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Dii Mauri : Dieux Maures
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Les Dieux africains locaux
10A un stade supérieur sinon de religiosité du moins de conceptualisation, le divin répandu dans la nature se personnalise. Des noms sont donnés à certaines entités qui font l’objet de dédicaces ou de citations qui nous ont été conservées. Parmi ces divinités quelques unes occupent une place prééminente, tel Saturne, dont l’omniprésence dans la province d’Afrique montre bien qu’il était vraiment le maître de ces terres et de leurs produits. Parmi les divinités secondaires, nombreuses sont celles qui gardèrent leur nom africain et se dérobèrent à toute assimilation à un dieu du panthéon gréco-romain. Certaines, cependant, sont regroupées sur les inscriptions, comme à Vaga (Béja) ou à Magifa (Ksar el-Boum), où elles constituent de véritables panthéons locaux voire régionaux. Mais la plupart nous apparaissent comme des divinités topiques, à peine distinguées des simples génies par le nom qui leur fut donné.
11Afin de mieux saisir la complexité de ce cortège mythologique africain, il a semblé utile d’établir le catalogue complet de ces divinités.
12Abbadir : à Manliana (Maurétanie césarienne)
1. – C.I.L. VIII, 21481 : abbadiri sa/ncto cvlto/res ivnores/ svis svmitis/
aram constitv/pro...
2. – Saint Augustin, Lettres, XVIII, 2 : « In numinibus Abbadires... »
En phénicien Abadir signifie « Père puissant » et aurait en particulier servi à désigner un bétyle. S’il en est ainsi la citation de saint Augustin permet de confirmer le maintien d’une certaine litholâtrie jusqu’au ve siècle. L’inscription de Manliana apporte la preuve de l’existence d’un culte organisé, mais Saturne, héritier de Baal Hammon, peut très bien se cacher sous cette appellation.
13Aenon (ou Aeno) : Dieu et en même temps génie du municipe de Medda (Henchir Bed. Africa). L. Maurin et J. Peyras, « Uzalitana ». Les Cahiers de Tunisie, t. XIX, 1971, p. 71. A.E. 1973, n° 602 :
aenoni de.. /genio mvnici... /sac... /
Ce dieu Aenon inconnu ailleurs, porte curieusement un nom de consonance grecque (cf. Aeneos : pérenne, éternel). Les inventeurs rejettent cette origine qui s’expliquerait difficilement. On ne voit pas à la suite de quelle circonstance un obscure municipe de l’Afrique intérieure aurait choisi un dieu grec, par ailleurs inconnu, comme génie municipal. On préfère y voir un nom libyque ou punique déformé.
14Avlisva : Dieu connu par trois inscriptions de Maurétanie Césarienne occidentale, dans la région de Pomaria (Tlemcen) et par deux autels de Volubilis en Maurétanie Tingitane.
1. – C.I.L. VIII, 9906, à Pomaria : deo/ sancto/ avlisvae/ fl cassi/anvs prae/
fect alae/ explora/torvm pomari/ensivm/ S...rianae
2. – C.I.L VIII, 9907, à Pomaria : deo invicto / avlisvae/ m... /fl... /alae explo po/mar gordia/nae et proc/ avg n/
3. – C.I.L. VIII, 21704 à Ain Khial : deo sancto avlisvae/ call victo.../ci e sivllc/... genvo pic./pom et.../... sard.../
4. – M. Lenoir, « Inscriptions nouvelles de Volubilis ». Bulletin dArchéologie marocaine, t. XVI, 1985-1986, p. 191-233 (inscription n° 1) : avlis/ avg /sacrv/
5. – M. Lenoir, Ibid. (inscription n° 2) : deo sancto avlisvae/voto donvm dedit/valerivs victor liber/tvs tvrnonis svtor ded/xii k sept/
15Le caractère africain de cette divinité paraît d’autant plus vraisemblable qu’on peut, avec S. Chaker, reconnaître dans son nom la racine berbère « AWL » qui signifie « veiller sur ». Sur les deux inscriptions de Pomaria le dédicant est le préfet de l’aile stationnée à Pomaria et recrutée sur place. Il en est de même, semble-t-il, à Aïn Khial où il est fait également mention de la Cohorte II des Sardes dont le cantonnement se trouvait à Aitava. En revanche le dédicant de l’autel le mieux conservé de Volubilis est un affranchi, modeste cordonnier, qui dut faire un gros sacrifice pour la dédicace de cet autel dont l’une des faces porte un relief représentant Aulisua sous les traits de Consus-Hercule, selon l’interprétation de M. Lenoir qui considère Aulisua comme un dieu de la fertilité. Honoré à la fois à Pomaria et Aïn Khial en Césarienne et à Volubilis en Tingitane, et portant en ces trois lieux le même qualificatif de Sanctus, Aulisua n’est pas une simple divinité locale, mais un grand dieu maure. Peut-être faut-il l’associer à la gens des Bavares occidentaux, présente, comme lui, de part et d’autre des limites des deux Mauré-tanies.
16Avzivs : C.l.L. VIII, 9014, à Auzia (Sour el-Ghozlan, ex Aumale, en Maurétanie Césarienne) : avsio deo genio et conservatori col/ extrictvs... /maesia... / institvae... ivcvndae/ conivgi... honoratae... pri/mosae honore... vs svis de clavdio IVVE/nALE patre et decennio victorino fratre instan/te l caecilio
victorino amico kal ianvar s prov/ clxxxv.
17Cette dédicace datée de 225 s’adresse à un dieu local qui a donné son nom à la colonie d’Auzia et fut assimilé au génie de celle-ci. Il y a dans cette dédidace, comme dans la titulature de la divinité un intéressant mélange entre la conception libyenne d’un dieu local personnalisé et la notion toute romaine du génie tutélaire de la cité.
18Bacax : C.I.L. VIII, 5504 à 05520 et 18828 à 018857. cf J. et P. Alquier, Le Chettaba et les grottes à inscriptions latines du Chettaba et du Taya. Constantine, 1929, pp. 141-168.
Divinité honorée dans une grotte du Djebel Taya, au nord-ouest de Guelma, mais située en Numidie. Ce dieu est mentionné une soixantaine de fois dans les inscriptions qui tapissent les parois de la cavité. Ces inscriptions étaient gravées sur ordre des magistri de Thibilis qui venaient sur place chaque année, vraisemblablement au moment de leur entrée en fonction. La cérémonie avait généralement lieu le dernier jour de mars ou le premier jour d’avril. L’inscription la plus ancienne est de l’année 210, la plus récente de l’année 284.
Bacax est dit Auguste dans tous les textes conservés. La forme Bacques (C.I.L. VIII, 7420) et Bacquax (C.l.L. VIII, 20720) sont connues dans l’onomastique africaine.
19Baldir, Baliddir. Dieu connu par trois inscriptions, deux de Sigus, une de Guelaat bou Sba.
1. – C.I.L. VIII, 5279 à Guelaat bou Sba (Africa proconsularis) : baldir avg/ sacrvm/macedo/pub/ votvm solv/it li... an.../
2. – C.I.L. VIII, 19121 à Sigus (Numidie) : deo patrio/ baliddiri avg/sacrvm/ q tardivs q fil /qvirina victor/ statvam aerem qvam ob honorem flamonii divi seve/ri castelli sigvitani/pollicitvs erat fac/tvrvm se ex x d lamei/ ficata liberalitate/ ex x mille cvm base/ tadii/ victor ivnior et/ satvrninvs et honorata et fe/lix filii et here/des eivs dedervnt/dedicavervnt lddd/
3. – C.IL. VIII, 19122 à Sigus (Numidie) : baliddiris avg/ sancti patrii dei/ statvam/qvam m. ivlivs q f procv/lvs ob honorem fl perpetvi/divi magni antonini ex/ss ii cc n svmmae honorari/ae eivs honoris pollicitvs/et adiectis at/ea qvantit/te ex sva liberalitate ss /et at basem ss ccc n ex/ss m dcn posvit idemq/dedicavit lddd/
4. – Bir Eouel, région de Sigus (Numidie). J. Gascou et R. Guery ; « Inscriptions du Sud Constantinois ». Antiquités africaine, t. 25, 1989, p. 135-176 (p. 153) :
Baliddiri/ avg sacrvm/ m. fabivs f.../mvs et/l.maecivs/extricatv./v q p s/ idemq dedic/
20La forme originelle du nom de cette divinité est incontestablement phénicienne, Ba‘al ‘Addir qui désignerait le Seigneur de la claie, c’est-à-dire de l’aire à battre (J. Ferron, REPPAL, III, 1987, p. 187-227). Un sanctuaire, élevé à Ba’al ‘Addir à Bir Tlelsa, dans le Sahel tunisien, est mentionné dans une importante inscription néo-punique. A Cirta, de nombreuses stèles du sanctuaire d’EI Hofra sont dédiées à Ba‘al ‘Addir qui y possédait un temple (stèle n° 27). La proximité de Cirta explique peut-être l’importance que Ba‘al ‘Addir conserva à Sigus, encore au iie siècle ap. J.-C, sous le nom contracté de Baliddir (Baldir à Guelaat bou Sba). Il est fort possible que le nom que porte alors la vielle divinité channanéenne (cf. Malk ‘Addir de l’inscription d’Eschmunazar) ait été déformé par contamination du libyque. En berbère, en effet, il existe un verbe edder-idir qui signifie « vivre » et entre dans la composition d’anthroponymes, fait qui est constaté dès l’Antiquité. On peut citer, en particulier, le préfet de Castra Severiana qui portait le nom d’Ider (C.I.L. VIII, 9835). Ainsi les habitants de Sigus qui parlaient le libyque voyaient en Balidir un Dieu Vivant aux pouvoirs sans doute plus étendus que ceux du Maitre de l’aire à battre et donc des moissons, dénomination de la vieille divinité phénicienne. Il n’est pas impossible aussi que sous ces deux noms aient été révéré Saturne sous ses deux aspects de Frugifer et de maître du Temps.
21Bonchor à Vaga (Béja, Africa proconsularis). A. Merlin. « Divinités indigènes sur un bas-relief romain de la Tunisie ». C.R.A.I.B.L., 1947, p. 355-371. A. E. 1948,n° 114 :
macvrtam macvrgvm vihinam bonchor varsissima matilam ivnam/ m
aemilivs ianvarivs et q aelivs felix de svo fecervnt et dedicrv/
Le bas-relief aux sept dieux de Béja
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22Cette dédicace est surmontée d’un bas relief qui représente les sept dieux nommés dans l’inscription. Bonchor occupe la position centrale, il est donc vraisemblablement la divinité la plus importante de ce panthéon local. Les sept dieux sont représentés de face, séparés d’un jardin par une tenture suspendue à des palmiers. Macurtam et Iunam sont des cavaliers, Bonchor drappé dans un lourd manteau tient dans sa main un gourdin, il est flanqué, à droite et à gauche de deux déesses, Vihinam et Varsissima revêtues, l’une et l’autre, d’une chape d’écaillés ou de plumes à moins que le sculpteur n’ait voulu figurer des mèches de laine. J.-G. Février voyait en Bonchor un nom punique qui serait la contraction de Bodmelqart (« Serviteur de Melqart »), ce qui est douteux et même rejeté par M. Snycer. Il serait étonnant que le dieu principal de l’inscription de Béja porte un nom qui marquerait avec évidence sa subordination par rapport à un autre dieu d’origine phénicienne. Ce nom certainement théophore est très commun chez les Africains. Peut-être faut-il le rapprocher des Buccures cités par Arnobe comme divinités « maures » ? Un autre bas relief découvert dans la voisinage de Béja et conservé au Musée du Bardo à Tunis représente également sept divinités en buste mais anonymes qui pourraient bien être les mêmes que celles figurées en compagnie de Bonchor. A Simithu (Chemtou) fut également découvert un bas-relief représentant huit bustes dont le quatrième est féminin ; ils portent tous une chevelure abondante à mèches parallèles et sont revêtus d’une chlamyde retenue à l’épaule par une fibule circulaire. Un autre bas-relief similaire trouvé à proximité est plus fruste, la seule différence est que le quatrième personnage ne paraît pas féminin. Ces différents monuments, s’ajoutant aux inscriptions de Béja, d’Henchir Ramdan et de Magifa confirment l’existence de panthéons locaux ou régionaux.
23Buccures : Arnobe, Adversus nationes, I, 36. Ces divinités ainsi que les Tisianes sont qualifiées de « mauri » par Arnobe qui est le seul à les citer. Ce nom rappelle celui du pharaon libyen de Tanis que les Grecs appelèrent Bocchoris ; il peut être compris comme une forme plurielle de Bonchor (cf. supra).
24Canapphari (datif) à Golas (Bu Njem*. Tripolitaine). R. Rebuffat, « Nouvelles recherches dans le sud de la Tripolitaine ». C.R.A.I.B.L., 1972, p. 319-339 :
deo marti canapphari avgvsto...
Dédicace du temple élevé par un détachement de la IIIe Légion en 225 qui tient garnison à Golas sous le commandement du centurion T. Flavius Apronianus. Canapphare (ou Canappharis) est une divinité indigène assimilée au Mars romain. Elle présente donc les mêmes caractères que Sinifere, dieu de la guerre, cité dans ces mêmes régions trois siècles plus tard par Corripus. Il est probable que Sinifere et Canapphare soit le même nom transcrit laborieusement à des époques différentes.
25Chalimace (datif) à Madauros (Africa proconsularis) LA. 2034 :
chalim/ace avg/ sac/ virtivs/ florenti/vs vna c/vm avis/ vsla dd/
Autel de 0,55 m de hauteur. S. Gsell, qui publia le texte, hésite sur la seconde lettre de la deuxième ligne qui pourrait être un G. Ce dieu n’est connu que par cette inscription. Au nominatif le nom devait être Chalimax ; les désinences en ax sont fréquentes dans l’onomastique africaine (Baccax, Mazax...).
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26Cillenus à Thamugadi (Numidie). Ch. Vars. « Inscriptions découvertes à Timgad pendant l’année 1901 ». Rec. des Not. et Mém. de la Soc. archéol. de Constantine, t. 35, 1901, p. 218-274. A.E. 1902, n° 225 : cilleno/patrio/deo/pi... /
La qualité de Deus patrius est ambiguë ; elle ne prouve pas nécessairement que la divinité est un dieu topique, comme l’affirmait un peu rapidement Vars. Il faudrait connaître l’origine du dédicant pour affirmer le caractère africain de ce dieu inconnu ailleurs. On ne pense pas qu’un rapprochement s’impose avec Silène ni avec Cillenius épithète de Mercure. On connaît, en revanche, la forme Cullen / Cullan/ Chullan dans l’onomastique africaine, chez Corripe et à Ghirza, dans l’inscription d’un mausolée.
27Damio à Madauros (Africa proconsularis). I.A. 2036 : damioni avg/ sacrum/ c vic/tor canistr/thvg spf/id/
Le dédicant, le canistrarius C. Iulius Victor, est, semble-t-il, originaire de Thugga. Une dédicace à Ceres Maurusia est faite à Madaure par lulia Victoria qui est également canistraria. La qualité des dédicants, leur parenté, leur origine, permettent de penser que Damio est une divinité africaine, peut être associée à Ceres. Il paraît cependant difficile de retenir l’hypothèse de L. Joleaud qui rapprochait ce nom de celui que porte une variété de moutons sahariens à poils ras (daman).
28Draco. Le culte du serpent est bien attesté en Afrique. C.I.L. VIII, 9326 à Caesarea (Maurétanie césarienne) : deo manus draconis m ivnivs asclepiades vsla
C.I.L. VIII, 15247 à Ain Guellaa, au sud de Thignica (Africa proconsularis) :
draconi avg sacrvm
C.I.L. VIII, 15378 à Numluli (Africa proconsularis) : dracon. avg. acrv.
C.I.L. VIII, 17722 à Aquae Flavianae : numini.mpharvm et draconi
I.A.II, 736 à CIRTA (Numidie) : d rag avg sac. Un relief représente un serpent se dirigeant vers un autel.A ces inscriptions s’ajoute la mention du serpent de bronze à tête dorée que Salsa jeta à la mer, geste sacrilège qui fut la cause de son martyre.
29Fudina. C.I.L. VII, 14444, à Henchir Ramdan (Africa proconsularis) :
(diis) mavris/ fvdina vacurtvm varsis/.
Au-dessus de l’inscription trois têtes sculptées représentent les trois divinités. Leur caractère indigène est indubitable. Cette dédicace permet certains rapprochements onomastiques avec les dieux de Béja qui doivent être considérés comme des dieux maures. Il est possible que Fudina qui, dans cette triade tient la même place que Vihinam à Vaga (voir infra) soit, comme celle-ci, une déesse de l’accouchement.
30G.D.A. au Djebel Chettaba *, dépendant de Phua (Numidie). C.I.L VIII, 6267 à 6302 et 19249 à 1928. J. et P. Alquier. Le Chettaba et les grottes à inscriptions latines du Chettaba et du Taya. Constantine, 1929. pp. 169-183.
Rhar ez-Zemma est une grotte du Djebel Chettaba où était adorée une divinité qui n’est malheureusement connue que par ces initiales répétées dans une soixantaine d’inscriptions. Comme au Djebel Taya (Cf. Bacax) ce sont les magistri de la bourgade voisine, ici Phua, qui venaient en pèlerinage dans la grotte et y laissaient ces inscriptions en ex-voto. La seule différence vient de ce qu’à Phua un seul magister est mentionné lors de ces visites annuelles. On a voulu établir une correspondance entre le nom du Chettaba et celui du mont Giddaba que saint Augustin cite par trois fois, en particulier dans une des lettres récemment découvertes (Epist. 10*,6, 2). Mais ces textes laissent entendre que le mont Giddaba devait être proche d’Hippone ; aussi serait-ce particulièrement imprudent de tenter de développer l’énigmatique G.D.A. en Giddaba Deus Augustus ; on pourrait tout autant développer en Genitor Deus Augustus, appellation qui s’applique à Saturne, ou Genius D... Augustus. Mais le parallèle qui s’impose avec la formulation abrégée B.A.S. (Bacax Augustus sacrum) fréquente au Djebel Taya, invite à penser que G est l’initiale du nom de la divinité.
31Gurzil chez les Laguatan (Corippus V, 22-26). Au moment des combats les Laguatan lâchaient sur l’ennemi un taureau qui était censé représenter le dieu Gurzil dont on disait qu’il était né de l’accouplement du Dieu Ammon et d’une vache. D’après Corippe, les Laguatan possédaient des idoles en bois et métal de ce dieu. Il importe de noter que le nom de Gurzil se lit sur une inscription néopunique découverte à Lepcis Magna en 1846 ; or dans ce texte Gurzil précède Saturne, ce qui révèle son importance (F.A. Elmayer, Libyan studies, 13, 1982, p. 124). Ghirza, en Tripolitaine, a peut-être conservé le nom de ce dieu.
32Haos à Civitas Popthensis (Ksiba, Africa proconsularis). C.I.L. VIII, 16750 :
haos avg/sac/l lepidivs /primvlvs sa/cerdos hoc / loco initia/tvs aram/ posvit vo/tvm solvit/dd
Cette divinité inconnue ailleurs est vraisemblablement un dieu topique, le fait que l’initiation ait eu lieu sur place renforce cette opinion. Ce nom paraît cependant peu africain et se rapproche de la forme dorienne du nom de l’Aurore. Une dédicace sous cette forme serait toutefois surprenante dans cette modeste bourgade africaine.
33Iemsal à Thubusuptu (Tiklat, Maurétanie césarienne) C.l.L. VIII, 8834 : iemsali/l percinius/l f stel/rogatvs/vsla/
L’origine libyque du nom lemsal ( = Hiempsal) ne fait aucun doute. Ce nom était encore porté chez les Berbères au Moyen Age : le bisaïeul d’Ibn Toumert, le Mahdi des Almohades, se nommait Iamsal. Mommsen pensait que l’autel fut dédicacé non pas au roi Massyle mais plutôt à une divinité dont le roi portait le nom, on partage généralement cette opinion. On ne doit pas oublier cependant qu’une dédicace au roi Hiempsal a été trouvée à Thubursicu Numidarum (C.l.L. VIII, 17159) et qu’à Gadiaufala (Ksar Sbahi) une inscription en l’honneur du roi Guluga ( = Gulussa) fils de Massinissa (C.I.L. VIII, 18752) confirme l’existence, à l’époque romaine, d’un culte royal dans le cœur de l’ancienne Numidie. En fait plusieurs éléments invitent à penser que les rois numides portaient des noms théophores, souvent sous une forme apocoristique, coutume qui facilita d’autant le développement d’un culte des souverains décédés.
34Ieru à Guechguech (Numidie). C.I.L. VIII, 5673 :
ierv avg sac c ivl/ crescens vis / ab fecit/
Cherbonneau (Rec. de la Soc archéol. de Constantine, t. 12, 1868, p. 393-456) avait proposé de lire IFRV en supposant qu’il s’agissait d’une divinité qui, comme Baccax ou G.D.A., était honorée dans une grotte (ifri en berbère), mais un réexamen de l’inscription et un estampage nous ont convaincu de l’exactitude de sa première lecture, celle retenue par le Corpus. Au-dessus de cette inscription rupestre une gravure représente un personnage dont la tête est radiée comme le serait celle d’une divinité astrale. Or le nom de Ieru correspond assez bien au nom donné, en berbère, à la lune (qui est dans cette langue du genre masculin) : Eior en tamachek, Iur en Zénatia de l’Ouarsenis, au Mzab et à Ouargla... Je ne pense pas que s’impose un rapprochement avec le nom donné à Dieu chez les Zagawa du Tchad oriental : Irou.
35Iesdan (connu au génitif : Iesdanis) à Magifa (Ksar el-Boum, Africa proconsularis)
C.I.L. VIII, 16749 : diis magifae avg q t politicvs simvlacra deorvm n v/
masidenis et thililuae et sugganis et iesdanis et masiddice et templvm /a fondamentis ex sva pecvnia fecit ex ss vlil n itq capiti viso ipsis atpetentibvs CVM /suis omnibvs vsla bbmb/
lesdan est l’une des cinq divinités de Magifa à qui Q. T. Politicus éleva un temple et cinq statues. Comme le note S. Gsell, la modicité de la somme (8 000 sesterces) convient plutôt à un édicule ou une chapelle d’autant plus que les simulacra des cinq dieux sont compris dans la dépense. Le caractère africain de lesdan et des quatre autres divinités ne fait aucun doute.
36Ingirozoglezim à Vanisnesi (Hassnaoua, région de Bordj-bou-Arreridj, Maurétanie Sitifienne) C.l.L. VIII, 20627 : nvndina/annv qvod/ praecepit/iovis et iv/ba et genivs vanisnesi/qvod praecepe/runt dii ingi/rozoglezim/
L’inscription de Vanisnesi place sous l’autorité de différents dieux la tenue d’une foire annuelle en ce secteur proche de la frontière de Numidie. Ces divinités sont Jupiter, Juba (non pas le roi mais la divinité dont les deux Juba ont porté le nom), le génie du lieu et les mystérieux Dii Ingirozoglezim dont la désinence semble correspondre à un pluriel, mais l’étrangeté du nom invite à la prudence. La lecture étant sûre, plusieurs auteurs se sont demandé s’il ne s’agissait pas d’une faute du lapicide ou de l’ordinator.
37Iocolon à Naraggara (Sidi Youssef, Africa proconsularis). C.I.L. VIII, 16809 et LA. 1184 : iocoloni de/o patrio m mevivs romanvs/ comes avg /n vir egregivs
Divinité inconnue en dehors de Naraggara. La qualité du dédicant pourrait faire douter du caractère africain de ce dieu, mais M. Mevius Romanus semble bien originaire de Naraggara puisqu’un autre M. Mevius Romanus flamen perpetuum est enterré dans cette ville (LA. 1190). On a trouvé, voici une vingtaine d’années, à Césarée de Palestine, une inscription d’un centurion de la Legio VI Ferrata qui selon une proposition de H.G. Pflaum pourrait être le fils du flamen et le père du Comes. Ces trois personnages sont vraisemblablement parents avec les Maevii de Tébessa (LA. 3419). Mais ce gentilice est assez fréquent en Afrique on le connaît entre autres à Hadrumète, Uchi Maius, Thibilis, Cirta, Tiddis, Celtianis... Iocolon devrait donc être considéré comme une divinité indigène.
38Iuba à Vanisnesi (Hassnouna Maurétanie sitifienne) voir Ingirozoglezim. C.I.L. VIII, 20627.
Il est remarquable que dans cette inscription, Iuba soit cité immédiatement après Jupiter. Est-ce le roi divinisé ? En faveur de cette hypothèse se trouve l’affirmation de Minucius Félix : « Iuba, Mauris voluntibus, deus est. (Octavianus, XXIII). Cependant on sait que les rois ont porté des noms théophores et Iuba me paraît être une de ces divinités africaines auxquelles les rois et les chefs africains empruntaient leur nom. Dans les Bibans, au sud-ouest de Vanisnesi, on connaît, grâce à Ammien Marcellin (XXIX, 51, 44), la tribu des Iubaleni, dont le nom semble dériver de celui de Iuba. Au milieu du iiie siècle il est fait plusieurs fois mention d’un évêque nommé Iubaianus (Conciles de 255 et 256) on à peine à croire qu’ils doivent, les uns et les autres leur nom au roi Juba.
39Irsiti (datif) à Aïn Regada (Numidie). C.I.L. VIII, 5667 : vovtm qvem/ promisit hercu/li irsiti rogatvs /fecit dedicavit /libens animo/
A. Poulie qui publia cette inscription et décrivit le bas-relief qui l’accompagne, croyait que Irsiti est une corruption de l’adjectif hirsutus. Cette interprétation n’a pas été retenue, mais le caractère africain du nom Irsiti reste conjectural. La figuration d’Hercule brandissant la massue et portant la dépouille du lion de Némée est des plus classiques.
40Ivnam à Vaga (Africa proconsularis). Voir supra Bonchor.
Un des sept dieux de Vaga. Il est figuré sous les traits d’un cavalier placé derrière sa monture à l’extrémité gauche de la scène, comme son parèdre Macurtam placé symétriquement à l’autre extrémité, il porte un manteau court retenu à l’épaule droite par une fibule. A. Merlin assimilait ces deux divinités équestres aux Dioscures*. A. Dunand, s’élevant contre cette interprétation jugée trop savante, se demandait s’il ne fallait pas lire simplement Lunam. Contre cette opinion on peut faire valoir que la forme accusative n’a pas de raison d’apparaître dans cette dédicace. De plus il s’agit d’un dieu et non d’une déesse, or chez les Grecs et les Latins la Lune, contrairement à ce qui se passe chez les Berbères, est bien du sexe féminin. Iunam doit donc être considéré comme une divinité africaine, équestre, de sexe masculin. Les Dioscures apparaissent souvent comme les assesseurs de Saturne et la découverte, à Musti, d’une dédicace aux Mauris Castoribus conforte la lecture proposée par A. Merlin.
Commentaire
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Lilleo (datif) à Madauros (Africa proconsularis) C.I.L. VIII, 4673 et I.A 2053 :
lilleo avg/pro salvte imp cae./m avreli severi./lex / c licinivs cron/ chrona sacerd/ caelt aras svis/svmp fec et ded/
L. Joleaud a rapproché le nom de cette divinité de celui, peut être sous forme féminine, de Thililua, l’un des dieux de Magifa. On peut reconnaître dans ces deux noms, la racine berbère lilu qui s’applique à ce qui est brillant, propre ; le verbe ilil veut dire rincer aussi bien en Kabylie qu’au Mzab ou à Ouargla. Il n’est pas indifférent que cette dédicace à un petit dieu africain ait été faite par un sacerdos de Caelestis.
42Macvrgvm à Vaga (Africa proconsularis) voir supra Bonchor.
Cette divinité porte un nom manifestement libyque, on reconnaît le trilitère MKR (mokran : grand) qui entre dans la composition de nombreux anthropony-mes. On connaît un Macargus à Golas (Bu Njem*) et un Magu(r)cum Fortunatus sur une stèle dédiée à Saturne à Henchir es-Srira. Ce serait de nouveaux exemples de noms théophores, toujours sous forme apocoristique chez les Africains. Macurgum, du moins à Vaga, semble jouer le rôle d’un dieu guérisseur. Il est représenté assis, tenant dans la main droite un volumen et de l’autre un bâton autour duquel s’enroule un serpent.
43Macvrtam / V ( =M) acvrtvm voir supra Bonchor, à Vaga, et Fudina à Henchir Ramdan, inscription sur laquelle je propose de lire Macurtum au lieu de Vacurtum. Sur le bas-relief de Vaga, Macurtam est avec Iunam l’une des deux divinités équestres. Dans la triade d’Henchir Ramdan, Macurtum occupe la place centrale qui était celle de Bonchor à Vaga, il est accompagné de deux déesses Fudina et Varsis(sima). Le nom de Macurtum apparaît dans plusieurs inscriptions libyques sous la forme MKRD.
44Masgav (Masgava ?), au voisinage de Thugga (Dougga, Africa proconsularis), C.l.L. VIII, 27431 :
masgav... / pro salvte... /felici... / pvblicol... /I cppp iii m/ecacaio/... /
Le nom de cette divinité est manifestement libyque. Un fils de Massinissa portait ce nom (Tite-Live, XLV, 13, 14). Aucune raison ne permet de penser que ce prince, qui ne laissa d’autre souvenir que cette seule citation, ait pu être divinisé et adoré encore plusieurs siècles après sa mort. Il s’agit, ici aussi, d’un dieu africain dont un prince massyle porta le nom. On connaît un Masgabes à Musculula (C.l.L. VIII, 27490), et un Masgivin préfet de Safar, dans la région d’Altava (C.l.L. VIII, 9835), ces noms sont peut-être tirés de celui du dieu.
45Masi... à Abizar (Kabylie, Maurétanie césarienne) C.l.L. VIII, 20731 :
tabla deo masi..../. On avait pensé qu’il pourrait s’agir de Massinissa divinisé, mais bien d’autres noms libyques commencent par ces mêmes lettres, parmi les noms de divinités connues on peut citer Masiden et Masidice à Magifa.
46Masiden à Magifa (voir supra lesdan). Un des cinq dieux de Magifa.
47Masiddice à Magifa (voir supra lesdan). Une des cinq divinités de Magifa, peut-être la parèdre de Masiden. Il existe une bourgade appelée Vasidice sur la Table de Peutinger, entre Thagura et Tipasa de Numidie. On peut se demander s’il ne faut pas lire Masidice.
48Mastiman (Corippus, VIII, 307). Dieu des confins de la Tripolitaine qualifié de ferrus par Corippe. A la suite d’une correction, celle de Taenarium en Tartarium, S. Gsell a proposé d’assimiler Mastiman à une sorte de Pluton africain. Rien n’est moins sûr. Le nom, en revanche, est bien africain.
49Mathamodis (génitif) à Mascula (Khenchela, Numidie). C.l.L. VIII, 15779 :
sisoi missvnes fil/sacerdos matham/odis pia vixit annis lxxxvi/hse/.
Le nom africain de cette prêtresse confirme l’origine locale de ce dieu inconnu ailleurs.
50Matilam à Vaga (voir supra Bonchor). Sur le bas-relief, ce dieu préside au sacrifice du bélier ; à ses pieds un personnage de petite taille redresse la tête du bélier de la main gauche et lui enfonce de l’autre un couteau dans la gorge. J.G. Février trouve à ce nom une origine phénicienne. MTLT signifierait « l’homme de la déesse » ; cette interprétation ferait de Matilam une sorte d’assesseur de Caelestis ; mais cela est bien hypothétique.
51Midmanim à Caesarea (Cherchel, Maurétanie Césarienne). H. Doisy, Quelques inscriptions de Caesarea (Cherchel). M.E.F.R.A., 1952, p. 87-110. A.E., 1952, n° 103 : deo midmanim.
L’inscription est complète, aussi me semble-t-il difficile de souscrire à l’hypothèse de H. Doisy qui voit dans Midmanim, l’appellation collective des dédicants qui seraient originaires de « Midman ». Les désinences en im, assez fréquentes dans l’onomastique africaine ne désignent pas nécessairement le pluriel.
52Monna à Tignica (Aïn Tounga, Africa proconsularis). C.I.L. VIII, 14911 :
monnae avg /sac
Cette divinité n’est connue que par cette brève dédicace, mais son nom était porté par un grand nombre de femmes. Comme l’écrivait H.G. Pflaum : « la racine Monn est une des plus célèbres parmi les noms berbères étant donné que la mère de saint Augustin a porté le nom de Monnica » (H.G. Pflaum, Camuntina, t. 3, 1956, p. 126-151). Il ne dénombre pas moins de 89 occurrences de ce nom sous sa forme primaire (Monna ou Mona) ou sous différentes formes dérivées (Monnosa, Monnula, Monnica).
53Montivs à Thamugadi (Timgad, Numidie) B.C.T.H.S., 1907, p. 277. A.E., 1908, n° 13.
montio / avg / cre/mentivs / mesopofvl / vs
Il ne semble pas qu’il s’agisse d’une divinité des montagnes, mais le caractère africain de ce dieu ne peut être affirmé, d’autant plus que le dédicant porte un nom grec.
54Motmanio (datif, Motmanius) à Lambaesis (Numidie). C.I.L. VIII, 2650 motmanio/et mercurio/ sacrvm/q manlivs/victor/ 7 leg iii avg/vsla/ Sur cette dédicace, il n’est pas indifférent que Motmanius soit cité avant Mercure. Cette prééminence d’une divinité barbare sur un dieu latin paraît d’autant plus étonnante qu’elle émane d’un centurion. On doit remarquer que les dédicaces aux Dii mauri, particulièrement à Lambèse, sont souvent le fait d’officiers qui invoquent ainsi collectivement les dieux indigènes. En faveur de la qualité africaine de Motmanius on peut noter que le trilitère MTM entre dans la composition de nombreux noms libyques (mtmh, mtmhl, mtmrsh etc.) et le reconnaître, déformé, dans le nom de Metymannus (Pline l’Ancien, VII, 61) ou de Methymnus (Valère-Maxime, VIII, 13) que porte le plus jeune des fils de Massinissa et qui est connu aussi sous le nom de Stembanos (Polybe, XXXVI, 16, 12).
55Sesase (datif, Sesas ou Sesax ?) à Thuburnica (Sidi Ali Belkacem, Africa proconsularis) C.I.L. VIII, 14690 :
mercvrio sobrio genio sesase pantheo avg sac/pro salvte imp caes m aureli severi antonini avg pio felicis et ivliae domnae avg matris avg et castror et senatus et/patriae totivsqve domvs divinae eorvm lvcilia cale flam col thub templvm a solo fecit libentiqve animo v /
Les trois divinités possédaient chacune une niche dans le temple élevé par Lucilia Cale, flaminica de la colonie. Bien que simple génie, Sesas (ou Sesax) occupe la place d’honneur ; il semble bien être le génie local.
56Sinifere, Corippus, V, 37, et VIII, 305-306.
Divinité « maure » que le Mazax ( = Amazigh) assimile à Mars. Corripus le considère donc comme une divinité guerrière ; il s’agit très vraisemblablement du même dieu que les légionnaires de Golas (Bu Njem) vénéraient sous le nom de Mars Canapphari (cf. supra). Des formes apparemment aussi éloignées sont révélatrices des difficultés que les Latins rencontrèrent lors de la transcription des noms berbères.
57Suggan à Magifa (voir supra Iesdan).
C’est le troisième dieu cité sur l’inscription. Son nom, comme celui des autres divinités de Magifa, est typiquement africain. D’après S. Chaker (BCTH, nlle série, 19 B, 1985, p. 483-497), il pourrait signifier « être noir ». Ammien Marcellin (XXIV, 5, 21) cite, dans la région du Chélif en Maurétanie Césarienne, un chef mazice qui porte le même nom. Nouvelle preuve de la fréquence des noms théophores chez les anciens africains. Le nom est encore porté au Moyen Age, sous la forme Seggen (S. Chaker, ibidem, p. 491). Au nord de Ksar el Boum (Magifa) se dresse l’important relief du Djebel Doukkan, auparavant orthographié Souggan. Il n’est pas impossible que cette montagne ait conservé le nom de la divinité qui lui était peut-être associée. La Cosmographie d’Ethicus situe dans le sud de la Numidie un Mons Suggarem ; on serait tenté de corriger en Sugganem.
58Thililua à Magifa (voir supra lesdan)
On est tenté de voir en ce nom la forme féminine correspondant à Lilleo (voir supra)
59Tisianes Arnobe, Adversus nationes I, 36. Ces divinités sont associées aux Buccures Mauri et méritent le même qualificatif. La correction proposée par plusieurs auteurs (Titanes au lieu de Tisianes) ne s’impose pas, elle est seulement plausible. En sa faveur on peut rappeler le caractère africain d’Antée et la place toujours tenue par les Géants dans le folklore nord-africain, mais ce thème mythique n’est pas particulier au monde berbère. La forme Tisianes a un aspect libyque par sa désinence « an » si fréquente en onomastique africaine.
60Vacurtum (voir supra Macurtam)
61Vanammon à Golas (Bu Njem, Tripolitaine). R. Rebuffat, Bu Njem, Encyclopédie berbère, XI, 1991, p. 1626-1642 (p. 1635)
Dédicace, faite par un notable de Golas, d’un édicule situé tout près du temple de Mars Canapphari. Le berbère invite à comprendre ce nom comme « Celui d’Ammon », il s’agirait donc d’une divinité secondaire faisant partie du cortège de Jupiter Ammon qui était honoré à Golas même où il possédait un temple.
62Varriccala à Thabraca (Tabarka, Africa proconsularis) C.l.L. VIII, 17330 :
...plvt variccalae avg/...vs adventvs sacerdos tem/...solo svis sumptib fecit et dedic/
Varricala est un qualificatif de Pluton et non une divinité distincte. J. Toutain trouvait à ce nom une origine punique (Baricgal). Mais une autre interprétation est suggérée par la reconnaissance de la marque berbère de la négation « war » qui entre dans la formation de nombreux noms de personnes et de dieux.
63Varsis à Henchir Ramdan (voir supra Fudina). Très vraisemblablement la même divinité que Varsissima de l’inscription de Vaga dont elle occupe la même place, à gauche du dieu principal.
64Varsissima à Vaga (voir supra Bonchor). C’est une divinité féminine revêtue d’une chape d’écaillés ou de plumes. Elle ne possède aucun attribut. Son assimilation avec Varsis(sima) d’Henchir Ramdan permet de la compter parmi les Dii Mauri. Il est tentant de faire un rapprochement avec la Varsutina Maurorum de Tertullien.
Varsutina, Tertullien (Ad Nationes, 11, 8) cite Varsutina comme une divinité caractéristique des Maures, comme l’est Atargatis chez les Syriens et Caelestis chez les Afin. Je ne pense pas cependant qu’il faille restreindre le qualificatif maure à sa seule acception géographique et, de même que Caelestis était adorée en Maurétanie, Varsutina pouvait compter des fidèles dans les provinces d’Afrique et de Numidie, comme les nombreux autres Dii Mauri. On reconnaît dans ce nom, comme dans les trois précédents l’affixe « war » marque du négatif en berbère. Dans l’onomastique berbère « war » entre aussi bien en combinaison avec des substantifs qu’avec des formes verbales. Citons à titre d’exemple les noms de Verminad, fils de Syphax (Tite-Live), de Vertala, de l’inscription aurasienne de Masties, qui semble bien être le personnage que Procope nomme Ortalas (B.V., 11, 13, 19), de Vartilam à Guelma (Libyca, archéol. épigraph., t. 3, 1955, p. 202) de Varbas (I.L.A. 845), de Varubas (I.L.A.846), de Vartuminius (I.L.A. 1720) etc.
65Vihinam à Vaga (voir supra Bonchor)
Le bas-relief qui surmonte l’inscription représente une divinité féminine qui comme Varsissima porte une chape d’écaillés ou de plumes ; elle tient des ciseaux ou des forceps et un enfant est figuré à ses pieds. Merlin y voyait, avec beaucoup de vraisemblance, une déesse de l’enfantement.
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Je n'ai pas lu, je trouve cela un peu trop fastidieux pour moi tous ces noms et ces dates.
mais j'ai vu la carte et je suis bien étonné de ces Maurétania et Africa pour la Tunisie...
ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément
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Bachi
C'est un inventaire exhaustif de toutes les divinités africaines mentionnées par une quelconque inscription antique. Ce n'est pas un panthéon, mais la somme de toutes les formes et noms divins qui ont existé dans les localités où ils sont mentionnés.
Tu n'est pas obligé de tout lire en vérité. Juste quelques exemples suffisent, pour te donner une idée l'image qui reste de la religion d'au moins une partie des Berbères dans l'Antiquité. C'est très fragmentaire et surtout exprimé en langue et en catégories de pensées latins, mais c'est déjà ça ...
Sinon, qu'est-ce qui te semble étrange au juste sur la carte ?Dernière modification par Harrachi78, 15 mai 2022, 12h49."L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
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C'est Maurétania pour ce qui me semble être le Maroc et l'Algérie d'aujourd'hui.
Et puis pourquoi seulement la Tunisie, c'est Africa...
Ca me semble étrange que les Romains appelaient ces territoires ainsi...
ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément
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Bachi
Tout d'abord, il faut savoir que cette géographie est romaine, c'est-à-dire le territoire africain tel que vu et organisé par l'Empire romain et pour l'Empire romain. On ignore comment les autochtones berbères voyaient leur propre monde (parcequ'ils n'ont rien écrit) à ces époques, ni même si ils avaient une conscience d'ensemble du territoire. On ne saura donc jamais si cette description romaine de l'espace concordait ou non avec celle des Berbères, ni à quel degrés. Ensuite, il faut savoir que ces choses sont dynamiques à travers le temps, et donc que l'image que montre la carte concerne un moment et une époque donnée.
En latin le terme Africa revêt d'abord un sens général équivalent du grec Libya, et qui correspondent en gros à ce que recouvrira plus tard le terme arabe Maghrib, ou le français Afrique du Nord. Ce sens général restera toujours, mais les divisions internes vont varier. Ainsi, lorsque Rome annexe le territoire africain de Carthage, ils l'organisent en province romaine qui est nommée Africa proconsularis, alors que subsistaient encore des royaumes berbères de Numidie et de Maurétanie. Un siècle plus tard, la partie orientale du royaume numide est annexée par les Romains sous le nom de provincia Africa Nova au départ, tandis que la partie occidentale est cédée au roi de Maurétanie qui fut leur allié dans la guerre. Un peu plus tard, le dernier roi de cette dynastie meurt sans héritiers et cède son royaume à l'Empire romain. Le territoire n'est alors pas provincialisé, mais plutôt octroyé comme royaume client au fils de l'ancien roi de Numidie jadis vaincu par Rome. Deux générations plus tard, ce royaume maure est annexé et divisé en deux provinces : Mauretania caesariensis à l'E. et Mauretania tingitana à l'O. et, entre temps l'ancienne province d'Afrique nouvelle est rebaptisée provincia Numidia. Seule la Proconsulaire garda son nom de départ et c'est ainsi que se fixa globalement la géographie romaine de l'Afrique du Nord jusqu'à l'arrivée des Arabes au 7e siècle. C'est cette division "classique" que montre la carte, ce qui coïncide en gros au 2e siècle apr. J.-C.
Dans ce sens, l'Afrique proconsulaire devint en quelque sorte Africa par excellence, un peu comme le Maroc de nos jours est "Maghrib" par excellence, mais sans pour autant que le sens général du mot ait disparu de l'usage car (tout comme pour Maghrib qui garde aussi son sens de "Maghreb" en arabe), lorsque les auteurs romains ou grecs parlent de l'ensemble du territoire, ils disaient communément "Afrique" ou "provinces africaines". Voilà en gros à quoi ça rime.Dernière modification par Harrachi78, 16 mai 2022, 23h30."L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
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Gurzil, Le Dieu de La Guerre
Gurzil chez les Laguatan (Corippus V, 22-26). Au moment des combats les Laguatan lâchaient sur l’ennemi un taureau qui était censé représenter le dieu Gurzil dont on disait qu’il était né de l’accouplement du Dieu Ammon et d’une vache. D’après Corippe, les Laguatan possédaient des idoles en bois et métal de ce dieu. Il importe de noter que le nom de Gurzil se lit sur une inscription néopunique découverte à Lepcis Magna en 1846 ; or dans ce texte Gurzil précède Saturne, ce qui révèle son importance (F.A. Elmayer, Libyan studies, 13, 1982, p. 124). Ghirza, en Tripolitaine, a peut-être conservé le nom de ce dieu.
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