Une surprise agréable au Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama) à l’occasion d’une remarquable exposition intitulée « Les peintres internationaux et la révolution algérienne ».
La lithographie de Djamila Boupacha par le grand Pablo Picasso. Le dessin a été confectionné la veille du cessez-le-feu (mars 1962) pour sauver de la guillotine Djamila Boupacha. Le dessin au fusain paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, publiées chez Gallimard.
Une toile qui, aujourd’hui, est cotée aux enchères publiques à hauteur de 400 millions de dollars, au point que son acheminement depuis la cité phocéenne (Marseille) au musée d’Alger s’est faite sous impressionnante escorte. Au Mama, la toile était vitrée par le système de détecteur à base de température et luminosité. Anti-franquiste et artiste peintre majeur du XXe siècle, l’espagnol Pablo Ruiz Picasso s’était intéressé à l’Algérie au tout début de la révolution de 1954 par toute une série de variations sur les Femmes d’Alger, de Delacroix, lequel exprimait une peinture d’essence coloniale travestissant, de facto, la réelle image de la femme algérienne. Delacroix, artiste du génie militaire et officier des services de renseignements français, peignait, en fait, les prostituées d’une maison close à La Casbah d’Alger. Ce qui a poussé Picasso à rectifier le cours de l’histoire en dénonçant au travers de ses 15 toiles et deux lithographies – qu’il qualifiera lui-même de paraphrases – la souffrance, toute la souffrance des femmes algériennes soumises aux pires gémonies coloniales.
Il a voulu, en outre, témoigner à sa manière son soutien indéfectible à l’émancipation du peuple algérien colonisé en donnant à ces femmes une image de combattantes. Simplement en revisitant l’œuvre de Delacroix et en tendant une oreille attentive aux informations diffusées sur son transistor. Sa série s’achève sur une œuvre monumentale qu’était le supplice de Djamila Boupacha en 1962. A 22 ans, arrêtée le 10 février 1960, accusée d’avoir déposé une bombe qui n’a jamais du reste explosé, Djamila subira des sévices odieux 33 jours durant par des parachutistes déchaînés. Battue à coups de talons qui lui ont cassé plusieurs côtes, piétinée et brûlée au sein, elle subira le supplice de l’électricité et de la baignoire. Et, suprême sacrilège, elle sera violée sauvagement avec un goulot de bouteille de bière.
L’affaire Boupacha éclatera au grand jour et prendra une dimension internationale lorsqu’elle identifiera, au cours de son procès qui eut lieu les 26, 27 et 28 juin 1961 au tribunal de Caen, ses tortionnaires parmi les nombreuses photos de militaires qu’on lui avait montrées. L’affaire prend de l’ampleur avec « le comité de défense pour Djamila » créé par Simone de Beauvoir, femme de lettres française, et Gisele Halimi, avocate et militante féministe d’origine tunisienne. Le comité comprenant des sommités de la littérature et de la philosophie universelle, telles que Louis Aragon, Jean Paul Sartre, Geneviève de Gaulle, Gabriel Marcel… et Germaine Tillion. Simone Veil, en sa qualité de magistrate déléguée au ministère de la Justice d’alors, avait donné le coup de grâce en accédant au vœu du comité de la transférer en France pour lui éviter une mort certaine que ses bourreaux complotaient pour la faire taire à jamais.
Mais comme son procès ne la disculpe pas pour autant, malgré les faits avérés, alors Simone et Gisèle ont eu la lumineuse idée de coéditer un plaidoyer chez Gallimard avec, en prime, la toile de Picasso en couverture. Bingo ! Ce que recherchaient ces femmes l’ont obtenu en ce sens qu’un mouvement international a pris le relais sous forme de manifestations devant les ambassades de France à Tokyo, Washington, et un peu partout à travers le monde pour soutenir la cause de Djamila Boupacha.
Elle sera amnistiée lors de la signature des accords d’Evian en Suisse.
Le Cap (Juillet 2008)
La lithographie de Djamila Boupacha par le grand Pablo Picasso. Le dessin a été confectionné la veille du cessez-le-feu (mars 1962) pour sauver de la guillotine Djamila Boupacha. Le dessin au fusain paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, publiées chez Gallimard.
Une toile qui, aujourd’hui, est cotée aux enchères publiques à hauteur de 400 millions de dollars, au point que son acheminement depuis la cité phocéenne (Marseille) au musée d’Alger s’est faite sous impressionnante escorte. Au Mama, la toile était vitrée par le système de détecteur à base de température et luminosité. Anti-franquiste et artiste peintre majeur du XXe siècle, l’espagnol Pablo Ruiz Picasso s’était intéressé à l’Algérie au tout début de la révolution de 1954 par toute une série de variations sur les Femmes d’Alger, de Delacroix, lequel exprimait une peinture d’essence coloniale travestissant, de facto, la réelle image de la femme algérienne. Delacroix, artiste du génie militaire et officier des services de renseignements français, peignait, en fait, les prostituées d’une maison close à La Casbah d’Alger. Ce qui a poussé Picasso à rectifier le cours de l’histoire en dénonçant au travers de ses 15 toiles et deux lithographies – qu’il qualifiera lui-même de paraphrases – la souffrance, toute la souffrance des femmes algériennes soumises aux pires gémonies coloniales.
Il a voulu, en outre, témoigner à sa manière son soutien indéfectible à l’émancipation du peuple algérien colonisé en donnant à ces femmes une image de combattantes. Simplement en revisitant l’œuvre de Delacroix et en tendant une oreille attentive aux informations diffusées sur son transistor. Sa série s’achève sur une œuvre monumentale qu’était le supplice de Djamila Boupacha en 1962. A 22 ans, arrêtée le 10 février 1960, accusée d’avoir déposé une bombe qui n’a jamais du reste explosé, Djamila subira des sévices odieux 33 jours durant par des parachutistes déchaînés. Battue à coups de talons qui lui ont cassé plusieurs côtes, piétinée et brûlée au sein, elle subira le supplice de l’électricité et de la baignoire. Et, suprême sacrilège, elle sera violée sauvagement avec un goulot de bouteille de bière.
L’affaire Boupacha éclatera au grand jour et prendra une dimension internationale lorsqu’elle identifiera, au cours de son procès qui eut lieu les 26, 27 et 28 juin 1961 au tribunal de Caen, ses tortionnaires parmi les nombreuses photos de militaires qu’on lui avait montrées. L’affaire prend de l’ampleur avec « le comité de défense pour Djamila » créé par Simone de Beauvoir, femme de lettres française, et Gisele Halimi, avocate et militante féministe d’origine tunisienne. Le comité comprenant des sommités de la littérature et de la philosophie universelle, telles que Louis Aragon, Jean Paul Sartre, Geneviève de Gaulle, Gabriel Marcel… et Germaine Tillion. Simone Veil, en sa qualité de magistrate déléguée au ministère de la Justice d’alors, avait donné le coup de grâce en accédant au vœu du comité de la transférer en France pour lui éviter une mort certaine que ses bourreaux complotaient pour la faire taire à jamais.
Mais comme son procès ne la disculpe pas pour autant, malgré les faits avérés, alors Simone et Gisèle ont eu la lumineuse idée de coéditer un plaidoyer chez Gallimard avec, en prime, la toile de Picasso en couverture. Bingo ! Ce que recherchaient ces femmes l’ont obtenu en ce sens qu’un mouvement international a pris le relais sous forme de manifestations devant les ambassades de France à Tokyo, Washington, et un peu partout à travers le monde pour soutenir la cause de Djamila Boupacha.
Elle sera amnistiée lors de la signature des accords d’Evian en Suisse.
Le Cap (Juillet 2008)
Commentaire