Les nouvelles ambitions des compagnies aériennes africaines
Thierry Vigoureux 27 février 2006
Depuis le dépôt de bilan et la disparition d'Air Afrique en février 2002, le continent n'a pas vu émerger de compagnie rayonnant partout. Mais de nouveaux transporteurs apparaissent. Retour sur leur stratégie.
AU LENDEMAIN de la décolonisation, onze pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Congo, République centrafricaine, Niger, Togo, Mauritanie, Tchad, Sénégal et Mali) avaient constitué un projet multinational de compagnie aérienne en Afrique subsaharienne. Le traité de Yaoundé signé en 1961 donnait 68,44% des parts aux Etats, 11,84% à Air France et 8,87% à l'Agence française de développement.
Jusqu'à la fin des années 80, les performances, sans être brillantes, permettaient tant bien que mal à Air Afrique d'assurer les liaisons nord-sud avec l'Europe et la desserte régionale du sous-continent. Mais une gestion pour le moins hasardeuse, un endettement de 510 millions d'euros lié au non-paiement des cotisations par les Etats, un per sonnel pléthorique (4 200 salariés pour six avions) ont conduit la compagnie à la faillite. Il faut dire que les pratiques des ministres africains qui n'hésitaient pas à retarder un avion de plusieurs heures pour leurs convenances personnelles, l'avaient déjà largement décrédibilisée auprès des passagers.
Le vide laissé par Air Afrique, qui a déposé son bilan le 7 février 2002, a été comblé par l'émergence de quelques nouvelles compagnies et surtout, par la montée en puissance de Royal Air Maroc.
Parmi les nouveaux acteurs, Air Ivoire a été créée à partir de capitaux locaux et de fonds d'investissements américains avec le soutien technique d'Air France. La compagnie a réussi à obtenir un Airbus A 321, en s'engageant à l'immatriculer et à l'entretenir en France. Jean-Louis Hallot, son directeur général, ancien dirigeant d'Air Inter et d'Air Charter, doit toutefois faire face à la concurrence effrénée de compagnies éphémères et moins sûres. «Jusqu'à sept compagnies se disputent les 65 000 passagers annuels d'Abidjan-Bamako. Certaines vivent dix-huit mois avec un vieux Boeing 727 ou un DC 9. La maintenance est assurée par l'équipage et un cahier d'écolier tient lieu de système de réservation», explique Jean-Louis Hallot.
La double offensive marocaine
Le Burkina Faso et le Mali, qui n'avaient pas les moyens de créer leur propre compagnie se sont associés avec Air Ivoire pour exploiter un avion et mutualiser les dessertes. Objectif : rentabiliser un Airbus A 319 en volant 3 500 heures par an sur les réseaux régional et intercontinental. Chaque compagnie (Air Burkina Faso, Air Mali et Air Ivoire) garde son identité, sa commercialisation, ses uniformes et son numéro de vol tandis que les équipages techniques et la maintenance sont fournis par Aéroservices, une société du Bourget. Des pilotes africains sont progressivement intégrés. Ce montage réalisé par Marc Rochet, l'ancien président d'AOM, bénéficie des financements de l'aga khan.
Mais la compagnie qui monte, c'est Royal Air Maroc (RAM). Elle est en train de conquérir une part importante du trafic nord-sud. Le gouvernement chérifien a décidé de pratiquer le ciel ouvert pour arriver à l'objectif de dix millions de touristes en 2010. Pour devenir le transporteur majeur de l'Afrique francophone, elle a créé un hub puissant à Casablanca, il rassemble les passagers venus des métropoles européennes. Mais des vols quotidiens en repartent aussi vers onze capitales africaines. Un Lyonnais peut désormais passer aussi bien par Casablanca que par Paris pour rallier Abidjan ou Dakar. C'est le quart de l'activité de la compagnie. En 2007, la RAM a prévu de s'étendre au-delà de l'Afrique francophone en desservant le Ghana, la Guinée et le Nigeria. Prévision pour cette année, 450 000 passagers, une croissance de 75%. La flotte se développe en conséquence avec 24 nouveaux moyen-courriers et cinq Boeing 787 pour desservir l'Amérique du Nord. Soit 2,15 milliards de dollars d'investissement en dix ans. Ce déploiement contrarie Air France qui n'évoque plus l'entrée de la RAM dans l'alliance SkyTeam.
Autre axe de développement, le transporteur marocain exporte son savoir-faire en investissant dans de nouvelles compagnies africaines. Il en verrouille le contrôle grâce à une participation de 51%, comme il l'a fait avec Air Sénégal International (500 000 passagers en 2005). L'expérience est un succès. La compagnie est devenue en quatre ans la première compagnie de l'Afrique de l'Ouest.
Relancer Air Cameroun
«Au début, nous avions détaché cinquante cadres marocains. Aujourd'hui, ils sont revenus et ont laissé la place aux Sénégalais», explique Mohammed Berrada, encore récemment PDG de la compagnie. «Mais le directeur général, le directeur financier et le directeur de la maintenance appartiennent toujours à la RAM car ce sont trois postes fondamentaux où il ne peut y avoir de dérive.» Cet été, devrait être opérationnelle Air Gabon International, officialisée vendredi dernier par le gouvernement. Elle assurera des liaisons avec l'Europe avec deux Boeing 757.
La RAM a également répondu à l'appel d'offres pour relancer Air Cameroun, un marché qui intéresse aussi l'Afrique du Sud. Air Cémac, un partenariat avec les Etats de la communauté économique et monétaire d'Afrique centrale, pourrait également voir le jour. Au total, l'Afrique représente 20% du chiffre d'affaires de la RAM.
http://www.lefigaro.fr/eco-entrepris...fricaines.html
Thierry Vigoureux 27 février 2006
Depuis le dépôt de bilan et la disparition d'Air Afrique en février 2002, le continent n'a pas vu émerger de compagnie rayonnant partout. Mais de nouveaux transporteurs apparaissent. Retour sur leur stratégie.
AU LENDEMAIN de la décolonisation, onze pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Congo, République centrafricaine, Niger, Togo, Mauritanie, Tchad, Sénégal et Mali) avaient constitué un projet multinational de compagnie aérienne en Afrique subsaharienne. Le traité de Yaoundé signé en 1961 donnait 68,44% des parts aux Etats, 11,84% à Air France et 8,87% à l'Agence française de développement.
Jusqu'à la fin des années 80, les performances, sans être brillantes, permettaient tant bien que mal à Air Afrique d'assurer les liaisons nord-sud avec l'Europe et la desserte régionale du sous-continent. Mais une gestion pour le moins hasardeuse, un endettement de 510 millions d'euros lié au non-paiement des cotisations par les Etats, un per sonnel pléthorique (4 200 salariés pour six avions) ont conduit la compagnie à la faillite. Il faut dire que les pratiques des ministres africains qui n'hésitaient pas à retarder un avion de plusieurs heures pour leurs convenances personnelles, l'avaient déjà largement décrédibilisée auprès des passagers.
Le vide laissé par Air Afrique, qui a déposé son bilan le 7 février 2002, a été comblé par l'émergence de quelques nouvelles compagnies et surtout, par la montée en puissance de Royal Air Maroc.
Parmi les nouveaux acteurs, Air Ivoire a été créée à partir de capitaux locaux et de fonds d'investissements américains avec le soutien technique d'Air France. La compagnie a réussi à obtenir un Airbus A 321, en s'engageant à l'immatriculer et à l'entretenir en France. Jean-Louis Hallot, son directeur général, ancien dirigeant d'Air Inter et d'Air Charter, doit toutefois faire face à la concurrence effrénée de compagnies éphémères et moins sûres. «Jusqu'à sept compagnies se disputent les 65 000 passagers annuels d'Abidjan-Bamako. Certaines vivent dix-huit mois avec un vieux Boeing 727 ou un DC 9. La maintenance est assurée par l'équipage et un cahier d'écolier tient lieu de système de réservation», explique Jean-Louis Hallot.
La double offensive marocaine
Le Burkina Faso et le Mali, qui n'avaient pas les moyens de créer leur propre compagnie se sont associés avec Air Ivoire pour exploiter un avion et mutualiser les dessertes. Objectif : rentabiliser un Airbus A 319 en volant 3 500 heures par an sur les réseaux régional et intercontinental. Chaque compagnie (Air Burkina Faso, Air Mali et Air Ivoire) garde son identité, sa commercialisation, ses uniformes et son numéro de vol tandis que les équipages techniques et la maintenance sont fournis par Aéroservices, une société du Bourget. Des pilotes africains sont progressivement intégrés. Ce montage réalisé par Marc Rochet, l'ancien président d'AOM, bénéficie des financements de l'aga khan.
Mais la compagnie qui monte, c'est Royal Air Maroc (RAM). Elle est en train de conquérir une part importante du trafic nord-sud. Le gouvernement chérifien a décidé de pratiquer le ciel ouvert pour arriver à l'objectif de dix millions de touristes en 2010. Pour devenir le transporteur majeur de l'Afrique francophone, elle a créé un hub puissant à Casablanca, il rassemble les passagers venus des métropoles européennes. Mais des vols quotidiens en repartent aussi vers onze capitales africaines. Un Lyonnais peut désormais passer aussi bien par Casablanca que par Paris pour rallier Abidjan ou Dakar. C'est le quart de l'activité de la compagnie. En 2007, la RAM a prévu de s'étendre au-delà de l'Afrique francophone en desservant le Ghana, la Guinée et le Nigeria. Prévision pour cette année, 450 000 passagers, une croissance de 75%. La flotte se développe en conséquence avec 24 nouveaux moyen-courriers et cinq Boeing 787 pour desservir l'Amérique du Nord. Soit 2,15 milliards de dollars d'investissement en dix ans. Ce déploiement contrarie Air France qui n'évoque plus l'entrée de la RAM dans l'alliance SkyTeam.
Autre axe de développement, le transporteur marocain exporte son savoir-faire en investissant dans de nouvelles compagnies africaines. Il en verrouille le contrôle grâce à une participation de 51%, comme il l'a fait avec Air Sénégal International (500 000 passagers en 2005). L'expérience est un succès. La compagnie est devenue en quatre ans la première compagnie de l'Afrique de l'Ouest.
Relancer Air Cameroun
«Au début, nous avions détaché cinquante cadres marocains. Aujourd'hui, ils sont revenus et ont laissé la place aux Sénégalais», explique Mohammed Berrada, encore récemment PDG de la compagnie. «Mais le directeur général, le directeur financier et le directeur de la maintenance appartiennent toujours à la RAM car ce sont trois postes fondamentaux où il ne peut y avoir de dérive.» Cet été, devrait être opérationnelle Air Gabon International, officialisée vendredi dernier par le gouvernement. Elle assurera des liaisons avec l'Europe avec deux Boeing 757.
La RAM a également répondu à l'appel d'offres pour relancer Air Cameroun, un marché qui intéresse aussi l'Afrique du Sud. Air Cémac, un partenariat avec les Etats de la communauté économique et monétaire d'Afrique centrale, pourrait également voir le jour. Au total, l'Afrique représente 20% du chiffre d'affaires de la RAM.
http://www.lefigaro.fr/eco-entrepris...fricaines.html
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