APRÈS les centres d'appels délocalisés au Maroc, à Madagascar ou à l'île Maurice, ce sont désormais des… détenus qui pourront répondre à vos demandes de renseignements ou à vos commandes téléphoniques. Dès le mois de janvier, soixante femmes détenues à la prison de Rennes (Ille-et-Vilaine) travailleront pour un « call center », un centre d'appels qui sera installé au coeur du centre de détention. Un autre ouvrira, également en janvier, à la prison de Bapaume (Pas-de-Calais). Une très bonne affaire pour les opérateurs téléphoniques, qui bénéficieront de coûts salariaux défiant toute concurrence. Et pour le ministère de la Justice, l'occasion de fournir plus de travail aux détenus, soigneusement sélectionnés par l'administration pénitentiaire. Le ministère de la Justice a sollicité depuis plusieurs mois sur ce sujet des opérateurs téléphoniques mais aussi des fournisseurs de plates-formes téléphoniques comme la société Webhelp. Un prestataire de services qui offre son savoir-faire logistique à de nombreuses grandes entreprises, d'Orange à Nespresso en passant par Canal + ou la Banque postale. « Faibles coûts salariaux » Pour Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice, cette procédure vise surtout « à préparer la réinsertion des prisonniers et à indemniser leurs victimes. La société évolue et le travail en prison aussi. » Une aubaine pour les détenus, car leur salaire devrait être supérieur à la moyenne des travaux en atelier ou de la régie des prisons. Il serait aux alentours de 350 €. Le ministère de la Justice s'est engagé à ne pas révéler le nom des sociétés qui ont souscrit à cette opération, car certains craignent pour leur image de marque. Ainsi Orange indique ne pas participer au programme de réinsertion, ayant « des ressources suffisantes en interne ». Attitude moins fermée chez Bouygues Télécom et SFR, le premier affirmant « réfléchir » à la démarche, le deuxième indiquant n'être pas « partenaire à ce stade, même si la porte n'est pas fermée ». De même, la société de renseignements par téléphone 118 218 a aussi été sollicitée pour ces plates-formes d'appels en prison. « On l'a envisagé, mais nous n'avons pas donné suite en raison notamment des standards de qualité que nous exigeons », répond Laurent Foisset, directeur marketing. Mais les syndicats de la pénitentiaire râlent et critiquent « une concurrence déloyale ». « Ce projet se mène dans l'opacité la plus totale. Au moment où les centres d'appels liquident des emplois salariés, on recrute en prison pour de faibles coûts salariaux », s'indigne Jean-François Forget, secrétaire de l'Union fédérale autonome pénitentiaire (Ufap).
Le Parisien
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