Régionalisation : ce qui pourra raisonnablement être fait
Autonomie pour le Sahara, régionalisation pour le reste du pays.
Au minimum, une période de 10 ans avant de rendre la réforme opérationnelle.
Economie, justice, culture, impôts : ce qui pourra être délégué et ce qui ne le pourra pas.
Déconcentration et formation des élites locales, de gros défis à venir.
«Le Maroc ne restera pas les bras croisés, pas plus qu’il n’acceptera que son évolution démocratique et son développement soient subordonnés aux calculs et aux manœuvres d’autrui».
Bien que traditionnellement axé sur la question du Sahara, le discours du Roi Mohammed VI, à l’occasion du 33e anniversaire de la Marche verte, a singulièrement tranché avec celui des années précédentes.
En filigrane, un ras-le-bol clairement exprimé envers l’Algérie voisine accusée d’«entraver la dynamique vertueuse enclenchée par l’initiative marocaine [d’autonomie]» et de refuser obstinément «les efforts de normalisation consentis par le Maroc».
C’est peu de dire que les relations entre les deux pays ne sont pas au beau fixe. Depuis quelques mois, elles sont même très tendues, et le Maroc, lassé de tendre la main en appelant, par deux fois cette année, à la réouverture des frontières, indépendamment de l’évolution du dossier du Sahara, semble tourner le dos au rétablissement de relations sereines avec son voisin.
Pas de modèle spécifique, le Maroc devra créer le sien Définitivement ?
En politique, rien n’est définitif, mais, face à l’enlisement des négociations sur le dossier de sa cause nationale, face aux pressions faites sur l’Onu et qui ont abouti au désistement de l’envoyé spécial Peter Van Valsum, et plus d’un an et demi après avoir présenté son «Initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara», le Maroc décide de passer à la vitesse supérieure en se lançant dans un processus de régionalisation avancée.
Certes, pour le Sahara, il ne s’agira pas d’un plan d’autonomie en bonne et due forme, du moins pas tant qu’il n’aura pas fait l’objet d’un compromis politique et que les Nations Unies ne l’auront pas validé comme solution définitive.
Mais l’idée est de lancer, selon les termes exacts du Souverain, «une régionalisation élargie et appropriée». Elle sera graduelle et concernera, bien entendu, la région saharienne en premier lieu. Par la suite, elle sera étendue à d’autres régions du Maroc.
Et il ne s’agit pas d’un simple discours puisque, au cours des semaines à venir, une commission consultative pluridisciplinaire devrait voir le jour et proposer une conception générale de la régionalisation. Donc Sahara d’abord, mais pas seulement.
Ce faisant, si le Maroc joue politiquement un coup gagnant (voir édito p. 2), la tâche est loin d’être facile. Régionaliser implique que l’on réponde au préalable à plusieurs questions.
Comment l’Etat peut-il accorder plus de pouvoirs et de ressources à une région, et, en même temps, continuer à jouer son rôle d’agent fédérateur et régulateur ? Il s’agit-là de réussir en premier lieu le processus de déconcentration (voir encadré «glossaire») dont on parle depuis plus de 20 ans.
Quelles ressources accorder à la région ? Quelle part dans les recettes fiscales ? Qui gérera la région ? Comment s’articulera la relation entre le représentant de la région et celui de l’Etat ? Quelles compétences juridiques, éducationnelles, économiques ou encore de sécurité attribuer aux régions ? Comment harmoniser politique étatique, politique gouvernementale et objectifs régionaux de développement ? Certains de ces aspects ont été abordés dans l’initiative d’autonomie proposée (voir encadré), mais le processus demeure complexe.
Difficulté de taille, le Maroc devra adopter un modèle de régionalisation spécifique et il n’existe évidemment pas de modèle de référence en la matière : l’organisation interne des pays qui ont opté pour la régionalisation varie en effet selon leurs backgrounds historiques, ethniques, culturels, linguistiques, ou autres (voir page 58). En attendant, certains éléments permettent déjà d’émettre des hypothèses quant aux grands traits de la «régionalisation à la marocaine».
En premier lieu, la référence, dans le discours royal, à une «régionalisation avancée et graduelle», implique très probablement son articulation à deux niveaux : un renforcement important des prérogatives des régions, pour le pays en général, qui passerait à la vitesse supérieure dans les provinces sahariennes.
Ce système n’est pas sans rappeler celui adopté en Espagne. Dans sa Constitution de 1978, notre voisin du nord avait attribué l’autonomie aux régions aux velléités séparatrices les plus fortes (Pays Basque, Catalogne et Galice), mais il avait laissé aux autres régions du pays un «droit à l’autonomie».
Peu à peu, ces dernières l’ont appliqué, et si leurs prérogatives étaient au départ moins importantes que celles des trois premières autonomies, une redistribution des tâches entre Etat et autonomies reste possible, à intervalles réguliers.
Autonomie pour le Sahara, régionalisation pour le reste du pays.
Au minimum, une période de 10 ans avant de rendre la réforme opérationnelle.
Economie, justice, culture, impôts : ce qui pourra être délégué et ce qui ne le pourra pas.
Déconcentration et formation des élites locales, de gros défis à venir.
«Le Maroc ne restera pas les bras croisés, pas plus qu’il n’acceptera que son évolution démocratique et son développement soient subordonnés aux calculs et aux manœuvres d’autrui».
Bien que traditionnellement axé sur la question du Sahara, le discours du Roi Mohammed VI, à l’occasion du 33e anniversaire de la Marche verte, a singulièrement tranché avec celui des années précédentes.
En filigrane, un ras-le-bol clairement exprimé envers l’Algérie voisine accusée d’«entraver la dynamique vertueuse enclenchée par l’initiative marocaine [d’autonomie]» et de refuser obstinément «les efforts de normalisation consentis par le Maroc».
C’est peu de dire que les relations entre les deux pays ne sont pas au beau fixe. Depuis quelques mois, elles sont même très tendues, et le Maroc, lassé de tendre la main en appelant, par deux fois cette année, à la réouverture des frontières, indépendamment de l’évolution du dossier du Sahara, semble tourner le dos au rétablissement de relations sereines avec son voisin.
Pas de modèle spécifique, le Maroc devra créer le sien Définitivement ?
En politique, rien n’est définitif, mais, face à l’enlisement des négociations sur le dossier de sa cause nationale, face aux pressions faites sur l’Onu et qui ont abouti au désistement de l’envoyé spécial Peter Van Valsum, et plus d’un an et demi après avoir présenté son «Initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara», le Maroc décide de passer à la vitesse supérieure en se lançant dans un processus de régionalisation avancée.
Certes, pour le Sahara, il ne s’agira pas d’un plan d’autonomie en bonne et due forme, du moins pas tant qu’il n’aura pas fait l’objet d’un compromis politique et que les Nations Unies ne l’auront pas validé comme solution définitive.
Mais l’idée est de lancer, selon les termes exacts du Souverain, «une régionalisation élargie et appropriée». Elle sera graduelle et concernera, bien entendu, la région saharienne en premier lieu. Par la suite, elle sera étendue à d’autres régions du Maroc.
Et il ne s’agit pas d’un simple discours puisque, au cours des semaines à venir, une commission consultative pluridisciplinaire devrait voir le jour et proposer une conception générale de la régionalisation. Donc Sahara d’abord, mais pas seulement.
Ce faisant, si le Maroc joue politiquement un coup gagnant (voir édito p. 2), la tâche est loin d’être facile. Régionaliser implique que l’on réponde au préalable à plusieurs questions.
Comment l’Etat peut-il accorder plus de pouvoirs et de ressources à une région, et, en même temps, continuer à jouer son rôle d’agent fédérateur et régulateur ? Il s’agit-là de réussir en premier lieu le processus de déconcentration (voir encadré «glossaire») dont on parle depuis plus de 20 ans.
Quelles ressources accorder à la région ? Quelle part dans les recettes fiscales ? Qui gérera la région ? Comment s’articulera la relation entre le représentant de la région et celui de l’Etat ? Quelles compétences juridiques, éducationnelles, économiques ou encore de sécurité attribuer aux régions ? Comment harmoniser politique étatique, politique gouvernementale et objectifs régionaux de développement ? Certains de ces aspects ont été abordés dans l’initiative d’autonomie proposée (voir encadré), mais le processus demeure complexe.
Difficulté de taille, le Maroc devra adopter un modèle de régionalisation spécifique et il n’existe évidemment pas de modèle de référence en la matière : l’organisation interne des pays qui ont opté pour la régionalisation varie en effet selon leurs backgrounds historiques, ethniques, culturels, linguistiques, ou autres (voir page 58). En attendant, certains éléments permettent déjà d’émettre des hypothèses quant aux grands traits de la «régionalisation à la marocaine».
En premier lieu, la référence, dans le discours royal, à une «régionalisation avancée et graduelle», implique très probablement son articulation à deux niveaux : un renforcement important des prérogatives des régions, pour le pays en général, qui passerait à la vitesse supérieure dans les provinces sahariennes.
Ce système n’est pas sans rappeler celui adopté en Espagne. Dans sa Constitution de 1978, notre voisin du nord avait attribué l’autonomie aux régions aux velléités séparatrices les plus fortes (Pays Basque, Catalogne et Galice), mais il avait laissé aux autres régions du pays un «droit à l’autonomie».
Peu à peu, ces dernières l’ont appliqué, et si leurs prérogatives étaient au départ moins importantes que celles des trois premières autonomies, une redistribution des tâches entre Etat et autonomies reste possible, à intervalles réguliers.
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