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Maghreb, empire islamo-arabe et constantes internes : (8e-10e siècle)

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  • Maghreb, empire islamo-arabe et constantes internes : (8e-10e siècle)

    Sur la conquête du Maghreb il existent peu de documents contemporains des événements. L’historien doit recourir à des chroniqueurs du Mashreq qui la connaissent de loin, ou à des ouvrages maghrébins tardifs. Il dispose de peu d’informations sur les processus d’islamisation.

    Le gouverneur de l’Ifriqiya, Mûsâ b. Nuçayr (640-717), conquiert le Maghreb Central et occidental et soumet des groupes berbères qu’il rallie à l’islam. Il laisse son adjoint Târiq b. Ziyâd poursuivre conquête et ralliements, et débarquer dans l’Espagne des rois wisigoths (711), puis il le rejoint pour parfaire la conquête. En 714, après avoir laisséà son fils ‘Abd al-‘Azîz le gouvernement d’al-Andalus, il regagne Kairouan. Il meurt en 717 à Damas. Les Arabo-Berbères, après l’Espagne, poursuivent leurs incursions plus au N., jusqu’à Poitiers où ils sont arrêtés en 732 au lieu-dit Moussaisla-Bataille (balât al-shuhadâ’). Des traces de ces « Sarrazins » demeurent jusqu’à aujourd’hui dans la France du Centre-Ouest, par exemple dans la région du Véron, près de Chinon.

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    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
    L’implantation arabe au Maghreb et l’État aghlabide

    À la mort de Mûsâ, les Maghrébins sont loin d’être totalement acquis à l’islam, en particulier à l’O. Subsistent nombre de communautés juives ; les chrétiens, pourtant plus nombreux, se rallient plus massivement, jusqu’à l’extinction du christianisme africain au 12e siècle. Alors, y eut-il un « véritable miracle de l’islam » [...]

    Au premier quart du 8e siècle, les Omeyyades envoient des missionnaires zélés ; puis les dissidents khârijites œuvrent efficacement à l’islamisation du Maghreb central. Preuve du prestige des Orientaux, l’accueil que réserve la Berbérie aux « porteurs de lumière », qu’il s’agisse du khârijite ibâdite ‘Abd al-Rahmân b. Rustam (761), du chiite Idrîs b. ‘Abd Allâh (789) issu de la lignée alide, ou du gouverneur, sunnite lui, du califat abbasside Ibrâhim b. al-Aghlab (799), sans compter le Mahdî (« guidé par Dieu ») chiite ismaélien ‘Ubayd Allâh (909), qui fondent respectivement les dynasties rustamide de Tāhert, idrîsîde de Fès, aghlabide de Kairouan, enfin fatimide d’Ifriqiya puis d’Égypte.

    L'effectif des armées conquérantes ne dépasse pas quelques milliers d’hommes : la grande chevauchée d’Abd Allâh b. Sa‘d (647) en compta 20 000. Il y eut davantage établissement de souverainetés que processus de peuplement. Les conquérants dominent les populations par des raids [...] sans compter les prises en otages de jeunes garçons de l’élite des tribus berbères : une fois islamisés, et forts du prestige conféré par la maîtrise de la langue de la révélation, ils sont les vecteurs naturels d’une islamisation par le haut : les masses peuvent adhérer aux croyances des chefs, par mimétisme et/ou si elles leur paraissent porteuses d’espoir. Quitte à se rebeller violemment quand leurs espérances sont déçues.

    Les Maghrébins sont donc les artisans d’une auto-islamisation et d’une auto-arabisation. L’islam se diffuse depuis les mosquées, de fondation récente ou se substituant à des lieux de culte antérieur, à partir des centres du savoir religieux (fiqh) — Tāhert, Kairouan aux 8e-9e siècles —, ou des couvents et garnisons (ribât) du jihâd : d’où la dynastie éponyme des al-Murâbitûn (Almoravides). Succéderont aux ribât(s) les zâwiya(s) des confréries de l’islam mystique. La rihla, notamment aux sources orientales du sacré, est très tôt une institution — on ne comprendrait pas les origines de la dynastie almohade (al-Muwahhidûn) sans le voyage d’études à objectif sprirituel (rihla) de douze années de son fondateur, le mahdî Ibn Tûmart, début 12e siècle.

    L’arabe supplante assez vite le latin comme langue de culture dans l’entourage de chefs tribaux naguère frottés de romanité, près des domaines fonciers occupés par les conquérants, et d’abord dans les villes. S’y mêlent des Arabes et des non-Arabes (‘Ajam), des Afâriq (Berbères naguère latinisés), encore quelques Rûm(s), pratiquement tous arabisés dès la fin du 9e siècle. Mais dans les terroirs ruraux et montagneux, on parle le plus souvent toujours berbère. [...] La révolte de 739 qui, à partir de l’O., se propage à tout le Maghreb sous l’égide du khârijisme fait se cantonner à l’Ifriqiya le pouvoir des conquérants arabes. Des entités politiques khârijites s’installent à Sijilmâsa, au Tafilalt, et à Tāhert ; pendant plus de deux siècles, le khârijisme marque l’islam maghrébin, du Tafilalt à la Tripolitaine. Avec les Aghlabides de Kairouan, le sunnisme malikite contre-attaque au 9e siècle ; et, à partir du début du 10e, la conquête fatimide réduit le khârijisme à des îlots — le M’zab, Djerba, le djebel Nafûsa.

    Al-Andalus recueille l’héritage des Omeyyades après leur élimination par les Abbassides en 750. Le prince meyyade ‘Abd al-Rahmân Ier s’établit en 756 à Cordoue, qui devient une capitale rayonnante. Le Maghreb devient terre d’accueil pour les ‘alîdes/chiites dont la survie est précaire au Mashreq : en 786, un descendant de ‘Alî, Idrîs b. ‘Abd Allâh, échappe à la répression du calife abbasside al-Hâdî après le massacre de Fakhkh, et se réfugie au Maghreb al-Aqçâ. Il y trouve femme, devient le chef de la tribu berbère zénète des Awrâba, et est reconnu imâm en 789. Il amorce la fondation de Fès, que son fils Idrîs II (793-822) développera au début du 9e siècle. Un accord met fin à l’antagonisme avec les Aghlabides sunnites de Kairouan : le chiisme des Idrîsîdes n’étant pas très militant, les deux pouvoirs, de l’E. et de l’O. du Maghreb, s’arrangent pour contenir le Maghreb central, alors sous la souveraineté de la dynastie khârijite des Rustamides de Tāhert. Fès accueille des Kairouanais, d’où le quartier et la grande mosquée des Kairouanais — al-Qarawîyîn — et devient une ville sainte de la noblesse religieuse des descendants du Prophète (shurafâ’) et un foyer d’arabisation des tribus berbères voisines. Malgré les divergences religieuses et les dissensions, les Idrîsîdes entretiennent au 9e siècle des relations paisibles tant avec l’entité berbère islamo-syncrétiste des Barghwâta de la plaine atlantique de la Chaouia qu’avec la principauté khârijite de Sijilmâsa, et aussi finalement avec celle de Tāhert qu’ils ne voudront jamais vraiment affronter.

    L’Ifriqiya est, pour le compte formel des Abbassides, gouvernée depuis 799 par la dynastie des Aghlabides, de Kairouan. Ces derniers se dotent d’une flotte qui sert, de 827 à 878, à conquérir sur l’Empire byzantin presque toute la Sicile, et à razzier les côtes de l’Europe, de l’Italie du S. à la Provence. Les Aghlabides font rebâtir, sur des modèles inspirés de l’Orient, la grande mosquée de Kairouan, dont la fondation datait de ‘Uqba. Ils font aussi édifier la Zaytûna de Tunis, des mosquées à Sousse et à Sfax, les enceintes fortifiées de plusieurs villes, les ribât(s) de Sousse et de Monastir ; et réaliser aqueducs et travaux édilitaires — dont le bassin des Aghlabides de Kairouan.

    Haut lieu de culture citadine, Kairouan fut aussi, sur le modèle de Baghdad, un centre culturel prestigieux autour de la cour de souverains épris de faste. S’y épanouissent tant la poésie que la théologie et le fiqh. Les fuqahâ’ y fondent une école de jurisprudence au rayonnement durable. Un ‘Abd al-Salâm Sahnûn (776-854), maître et juge (di) vénéré, après une rihla en Orient, devient, après son retour en 807, un théoricien et un apologétiste de renom du sunnisme malikite, notamment dans l’œuvre maîtresse qu’est sa Mudawwana. Cela lui vaut un temps les animosités de la cour de Kairouan, passagèrement gagnée au courant théologique rationalisant de l’islam (mu‘tazilisme), qui triomphe alors à Baghdad sous l’égide du calife al-Ma’mûn (813-833). Ensuite, l’émir aghlabide Ibrahim II (875-903) prend quelques distances avec le lobby des docteurs malikites de Kairouan ; d’où son installation dans sa nouvelle résidence de Raqqâda, à 9 kilomètres de la cité. Au demeurant, le poids de lourds impôts canoniquement illicites ne fait pas des Aghlabides un régime bien-aimé. S’ils entreprennent des raids de jihâd en direction de l’Italie, c’est notamment pour amadouer leurs sujets, mais sans grands résultats. Les jurisconsultes (fuqahâ’) malikites, censeurs de leur propension à la débauche, engrangent les bénéfices que leur vaut la désaffection populaire à l’égard d’un pouvoir pourtant étiqueté malikite. Le rayonnement de l’école de Kairouan fut une des raisons du reflux du Khârijisme au Maghreb : le formalisme du madhhab malikite, son interprétation stricte éprise d’austérité purent parler au tréfonds populaire. Ce sera encore le cas au 10e siècle, sous la dynastie fatimide, bien formalisée, elle, dans une autre hétérodoxie, le chiisme ismaélien.

    Mais, quelles que soient les doctrines professées, les dynastes originaires d’Orient — idrîsîdes, rustamides, aghlabides, fatimides — voient dans l’Occident musulman une issue à leur engagement missionnaire et à leur quête de pouvoir. Leur marque est décisive sur le Maghreb, à commencer par l’Ifriqiya et par les villes : prend forme une société où l’enracinement dans le substrat berbère évolue vers un Maghreb musulman, indissolublement berbère et arabe.

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    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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    • #3
      Constante berbère, recadrages khârijites et puritanisme

      À la veille de la conquête islamo-arabe, Byzance ne contrôle déjà guère plus que le Maghreb oriental — l’Africa et la Numidie —, et des places côtières — un gouverneur byzantin aurait subsisté précairement à Ceuta jusqu’en 711.

      Du Moyen Chélif jusqu’à l’Atlantique, le territoire est contrôlé par des tribus berbères peu touchées par la romanisation. Exception faite de quelques notables tribaux, celle-ci a été d’autant moins forte qu’on quittait les côtes et les villes et qu’on progressait vers l’O. Dans le bled, notamment en montagne, elles forment des sociétés agropastorales régies par un patriarcat immémorial. Au départ, l’islamisation touche peu le Maghreb profond, notamment dans sa partie occidentale. Nombre d’antiques cultes populaires persistent sous la vêture islamique, comme ils se perpétuaient naguère sous la vêture chrétienne. Aux 8e-9e siècles, à distance des pouvoirs dynastiques installés à Kairouan, à Tāhert, à Fès, flottant entre les uns et les autres, nombre de tribus mènent une existence quasi indépendante, et modulée sur les cycles climatiques dont dépendent cultures et troupeaux.

      Moins de quatre décennies après la mort de la Kâhina, la révolte flambe à partir du Maghreb al-Aqçâ en réaction aux vexations et à l’oppression fiscale endurées du pouvoir omeyyade : les nouveaux convertis à l’islam ne devant plus en principe payer la capitation (jizya) et le tribut foncier (kharâj) pesant en propre sur les non-musulmans, le régime omeyyade se refuse à convertir plus pour gagner moins : il contraint les nouveaux convertis à s’acquitter de ces impôts, au moins du kharâj. En 739, le chef de la révolte, Maysara, un porteur d’eau, soulève la région de Tanger contre cette atteinte aux règles de l’islam et il se fait proclamer calife — sa brutalité lui vaut d’être peu après tué et remplacé par un rival, Khâlid al-Zanâtî. La révolte gagne rapidement du terrain sous l’étendard du Khârijisme. Plus que ses options doctrinales, ce sont son puritanisme et son message égalitaire qui font son succès. Une bonne partie du Maghreb est gagnée au Khârijisme au milieu du 8e siècle. Paradoxalement, ces réfractaires à l’orthodoxie sunnite contribuent à implanter l’islam et ils poussent les fuqahâ’ malikites de Kairouan à fourbir en retour les arguments d’autorité de leur système doctrinal.

      Les insurgés battent deux armées de renfort successives venues d’al-Andalus et d’Ifriqiya, et une troisième dans le Chélif, à cette « bataille des Nobles » où l’aristocratie arabe qurayshite qui s’y trouve est décimée. En 741, une forte expédition dépêchée de Syrie est encore écrasée par les rebelles dans la plaine atlantique du Gharb. Les partisans khârijites contre-attaquent alors vers l’Ifriqiya où ils sont refoulés à une étape de Kairouan. Mais la capitale est enlevée dans le sang par un parti armé du rameau khârijite intransigeant des Sofrites établis en Ifriqiya méridionale. En 758, la ville est à nouveau prise, et les Sofrites massacrés, cette fois par une troupe khârijite de la branche plus modérée des ibâdites dominant au jabal Nafûsa. Leur chef, aristocrate persan gagné à l’ibâdisme, ‘Abd al-Rahmân b. Rustam, devient maître de Kairouan. En 761, une forte armée expédiée par le califat abbasside reconquiert la ville et en expulse Ibn Rustam. Ce dernier se dirige alors vers l’O., où il fonde l’État de Tāhert. De nouveaux renforts expédiés de l’Orient abbasside n’empêchent pas la reconquête, impitoyable, de s’éterniser jusqu’en 787. Elle rend à l’orthodoxie sunnite nombre de positions perdues dans la moitié orientale du Maghreb : les khârijites sont définitivement chassés d’Ifriqiya.

      Ils se maintiennent en d’autres points du Maghreb, qui ne devient pas pour autant uniment khârijite. Ici et là subsistent quelques taches d’hétérodoxie, marquées parfois par une berbérisation de la religion. Au premier tiers du 9e siècle, dans le Tlemcénois, un muezzin se proclame prophète et veut remodeler à sa guise le Coran. Il y a même, jusqu’à la conquête almohade du 12e siècle, ces Berbères Barghwâta du « royaume de Tamesna », installés au milieu du 8e siècle dans la plaine atlantique de la Chaouia : ils vénèrent pour prophète un compagnon d’armes de Maysara, un certain Tarif, et pratiquent des rites particuliers. Appuyés sur un Coran de 80 sourates réécrit en langue tamazight, ils adhèrent à une foi austère empruntant à divers courants islamiques déviants. Ailleurs, existent des centres de pouvoir khârijites à rayonnement inégal et variable dans le temps. Certains restent isolés et marginaux, tels ces groupes aurésiens acquis à un khârijisme maximaliste proche de celui des Sofrites, qui ne constituèrent pas d’entité politique.

      Un centre de pouvoir khârijite s’est développé à partir de la ville de Sijilmâsa, fondée en 757 dans le S. du Tafilalt par les Meknasides, tribu de Berbères zénètes de la famille des Banû Midrar ralliés aux khârijites sofrites. Le « royaume de Sijilmâsa » rayonne sur le Maghreb occidental. Son dynamisme commerçant est dû à sa situation de carrefour entre itinéraires caravaniers sahariens et l’axe transmaghrébin E.-O. Il est occupé par les conquérants Fatimides au milieu du 10e siècle, puis réinvesti par les Banû Midrar, disparus dès avant la conquête almoravide au 11e siècle. Mais Sijilmâsa demeure un foyer d’échanges actif cinq siècles durant.

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      • #4
        L’extension du commerce saharien est favorisée par l’installation au Maghreb de pouvoirs politiques relativement stables par rapport à la période troublée de l’Antiquité tardive.

        La Méditerranée des 7e et 8e siècles, on l’a dit, est le théâtre de raids maghréboandalous vers les côtes de l’Europe qui génèrent un important trafic d’esclaves, mais aussi des activités marchandes. Des Andalous y réaniment le commerce sur les côtes du Maghreb jusque-là pratiquement vides. Fin 9e siècle, des colonies andalouses s’établissent à Ténès en (875) et à Oran (902), voire jusqu’à Annaba — le récit qu’a laissé le grand voyageur et géographe al-Bakrî de l’installation de ces commerçants survenant dans un milieu berbère tribalisé souligne les contrastes avec les autochtones. Mais, à partir du 10e siècle, la Méditerranée occidentale est sous le contrôle des flottes des Omeyyades d’Espagne et des Fatimides du Maghreb. La Méditerranée est un espace conflictuel, mais dominé majoritairement par les musulmans.

        Les Arabes y dominent le trafic des esclaves et les circuits d’échanges, avec leurs bateaux, leurs navigateurs, leurs commerçants, et leur savoir-faire bancaire appuyé sur des financiers juifs. Ils commercialisent en Méditerranée les productions provenant du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Le Sahara achemine vers le N. en quantité croissante les gommes odorantes, l’or et les esclaves de l’Afrique subsaharienne, en échange du sel et de produits fabriqués du N.

        Plus éphémère que Sijilmâsa, un autre centre sofrite naît en 765 de la révolte de la tribu berbère zénète des Banû Ifrân. Ils proclament calife leur chef Abû Qurra, qui s’installe à Tlemcen. En 767, il lance une expédition vers l’E., avec le soutien d’autres partis khârijites, surtout de Tāhert et du jabal Nafûsa. Ils investissent la forteresse de Tobna, entre Aurès et Hodna, y cernent le gouverneur abbasside de l’Ifriqiya ‘Umar b. Hafç et ne le libèrent que contre rançon. Ils gagnent Kairouan, qu’ils assiègent, mais sans succès. De retour à Tlemcen, Abû Qurra doit compter avec une autre tribu zénète de l’importante confédération des Maghrawa, qui impose son emprise. Il y a aussi les visées expansionnistes des Idrîsîdes.

        Idrîs Ier, après avoir dominé le Maghreb al-Aqçâ, pousse vers l’E. et négocie avec les Maghrawa la remise de Tlemcen. L’éphémère principauté d’Abû Qurra avait vécu. À la mort d’Idrîs Ier (793), son fils Idrîs II ayant moins de trois ans, son régent, Rashîd, appuyé sur des partis andalous, étend son autorité jusqu’au Bas Chélif. Il y affronte celle des Aghlabides de Kairouan, qui fomentent des révoltes et le font assassiner (802). Peu après, Idrîs II conclut la paix avec Kairouan, ce qui préserve son pouvoir, et contrebalance celui, rival, des Rustamides de Tihert, liés aux Omeyyades de Cordoue. C’est peu après que des Kairouanais s’installent à Fès. Des khârijites doivent alors peu à peu rejoindre l’orthodoxie sunnite malikite. À la mort d’Idrîs II (828), son fils Muhammad al-Muntaçir partage les territoires conquis par son père entre ses frères, confiant à l’un d’entre eux, Muhammad b. Sulaymân, les territoires allant du Tlemcénois au Chélif — on a parlé de « royaume sulaymânide ». En fait, de cet « État », seules les villes semblent être contrôlées, selon un modus vivendi avec les tribus voisines, ce qui assure à la région une certaine prospérité jusqu’au début du 10e siècle. Avec Tlemcen, émerge une cité distinguée, en relations croissantes avec la culture arabe d’al-Andalus.

        À partir du 10e siècle se succèdent les revers, infligés par les Omeyyades, et plus encore par les Fatimides. En 921, ces derniers occupent Tlemcen, et pour la première fois Fès. L’Idrîsîde Yahya IV y est vassalisé, puis chassé et remplacé pour le compte des Fatimides par un chef des Zénètes Miknasa. Le Maghreb al-Aqçâ passe en partie sous la souveraineté de la dynastie chiite, assise sur ses clients miknasides. En 931, les Fatimides prennent Tlemcen et mettent fin au pouvoir des Sulaymânides qui se réfugient dans al-Andalus. Nombre de Berbères maghrawa refluent vers le Maghreb central ; 12 ans plus tard, avec des partis Banû Ifrân, ils se rallient à la grande révolte antifatimide d’Abû Yazid. À ce moment où le pouvoir fatimide vacille, d’autres Banû Ifrân, les Banû Ya‘la, deviennent clients des califes de Cordoue qui leur concèdent l’Oranie. En 955, leur chef, Abû Ya‘la, conquiert et détruit la bourgade d’Oran. En 938, il se bâtit une petite capitale, à Ifgan, au S.-O. de Mascara. Mais le généralissime fatimide Jawhar la saccage vers 958 et élimine Abû Ya‘la. Tous ces partis khârijites maghrébins ne sont alors pas sans liens entre eux : le siège de Tobna est conduit par une coalition. La souveraineté des Rustamides de Tāhert s’étend jusqu’au jabal Nafûsa, et les ibâdites sont un temps maîtres de Tripoli. Sans compter les liens matrimoniaux entre Tāhert et Sijilmâsa : Ibn Rustam donne en mariage une de ses filles au souverain de Sijilmâsa. La plus notable des entités khârijites dans ce qui deviendra l’Algérie fut bien celle de Tāhert.

        [Fin de l'extrait]
        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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