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Eloge de l’interventionnisme à la française

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  • Eloge de l’interventionnisme à la française

    Les modèles économiques britannique, américain ou même allemand ont tous échoué. Aujourd’hui, pour résoudre la crise, le dirigisme français a le vent en poupe.

    La récession mondiale ne frappe pas seulement ceux qui perdent leur emploi, leur maison ou une partie de leur épargne-retraite. La crise du siècle est également en train de balayer bon nombre d’idées profondément enracinées sur la façon dont une société doit gérer son économie. Et l’impact continuera à se faire sentir longtemps après la reprise. Bien entendu, il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera l’économie mondiale de demain. Mais on peut voir certaines tendances se dessiner en Europe. Pour le meilleur ou pour le pire, l’interventionnisme pragmatique à la française gagne du terrain, tandis que d’autres mo*dèles économiques ont perdu toute crédibilité.

    Depuis toujours les Français se méfient du laisser-faire

    Tout d’abord, le modèle britannique – qui consiste grosso modo à doper la conjoncture en empruntant à tout-va de l’argent aussi bien public que privé – n’a pas passé l’épreuve du temps. On ne reprendra pas de sitôt les ménages britanniques, américains et irlandais à considérer leur maison comme une tirelire et à s’enfoncer dans les dettes en surfant sur une envolée du prix du logement qui semblait éternelle. La crise a également fait voler en éclats la stratégie allemande de rigueur monétaire et budgétaire. La politique de la Banque centrale européenne (BCE), conçue comme un clone de la Bundesbank, la banque centrale allemande, qui a fait de la stabilité un dogme, s’est dans un premier temps révélée efficace : en 2003, pendant que la banque centrale américaine (Fed) abaissait ses taux d’intérêt à 1 %, la BCE s’arrêtait à 2 %, évitant à l’Europe un cycle d’expansion et de contraction des marchés de l’immobilier et du crédit aussi désastreux qu’aux Etats-Unis. Mais, en augmentant les taux d’intérêt alors que la récession menaçait, la BCE a affaibli l’économie et le système financier au pire moment. Les historiens de l’économie pourraient bien dater de la mi-2008 la fin du modèle allemand.

    Fin 2008, la réticence de l’Allemagne à reconnaître la gravité de la crise économique et à élaborer un plan pour la contrer a permis à la France et à d’autres pays de déroger aux règles budgétaires de l’Europe. La plupart des principales économies européennes devraient rompre en 2009 et 2010 le pacte de stabilité et de croissance, qui plafonne le déficit public des Etats à 3 % [et la dette publique à 60 % du PIB]. La stratégie du “cavalier seul” a également échoué. La crise du crédit a brutalement rappelé aux petits pays européens pourquoi il est judicieux d’adopter l’euro. La sécurité qu’offre la zone euro est encore plus évidente pour les économies fragiles comme celles de la Hongrie ou de la Pologne.

    Pendant que ces modèles perdent leur crédit, le pragmatisme à la française, lui, fait des adeptes sur tout le Vieux Continent. Lorsque les marchés financiers fonctionnaient bien, la propension de Paris à soutenir son industrie et à élaborer des objectifs de politique nationale suscitait un profond scepticisme à l’étranger. Mais, la crise aidant, l’habitude française d’intervenir promptement dans les mécanismes du marché est devenue la norme. La conception française de la gestion de l’économie reflète une suspicion profondément enracinée sur la capacité de la libre circulation des capitaux à donner les résultats souhaitables sur le plan politique. Malheureusement, la crise mondiale du crédit a apporté de l’eau au moulin français, même si un examen plus poussé montre qu’une grande partie des excès financiers découle plutôt de mauvais signaux envoyés par les gouvernements et les banques centrales que de prétendus dysfonctionnements du secteur privé. Il faut s’attendre à ce que la France continue à exiger une régulation plus sévère de la finance internationale.

    Jusqu’à présent, l’Union européenne défendait un régime très libéral pour le marché des capitaux et se caractérisait par un marché du travail foncièrement inefficace. Si le modèle français continue de prévaloir, ce schéma pourrait s’inverser : les marchés du travail pourraient avoir la latitude nécessaire pour mieux fonctionner et les systèmes financiers être plus réglementés qu’auparavant. Les investisseurs internationaux ne peuvent qu’espérer que l’Europe trouvera le bon équilibre. Si l’interventionnisme au coup par coup devient trop coutumier, le continent pourrait payer très cher les entraves à l’innovation et à la croissance. Et, lorsque les Etats-Unis, plus flexibles, se seront remis sur pied, elle pourrait se trouver à nouveau dépassée.

    * L’auteur est économiste en chef chargé de l’Europe à la Bank of America.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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