite dans laquelle vous trouverez les agréments d’une petite vie domestique pour les travaux de réforme ; c’est un bâtiment en ruines, c’est une maison croulante où nos pas en avant sont empêchés par les routines du passé.
C’est une maison où la droite cherche à étouffer la gauche et la gauche cherche à enchaîner la droite. Vous ne pouvez pas faire de l’action politique ni les uns ni les autres.
Vous vous empêchez mutuellement de marcher en avant et votre politique se consume et piétine sur place. Pour aller en avant, il faut construire l’unité solide d’un parti centralisé et fortement discipliné, en donnant son adhésion franche et nette à la Troisième Internationale; en formulant l’expression la plus nette de la volonté que vous avez de faire une politique révolutionnaire, au lieu d’une politique de compromission et de honte, une politique de renégats, de faiblesse et d’hésitation : il faut donner votre adhésion pure et simple, nettement, à la Troisième Internationale, pas seulement à ses principes, à sa tactique, mais aussi à ses conditions. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Ces conditions sont nécessaires, pour constituer un parti uni. Il faut dire adieu pour toujours à l’ancienne politique des deux camps qui sont à droite des communistes. Cette division est absolument nécessaire malgré les douleurs qu’elle vous procurera contre ceux qui se cramponnent à l’idée de pouvoir accomplir l’œuvre émancipatrice de la classe ouvrière avec la bourgeoisie, dite démocratique. Vous ne pouvez pas vous tenir avec eux, car vous avez reconnu les caractères dangereux de cette fantasmagorie bourgeoise. La démocratie est la force la plus parfaite de la domination des classes bourgeoises. Du moment que le prolétariat est encore sous les fers du capitalisme, dans la sphère et la vie économique comme dans la sphère politique, cette démocratie va se démasquer. Est-ce qu’il ne vous apparaît pas que la dictature du prolétariat se heurte non pas seulement aux mensonges, mais à la dictature sanglante, à tous les moyens de force et de violence dont la bourgeoisie dispose encore ! Vous n’avez qu’à opposer force à force, violence à violence. Tous nos efforts au Parlement seront -toujours anéantis par les balles et les mitrailleuses au service de la bourgeoisie. Alors, il faut arriver à la lutte révolutionnaire pour conquérir le pouvoir politique. Et si vous voulez faire cette conquête, vous ne pouvez pas marcher la main dans la main avec les défenseurs d’une politique de trahison et de faiblesse. Si vous voulez faire œuvre commune, révolutionnaire, avec la Troisième Internationale, vous ne pouvez pas suivre la tactique de ceux qui sont allés à Berne pour y commettre la bêtise monstrueuse de vouloir fonder une Internationale Il et demie, et quand ils complotent de consommer cette bêtise par un crime abominable et impardonnable : celui de vouloir constituer une Internationale en opposition avec la Troisième Internationale de Moscou.
Cette Internationale n’est rien qu’une hypocrisie pour arriver au retour de la Deuxième Internationale.
Camarades, il faut choisir ; il faut se séparer nettement de toutes les tendances politiques qui veulent maintenir le prolétariat dans les voies de l’ancienne politique de compromission et d’opportunisme. Il faut, d’un autre côté, faire l’union nationale et internationale avec tous les éléments révolutionnaires communistes, non pas seulement sur le sol de France, mais au-delà des frontières de la France. C’est absolument nécessaire pour arriver à cette union. Le prolétariat français ne doit pas être ramené au règne du capitalisme, à la barbarie. Il doit marcher à la conquête du pouvoir, parce que tous les événements nous démontrent que la vie économique porte les restes hypocrites du capitalisme économique. D’autre part, vous voyez la même impuissance de l’État politique, du capitalisme pour reconstruire la société, l’ordre social sur des bases nouvelles. Pour arriver à la renaissance de la vie économique, de la vie sociale, il faut lancer le peuple, les ouvriers, dans l’Internationale en faisant l’expropriation des expropriateurs. C’est à ce prix seulement que les crimes énormes de la guerre pourront être rachetés. Chers amis, il faut arriver à ce but par la lutte révolutionnaire. L’Histoire ne ·nous montre pas un seul cas d’une classe exploitante et dominante qui ait renoncé volontairement à sa position de pouvoir.
Il n’y a pas d’exemple qu’une classe dominante et exploitante ait renoncé volontairement à sa possession du pouvoir. La bourgeoisie, en France, n’est pas parvenue au pouvoir ; elle ne s’y est pas maintenue par les discours qui furent prononcés. Non ! Ce sont les armées de sans-culottes, combattant aux frontières et au besoin à l’intérieur contre toutes les armées de l’Europe qui ont fondé la liberté politique en France et le pouvoir de la bourgeoisie.
Le prolétariat doit apprendre les leçons de l’Histoire, qui ont été confirmées depuis par la Révolution glorieuse en Russie. Et vous savez que le prolétariat français n’est pas seulement chargé par l’Histoire de faire son émancipation à lui, mais aussi d’accélérer le cours de la révolution en Allemagne, chers camarades, parce que, en Allemagne, la situation est telle que le capitalisme commence à désespérer de pouvoir en finir avec la Révolution par des mesures hypocrites et même par la violence de ses forces militaires.
Le capitalisme allemand met tout son espoir sur l’aide que le capitalisme français veut lui donner. Le capitalisme, en Allemagne, espère arriver à bot1t de la Révolution prolétarienne en faisant la paix avec l’impérialisme français et les forces contre-révolutionnaires.

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