Par :Hafida Ameyar
Ahmed Akkache, ancien secrétaire du Parti communiste algérien (PCA), nationaliste et condamné à mort, a aujourd’hui 83 ans. L’auteur de Capitaux étrangers et Libération économique, l’Évasion et la Révolte des saints, vient de publier aux éditions IAIG un nouveau livre, intitulé l’Algérie face à la mondialisation. Un essai qui traite cette fois “des nouveaux masques de l’impérialisme” et des dangers qui pèsent sur notre pays. Dans l’entretien qui suit, M. Akkache nous parle de son ouvrage et nous livre surtout son avis sur les questions d’actualité qui préoccupent les Algériens
en premier lieu.
Liberté : M. Akkache, qu’est-ce qui a motivé le choix du thème de votre livre ?
Ahmed Akkache : Lors des conférences que j’ai animées à l’université, avec les syndicats… on m’a souvent posé des questions, souvent très simples, qui renvoient à la mondialisation et à l’Algérie. Beaucoup de jeunes s’interrogent sur cette situation affreuse, sur l’existence de gens très riches et de gens très pauvres. J’ai été aussi sidéré de voir, même chez de jeunes cadres, qu’ils ne savent pas ce qu’est la mondialisation au sens réel, ce qu’est la colonisation… Quand je leur parle de colonisation et d’impérialisme, je vois des sourires. C’est terrible, car on a l’impression qu’ils n’y croient pas. C’est vrai que, pour eux, le colonialisme n’existe pas, car ils sont nés après 1962, dans une Algérie nouvelle. Mais, pour l’impérialisme… mondialisation, colonisation et impérialisme sont des choses différentes. En réalité, ce sont des faces multiples d’un même phénomène historique qui s’appelle le mode de production capitaliste. Et celui-ci est le mode actuel de l’économie mondiale. J’ai donc essayé de répondre aux grandes questions que ces jeunes se posent aujourd’hui, des questions qui sont un peu comme celles d’hier, pour les aider à faire le tri, à comprendre le monde qui évolue très vite et à comprendre l’Algérie et ses évolutions très contradictoires.
Vous avez parlé de l’actuel mode de l’économie mondialisée. Comment le voyez-vous ?
Le mode actuel de fonctionnement de l’économie et des sociétés est vraiment mauvais. Jusqu’à présent, on le considérait comme le meilleur, le paradis européen et le paradis américain. Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’est pas un paradis. Les États-Unis sont à leur quatrième ou cinquième million de chômeurs supplémentaires. Dans ce pays, un million et demi de personnes ont été dépossédées de leur maison par les sociétés immobilières qui les revendent… Dans le continent européen, l’Espagne, par exemple, est déjà à 20% de chômeurs. Le paradis est devenu un enfer pour des millions de gens qui perdent leur emploi, leurs revenus, qui n’ont plus rien subitement. Mais la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau. C’est juste une étape de développement du capitalisme mondial, qui a organisé le monde dans son intérêt, évidemment, et qui touche pratiquement toutes les sociétés humaines, notamment celles qui sont solvables. La mondialisation, qui est surtout la domination du grand capital américain et européen sur l’économie mondiale, touche tout le monde, car ce grand capital a créé des relations inégales depuis déjà la colonisation.
Que devient alors l’Algérie dans cette mondialisation ?
L’Algérie a déjà connu la mondialisation, précisément à travers la colonisation. Pour beaucoup de gens, la mondialisation veut dire que le monde entier bouge. En fait, la mondialisation marque une étape de développement et de transformation au monde extérieur du capitalisme et de l’impérialisme. Aujourd’hui, l’impérialisme ne peut plus faire ce qu’il a fait le siècle dernier : attaquer des pays, massacrer leur population, les occuper, sauf dans des cas exceptionnels comme l’Irak et l’Afghanistan. Aujourd’hui, le capitalisme et l’impérialisme n’ont plus besoin d’occuper militairement les territoires, notamment en Afrique et en Asie. Ils ont surtout besoin de dominer leurs marchés. Pour la conquête nouvelle du monde et grâce aux structures qu’il a mises en place, comme le G7, le G8, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, l’impérialisme veut contrôler directement les marchés, de l’Algérie et des autres pays du monde. Pour l’Algérie, heureusement ou malheureusement, il n’y a que du pétrole et du gaz à vendre, dont les prix sont fixés par des structures autres que l’OMC. Par contre, on subit l’entrée de tous les produits étrangers. La montée de nos importations est absolument fantastique ! Alors qu’au début des années 1990, on importait à peu près 7 milliards de dollars de marchandises, surtout des marchandises pour l’équipement des entreprises, aujourd’hui, la facture des importations a atteint les 40 milliards de dollars. On importe tout : les produits alimentaires, le blé, la farine, la semoule, le café, la viande, des automobiles, des téléphones mobiles et des équipements… L’industrie nationale, représentant moins de 5% de la production totale du pays, n’existe pratiquement plus. L’agriculture n’évolue pas… Le FLN s’oppose toujours au changement du foncier… On ne donne même pas de terres suffisantes à ceux qui veulent investir, sinon on leur fixe des conditions telles qu’ils ne peuvent investir. En définitive, le pays n’avance plus. Toute notre économie est retardée et rencontre des obstacles, qui sont dus essentiellement à l’environnement mondial, c’est-à-dire à l’intervention de grandes firmes internationales. Comme je l’ai écrit, on peut battre militairement l’impérialisme et se libérer politiquement de sa tutelle. Mais, il est beaucoup plus difficile de briser les liens économiques et les mécanismes financiers, qui enserrent les pays libérés dans l’étau du capitalisme mondial. Le nouveau type de colonisation est pratiqué par les grandes firmes internationales, qui sont soutenues par des puissances économiques. C’est pourquoi de nombreux pays du Tiers-Monde ont échoué dans leur démarche de développement et n’osent toujours pas, à l’exemple de l’Algérie, établir honnêtement et démocratiquement le bilan de leurs expériences.
Ahmed Akkache, ancien secrétaire du Parti communiste algérien (PCA), nationaliste et condamné à mort, a aujourd’hui 83 ans. L’auteur de Capitaux étrangers et Libération économique, l’Évasion et la Révolte des saints, vient de publier aux éditions IAIG un nouveau livre, intitulé l’Algérie face à la mondialisation. Un essai qui traite cette fois “des nouveaux masques de l’impérialisme” et des dangers qui pèsent sur notre pays. Dans l’entretien qui suit, M. Akkache nous parle de son ouvrage et nous livre surtout son avis sur les questions d’actualité qui préoccupent les Algériens
en premier lieu.
Liberté : M. Akkache, qu’est-ce qui a motivé le choix du thème de votre livre ?
Ahmed Akkache : Lors des conférences que j’ai animées à l’université, avec les syndicats… on m’a souvent posé des questions, souvent très simples, qui renvoient à la mondialisation et à l’Algérie. Beaucoup de jeunes s’interrogent sur cette situation affreuse, sur l’existence de gens très riches et de gens très pauvres. J’ai été aussi sidéré de voir, même chez de jeunes cadres, qu’ils ne savent pas ce qu’est la mondialisation au sens réel, ce qu’est la colonisation… Quand je leur parle de colonisation et d’impérialisme, je vois des sourires. C’est terrible, car on a l’impression qu’ils n’y croient pas. C’est vrai que, pour eux, le colonialisme n’existe pas, car ils sont nés après 1962, dans une Algérie nouvelle. Mais, pour l’impérialisme… mondialisation, colonisation et impérialisme sont des choses différentes. En réalité, ce sont des faces multiples d’un même phénomène historique qui s’appelle le mode de production capitaliste. Et celui-ci est le mode actuel de l’économie mondiale. J’ai donc essayé de répondre aux grandes questions que ces jeunes se posent aujourd’hui, des questions qui sont un peu comme celles d’hier, pour les aider à faire le tri, à comprendre le monde qui évolue très vite et à comprendre l’Algérie et ses évolutions très contradictoires.
Vous avez parlé de l’actuel mode de l’économie mondialisée. Comment le voyez-vous ?
Le mode actuel de fonctionnement de l’économie et des sociétés est vraiment mauvais. Jusqu’à présent, on le considérait comme le meilleur, le paradis européen et le paradis américain. Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’est pas un paradis. Les États-Unis sont à leur quatrième ou cinquième million de chômeurs supplémentaires. Dans ce pays, un million et demi de personnes ont été dépossédées de leur maison par les sociétés immobilières qui les revendent… Dans le continent européen, l’Espagne, par exemple, est déjà à 20% de chômeurs. Le paradis est devenu un enfer pour des millions de gens qui perdent leur emploi, leurs revenus, qui n’ont plus rien subitement. Mais la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau. C’est juste une étape de développement du capitalisme mondial, qui a organisé le monde dans son intérêt, évidemment, et qui touche pratiquement toutes les sociétés humaines, notamment celles qui sont solvables. La mondialisation, qui est surtout la domination du grand capital américain et européen sur l’économie mondiale, touche tout le monde, car ce grand capital a créé des relations inégales depuis déjà la colonisation.
Que devient alors l’Algérie dans cette mondialisation ?
L’Algérie a déjà connu la mondialisation, précisément à travers la colonisation. Pour beaucoup de gens, la mondialisation veut dire que le monde entier bouge. En fait, la mondialisation marque une étape de développement et de transformation au monde extérieur du capitalisme et de l’impérialisme. Aujourd’hui, l’impérialisme ne peut plus faire ce qu’il a fait le siècle dernier : attaquer des pays, massacrer leur population, les occuper, sauf dans des cas exceptionnels comme l’Irak et l’Afghanistan. Aujourd’hui, le capitalisme et l’impérialisme n’ont plus besoin d’occuper militairement les territoires, notamment en Afrique et en Asie. Ils ont surtout besoin de dominer leurs marchés. Pour la conquête nouvelle du monde et grâce aux structures qu’il a mises en place, comme le G7, le G8, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, l’impérialisme veut contrôler directement les marchés, de l’Algérie et des autres pays du monde. Pour l’Algérie, heureusement ou malheureusement, il n’y a que du pétrole et du gaz à vendre, dont les prix sont fixés par des structures autres que l’OMC. Par contre, on subit l’entrée de tous les produits étrangers. La montée de nos importations est absolument fantastique ! Alors qu’au début des années 1990, on importait à peu près 7 milliards de dollars de marchandises, surtout des marchandises pour l’équipement des entreprises, aujourd’hui, la facture des importations a atteint les 40 milliards de dollars. On importe tout : les produits alimentaires, le blé, la farine, la semoule, le café, la viande, des automobiles, des téléphones mobiles et des équipements… L’industrie nationale, représentant moins de 5% de la production totale du pays, n’existe pratiquement plus. L’agriculture n’évolue pas… Le FLN s’oppose toujours au changement du foncier… On ne donne même pas de terres suffisantes à ceux qui veulent investir, sinon on leur fixe des conditions telles qu’ils ne peuvent investir. En définitive, le pays n’avance plus. Toute notre économie est retardée et rencontre des obstacles, qui sont dus essentiellement à l’environnement mondial, c’est-à-dire à l’intervention de grandes firmes internationales. Comme je l’ai écrit, on peut battre militairement l’impérialisme et se libérer politiquement de sa tutelle. Mais, il est beaucoup plus difficile de briser les liens économiques et les mécanismes financiers, qui enserrent les pays libérés dans l’étau du capitalisme mondial. Le nouveau type de colonisation est pratiqué par les grandes firmes internationales, qui sont soutenues par des puissances économiques. C’est pourquoi de nombreux pays du Tiers-Monde ont échoué dans leur démarche de développement et n’osent toujours pas, à l’exemple de l’Algérie, établir honnêtement et démocratiquement le bilan de leurs expériences.
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