Sous cette formulation générale - «Les Juifs, le monde et l'argent» - le thème de votre nouveau livre relevait jusqu'ici plutôt de la rhétorique antisémite... Je me suis toujours demandé ce qu'il y avait de fondé dans tout ce qui était raconté, y compris le pire, sur le rapport des juifs au monde et à l'argent. J'ai voulu aborder cette question de front, avec franchise et honnêteté, à travers une longue enquête historique, et ma conclusion est que les juifs ont toutes les raisons d'être fiers de cette partie de leur histoire.
Vous remontez plusieurs millénaires en arrière pour retracer cette histoire, qui commence d'ailleurs dans un monde sans argent et sans richesse: le paradis d'Adam et Eve.
Le paradis se situe hors de l'économie parce que hors de la rareté, du travail et du désir (désir de savoir et de jouir). Et c'est parce qu'il éprouve ces deux désirs que l'homme bascule dans le monde de la rareté, c'est-à-dire de la violence, puis de l'argent.
C'est alors Dieu lui-même qui délivre à son peuple, bien avant Guizot, le premier précepte économique: «Enrichissez-vous!» Pour la Bible, la richesse est un moyen de servir Dieu, d'être digne de lui. L'un des textes fondateurs dit: «Tu aimeras Dieu de toutes tes forces» et l'un des commentaires précise: «Cela veut dire de toutes tes richesses.» Donc: «Plus tu seras riche, plus tu auras de moyens pour servir Dieu.» La richesse est un moyen, pas une fin. A condition que ce soit une richesse créée, une mise en valeur du monde et non pas une richesse prise à un autre. Les biens fertiles (la terre, le bétail) sont donc particulièrement recherchés. Abraham s'enrichit ainsi par ses troupeaux. Le travail productif est même si important qu'il est interdit de ne faire qu'étudier ou prier, parce qu'on s'isole, on se dessèche et on ne comprend plus le monde.
Ces préceptes de l'Ancien Testament correspondent-ils à une réalité historique de l'époque? Oui. A l'époque biblique, deux révolutions majeures distinguent les juifs des peuples voisins: d'une part, l'enrichissement n'a pas pour finalité la construction de beaux lieux de culte; d'autre part, les sacrifices humains et la loi du talion sont remplacés par un dédommagement monétaire. C'est un moment essentiel de la civilisation: l'amende remplace les représailles, l'argent interrompt la violence.
Ce mode d'emploi de la richesse n'est guère respecté... Une fois passé l'exil égyptien, dès la sortie d'Egypte, l'argent joue un grand rôle; dans le Sinaï, une partie du peuple juif fabrique un dieu d'or. Le châtiment est terrible: le peuple doit rester dans le désert assez longtemps pour qu'y meurent toutes les générations fautives. Pendant cette longue errance, Dieu leur assure la «manne», qui n'est pas du tout la nourriture de rêve que l'on croit généralement: elle n'a aucun goût, aucune raison d'être autre que fonctionnelle, elle constitue une ration alimentaire fade et sans saveur. La leçon est claire: seules les richesses créées par le travail ont du goût. Ce qui est obtenu sans effort n'a aucune valeur.
Malgré cette rééducation, le peuple juif semble avoir du mal à trouver ce rapport équilibré avec la richesse que lui prescrit Dieu? Dans l'un des textes majeurs du judaïsme, le discours de Salomon, lors de l'inauguration du Temple, au Xe siècle avant notre ère, rappelle que le peuple juif ne doit s'enrichir que pour enrichir les autres, qu'il ne peut être heureux que si ceux qui l'entourent le sont aussi et que, réciproquement, les gentils ont intérêt au bien-être du peuple du Livre, qui prie pour eux. C'est aussi à cette époque qu'est institué l'impôt de solidarité - qui deviendra la tsedaka - première apparition historique de l'impôt sur le revenu, avec des règles très précises: taux supérieur à 10% mais inférieur à 20%, anonymat et redistribution intégrale aux pauvres. Malgré cela, le Temple connaît deux dévoiements importants: des prêtres s'installent à plein temps et certains recommencent à faire de la fortune une finalité. Le châtiment ne tarde pas: division du peuple, défaite, destruction du Temple. D'où, plus tard, après sa reconstruction, le besoin de codifier ces règles. C'est l'oeuvre du premier Sanhédrin, sorte de Cour de cassation, instance suprême qui unifie la jurisprudence d'une multitude de petits tribunaux communautaires
C'est ce premier Sanhédrin qui autorise aux juifs le prêt à intérêt, qui va peser si lourd sur leur destin ultérieur? Pour le peuple juif, dans la mesure où la fertilité des biens est saine, il n'y a aucune raison d'interdire le prêt à intérêt à un non-juif, car l'intérêt n'est que la marque de la fertilité de l'argent. En revanche, entre juifs, on doit se prêter sans intérêt, au nom de la charité. Il est même prescrit, vis-à-vis des très pauvres, de faire des prêts à intérêt négatif!
C'est à cette époque que débute une phase heureuse de complémentarité avec la puissance grecque: les juifs semblent mieux réussir leur exil que leur royaume? C'est clair! Parce que l'identité juive est d'abord nomade. Babylone et Alexandrie, qui sont au IIIe siècle avant notre ère les capitales de l'économie mondiale, fonctionnent grâce au savoir et au commerce des marchands lettrés juifs. Ils acquièrent progressivement une compétence et une légitimité fondées sur la confiance et sur des techniques financières et commerciales efficaces. Ils y inventeront en particulier le chèque, le billet à ordre, la lettre de change. Cela n'empêchera pas l'apparition, à Alexandrie, d'un antijudaïsme préchrétien.
Plus tard, l'avènement du christianisme met fin à une nouvelle dérive vers l'argent culte, notamment chez les pharisiens, dont le comportement est dénoncé par la secte des esséniens. Bien avant la colonisation romaine, certains marchands et prêtres juifs, devenus riches et puissants, ne cessent d'être condamnés par les prophètes. Plus encore quand ils collaborent avec les Romains et exhibent leur luxe, au mépris de la Loi. Les prophètes se déchaînent contre eux, en écrivant les textes les plus durs sur la haine des richesses qui ne sont pas mises au service de Dieu. Jésus s'inscrit dans ce courant mais, au lieu d'accepter la richesse comme un moyen, il prêche que l'on n'est jamais aussi proche de Dieu que dans la mendicité. Il fait, comme certains prophètes avant lui, de la pauvreté un moyen d'accès à Dieu.
Pour un juif, la pauvreté est intolérable. Pour un chrétien, c'est la richesse qui l'est. Mais progressivement, dans la rédaction des Evangiles puis avec l'émergence de l'Eglise, la richesse va devenir un moyen de pouvoir au profit de l'institution religieuse, l'Eglise, qui encourage les offrandes et impose aux évêques l'inaliénabilité de ses biens.
Autre nouveauté essentielle, le christianisme proscrit le prêt à intérêt.Pour trois raisons. 1° Pour les chrétiens, comme pour les Grecs, le temps n'appartenant pas aux hommes, ils n'ont le droit ni de le vendre ni de le faire fructifier. 2° Le prêt est une activité malsaine qui permet de gagner de l'argent sans travailler. 3° Le prêteur peut s'enrichir, ce qui concurrence le projet de l'Eglise d'être le lieu principal d'accumulation des richesses. L'Eglise assimile donc le prêteur au diable: il est comme le dealer qui fournit de la drogue, une nouvelle forme de la tentation.
Comment les rabbins ont-ils réagi à cette révolution chrétienne sur la question des richesses? Il leur semble utile de codifier les choses au cours des siècles suivants. Les deux textes fondamentaux sont le Talmud de Jérusalem, au IVe siècle, et celui de Babylone, au VIe siècle, qui apportent d'énormes innovations, souvent très détaillées, sur l'organisation sociale et en particulier sur les taux d'intérêt, l'usage des lettres de change, les limites du profit (avec, par exemple, la notion de «prix juste» des biens alimentaires, dont la marge doit être limitée à 1/6), l'interdiction de la spéculation (quand les prix montent, il est interdit de faire des réserves et il faut vendre pour faire baisser les prix). Il y a aussi des règles très précises contre les ententes. Pratiquement tous les problèmes de l'économie moderne y sont traités, qu'il s'agisse de la publicité, de l'environnement, de la fiscalité directe et indirecte, du droit du travail, du droit de grève, de l'héritage, de la solidarité, etc.
A qui s'appliquent ces règles? C'est déjà une question lancinante: doit-on vivre en circuit fermé entre juifs ou appliquer ces règles à tout le monde? La justice sociale - la tsedaka, par exemple, la doit-on uniquement aux juifs ou également au voisin non juif dans le besoin? Selon la règle fondamentale, arrêtée à ce moment-là dans le Talmud de Babylone, il est interdit de laisser mourir de faim qui que ce soit, mais l'on ne doit une assistance totale qu'aux monothéistes - c'est-à-dire, pendant très longtemps, seulement aux musulmans puisque, à cause de la Trinité, les chrétiens furent jusqu'au XIIe siècle considérés comme des polythéistes. On doit seulement fournir aux polythéistes les moyens de leur survie, pour qu'ils trouvent la force de découvrir l'unité de Dieu.
S'ouvre ensuite une nouvelle et longue ère heureuse de complémentarité avec les musulmans: les califes ne recrutent leurs conseillers et experts économiques que parmi les juifs. Cela tient à une nécessité: il y a dans l'islam la même interdiction du prêt à intérêt que chez les chrétiens. Et les juifs sont parmi les rares à savoir lire et écrire. Ils sont donc les seuls capables d'organiser ces prêts, dont l'économie commence alors à avoir besoin: les marchands lettrés juifs constituent même le seul réseau mondial de courtiers, de commerçants et de changeurs. Tout en relevant d'un statut humiliant - selon la «dhimmitude» du Coran, on protège un «inférieur» - la compétence juive s'impose très vite. Le ministre des Finances du troisième calife, à Damas, est juif! C'est l'apparition d'un nouveau personnage: le juif de cour, qui n'existait pas sous l'Empire romain. Mais cette élite aspirée vers le haut ne constitue qu'une infime minorité du peuple juif, essentiellement composé d'artisans, de paysans, de vignerons, de marins, de commerçants, qui vivent dans l'angoisse des conséquences possibles de la jalousie que peuvent susciter ceux d'en haut.
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Vous remontez plusieurs millénaires en arrière pour retracer cette histoire, qui commence d'ailleurs dans un monde sans argent et sans richesse: le paradis d'Adam et Eve.
Le paradis se situe hors de l'économie parce que hors de la rareté, du travail et du désir (désir de savoir et de jouir). Et c'est parce qu'il éprouve ces deux désirs que l'homme bascule dans le monde de la rareté, c'est-à-dire de la violence, puis de l'argent.
C'est alors Dieu lui-même qui délivre à son peuple, bien avant Guizot, le premier précepte économique: «Enrichissez-vous!» Pour la Bible, la richesse est un moyen de servir Dieu, d'être digne de lui. L'un des textes fondateurs dit: «Tu aimeras Dieu de toutes tes forces» et l'un des commentaires précise: «Cela veut dire de toutes tes richesses.» Donc: «Plus tu seras riche, plus tu auras de moyens pour servir Dieu.» La richesse est un moyen, pas une fin. A condition que ce soit une richesse créée, une mise en valeur du monde et non pas une richesse prise à un autre. Les biens fertiles (la terre, le bétail) sont donc particulièrement recherchés. Abraham s'enrichit ainsi par ses troupeaux. Le travail productif est même si important qu'il est interdit de ne faire qu'étudier ou prier, parce qu'on s'isole, on se dessèche et on ne comprend plus le monde.
Ces préceptes de l'Ancien Testament correspondent-ils à une réalité historique de l'époque? Oui. A l'époque biblique, deux révolutions majeures distinguent les juifs des peuples voisins: d'une part, l'enrichissement n'a pas pour finalité la construction de beaux lieux de culte; d'autre part, les sacrifices humains et la loi du talion sont remplacés par un dédommagement monétaire. C'est un moment essentiel de la civilisation: l'amende remplace les représailles, l'argent interrompt la violence.
Ce mode d'emploi de la richesse n'est guère respecté... Une fois passé l'exil égyptien, dès la sortie d'Egypte, l'argent joue un grand rôle; dans le Sinaï, une partie du peuple juif fabrique un dieu d'or. Le châtiment est terrible: le peuple doit rester dans le désert assez longtemps pour qu'y meurent toutes les générations fautives. Pendant cette longue errance, Dieu leur assure la «manne», qui n'est pas du tout la nourriture de rêve que l'on croit généralement: elle n'a aucun goût, aucune raison d'être autre que fonctionnelle, elle constitue une ration alimentaire fade et sans saveur. La leçon est claire: seules les richesses créées par le travail ont du goût. Ce qui est obtenu sans effort n'a aucune valeur.
Malgré cette rééducation, le peuple juif semble avoir du mal à trouver ce rapport équilibré avec la richesse que lui prescrit Dieu? Dans l'un des textes majeurs du judaïsme, le discours de Salomon, lors de l'inauguration du Temple, au Xe siècle avant notre ère, rappelle que le peuple juif ne doit s'enrichir que pour enrichir les autres, qu'il ne peut être heureux que si ceux qui l'entourent le sont aussi et que, réciproquement, les gentils ont intérêt au bien-être du peuple du Livre, qui prie pour eux. C'est aussi à cette époque qu'est institué l'impôt de solidarité - qui deviendra la tsedaka - première apparition historique de l'impôt sur le revenu, avec des règles très précises: taux supérieur à 10% mais inférieur à 20%, anonymat et redistribution intégrale aux pauvres. Malgré cela, le Temple connaît deux dévoiements importants: des prêtres s'installent à plein temps et certains recommencent à faire de la fortune une finalité. Le châtiment ne tarde pas: division du peuple, défaite, destruction du Temple. D'où, plus tard, après sa reconstruction, le besoin de codifier ces règles. C'est l'oeuvre du premier Sanhédrin, sorte de Cour de cassation, instance suprême qui unifie la jurisprudence d'une multitude de petits tribunaux communautaires
C'est ce premier Sanhédrin qui autorise aux juifs le prêt à intérêt, qui va peser si lourd sur leur destin ultérieur? Pour le peuple juif, dans la mesure où la fertilité des biens est saine, il n'y a aucune raison d'interdire le prêt à intérêt à un non-juif, car l'intérêt n'est que la marque de la fertilité de l'argent. En revanche, entre juifs, on doit se prêter sans intérêt, au nom de la charité. Il est même prescrit, vis-à-vis des très pauvres, de faire des prêts à intérêt négatif!
C'est à cette époque que débute une phase heureuse de complémentarité avec la puissance grecque: les juifs semblent mieux réussir leur exil que leur royaume? C'est clair! Parce que l'identité juive est d'abord nomade. Babylone et Alexandrie, qui sont au IIIe siècle avant notre ère les capitales de l'économie mondiale, fonctionnent grâce au savoir et au commerce des marchands lettrés juifs. Ils acquièrent progressivement une compétence et une légitimité fondées sur la confiance et sur des techniques financières et commerciales efficaces. Ils y inventeront en particulier le chèque, le billet à ordre, la lettre de change. Cela n'empêchera pas l'apparition, à Alexandrie, d'un antijudaïsme préchrétien.
Plus tard, l'avènement du christianisme met fin à une nouvelle dérive vers l'argent culte, notamment chez les pharisiens, dont le comportement est dénoncé par la secte des esséniens. Bien avant la colonisation romaine, certains marchands et prêtres juifs, devenus riches et puissants, ne cessent d'être condamnés par les prophètes. Plus encore quand ils collaborent avec les Romains et exhibent leur luxe, au mépris de la Loi. Les prophètes se déchaînent contre eux, en écrivant les textes les plus durs sur la haine des richesses qui ne sont pas mises au service de Dieu. Jésus s'inscrit dans ce courant mais, au lieu d'accepter la richesse comme un moyen, il prêche que l'on n'est jamais aussi proche de Dieu que dans la mendicité. Il fait, comme certains prophètes avant lui, de la pauvreté un moyen d'accès à Dieu.
Pour un juif, la pauvreté est intolérable. Pour un chrétien, c'est la richesse qui l'est. Mais progressivement, dans la rédaction des Evangiles puis avec l'émergence de l'Eglise, la richesse va devenir un moyen de pouvoir au profit de l'institution religieuse, l'Eglise, qui encourage les offrandes et impose aux évêques l'inaliénabilité de ses biens.
Autre nouveauté essentielle, le christianisme proscrit le prêt à intérêt.Pour trois raisons. 1° Pour les chrétiens, comme pour les Grecs, le temps n'appartenant pas aux hommes, ils n'ont le droit ni de le vendre ni de le faire fructifier. 2° Le prêt est une activité malsaine qui permet de gagner de l'argent sans travailler. 3° Le prêteur peut s'enrichir, ce qui concurrence le projet de l'Eglise d'être le lieu principal d'accumulation des richesses. L'Eglise assimile donc le prêteur au diable: il est comme le dealer qui fournit de la drogue, une nouvelle forme de la tentation.
Comment les rabbins ont-ils réagi à cette révolution chrétienne sur la question des richesses? Il leur semble utile de codifier les choses au cours des siècles suivants. Les deux textes fondamentaux sont le Talmud de Jérusalem, au IVe siècle, et celui de Babylone, au VIe siècle, qui apportent d'énormes innovations, souvent très détaillées, sur l'organisation sociale et en particulier sur les taux d'intérêt, l'usage des lettres de change, les limites du profit (avec, par exemple, la notion de «prix juste» des biens alimentaires, dont la marge doit être limitée à 1/6), l'interdiction de la spéculation (quand les prix montent, il est interdit de faire des réserves et il faut vendre pour faire baisser les prix). Il y a aussi des règles très précises contre les ententes. Pratiquement tous les problèmes de l'économie moderne y sont traités, qu'il s'agisse de la publicité, de l'environnement, de la fiscalité directe et indirecte, du droit du travail, du droit de grève, de l'héritage, de la solidarité, etc.
A qui s'appliquent ces règles? C'est déjà une question lancinante: doit-on vivre en circuit fermé entre juifs ou appliquer ces règles à tout le monde? La justice sociale - la tsedaka, par exemple, la doit-on uniquement aux juifs ou également au voisin non juif dans le besoin? Selon la règle fondamentale, arrêtée à ce moment-là dans le Talmud de Babylone, il est interdit de laisser mourir de faim qui que ce soit, mais l'on ne doit une assistance totale qu'aux monothéistes - c'est-à-dire, pendant très longtemps, seulement aux musulmans puisque, à cause de la Trinité, les chrétiens furent jusqu'au XIIe siècle considérés comme des polythéistes. On doit seulement fournir aux polythéistes les moyens de leur survie, pour qu'ils trouvent la force de découvrir l'unité de Dieu.
S'ouvre ensuite une nouvelle et longue ère heureuse de complémentarité avec les musulmans: les califes ne recrutent leurs conseillers et experts économiques que parmi les juifs. Cela tient à une nécessité: il y a dans l'islam la même interdiction du prêt à intérêt que chez les chrétiens. Et les juifs sont parmi les rares à savoir lire et écrire. Ils sont donc les seuls capables d'organiser ces prêts, dont l'économie commence alors à avoir besoin: les marchands lettrés juifs constituent même le seul réseau mondial de courtiers, de commerçants et de changeurs. Tout en relevant d'un statut humiliant - selon la «dhimmitude» du Coran, on protège un «inférieur» - la compétence juive s'impose très vite. Le ministre des Finances du troisième calife, à Damas, est juif! C'est l'apparition d'un nouveau personnage: le juif de cour, qui n'existait pas sous l'Empire romain. Mais cette élite aspirée vers le haut ne constitue qu'une infime minorité du peuple juif, essentiellement composé d'artisans, de paysans, de vignerons, de marins, de commerçants, qui vivent dans l'angoisse des conséquences possibles de la jalousie que peuvent susciter ceux d'en haut.
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