
L'Algérie semble à l'abri d'une contagion financière directe, mais le recul des prix pétroliers fragilisera sensiblement sa situation budgétaire et sa position extérieure.
C'est le constat dressé par le Fonds monétaire international dans son rapport de consultation annuelle au titre de l'article IV. Selon le FMI, les politiques menées depuis plusieurs années ont permis à l'Algérie de bénéficier d'une expansion économique soutenue, caractérisée par une forte croissance des secteurs d'activité hors hydrocarbures, une faible inflation et des positions budgétaire et extérieure solides.
L'institution multilatérale relève également que la dette extérieure a été presque totalement résorbée et que l'État a accumulé une épargne considérable sur le Fonds de régulation des recettes (FRR). Mais le FMI oppose un bémol, considérant que le chômage des jeunes demeure élevé, que l'économie reste très dépendante des exportations d'hydrocarbures et que la productivité, de même que le climat de l'investissement, ne sont pas favorablement comparables avec ceux des principaux partenaires commerciaux du pays.
Le constat de l'institution de Bretton Woods est sans appel : "la crise financière mondiale et la baisse des prix pétroliers mettent en lumière l'urgente nécessité d'accélérer les réformes structurelles pour diversifier l'économie et faciliter une croissance hors hydrocarbures soutenue." Selon le FMI, pour diversifier l'économie et soutenir la croissance des secteurs d'activité hors hydrocarbures, il faut à la fois maintenir la stabilité macroéconomique et améliorer les infrastructures, le capital humain et les services publics. Les réformes structurelles, qui ont été timides jusqu'à présent sont, elles aussi, nécessaires - en particulier pour promouvoir le développement du secteur privé, améliorer l'intermédiation financière et le climat des affaires et poursuivre l'intégration de l'Algérie dans l'économie régionale et mondiale.
Une croissance qui se maintient
Néanmoins, le rapport du Fonds monétaire international ne dresse en aucun cas un tableau assombri de la situation. Ainsi, même si l'économie nationale reste fortement tributaire des exportations des hydrocarbures, il en reste néanmoins que la croissance annuelle moyenne du PIB hors hydrocarbures (PIBHH) - environ 55% du PIB total - a approché 6% et l'inflation 4%, en moyenne, sur la période 2003-2007. En moyenne, la croissance du PIB global s'est établie à 4,5%, car la production pétrolière a été moins dynamique en 2006-2007. Aussi, les prix élevés des exportations de pétrole et de gaz naturel ont consolidé les positions budgétaire et extérieure, la dette extérieure a été presque totalement résorbée et l'Etat a accumulé une épargne considérable sur le Fonds de régulation des recettes (FRR). Par ailleurs, l'inflation reste parmi les plus faibles de la région, reflétant la stabilité des prix intérieurs de l'énergie, du fort contenu en importations de la demande intérieure, des subventions dont bénéficient le blé et le lait, et de la prudence de la politique monétaire. La hausse annuelle moyenne de l'IPC était de 4,2 % fin octobre 2008 (1,2 % si l'on exclut les denrées élémentaires).
Le FMI indique également que la position budgétaire globale demeure solide en dépit de la poursuite d'une politique expansionniste. La loi de finances complémentaire pour 2008 a augmenté les dépenses liées au PIP, la masse salariale et les transferts aux secteurs sociaux, y compris les subventions au lait et au blé. Aussi le déficit primaire hors hydrocarbures dépassera-t-il 52 % du PIBHH, contre 44 % en 2007. Toutefois, la progression des recettes tirées des hydrocarbures compensera la hausse des dépenses, et l'excédent budgétaire global doublera presque pour atteindre 8 % du PIB. Concernant le taux de change du dinar, l'institution de Bretton Woods indique que les taux de change effectifs nominal et réel se sont légèrement dépréciés en moyenne (de 0,1 % et 1,2 %, respectivement) entre janvier et septembre 2008. Sur une base mensuelle, tous deux ont affiché une volatilité qui reflète celle de la parité dollar/euro.
La crise aura-t-elle un impact sur l'Algérie ? Aussi, l'Algérie semble être pour le moment à l'abri de la crise financière, et plus précisément d'une contagion financière directe. Selon le FMI, les canaux de contagion purement financiers sont limités. Et pour cause, les choix politiques opérés ces dernières années ont isolé efficacement le système économique et financier des turbulences financières mondiales.
Les autorités ont évité de recourir aux emprunts extérieurs et utilisé au contraire les abondantes liquidités intérieures pour financer les grands investissements. Les principales Banques étant des établissements publics, un resserrement du crédit apparaît peu probable. Enfin, les avoirs en devises du pays et la gestion des risques qui s'y attachent sont concentrés à la banque centrale via le système de rétrocession des recettes d'exportation des hydrocarbures et l'obligation faite aux banques de déposer en fin de journée leurs soldes en devises à la Banque centrale.
Mais ces prévisions optimistes ne doivent en aucun cas nous faire perdre le sens des réalités. Selon le FMI, le recul des prix pétroliers et le ralentissement de la demande d'énergie dans le monde fragiliseront beaucoup la situation budgétaire et la position extérieure. Cela pourrait brider la croissance à moyen terme si les réserves du FRR se révèlent insuffisantes pour maintenir le rythme de l'ambitieux programme d'investissement public (PIP).
Selon l'institution de Bretton Woods, la demande intérieure dépend très largement des dépenses d'équipement de l'État et de la Sonatrach. Tous deux ont accumulé une épargne considérable (60 et 17 milliards de dollars, respectivement), qui pourrait aider à amortir l'impact d'une baisse des recettes d'exportation des hydrocarbures sur leurs investissements. Une récession mondiale, et surtout européenne, pourrait faire reculer les exportations algériennes de pétrole et de gaz naturel (GN). Les exportations de produits pétroliers (pétrole brut et produits raffinés) pourraient être moins touchées que les exportations de GN, car elles sont diversifiées à l'échelle mondiale. Cependant, les exportations algériennes de GN sont destinées avant tout à l'Europe (Italie, Espagne, France, Royaume-Uni) et ne peuvent pas être facilement redéployées vers d'autres marchés. Une récession plus aiguë en Europe pourrait donc freiner davantage les exportations de GN. Aussi, la baisse des prix pétroliers pèsera lourdement sur la balance courante et la position budgétaire globale, mais les perspectives à court terme restent encourageantes. Le solde extérieur courant devrait devenir déficitaire de 3 % en 2009, - sous l'effet conjugué du repli très sensible des prix pétroliers tel que projeté dans les Perspectives de l'économie mondiale (ils chuteraient de 98 dollars le baril en 2008 à 54 dollars en 2009) et du dynamisme des importations liées au PIP et aux investissements de la Sonatrach - mais les réserves devraient continuer de couvrir plus de deux ans d'importations.
Le solde budgétaire global deviendrait négatif pour la première fois depuis 1999, affichant un déficit de 11 % du PIB en 2009. Selon les projections, la croissance du PIBHH serait de l'ordre de 6 % en 2009 si l'Etat et la Sonatrach utilisent leur épargne pour poursuivre leurs programmes.
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