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Grandeur et décadence des Hammādides de Béjaïa

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  • Grandeur et décadence des Hammādides de Béjaïa

    Période d'al-Qalāa (1014-1091)

    L'arrivée de la première vague hilâlienne au Maghreb précède de peu la mort du 2e souverain de la dynastie hammâdide, al-Qâ’id b. Hammād (1054). S’ensuivent de cruels affrontements familiaux : son fils al-Muhsin, en moins d’un an de règne, procède à des purges sanglantes parmi ses oncles, avant de finir assassiné par un cousin, Buluggîn II b. Muhammad, despote non moins cruel. Celui-ci tente de jouer les arabes Athbej contre les Zîrîdes qui, de leur côté, s’abouchent symétriquement avec les Riyah, occupants de l’Ifriqiya. Mais il doit lancer ses Hilāliens contre les Zénètes pour les refouler au S.-O., des Ziban au Sersou, avec le dessein de les y fixer, loin de sa capitale — il y parvient dans une certaine mesure : les Zénètes, dans leur repli vers le S. et l’O., entraînent à leur poursuite les nomades arabes. Plus tard, après que les Almoravides, venus du Sahara occidental, ont pris Sijilmâsa (1056), Buluggîn II lance contre eux une expédition. Il pousse jusqu’à Fès, mais il est assassiné à son retour par son cousin al-Nāçir b. Alannās (1062).

    Le règne de ce dernier dure 26 ans. Au début, la Qal‘a lui sert de refuge et, dans le contexte troublé de l’expansion hilalienne, il pratique la gestion patrimoniale en déléguant le pouvoir à ses frères, investis respectivement de plusieurs gouvernorats, notamment dans le Constantinois et les Ziban. Il tente de reprendre la main contre les Zîrîdes en soutenant l’installation de ses clients, les Banī Khurâsân, à Tunis, et en se concertant de nouveau avec les Athbej. A ce stade, les divers clans hilāliens sont devenus des arbitres entre les deux foyers de pouvoir sanhajiens rivaux. À l’O. de Kairouan, il affronte les troupes de l’émir zîrîde Tamîm (1062-1108), épaulées de contingents de Riyah — appui à risques qui explique en partie le rapprochement final entre les deux dynasties cousines : en 1077, Tamîm donna en mariage à al-Nâçir une de ses filles.

    C’est sous le règne suivant, celui d'al-Mançûr b. al-Nāçir (1088-1105), qui s’y établit à demeure, que Bejâïa devient la véritable capitale. Guerrier, homme de décision et d’autorité, il est le premier Hammâdide à battre monnaie. Il se révèle aussi négociateur pour asseoir sur les siens sa souveraineté. Il profite de l’affaiblissement irrémédiable des Zîrîdes pour renforcer son emprise sur le Constantinois. Suivant la politique patrimoniale de son père, il investit son oncle Belbar des gouvernements de Constantine et de Annaba. Mais, mais Belbar se révolte et al-Mançûr envoie une expédition pour reprendre les deux villes. Il y nomme, hors famille, deux chefs qui s’y révoltent à leur tour. Pour les récupérer, et se ligue avec les Athbey dont la pression se fait de plus en plus menaçante et qu'il doit, pour les neutraliser tout en acquiesçant à leur quête de subsides, enrôler dans ses troupes, alors que le noyau des forces hammâdides a été jusque-là une milice d’étrangers chrétiens, a priori moins impliqués dans les rivalités locales. C’est dans ces circonstances qu’al-Mançûr déménage définitivement de la Qal‘a vers Béjaïa, promue nouvelle capitale de la dynastie.

    Jusque-là, les Hammādides sont la seule dynastie à conserver un pouvoir indépendant au Maghreb, et bien plus solide et homogène que ceux de leurs rivaux — Zirīdes d’Ifriqiya à l'E. et confédérations zénètes de l’O.

    Ils font ensuite front avec succès aux entreprises de conquête almoravides, lancées sensiblement au même moment que les migrations Hilāliennes. Les Almoravides, fondateurs de Marrakech en 1062, traversent le détroit de Gibraltar en 1086. De Tlemcen, et avec le soutien des groupes zénètes de l'Oranie, ils progressent vers l’E. jusqu’à Ashîr. En 1101, ils prennent cette ville réputée imprenable, la pillent et la saccagent. Le hammādide al-Mançûr parvient à lever une armée de 10 000 hommes. Il contre-attaque en 1102 et met en déroute ses ennemis près de Tlemcen. À sa mort (1105), les Hammâdides se sont honorablement rétablis.

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    Dernière modification par Harrachi78, 06 mai 2022, 11h26.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
    Période bougiote (1091-1151)

    Les règnes de Bādīs et d’al-Azīz b. al-Mançūr (1105-1124) sont calmes et prospères.

    Le premier ne règne que quelques mois : d’abord exilé à Jijel par son frère et rival al-Azīz, il finit empoisonné par sa mère, selon un scénario digne des cours romaines ou florentines de la Renaissance. Il est supplanté par al-Azīz, esprit ouvert, curieux d’innovations culturelles et scientifiques. Négociateur de tempérament heureux, il est de son vivant surnommé al-Maymûn — le bienveillant. Grâce à sa diplomatie, les affrontements avec les Zénètes diminuent, à tel point que son successeur Yah (1121-1152), jugeant les marges de l’O. paisibles, reprend pied en Ifriqiya — il fut le dernier Hammâdide à s’y aventurer. Il réussit à éliminer les Banī Khurāsān de Tunis et à y régner 20 ans, mais en 1134 il échoue à prendre Mahdiya.

    En 1136, Béjaïa repousse une attaque navale génoise, non sans mal et non sans dégâts. Vers 1141, en quête de soutiens politiques de rechange au Mashreq, Yah entreprend un rapprochement avec le calife fatimide al-fidh, mais la tentative tourne court puisque, au milieu du 12e siècle, il fait battre monnaie au nom du calife abbasside al-Muktafī. En 1148, un Khurâsânide se réinstalle à Tunis, mais il est éliminé par la conquête almohade en 1159. Auparavant, les Zîrîdes ont tenté de reconquérir leur domaine, et même réussi à réoccuper Djerba en 1116 — l’île est reprise en 1135. S’ensuit un déclin progressif, rythmé par les incursions italonormandes. Les Normands de Roger II entreprennent la conquête des côtes de l’Ifriqiya — elle est totale en 1148 après la prise de Mahdiya. Jijel est occupée en 1143, Annaba en 1154, mais ces péripéties littorales affectent peu les populations de l’intérieur.

    C’est non loin de Béjaïa que, en 1116, de retour de son voyage d'études au Mashreq, le prédicateur originaire de l’Anti-Atlas, Ibn Tûmart, rencontre celui qui va devenir son principal lieutenant et surtout son successeur à la tête du futur mouvement almohade, le Zénète nédromi Abd al-Mu’min. 38 ans plus tard (1151), déferle sur le Maghreb central la conquête éclair de ce guerrier qui s’empare sans peine de Béjaïa : le souverain hammādide Yahya, réfugié d'abord à Annaba, se résigne à la réddition au vainqueur. En 1153, près de Sétif, le conquérant almohade écrase une troupe composée surtout d’Arabes hilāliens, rassemblée pour faire face au nouveau pouvoir qui poursuit sa marche vers l’E. La dynastie hammādide disparaît ainsi de l’histoire — Yahya finit ses jours à Salé en 1063.

    Au 20e siècle, des fabricants d’histoire algériens voudront voir en cet État Hammādide la matrice du futur État national algérien, de la même manière qu’au 19e des fabricants d’histoire français avaient imaginé le « royaume » de Clovis du 6ee siècle comme la matrice du futur État national français.

    [Fin de l'extrait]
    Dernière modification par Harrachi78, 06 mai 2022, 11h27.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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