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Localisation du berceau de l’Afro-Asiatique [article]

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  • Localisation du berceau de l’Afro-Asiatique [article]

    Localisation du berceau de l’Afro-Asiatique : une problématique ouverte

    L’Afro-Asiatique est une famille linguistique actuellement subdivisée en six branches, dont une éteinte, l’Égyptien. Les cinq autres branches actuelles, très diversifiées, sont le Sémitique, le Berbère, le Couchitique, le Tchadique et l’Omotique. La distribution particulière de cette famille lui a donné son nom. Elle est à cheval sur les continents africain et asiatique et comprend un passage emprunté à plusieurs reprises et dans les deux sens au cours de l’histoire du peuplement humain. Cette répartition pose avec acuité la question de la localisation de son foyer originel : africain ou asiatique ?

    Cette question, contemporaine de l’intuition de parenté entre ces branches, a fait couler beaucoup d’encre, et des thèses contradictoires sont encore défendues. Entre linguistes d’abord, qui ont proposé de nombreuses classifications non concordantes pour l’Afro-Asiatique. De plus, la délimitation de certaines branches n’a toujours pas emporté le consensus. Les topologies proposées pour cette famille diffèrent dans les positions relatives du Sémitique et de l’Omotique. Certains auteurs estiment que le Sémitique a divergé en premier. C’est la position de l’école linguistique russe, ardent défenseur du Nostratique et anciennement sémitocentrique. Toutefois, une majorité d’auteurs considèrent que l’Omotique est la branche la plus ancienne :



    D’autres disciplines, telles que la génétique des populations ou l’archéologie, ont apporté leur cortège de méthodes et d’arguments pour participer à un débat linguistique déjà foisonnant, sans pour autant permettre d’y apporter une réponse définitive. Plus fondamentalement, l’approche pluridisciplinaire a mis l’accent sur des faiblesses méthodologiques des arguments linguistiques en en prenant le contre-pied et en offrant un soutien inopiné à une faction minoritaire de linguistes. Elle propose de replacer la problématique du berceau de l’Afro-Asiatique dans une perspective plus large d’histoire du peuplement humain.

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    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
    L’argumentaire linguistique :

    L’argumentaire strictement linguistique, dans son courant majoritaire, conclut de façon relativement cohérente à un berceau africain. L’hypothèse « age-area », reformulée par Sapir pour la linguistique, définit que le foyer le plus vraisemblable des premiers groupes de locuteurs d’une famille donnée est localisé là où la plus grande diversité linguistique est observée actuellement. Dans sa description de l’Afro-Asiatique, Greenberg reformule cet argument sous la forme du scénario des « least-moves ». Il définit le continent africain comme l’hypothèse la plus parcimonieuse de localisation du berceau de cette famille au vu de sa distribution actuelle : quatre des cinq branches actuelles sont africaines, la branche éteinte était également de localisation africaine, et seul le Sémitique est représenté en Asie, tout en étant également représenté en Afrique. Le scénario d’expansion le plus parcimonieux impliquerait une migration du Sémitique d’Afrique en Asie, à partir d’un berceau africain, dont la localisation serait éthiopienne, lieu d’une grande hétérogénéité linguistique. Ces deux hypothèses font appel à des principes théoriques généraux, non spécifiques à la linguistique, et qui, bien que trans-disciplinaires, sont sensibles à des particularismes.

    Les inférences issues de méthodologies proprement linguistiques concluant à un berceau africain sont imputables à Ehret. Il propose le regroupement du Sémitique, de l’Égyptien et du Berbère en Boreafrasien, qu’il date par glottochronologie à 7000 ans, alors que Couchitique et Omotique sont datés à 9000 ans. Il conforte cette « ancestralité » de l’Omotique par l’absence de référents non équivoques à des activités néolithiques dans le lexique reconstruit, alors que les branches boreafrasiennes possèdent de tels référents. Cet argument de paléolinguistique suggère à la fois que le Proto-Afro-Asiatique est pré-néolithique et, en accord avec les datations proposées, qu’il est apparu en Afrique. Il date le Proto-Afro-Asiatique à au moins 15 000 ans, date pour le moins en contradiction avec la proposition de Greenberg de 9000 ans et de Diakonoff de 8000 à 10 000 ans. Selon Ehret, l’expansion de la famille aurait eu pour catalyseur l’instauration d’une économie fourragère chez les premiers groupes locuteurs de l’Afro-Asiatique en Afrique du N.-E. Le développement de l’agriculture dans cette région aurait été postérieur, vers 11 000 à 10 000 ans avant le présent, supposant une invention indépendante de l’agriculture en Éthiopie, à peu près contemporaine de sa naissance dans le croissant fertile.

    Un certain nombre de critiques peuvent être retenues contre cet argumentaire. Certaines sont d’ordre méthodologique, d’autres ont trait au scénario évolutif dans lequel s’inscrit la naissance et l’expansion de cette famille. Un point fondamental portant flanc à la critique est la datation. Sans une chronologie précise, ayant des marges d’erreur connues et raisonnables, la séquence d’évènements ne peut être connue ni replacée dans un scénario évolutif. Les dates sur lesquelles s’appuie le scénario d’Ehret ont été obtenues par glottochronologie. Le principe de cette approche est de mesurer la date de séparation de deux langues – sachant celles-ci apparentées – en définissant un taux de remplacement du vocabulaire, et en supposant celui-ci constant sur l’ensemble du lexique de base. L’application de cette approche suppose que les langues étudiées soient génétiquement reliées, que la liste du vocabulaire de base soit standardisée, et plus fondamentalement, que la constante de remplacement du vocabulaire soit définie. La différence de 5000 à 6000 ans entre les propositions de Greenberg et de Diakonoff et celle d’Ehret pour le Proto-Afro-Asiatique s’explique par le fait que les premiers ont considéré un taux de remplacement du vocabulaire plus élevé que celui utilisé par Ehret. Toutefois, toutes deux sont postulées et non estimées à partir des données. Les listes de vocabulaire sur lesquelles cette méthode est fondée recouvrent plusieurs champs sémantiques, et il est simpliste de supposer que tous changent à la même vitesse. L’étude du remplacement lexical en fonction de la distance spatiale entre communautés locutrices a montré une non linéarité des courbes imputable à l’hétérogénéité des taux de remplacement des mots du lexique utilisé, or ces taux de remplacement dans l’espace sont fortement corrélés à ceux dans le temps. Par ailleurs, il s’est avéré à l’usage, en comparant les dates obtenues par cette méthode à des dates attestées par des traces écrites, que les estimations des temps de séparation ainsi calculées étaient erronées, avec des marges d’erreur excessives, et que la méthode était extrêmement sensible au choix de la liste de vocabulaire et du taux de remplacement.

    La deuxième critique concerne la paléontologie linguistique. Le principe de cette méthode est de reconstruire l’environnement culturel dans lequel s’est développée une langue à partir de son lexique. Dans le cas présent, les arguments d’Ehret sont extraits du lexique reconstruit pour le Proto-Afro-Asiatique. Si les populations proto-afro-asiatiques possédaient des mots référant à l’agriculture et à la production alimentaire, alors elles auraient pratiqué l’agriculture et auraient vraisemblablement été néolithiques. Conclure à un Proto-Afro-Asiatique pré-néolithique ne permet pas pour autant de trancher entre foyer africain ou asiatique. Pour Ehret, ceci est à relier directement avec la proposition d’une expansion de l’Afro-Asiatique avec l’agriculture à partir d’un foyer anatolien il y a quelque 10 000 ans, selon le modèle de diffusion démique néolithique déjà proposé pour l’Indo-Européen, scénario qu’il invalide par l’absence d’une désignation d’activités aussi fondamentales que l’agriculture dans le proto-lexique. On peut toutefois questionner la représentativité du lexique reconstruit par rapport au lexique effectif, ainsi que la notion d’univocité qui permettrait d’attribuer une signification néolithique à une racine donnée. Selon Chaker, un tel type d’argumentation ne serait probant que si l’on dispose « … d’un vocabulaire commun chamito-sémitique, sérieusement établi, sur la base d’une prise en compte systématique des données lexicales des différentes branches de la famille. On en est loin pour l’instant ».

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    • #3
      L’argumentaire extra-linguistique :

      Récemment, un regain d’intérêt s’est profilé pour l’étude de l’histoire des peuplements humains dans une perspective syncrétique, à la fois biologique et culturelle. Sous l’impulsion des travaux en génétique des populations, relayés en archéologie, un modèle explicatif du changement culturel, le modèle de la diffusion démique néolithique, déjà appliqué avec succès pour l’Indo-Européen, est proposé comme également pertinent pour d’autres groupes linguistiques, et notamment pour l’Afro-Asiatique. Une analyse phylogénétique sur 42 populations mondiales et 120 systèmes alléliques a été fréquemment citée comme point d’ancrage de l’argumentaire sémitocentrique sur la question du foyer afro-asiatique. Selon cette étude, les populations afro-asiatiques – au sens de locutrices de langues du groupe afro-asiatique – à savoir, une population berbère et une population sémite indéfinie du S -O. asiatique, sont plus proches de populations à localisation eurasiatique (Iraniens, Européens, Indiens) que de populations à localisation africaine, ce qui amène à considérer le S.-O. asiatique comme foyer de ce groupe linguistique.

      À première vue, archéologie et génétique abondent dans le sens d’une expansion démographique des populations afro-asiatiques, liée à l’agriculture, en provenance d’un foyer anatolien et en direction de l’Afrique à travers l’Arabie. De ceci a été tirée la proposition d’une localisation du Proto-Afro-Asiatique dans le croissant fertile. Le scénario de diffusion démique sous l’impulsion de l’acquisition d’une technologie révolutionnaire comme l’agriculture est très attrayant, du fait qu’il explique les patterns de diversité génétique observés, qu’il concorde avec les datations archéologiques (début de migration il y a 10 000 ans, vitesse d’expansion de 1 km/an) et qu’il définit le moteur des migrations. Il a d’ailleurs trouvé un écho favorable chez un courant de la linguistique moderne, tenant d’une macro-famille linguistique, le Nostratique, regroupant les familles indo-européenne, afro-asiatique, ouralique, altaïque, dravidienne et kartvelienne (langues caucasiennes). Les branches nostratiques correspondent aux vagues de migrations majeures proposées à partir du croissant fertile anatolien, les langues se dispersant en même temps que l’agriculture par l’intermédiaire de mouvements démographiques. Ce cadre théorique détermine le berceau de l’Afro-Asiatique et le scénario d’expansion expliquant sa distribution et sa diversification actuelles. Toutefois, dans quelle mesure peut-on superposer l’expansion de l’Afro-Asiatique en tant que groupe linguistique à celle de populations parlant des langues de ce groupe ? Cette hypothèse forte doit être étayée autrement que par une interprétation synthétique des données linguistiques en fonction des données biologiques et archéologiques, d’une part parce que les méthodes de reconstruction phylogénétique utilisées pour aboutir à cette conclusion sont critiquables, d’autre part, parce que le raisonnement menace d’être circulaire : le modèle justifie la co-évolution alors même qu’il est fondé dessus. Le Nostratique reste une hypothèse de regroupement à laquelle l’Eurasiatique est une alternative envisageable. L’Afro-Asiatique est exclu de l’Eurasiatique dont il est groupe-frère. Dans ce cas, on peut envisager qu’il y ait découplage entre évolution génétique et évolution linguistique, au même titre que l’on peut envisager la co-évolution entre gènes et langues.

      Par ailleurs, l’argument basé sur l’arbre de population de Cavalli-Sforza est largement interprétatif. Les Éthiopiens, bien que groupe afro-asiatique, sont plus proches des Africains que des Eurasiatiques, contrairement aux Berbères et aux Sémites du S.-O. asiatique. Ils sont exclus de l’interprétation du fait de la grande hétérogénéité génétique observée dans cette population et de la forte influence africaine sur son patrimoine génétique actuel, qui expliquerait son comportement singulier au sein du groupe afro-asiatique. Toutefois, les Berbères ont également subi une forte contribution génétique du sud-ouest asiatique au cours des phases d’expansion islamiques, ce qui peut expliquer leur regroupement avec l’échantillon sémitique sud-ouest asiatique. Les conclusions sont antinomiques selon que l’on interprète l’arbre en tenant compte de la population éthiopienne ou de la population sud-ouest asiatique.

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      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #4
        Pour la langue arabe ele n'es pas ancienne des langues sémitique

        l'Éthiopie centre afro asiatique
        Dernière modification par katiaret, 15 mai 2023, 15h54.
        dz(0000/1111)dz

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