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Histoire de l'Algérie médiévale - le 8e siècle après. J.-C.
Sinon, il n'est pas possible d'aligner toutes les sources où puise le sujet. Ca fera une bibliographie monstre et ca rendra le file illisible pour la majorité. J'ai fait le choix d'un exposé le plus simple et le plus linéaire possible, quitte à développer sur tel ou tel point après la fin du récit chronologique. C'est la méthode la plus commode que j'ai pu trouver ...
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
Ah, d'accord. Bon ben, alors bravo et bonne continuation !
Ceci dit, rien n'empêche de mentionner 3 ou 4 des principales sources, histoire d'aiguiller les lecteurs intéressés d'aller plus loin...
En 761, le régime Abasside était en place depuis une décennie entière, et la dynastie avait pu remettre sous son pouvoir tout l'Empire islamique qui était jadis sous la coupe des Omeyyades, à l'exception deux anciennes provinces : le Maghreb qui était aux mains des Khawārij, et l'Andalus qui se trouvait sous des émirs issus des Omeyyades, la dynastie déchue. A ce moment, se sentant assez fort pour cela, le calife Abū-Ja3far al-Maçūr décide qu'il était trmps de mettre fin à cette anomalie : il mobilise une armée de 40.000 hommes qu'il tire essentiellement du jund du Khorassān, l'élite militaire des Abassides, et la confie à Muhammad b. al-Ash3ath al-Khuzā3i, chef de la grande tribu arabe de Khuzā3a et un des plus grands généraux et hommes de la dynastie depuis ses premières heures.
Arrivée en Tripolitaine (Libye) en 762, l'armée d'al-Ash3ath est acceuillie comme il se doit par l'imām Abū-l-Khattāb al-Ma3āfiri : le chef kharrijite est vaincu et tué, et il en sera de même pour une seconde armée ibādite qui tente de barrer au général abasside sur la route de Qayrawān. Le gouverneur ibādite de la ville, Abderrahmān b. Rustom, décide alors d'évacuer, mais au lieu de revenir vers le Djebel Naffūsa en Libye, il emmène avec lui les tribus alliées et se retire plutôt vers l'O., et plus précisément dans la région de Tāhart dans le Maghreb Central. De son côté, Installé sans difficulté dans la métropole maghrébine, Muhammad b. al-Ash3ath fait aussitôt face à une mutinerie du jund arabe local. La révolte est matée par les Khorassāniens, mais une partie des insurgés et leur chef, Hāchim b. al-Shāhij, parviennent à fuire et se réfugient dans le Zāb. Par la suite, le nouvel émir multiplie les campagnes contre tous les groupes ibādites dans le S. tunisien et l'O. libyen, poussant à chaque fois leurs tribus à se retirer vers les territoires du Centre et de l'O. algérien, et faisant ainsi du Maghreb Central le nouveau point de concentration des Ibādites, et provoquant du coup une nouvelle distribution des groupes et tribus Berbères. Par la suite, al-Ash3ath va tenter d'éliminer cette menace ibādite qui se constitua à l'O., poursuivant Abderrahmān b. Rustom qu'il parvient à vaincre dans un lieu nommé Djabal Sūfjaj quelque part au Centre de l'Algérie, mais sans réussir à le capturer ni à détruire ses forces. Le gouverneur abasside se retourne ensuite contre le rebelle Ibn al-Shāhij dont il se débarrasse définitivement lors d'une bataille à Tāhūda (près de Biskra). Il nomme alors un des officiers qui avait combattu avec lui jadis au Khorassān, al-Aghlab b. Sālim al-Tamīmi, comme gouverneur du Zāb, et celui-ci fait de sa base à Tobna (près de Msila) le poste-avancé du califat contre les Khawārij de l'O.
Pourtant, tous les succès de Muhammad b. al-Ash3ath ne lui vaudront aucune grâce au yeux du jund arabe d'Ifrīqiyya qui, à l'évidence, avait trop largement pris goût à l'autonomie et au plaisir de gérer librement ses propres intérêts locaux pour accepter de revenir à l'ancien régime impérial avec des hommes comme lui au commandes et sous les ordres de la lointaine autorité de Bagdad. Ainsi, en 765, un coup d'Etat est rondement mené à Qayrawān par un certain 3isā b. Musā avec l'appui des chefs de l'armée d'Ifrīqiyya, suite à quoi Muhammad b. al-Ash3ath jette tout simplement l'éponge et rentre à Bagdad.
Finalement, le gouvernement de la province abasside au Maghreb sera bel et bien l'affaire de l'armée locale. Avec quelques dix émirs qui vont se succéder à Qayrawān au cours des 30 ans qui suivent, l'histoire de la province ira en fait de putsh en mutineries, et ne connaîtra plus de stabilité jusqu'à la fin de ce 8e siècle. Cent ans après la fin de la conquête musulmane de la région, l'unité politique au Maghreb aura déjà vécu ...
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Dernière modification par Harrachi78, 10 janvier 2023, 12h56.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
La fuite de nombreux groupes et tribus Ibādites de l'E. vers le Maghreb Central après la prise de Qayrawān par les Abassides en 762 débarrasse l'Ifrīqiyya en très grande partie du danger kharrijite. Mais, cela aura pour conséquence de transférer le centre du mouvement vers l'O. algérien, jusque-là fief des Çofrites depuis l'établissement de leur État à Tlemcen que la présence ibādite dans le S. de la Tunisie et l'O. de la Libye ne soit totalement éliminée.
Comme nous venons de le voir, c'est autour de Abderrahmān b. Rustom que les Ibādites vont se rassembler au Maghreb Central, essentiellement dans la région de Tāhart (Tiaret). Dans un premier temps, ils font face à des offensives des gouverneurs Abassides du Zāb, notamment al-Aghlab b. Sālim al-Tamīmi en 768, et ensuite son sucesseur Umar b. Hafç al-Muhallabi qui fait de Tobna dans le Hodna une véritable forteresse et le poste avancé des armées abassides contre les Kharrijites de l'O. qui, de leur côté vont tout tenter pour casser ce verrou, particulièrement en 771 lorsque l'ibādite Abderrahmān b. Rustom et le çofrite Abū-Qurra al-Ifrāni font cause commune et assiègent Tobna avec 15.000 hommes, sans succès. Peu après, en 772, l'émir d'Ifrīqiyya Yazīd b. Hātim mène une grande armée de 60.000 contre les centres ibādites du S. tunisien et de l'O. libyen, forçant une nouvelle fois de nombreux groupes de fuire vers l'O. où ils vobt renforcer d'avantage les rangs d'Ibn Rustom.
C'est à ce moment que Abderrahmān b. Rustom sera élu imām et qu'il fonde une nouvelle Tāhart, à une dizaine de kilomètres de l'ancienne, et ainsi va naître un nouvel État hors du califat Abasside, une trentaine d'années après celui qu'avait fondé l'Ifranide Abū-Qurra à Tlemcen qu'il va bientôt supplanter.
Naissance de l'Etat Rustamide (772-784) :
Sur le principe, l'Etat qui est fondé par Abderrahmān b. Rustom à Tāhart est basé sur la conception ibādite de l'imamat. Dans les fait, il s'agit d'une union de tribus berbères qui s'etaient engagées dans le mouvement et qui reconnaissaient désormais Ibn Rustom comme seul souverain légitime de tout l'islam. Il s'agissait pour l'essentiel de tribus venues de l'E. (Luwāta, Hawwāra, Matmāta, Miknāsa et Zwāgha) , qui s'établissent donc à compter de cette époque dans tout l'O. algérien, s'ajoutant à d'autres groupes de Zanāta qui se trouvaient déjà sur place. Ces tribus étaient semi-nomades, et vont se disperser dans diverses régions autour de Tāhart et non pas s'établir dans la ville elle-même. Le choix de Ibn Rustom, hormis le fait qu'il était un des Cinq fondateurs du mouvement au Maghreb et un de ses ulémas depuis plusieurs décennies, était essentiellement du à sa non appartenance à un des groupes tribaux qui constituaient cette sorte de ligue.
Pour ce qui est de Tāhart, elle fut protégée par une puissante muraille et soutenue par une forteresse nommée al-Ma3çōma ("l'Imprenable"). Le site sera d'abord conçu comme siège de l'imām et centre de ralliement des troupes ibādites, mais une ville bien vivante ne tardera pas à y prendre forme, et se transformera assez rapidement en grand centre du commerce et en terminal des routes vers le Sahara et l'Afrique subsaharienne.
Abderrahmān b. Rustom décède paisiblement en 784. En principe, la doctrine ibādite ne reconnaît pas le principe dynastique dans l'imamat. Mais, une fois qu'ils sont sortis de la situation d'etrenels opposants et qu'ils se sont mis à bâtir une entité politique, les Ibādites vont secretrouver face aux problèmes inhérents à la gestion d'un État constitué, et leurs chefs préféreront alors la stabilité au légalisme stricte. Ainsi, le compromis supra-tribal que devait incarné l'imamat de Abderrahmān b. Rustom est reconduit, et son fils Abdelwahhāb (dont la mère était une berbère des Bani Ifrān) est élu pour lui succéder. L'Etat ibādite au Maghreb Central sera donc dynastique en fin de compte, de fait si ce n'est de droit, même si il va garder jusqu'à sa disparition au siècle suivant les formes très spécifiques de sobriété et de rigueur propres à la doctrine kharrijite.
Pour l'heure, presque un siècle après la mort du Prophpète de l'Islam, on prend note du fait que le Maghreb Central, qui recouvrait le Centre et l'O. de la future Algérie, est à cette époque un Etat ibādite peuplé majoritairement de tribus Berbères semi-nomades de doctrine musulmane Kharrijite, avec une capitale très cosmopolite à Tāhart.
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Dernière modification par Harrachi78, 06 octobre 2022, 00h03.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
Le deuxième imām de la dynastie Rustomide aura un long règne de près d'un demi-siècle.
Homme pieux et déjà juriste renommé parmi les Ibādites du vivant de son père, il cadrait parfaitement avec les critères ibādites de l'imamat, si ce n'est qu'il était fils de son père et que le principe dynastique était honni les les Kharrijites de manière générale. Son accès au pouvoir s'imposa néanmoins de par ses qualité personnelle, mais aussi pour des motifs politiques dans la mesure où, comme son père, le fait qu'il n'appartenait à aucune des tribus Berbères qui constituaient la coalition ibādite au Maghreb Central, il offrait un compromis acceptable pour tous. Il n'en eut pas moins quelques oppositions à son élection en 788, particulièrement de la part d'un certain Yazīd b. Fundīn, un des six candidats à la succession à qui fut préferé Abdelwahhāb. Mais cette dissidence sera vite étouffée et Yazīd et ses partisans (qu'on appelle al-Nukkāriya) durent quitter Tāhart.
Après avoir reglé ses affaires à Tāhart et s'être assuré l'allégeance de toutes les tribus ibādites au Maghreb Central, Abdelwahhāb b. Rustom se dirige, vers 790, vers l'E. où il entends rallier à son pouvoir les communautés ibādites du S. de la Tunisie et de l'O. de la Libye. Il passe ainsi sept années de son règne dans le Djebel Naffūsa, et parvient à se faire reconnaître imām par toutes les communautés ibādites d'Ifrīqiyya. Ainsi, lorsqu'il rentre finalement à Tāhart vers 797, l'Etat Rustamide s'étire à l'E. jusqu'à Gafsa et Djerba en Tunisie, et à Tripoli en Libye, et au S. jusqu'à Warjilān (Ourgla) et Ghdāmis en Libye :
La seconde partie du règne d'Abdelwahhāb b. Abderrahmān se prolongeant jusqu'en 832, on la laisse pour le topic qui sera consacré aux évenements du 9e siècle.
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Dernière modification par Harrachi78, 06 octobre 2022, 00h40.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
Nous avons vu que, deux ou trois décennies avant la proclamation de l'imāmat ibādite à Tāhart en 772, les Banī Ifrāne avaient déjà créé un Etat Çofrite à Tlemcen sous Abū-Qurra. Dans un premier temps, les deux groupes kharrijites au Maghreb Central vont collaborer contre l'ennemi commun qu'était le gouvernement abasside en Ifrīqiyya, et ils mèneront conjointement des attaques contre le Zāb, et notamment Tobna, dans les années 780. Mais, la relation semble s'être détériorée par la suite, sans qu'on sache les détail exactes, pour devenir franchement hostile à partir d'un certain moment, les Ibādite de Tāhart ayant alors définitivement pris le dessus sur leurs rivaux de Tlemcen dans le Maghreb Central.
Or, en 788, soit à l'avenement du 2e imām ibādite à Tāhart, un nouvel acteur va entrer dans la scène à l'O. : après une énième révolte des Alides en Orient, la tentative échoue et se solde par le massacre de leur armée dans la bataille de Fakh près de la Mecque, en 786. Un des rescapés de la débâcle, Idrīs b. Abdallāh al-Kāmil b. al-Hassan al-Muthannā, un arrière-petit-fils d'al-Hassan b. Ali b. Abī-Tālib, fuit la police Abasside vers l'Occident et trouve refuge chez la tribu berbère des Awerba, celle qui était un siècle plus tôt le peuple de Kussayla et qui occupe maintenant la région de Walila dans le N. du Maroc actuel. L'homme gagne le soutien d'autres tribus de la région et constitue un émirat Idrissīde hors d'atteinte de ses ennemis Abbassides.
Dans un premier temps, Abū-Qurra al-Yfrāni va voir un allié dans le nouveau venu pour contre-balancer la pression qui lui faisaient subir les Rustomides. Mais, et là encore sans qu'on sache les circonstances exactes, Abū-Qurra se retire de la politique à un moment, vers 790, abandonne Tlemcen qui est confiée à un frère d'idrīs, un certain Sulaymān b. Abdallāh dont les déscendants vont constituer une dynastie locale, les Suleymanides.
Tlemcen ayant eu une histoire très riche par la suite, il reste très peu de vestiges de cette période primitive, à l'image des ruines de la mosquée d'Agādīr qui est datées des années 790 :
Sinon, la situation politique à l'O. va se stabiliser sous cette forme jusqu'au début du siècle suivant, et on refait donc un dernier saut vers l'E. de l'Algérie avant de conclure.
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Dernière modification par Harrachi78, 07 octobre 2022, 01h35.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
La fin du gouvernement Abasside en Ifrīqiyya (765-799) :
Nous avions laissé Qayrawān en 765, au moment où le premier gouverneur abasside, Muhammad b. al-Ash3ath, était chassé par une mutinerie de l'armée qui le remplace par 3issā b. Mūsā.
Celui-ci ne va pas garder le pouvoir plus de quelques mois : al-Aghlab b. Sālim, un des officiers de l'armée du Khorassān et que ibn al-As3ath avait nommé gouverneur du Zāb marche sur Qayrawān et y prend le pouvoir. Il reviendra ensuite à Tobna pour poursuivre la guerre contre les Kharrijites, et c'est lors d'une de ses campagnes contre eux au Maghreb Central qu'il va trouver la mort en 766.
Pas moins de neuf gouverneurs abassides vont alors se succéder au pouvoir à Qayrawān en alternance avec des guerres contre les Ibādites dans le Zāb le long des années 780, jusqu'à ce qu'une énième mutinerie de l'armée fasse tomber le dernier d'entre eux en 799. Là, c'est de nouveau le gouverneur du Zāb, Ibrāhīm b. al-Aghlab, qui est probablement né à Tobna du temps où son père al-Aghlab b. Sālim était gouverneur de la même province trente-trois ans auparavant, marche sur Qayrawān et y matte la mutinerie. Il propose alors un deal au calife Abasside du moment, Hārūn al-Rachīd (786-809) : on lui donne le gouvernement d'Ifrīqiyya à titre héréditaire, à charge pour lui d'y mettre fin aux troubles et d'envoyer chaque année 40.000 dinars d'impôts au lieu de recevoir les 100.000 dinars qu'envoyait jusque-là Bagdad aux gouverneurs d'Ifrīqiyya pour entrerenir leurs troupes. Lassé de cette province turbulente qui n'arrêtait pas d'engloutir l'argent et les armées du Califat, al-Rashīd accepte la proposition, et ainsi va naître officiellement la troisième entité politique du Maghreb musulman : l'Emirat Aghlabide.
La suite de l'Histoire sera celle du 9e siècle après J.-C., et donc le sujet d'un autre topic
[Fin]
Dernière modification par Harrachi78, 11 octobre 2022, 05h56.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
1. Quel était le peuplement de l'Algérie à cette époque ?
De manière générale, les sources arabes de ces époques primitives de l'Islam s'intéressent surtout aux événements politiques et aux faits militaires, et focalisent sur les meneurs et les chefs plus que sur la masse. Elles offrent donc peu de renseignements directes sur les aspects sociaux ou économiques, et tout ce qui peut être tiré d'elles dans ce domaine vient dans ce sillage.
Nous avons vu au siècle précédent que le pays était habité à l'arrivée des Arabes par deux populations distinctes, les Romano-africains (Afāriq) et les Berbères (Barbar) :
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
al-Afāriq. Latinophones et chrétiens, vivant dans les villes et les campagnes alentours, en Algérie ils sont surtout présents dans le Zāb (la province de Numidie) et sur le littoral algérois. Leur statut après la conquête devient celui de Ahl al-dhimma, c'est-à-dire les non-musulmans tributaires, qui peuvent garder leurs biens, leur religion et leur organisation sociale et vivre en paix en contre-partie du paiement de l'impôt de capitation par tête (jizya) et de la taxe foncière sur les terres (kharrāj).
Contrairement à l'Espagne, l'Egypte ou la Syrie, cette population romaine d'Afrique n'a produit aucun écrit au cours de ce siècle, chose étrange lorsqu'on sait que la Chrétienté africaine avait pondu de nombreux et de très grands auteurs au cours des trous siècles précédents ! On sait donc que cette société romano-africaine devait encore exister au cours de ce 8e siècle puisque les sources arabes l'évoquent, mais on ignore pratiquement tout des modalités de cette existence par l'absence de sources internes et par le fait que lesdotes sources arabes ne s'y intéressent pas du tout.
En somme, il s'agissait de la population urbaine du pays, concentrée, policée et attachée à un territoire. Son contrôle était donc aisé pour tout pouvoir en place, et cela explique par exemple pourquoi le gouvernement provincial à pu se maintenir dans l'E. algérien (al-Zāb) au même titres que la Tunisie (Ifrīqiyya), alors que le Centre et l'O. (al-Maghrib al-Awsatt), beaucoup moins urbanisé, lui ont échappé à peine 40 ans après la conquête.
Par ailleurs, ces populations sont urbaines ou campagnardes, et donc en contacte permanent avec les élites civiles et militaires arabes. Là encore, et contrairement à l'Andalus où on a traces internes du processus, les Afāriq commencent à s'arabiser progressivement à partir de cette période, et ce processus d'accuturation sera relativement rapide dans la mesure où, comme nous l'avons dit, ils ne produisent deja plus rien en langue latine en ce siècle.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
al-Barbar. Les groupes Berbères commencent à apparaître de manière un peu plus précise dans les sources au cours de ce siècle, mais toujours pas suffisamment fournie pour avoir une idée vraiment claire de l'ensemble.
En gros, ce siècle va connaître beaucoup de mouvements de tribus, de l'E. vers l'O. pour l'essentiel. Pour ce qui concerne l'Algérie, certains groupes qui avaient joué un rôle majeur au milieu et à la fin du siècle précédent disparaissent des sources comme les Djarāwa (peuple de la Kāhina) dans l'Aurès, ou changent le localisation comme les Awerba (peuple de Kussayla) qui étaient signalés au siècle précédent dans l'O. Algérien et qui sont à la fin de notre siècle au N. du Maroc, alors que les zenètes Bani Ifrān, signalés au siècle précédent du côté de l'Aurès, se retrouvent désormais à Tlemcen, l'ancienne base des Awerba. De même, après les révoltes kharrijites des années 740-760, de nombreuses tribus berbères dont le domaine était la Libye ou le S. de la Tunisie se retrouvent désormais dans l'E. algérien, et même dans l'O. après l'établissement de l'Etat Rustomide dans les années 770, comme les Huwwāra ou les Luwwāta. Pratiquement tous les groupes que nous venons d'évoquer avaient un mode de vie nomade et semi-nomade, et certains bougeront encore aux siècles suivant comme nous le verrons le moment venu. Ces groupes sont aussi ceux qui apparaissent le plus ou le mieux dans les sources arabes parceque ce sont eux qui étaient impliqués dans les problèmes politiques et les rébellions qui ont jaloné ce siècle.
D'autres grandes tribus berbères, moins visibles dans les sources, se trouvaient sur le territoire algérien parallèlement à cela. Certaines avait un mode de vie sédentaire et une installation très ancienne dans leurs régions respectives. Il s'agit notamment des Kutāma, large nombre de clans qui formaient une grande confédération occupant tout le N. Constantinois depuis l'époque romaine (Ukutumani), depuis Béjaïa jusqu'à la frontière tunisienne. La Kabylie actuelle était habitée par la tribu de Zawāwa que les sources disent parente de la voisine Kutāma, mais sans qu'on sache si il s'agissait d'une branche issue de Kutāma ou plutôt d'une origine commune des deux de Sanhāja. Quoi qu'il en soit, ces groupes étaient les plus anciennement établis en terrtoire algérien, et certains n'en bougeront pour ainsi dire jamais.
Dernière modification par Harrachi78, 07 octobre 2022, 21h43.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
al-Arab. Désormais, le pays voit un troisième élément éthnique entrer en jeu avec la conquête arabe. Arrivés au siècle précédent comme militaires, les Arabes commencent à prendre souche au Maghreb au cours de ce siècle, et on a notamment vu les 3e, 4e et même 5e générations des descendants des chefs de la conquête au siècle passé (Uqba, Abū-Muhājir, Musā ... etc.) occuper les postes politiques ou de commandement militaire, ou prendre part à des coteries et autres troubles. Ils formaient des clans, eux-mêmes entourés d'autres clans. C'est parmi ce milieu arabe maghrébin que se recrutait désormais le Jund d'Ifrīqiyya, ce qui va créer au fil du temps des réseaux d'intérêts locaux, produisant dans un premier temps une certaine propension des gouverneurs à l'autonomie à la fin de l'époque ommeyade, et ensuite la totale prise du pouvoir par les militaires à l'époque abasside.
Il est à noter que l'organisation sociale des groupes arabes à cette époque était hybride : d'un côté, ils se concentraient exclusivement dans les centres urbains et côtoyaient donc essentiellement les populations romano-africaines qui vont peu à peu s'arabiser à ce contact. En Algérie, les principaux points d'une présence arabe à cette époque sont les villes de garnison et les centres des sous-provinces comme Mila, Constantine, Tobna, Annaba, Tebessa ... etc. Mais il s'agissait à ce stade de communautés réduites, vivant en élite guerrière ou gouvernante au milieu d'une population urbaine encore très majoritairement non-musulmane. Plus tard, des villes de fondation nouvelle comme Tāhart vont elles aussi attirer des Arabes, soit comme militaires (généralement du Jund local qui se voyaient obligès de fuire après un conflit ou suite à l'echec d'une rébellion) recrutés par les Rustomides, soit des marchands dont la présence commence à s'étendre -à cette époque justement- à travers tout le monde musulman.
D'un autre côté, ces groupes Arabes avaient à l'époque une fonction prèsque exclusivement militaire et administrative, et pour cela ils marchaient et se distribuaient selon leur propre organisation qui était tribale. Ainsi, les groupes arabes établies en territoire maghrébin à cette date était pour beaucoup issues de clans de Quraysh (Fihrides et autres) ou de Tamīm, même si d'autres groupes sont signalés. Il faut noter ici que le système était aggregationiste : un clan dominant captait en quelque sorte d'autres groupes autour (arabes ou non) de lui et les intégrait symboliquement par un lien de clientèle (walā'), sans oublier les liens qui pouvaient se créer suite à la conversion d'un individu ou d'un groupe tout entier, ainsi que les mariages d'Arabes musulmans avec des familles locales, y compris non-musulmanes. Tout cela participait à l'imbrication de liens et de réseaux d'intérêts, tout en amplifiant le volume interne des groupes arabes en question dans leurs lieux de présence, contribuant ainsi et de manière inconsciente au processus d'acculturation des populations urbaines qui s'arabisent en s'identifiant au fil des générations à l'élite dirigeante.
Ce processus commence dès le début du siècle comme on a vu avec la génération entière d'officiers berbères et afāriq qui apparaissent dans le staff de Mūsa b. Nuçayr dans les années 715, mais c'est surtout apres la chute des Omeyyades en 750 que l'imbrication semble devenir général. Ainsi, le dernier gouverneur abasside à Qayrawān, Ibrāhīm b. al-Aghlab, fut aussi le premier émir souverain d'Ifrīqiyya à partir de 800 : son père, issu de la tribu de Tamīm, était venu au Maghreb en 763 comme officier du jund Abasside du lointain Khorassān, soit l'année même de sa naissance, probablement à Tobna dans le Zāb algérien. Le siècle s'achève donc avec le début d'une étape dans la constitution d'une nouvelle identité régionale : al-Maghāriba.
Dernière modification par Harrachi78, 07 octobre 2022, 21h49.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
2. Quelles langues parlait-on en Algérie à cette époque :
La situation linguistique était identique à la situation éthnique : elle était multiple :
1. Les Berbères parlaient leurs parlers berbères. Vu l'absence de sources écrites, on ignore quelle était la situation exacte au sein de cet ensemble. On peut juste supposer que les parlers étaient différenciés au moins en deux groupes, un Zenāta et un Sanhāja, d'où vont sortir les divers parlers berbères que nous connaissons de nos jours : kabyle, chaoui ... etc.
2. Les Afāriq étaient latinophones, mais la langue qu'ils pratiquaient dans la vie courante était un latin tardif, sorte de langue romane comme celle qui donnera naissance au castillan ou catalan en Espagne. Ce parler va disparaître peu à peu, remplacé par l'arabe. Pour ce qui est de l'écrit, le latin était encore langue de l'administration musulmane jusqu'aux années 715 puis, l'arabe va peu à peu se substituer au latin pour le remplacer totalement au bout d'une génération ou deux.
2. L'arabe en vigueur dans l'administration était la langue impériale qui va devenir classique à l'époque abasside. Mais, dans la pratique, les groupes arabes sur place parlaient leur idiome populaire qui, dès cette époque, commence lentement à évoluer vers un dialecte proprement maghrébin, qui va lui-même évoluer au fil des générations pour donner les parlers arabes maghrébins citadins d'où nous viennent par exemple les vieux dialectes de Tlemcen, Alger, Constantine, Cherchell ... etc.
"L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]
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